La durée de la collaboration entre un salarié en CDD d’usage et son employeur est un critère déterminant du besoin permanent de main d’oeuvre, il est donc pris en compte pour la requalification des CDD d’usage en CDI.
L’abus des CDD d’usage
S’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L.1242-2 et L.1244-1 du code du travail que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, et qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier si le recours à des contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.
Si l’article D. 1242-1 du code du travail vise bien l’audiovisuel parmi les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et si la société se réfère, en outre, en ce qu’ils prévoient la possibilité de recourir au contrat de travail à durée déterminée d’usage pour les fonctions pour lesquelles le recours à ce type de contrat était autorisé, à l’accord national interbranche du 12 octobre 1998 relatif au recours au CDD-U concernant le secteur du spectacle, ainsi qu’aux conventions et accords collectifs et leurs avenants, successivement conclus avec les partenaires sociaux dans le domaine des intermittents techniques de l’audiovisuel, de la production audiovisuelle ou de la branche de la télédiffusion, il appartient à la cour de vérifier que le recours à des contrats à durée déterminée successifs était justifié par l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi, de tels éléments se rapportant à l’activité du salarié et aux conditions de son exercice.
Exemple de besoin permanent du producteur audiovisuel
En l’espèce, au vu des 234 « lettres d’engagement » et/ou des bulletins de paie, la salariée invoque, pour chaque année, un nombre de jours de travail qui n’est pas contesté par l’employeur, de sorte que la salariée a occupé les fonctions d’opérateur-synthétiseur durant : 43 jours en 1995, 64 jours en 1916, 67 jours en 1997, 124 jours en 1998, 100 jours en 1999, 90 jours en 2000, 144 jours en 2001, 52 jours en 2002, 60 jours en 2003, 75 jours en 2004, 87 jours en 2005, 103 jours en 2006, 81 jours en 2007, 116 jours en 2008, 103 jours en 2009, 110 jours en 2010, 126 jours en 2011, 83 jours en 2012, 71 jours en 2013, 67 jours en 2014, 88 jours en 2015, 91 jours en 2016, 69 jours en 2017, 79 jours en 2018, 55 jours en 2019, 14 jours de janvier à mars 2020.
Il s’en évince que la salariée a occupé pour Canal Plus le même emploi au cours de chacune des 25 années de travail, durant 2162 jours au total, ce qui représente une moyenne d’environ 86 jours par an et 7 jours par mois, le nombre de jours réellement travaillés sur quasiment tous les mois durant cette période allant de 1 à 19 jours par mois.
Au surplus, il ressort des éléments soumis à l’appréciation de la cour, dont les lettres d’engagement, que la salariée, qui n’est pas utilement contredite sur ce point, a exercé ses fonctions de manière réitérée afin de permettre la diffusion d’un nombre important de programmes et d’émissions de la grille des chaînes de télévisions du Groupe Canal Plus dans le domaine du sport, du divertissement et de la culture, dont ceux cités supra, nécessitant l’intervention d’un opérateur-synthétiseur et bénéficiant, en raison notamment de leur caractère emblématique, d’une diffusion régulière et continue durant plusieurs années.
Ces éléments, dans leur ensemble, établissent que les contrats avaient pour objet de pourvoir durablement un poste lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
L’employeur ne justifie pas de circonstance particulière ayant généré un besoin seulement temporaire expliquant sur toute cette période le recours aux services de la salariée ni d’éléments probants démontrant l’existence sur cette même période d’incertitudes quant à la pérennité des émissions.
Le travail en parallèle n’est pas déterminant
La circonstance que la salariée ait pu, parallèlement à son engagement, travailler pour le compte d’autres sociétés, est sans incidence compte tenu de ces constats de récurrence, de continuité et de longévité des fonctions qu’elle a occupées au sein de la société.
Le recours aux CDDU
Selon l’article L. 1242-1 du code du travail :
« Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. » ;
L’article L. 1242-2 du code du travail prévoit que :
“Sous réserve des dispositions de l’article L.1243-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :
[‘]
3° Emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. Lorsque la durée du contrat de travail est inférieure à un mois, un seul bulletin de paie est émis par l’employeur. ” ;
L’article D. 1242-1 du code du travail dispose que :
« en application du 3° de l’article L. 1242-2, les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois sont les suivants :
[‘]
6° l’audiovisuel, [‘]. » ;
Selon l’article L. 1244-1 du même code :
« Les dispositions de l’article L. 1243-11 ne font pas obstacle à la conclusion de contrats de travail à durée déterminée successifs avec le même salarié lorsque le contrat est conclu dans l’un des cas suivants :
(‘)
3° Emplois à caractère saisonnier définis au 3° de l’article L. 1242-2 ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. »