La CJUE a eu l’occasion de préciser la notion de « connaissance » par un hébergeur susceptible d’engager sa responsabilité. Elle a ainsi jugé que « pour que les règles énoncées à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 2000/31 ne soient pas privées de leur effet utile, elles doivent être interprétées en ce sens qu’elles visent toute situation dans laquelle le prestataire concerné prend connaissance, d’une façon ou d’une autre, de tels faits ou circonstances.
Sont ainsi visées, notamment, la situation dans laquelle l’exploitant d’une place de marché en ligne découvre l’existence d’une activité ou d’une information illicites à la suite d’un examen effectué de sa propre initiative, ainsi que celle dans laquelle l’existence d’une telle activité ou d’une telle information lui est notifiée.
Dans ce second cas, si une notification ne saurait, certes, automatiquement écarter le bénéfice de l’exonération de responsabilité prévue à l’article 14 de la directive 2000/31, étant donné que des notifications d’activités ou d’informations prétendument illicites peuvent se révéler insuffisamment précises et étayées, il n’en reste pas moins qu’elle constitue, en règle générale, un élément dont le juge national doit tenir compte pour apprécier, eu égard aux informations ainsi transmises à l’exploitant, la réalité de la connaissance par celui-ci de faits ou de circonstances sur la base desquels un opérateur économique diligent aurait dû constater l’illicéité » (L’Oréal c. E Bay, 12 juillet 2011, C-324/09, points 121 et 122).
Dans un arrêt plus récent, la CJUE a confirmé que « En ce qui concerne, plus particulièrement, la seconde des hypothèses prévues à l’article 14, paragraphe 1, sous a), de la directive sur le commerce électronique, à savoir celle visant la « connaissance de faits ou de circonstances selon lesquels l’activité ou l’information illicite est apparente », la Cour a constaté qu’il suffit que le prestataire de services concerné ait pris connaissance, d’une façon ou d’une autre, de faits ou de circonstances sur la base desquels un opérateur économique diligent aurait dû constater l’illicéité en cause et agir conformément à cet article 14, paragraphe 1, sous b). Sont ainsi visées, notamment, la situation dans laquelle un tel prestataire découvre l’existence d’une activité ou d’une information illicite à la suite d’un examen effectué de sa propre initiative ainsi que celle dans laquelle l’existence d’une telle activité ou d’une telle information lui est notifiée » (Frank Peterson c. Google LLC, YouTube LLC, YouTube Inc. et Google Germany GmbH et Elsevier Inc. c. Cyando , 22 juin 2021, C-682/18 et C-683/18).
Les contenus qui contrefont les droits de propriété intellectuelle sont inclus dans la catégorie des contenus illicites visés par les articles précités de la LCEN et la connaissance que peut avoir un hébergeur de contenus de leur illicéité manifeste est présumée dès lors qu’une notification respectant les conditions posées par l’article 6-I-5 de la LCEN lui a été adressée, et ce, sans qu’une décision de justice préalable soit requise.
Dans les affaires précitées ayant donné lieu à la décision rendue le 22 juin 2021 par la CJUE, l’avocat général a précisé : « Le caractère contrefaisant d’une information ne peut être considéré comme « apparent », au sens de l’article 14, paragraphe 1, sous a), de la directive 2000/31, que lorsque le prestataire concerné a reçu une notification lui donnant des éléments qui permettraient à un « opérateur économique diligent » placé dans sa situation de constater ce caractère aisément et sans examen juridique et matériel approfondi.
Concrètement, cette notification doit identifier l’oeuvre protégée, décrire l’atteinte reprochée et fournir des indices suffisamment clairs quant aux droits que la victime allègue avoir sur l’oeuvre.