Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 13
ARRET DU 05 DECEMBRE 2023
(n° , 20 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/02455 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHB7P
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Janvier 2023 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris – RG n° 21/56082
APPELANTS :
Madame [UW] [AB]
[Adresse 5]
[Localité 16]
Ayant pour avocat postulant Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Ayant pour avocat plaidant Me Corinne HERSHKOVITCH, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [TL] [TR]
[Adresse 24]
[Localité 23]
Ayant pour avocat postulant Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Ayant pour avocat plaidant Me Corinne HERSHKOVITCH, avocat au barreau de PARIS
Madame [TB] [SR] née [MP], veuve de [J] [SR]
[Adresse 38]
[Localité 7]
Ayant pour avocat postulant Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Ayant pour avocat plaidant Me Corinne HERSHKOVITCH, avocat au barreau de PARIS
Madame [K] [KA] épouse [NA]
[Adresse 3]
[Localité 21] (USA)
Ayant pour avocat postulant Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Ayant pour avocat plaidant Me Corinne HERSHKOVITCH, avocat au barreau de PARIS
Madame [V] [EJ] veuve de [DO] [AB]
[Adresse 9]
[Localité 22]
Ayant pour avocat postulant Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Ayant pour avocat plaidant Me Corinne HERSHKOVITCH, avocat au barreau de PARIS
Madame [IP] [AB] épouse [EE]
[Adresse 28]
[Localité 25]
Ayant pour avocat postulant Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Ayant pour avocat plaidant Me Corinne HERSHKOVITCH, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [SW] [AB]
[Adresse 9]
[Localité 22]
Ayant pour avocat postulant Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Ayant pour avocat plaidant Me Corinne HERSHKOVITCH, avocat au barreau de PARIS
Madame [LA] [CJ] veuve de [TW] [TR]
[Adresse 1]
[Localité 25]
Ayant pour avocat postulant Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Ayant pour avocat plaidant Me Corinne HERSHKOVITCH, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [JV] [TR]
[Adresse 10]
[Localité 27]
Ayant pour avocat postulant Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Ayant pour avocat plaidant Me Corinne HERSHKOVITCH, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [EO] [TR]
[Adresse 11]
[Localité 26]
Ayant pour avocat postulant Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Ayant pour avocat plaidant Me Corinne HERSHKOVITCH, avocat au barreau de PARIS
Madame [U] [A] veuve de [SW] [TR]
[Adresse 6]
[Localité 17]
Ayant pour avocat postulant Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Ayant pour avocat plaidant Me Corinne HERSHKOVITCH, avocat au barreau de PARIS
Madame [WG] [TR]
[Adresse 13]
[Localité 25]
Ayant pour avocat postulant Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Ayant pour avocat plaidant Me Corinne HERSHKOVITCH, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
ETAT FRANCAIS représenté par Madame la ministre de la Culture
[Adresse 4]
[Localité 18]
Représentée par Me Cédric-Aurélien BUREL de la SELARL D4 Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : D1337
Etablissement Public MUSEE [39]
[Adresse 29]
[Localité 20]
Représentée par Me Cédric-Aurélien BUREL de la SELARL D4 Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : D1337
Etablissement Public MUSEE D'[Localité 43]
[Adresse 14]
[Localité 15]
Représentée par Me Cédric-Aurélien BUREL de la SELARL D4 Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : D1337
VILLE DE [Localité 41]
[Adresse 12]
[Localité 41]
Représenté par Me Cédric-Aurélien BUREL de la SELARL D4 Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : D1337
VILLE DE [Localité 37]
[Adresse 2]
[Localité 37]
Représenté par Me Cédric-Aurélien BUREL de la SELARL D4 Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : D1337
VILLE DE [Localité 34]
[Adresse 46]
[Localité 34]
Représenté par Me Cédric-Aurélien BUREL de la SELARL D4 Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : D1337
AUTRE PARTIE :
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE PARIS
[Adresse 44]
[Localité 19]
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Estelle MOREAU, conseillère, chargée du rapport, et devant Mme Nicole COCHET, magistrat honoraire juridictionnel.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour,composée de :
Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre
Mme Estelle MOREAU, Conseillère
Mme Nicole COCHET, Magistrat honoraire juridictionnel
Greffière, lors des débats : Mme Victoria RENARD
MINISTERE PUBLIC :
L’affaire a été comuniquée le 22 mars 2023 et son avis a été transmis le 05 septembre 2023
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 05 décembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Estelle MOREAU, Conseillère, pour la Présidente de chambre empêchée, et par Florence GREGORI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Exposé du litige
***
[P] [DE] [F], décédé le [Date décès 8] 1941, avait de son vivant réuni une importante collection composée de 445 oeuvres d’art.
Souhaitant voir reconnaître le caractère spoliateur de la vente aux enchères de ces oeuvres organisée à [Localité 41] du 24 au 27 juin 1942, ses ayants droit (les consorts [AB]) ont déposé une requête devant la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (la CIVS) le 13 novembre 2019, laquelle a émis une recommandation le 17 mai 2021, estimant notamment que cette vente avait été organisée et réalisée sans contrainte ni violence dès lors qu’elle avait été décidée par l’exécuteur testamentaire et s’était déroulée en présence d’ayants droit d'[P] [F] ayant pu exercer leur droit de retrait pour 46 oeuvres et pour un prix largement supérieur aux estimations. Elle a considéré en revanche que l’appréhension du produit de la vente par [S] [T], l’administrateur provisoire nommé au cours de son déroulement, rendu indisponible pour les légataires, constituait une mesure aryanisatrice et de spoliation à caractère antisémite au sens de l’article 1er du décret du 10 septembre 1999 constitutive d’un préjudice financier ouvrant droit à indemnisation. Relevant que le secrétariat d’Etat à l’Education nationale et à la Jeunesse avait acquis douze oeuvres dans ce contexte trouble et en connaissance de cause, [JA] [VL], conservateur des musées nationaux, qui savait que ces ventes étaient soumises à la loi du 22 juillet 1941, étant intervenu auprès de l’administrateur provisoire pour obtenir la délivrance de legs au profit des musées contenu dans le testament d'[P] [DE] [F], la commission a en recommandé la restitution sur le fondement de l’équité.
Faisant valoir que neuf autres oeuvres adjugées durant la vente aux enchères organisée à [Localité 41] du 24 au 27 juin 1942 ont été localisées dans les collections publiques, les ayants droit d'[P] [F] ont saisi le président du tribunal judiciaire de Paris statuant en la forme des référés par actes des 15 et 16 juillet 2021, puis par actes des 29 septembre, 1er et 4 octobre 2021 selon la procédure accélérée au fond, aux fins de nullité de cette vente et de restitution de 21 oeuvres spoliées, au visa de l’article 17 de l’ordonnance n°45-770 du 21 avril 1945.
Les douze lots acquis par les musées nationaux ont été remis aux consorts [AB] les 13 mai et 3 juin 2022 en application de la loi du 21 février 2022 votée à cet effet, ce conformément à la recommandation de la CIVS du 17 mai 2021.
Par jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 10 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Paris a :
– débouté les consorts [AB] de leur demande de relevé de forclusion fondée sur l’article 21 de l’ordonnance du 21 avril 1945,
– déclaré en conséquence les consorts [AB] irrecevables en leurs demandes,
– condamné les consorts [AB] aux dépens de l’instance,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– rappelé que la décision est exécutoire de droit à titre provisoire.
Par déclaration du 24 janvier 2023, les consorts [AB] ont interjeté appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 10 juillet 2023, Mme [UW] [AB], Mme [V] [EJ] veuve [AB], Mme [IP] [AB] épouse [EE], M. [SW] [AB], Mme [LA] [CJ] veuve [TR], Mme [U] [A] veuve [TR], Mme [WG] [TR], M. [TL] [TR], M. [JV] [TR], M. [EO] [TR], Mme [K] [KA] épouse [NA], Mme [TB] [MP] veuve [SR] (les consorts [VR]) demandent à la cour de:
– infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
– ordonner le relevé de forclusion à leur bénéfice et les déclarer recevables en leur demande tendant à la restitution des oeuvres visées dans les présentes,
– constater la nullité de la vente de la collection d’art organisée les 24, 25, 26 et 27 juin 1942 à [Localité 41] en application des dispositions de l’article 1er de l’ordonnance du 21 avril 1945,
en conséquence,
– condamner l’Etat français à leur restituer :
– trois oeuvres conservées au musée national [33] :
– [E] [UB], Le prédicateur, plume et lavis, 21 x 33 cm, lot n°139 de la vente [F],
– [DJ] [KV], L’anglais au promenoir, aquarelle gouachée, 32 x 24 cm, lot n°205 de la vente [F],
– [UL] [O], Etude de femme, aquarelle, 28 x 21 cm, lot n°254 de la vente [F],
– une oeuvre conservée au musée d'[Localité 43] : [Z] [EU], Fleurs en pot 1906, huile sur carton, lot n°404 de la vente [F], inv. RF 2011 47,
– deux oeuvres conservées au cabinet des dessins du musée du [39],
– [LK] [G], Lionne au repos, aquarelle, lot n°266 de la vente [F], REC 148, dont le [39] n’est que dépositaire, conformément aux dispositions du décret du 30 septembre 1948,
– [DJ] [KV], Femme allongée, poitrine nue, souriant, crayon noir – pastel brun – rehauts de blanc – papier rose saumon, 21 x 46 cm, n°203 de la vente [F], musée du [39], Cabinet des Arts Graphiques, RF 30052 recto,
– condamner la ville de [Localité 41] à leur restituer une oeuvre conservée au musée des [30] [31] à [Localité 41] : [Z] [EU], [BJ] [YB] montrant un livre à Annette ou Le bibliophile / la lecture, 1925, Pastel et fusain sur papier brun-rouge, 25,5 x 33 cm, inv. MBAJC 99-1-3, Lot n°399 de la vente [F],
– condamner la ville de [Localité 34] à leur restituer une oeuvre conservée au musée des [30] de [Localité 34] : [W] [CZ], Place à Coutance, dessin, crayon, plume encre de chine et aquarelle sur papier, 21 x 15 cm, lot n°322 de la vente [F], DG 735 139 (DG 1976),
– condamner la ville de [Localité 37] à leur restituer une oeuvre conservée au musée des [30] de [Localité 37] : [KF] [IF], Portrait d’Octave Mirbeau, huile sur carton, 1902, 75 x 66 cm, signé et daté, n°392 de la vente [F], Inv. MG 2927,
en tout état de cause,
– condamner l’Etat français, le ministère de la Culture, à leur verser la somme de 40 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner l’Etat français, le ministère de la Culture aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Dans leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 26 septembre 2023, l’Etat français, le musée du [39], le musée d'[Localité 43], la ville de [Localité 41], la ville de [Localité 37] et la ville de [Localité 34] demandent à la cour de :
sur le fondement de l’article 11 de l’ordonannce du 21 avril 1945,
à titre principal,
– constater et déclarer parfait le désistement des consorts [AB] de leurs demandes fondées sur l’article 11 de l’ordonnance du 21 avril 1945,
à titre subsidiaire,
– in limine litis, juger que les ventes des 24 au 27 juin 1942 se sont faites au juste prix,
– juger forclos les consorts [AB],
– dire n’y avoir lieu à l’application de l’article 11 de l’ordonnance précitée,
sur le fondement de l’article 1er de l’ordonnance précitée,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté les consorts [AB] de leur demande de relevé de forclusion,
– rejeter la demande en constatation de nullité de la vente des 24 et 27 juin 1942 présentée par les consorts [AB] au visa de l’article 1er de l’ordonnance précitée,
dans tous les cas,
– rejeter les demandes présentées par les consorts [AB] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les consorts [AB] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Selon avis du 5 septembre 2023, le ministère public demande à la cour :
– à titre principal, de confirmer le jugement,
– à titre subsidiaire, de dire et juger que la vente du 24 au 27 juin 1942 s’est faite au juste prix et de débouter les appelants de leur demande en nullité de celle-ci.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 3 octobre 2023.
Motivation
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans la limite de l’appel,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a condamné Mme [UW] [AB], [V] [EJ] veuve [AB], Mme [IP] [AB] épouse [EE], M. [SW] [AB], Mme [LA] [CJ] veuve [TR], Mme [U] [A] veuve [TR], Mme [WG] [TR], M. [TL] [TR], M. [JV] [TR], M. [EO] [TR], Mme [K] [KA] épouse [NA], Mme [TB] [MP] veuve [SR] aux dépens de l’instance,
Statuant de nouveau,
Ordonne le relevé de forclusion,
Dit Mme [UW] [AB], [V] [EJ] veuve [AB], Mme [IP] [AB] épouse [EE], M. [SW] [AB], Mme [LA] [CJ] veuve [TR], Mme [U] [A] veuve [TR], Mme [WG] [TR], M. [TL] [TR], M. [JV] [TR], M. [EO] [TR], Mme [K] [KA] épouse [NA], Mme [TB] [MP] veuve [SR] recevables en leurs demandes,
Dit n’y avoir lieu à constater le désistement des appelants de leur demande de nullité de la vente fondée sur l’article 11 de l’ordonnance du 21 avril 1945,
Dit que la cour est saisie d’une demande de nullité de la vente des 24 au 27 juin 1941 et d’une demande de restitution des oeuvres y afférant,
Dit que l’exception de juste prix invoquée par l’Etat français représenté par Mme la ministre de la Culture, le musée du [39], le musée d'[Localité 43], le musée des [31] de [Localité 41], le musée des [30] de [Localité 37] et le musée des [30] de [Localité 34] n’est pas atteinte par la forclusion,
Déboute Mme [UW] [AB], [V] [EJ] veuve [AB], Mme [IP] [AB] épouse [EE], M. [SW] [AB], Mme [LA] [CJ] veuve [TR], Mme [U] [A] veuve [TR], Mme [WG] [TR], M. [TL] [TR], M. [JV] [TR], M. [EO] [TR], Mme [K] [KA] épouse [NA], Mme [TB] [MP] veuve [SR] de leur demande de nullité de la vente fondée sur les dispositions des articles 1 et 11 de l’ordonnance du 21 avril 1945 et de leur demande subséquente de restitution des oeuvres,
Déboute Mme [UW] [AB], [V] [EJ] veuve [AB], Mme [IP] [AB] épouse [EE], M. [SW] [AB], Mme [LA] [CJ] veuve [TR], Mme [U] [A] veuve [TR], Mme [WG] [TR], M. [TL] [TR], M. [JV] [TR], M. [EO] [TR], Mme [K] [KA] épouse [NA], Mme [TB] [MP] veuve [SR] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [UW] [AB], [V] [EJ] veuve [AB], Mme [IP] [AB] épouse [EE], M. [SW] [AB], Mme [LA] [CJ] veuve [TR], Mme [U] [A] veuve [TR], Mme [WG] [TR], M. [TL] [TR], M. [JV] [TR], M. [EO] [TR], Mme [K] [KA] épouse [NA], Mme [TB] [MP] veuve [SR] aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE POUR LA PRESIDENTE EMPECHEE,