Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. AB X, M. B D, M. Y P, M. O AD, Mme S K, M. Q AE, M. AF I, M. T et Mme M R, M. W E, Mme Z D, Mme AA I, Mme L I, M. C I, Mme AI AC, M. H AC, M. A AD, M. AG G, Mme V U et M. N et Mme J F ont demandé au tribunal administratif de Dijon, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) de donner acte du désistement de Mme S K, de M. B D, de Mme Z D et de M. W E ;
2°) d’annuler l’arrêté du 9 décembre 2015 par lequel le préfet de la région Bourgogne a autorisé la société Eole Res à exploiter un parc éolien de dix-sept aérogénérateurs et cinq structures de livraison sur les territoires des communes de Montigny-Momay-Villeneuve-sur-Vingeanne, de Pouilly-sur-Vingeanne et de Saint-Seine-sur-Vingeanne ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 500 euros à verser à chacun d’eux au titre de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1601148 du 25 juin 2018, le tribunal administratif de Dijon a donné acte du désistement de Mme S K, de M. B D, de Mme Z D et de M. W E, a annulé l’arrêté du préfet de la région Bourgogne du 9 décembre 2015 et a mis à la charge de l’Etat une somme globale de 1 000 euros en application de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédures devant la cour
I°) Par une requête enregistrée le 24 août 2018 sous le n° 18LY03266 et un mémoire enregistré le 15 novembre 2019, la société Res, représentée par Me Gelas, avocat, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 25 juin 2018 en tant qu’il a annulé l’arrêté du préfet de la région Bourgogne du 9 décembre 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X et autres devant le tribunal administratif de Dijon ;
3°) de lui délivrer l’autorisation sollicitée ;
4°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer le temps de la régularisation par une autorisation modificative ou de prononcer une annulation partielle de l’autorisation en litige, limitée à l’avis de l’autorité environnementale, en ordonnant une reprise de l’instruction limitée à cette phase de la procédure ;
5°) de mettre à la charge de M. X et autres une somme de 1 000 euros chacun au titre de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 juillet 2019, M. T et Mme M R, M. O AD, M. H AC et M. N et Mme J F, représentés par la SCP CGBG, avocat, concluent au rejet de la requête et demandent que soit mise à la charge de l’Etat et de la société Res une somme de 500 euros à verser à chacun d’eux en application de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Un mémoire, enregistré le 19 décembre 2019, a été présenté pour M. et Mme R et autres et, dépourvu d’éléments nouveaux, n’a pas été communiqué.
Par un arrêt avant dire droit du 11 février 2021, la cour a, en application de l’article
L. 181-18 du code de l’environnement, sursis à statuer sur les conclusions présentées par la société Res jusqu’à l’expiration du délai de dix mois imparti au ministre de la transition écologique pour justifier de l’intervention d’un arrêté de régularisation de l’autorisation délivrée par le préfet de la région Bourgogne le 9 décembre 2015.
Par un mémoire enregistré le 9 mars 2022, la société Res a communiqué l’arrêté du préfet de la Côte-d’Or du 2 mars 2022 portant autorisation modificative de l’autorisation du 9 décembre 2015.
Par un mémoire enregistré le 3 mai 2022, M. O AD, M. T et Mme M R, M. H AC et M. N et Mme J F concluent aux mêmes fins que précédemment et demandent en outre à la cour d’annuler l’arrêté du préfet de la Côte-d’Or du 2 mars 2022.
Ils soutiennent que :
– le dossier actualisant la demande d’autorisation environnementale n’a pas été transmis à l’autorité environnementale, aux collectivités territoriales et à leurs groupements intéressés par le projet, avant l’ouverture de l’enquête publique, en méconnaissance du II de l’article
L. 123-14 et du V de l’article
L. 122-1 du code de l’environnement ;
– le dossier complémentaire demeure insuffisant quant aux capacités financières du pétitionnaire, en méconnaissance de l’article
R. 122-5 du code de l’environnement ;
– l’avis rendu par l’autorité environnementale a révélé des insuffisances de l’étude d’impact quant à l’analyse des effets cumulés, à l’évaluation des incidences Natura 2000, à l’articulation du projet avec les schémas, plans et programmes, à l’analyse de l’état initial de la zone et des milieux et à la justification de la solution retenue ;
– le projet méconnaît l’article
L. 511-1 du code de l’environnement, en portant atteinte aux paysages, aux sites et à l’avifaune.
Par un mémoire enregistré le 2 juin 2022, la société Q Energy France, venant aux droits de la société Res, conclut aux mêmes fins que précédemment et demande en outre à la cour de rejeter les conclusions de M. AD et autres tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet de la Côte-d’Or du 2 mars 2022 ou, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer le temps de la régularisation par une autorisation modificative.
Elle soutient que les moyens soulevés à l’encontre de l’arrêté du préfet de la Côte-d’Or du 2 mars 2022 qui soit sont irrecevables, soit ne sont pas fondés, seront écartés.
Par une ordonnance du 3 juin 2022, la clôture de l’instruction a été fixée au 23 juin 2022.
II°) Par une requête enregistrée le 4 septembre 2018 sous le n° 18LY03399, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 25 juin 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X et autres devant le tribunal administratif de Dijon.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 30 juillet 2019 et le 25 mai 2020, M. T et Mme M R, M. O AD, M. H AC et M. N et Mme J F, représentés par la SCP CGBG, avocat, concluent au rejet de la requête et demandent que soit mise à la charge de l’Etat et de la société Res la somme de 500 euros à verser à chacun d’eux en application de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un arrêt avant dire droit du 11 février 2021, la cour a, en application de l’article
L. 181-18 du code de l’environnement, sursis à statuer sur les conclusions présentées par le ministre de la transition écologique et solidaire jusqu’à l’expiration du délai de dix mois imparti à celui-ci pour justifier de l’intervention d’un arrêté de régularisation de l’autorisation délivrée par le préfet de la région Bourgogne le 9 décembre 2015.
Par un mémoire enregistré le 3 mai 2022, M. O AD, M. T et Mme M R, M. H AC et M. N et Mme J F concluent aux mêmes fins que précédemment et demandent en outre à la cour d’annuler l’arrêté du préfet de la Côte-d’Or du 2 mars 2022.
Ils soutiennent que :
– le dossier actualisant la demande d’autorisation environnementale n’a pas été transmis à l’autorité environnementale, aux collectivités territoriales et à leurs groupements intéressés par le projet, avant l’ouverture de l’enquête publique, en méconnaissance du II de l’article
L. 123-14 et du V de l’article
L. 122-1 du code de l’environnement ;
– le dossier complémentaire demeure insuffisant quant aux capacités financières du pétitionnaire, en méconnaissance de l’article
R. 122-5 du code de l’environnement ;
– l’avis rendu par l’autorité environnementale a révélé des insuffisances de l’étude d’impact quant à l’analyse des effets cumulés, à l’évaluation des incidences Natura 2000, à l’articulation du projet avec les schémas, plans et programmes, à l’analyse de l’état initial de la zone et des milieux et à la justification de la solution retenue ;
– le projet méconnaît l’article
L. 511-1 du code de l’environnement, en portant atteinte aux paysages, aux sites et à l’avifaune.
Par une ordonnance du 3 mai 2022, la clôture de l’instruction a été fixée au 2 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
– le code de l’environnement ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
– le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
– le décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011 ;
– le décret n° 2016-519 du 28 avril 2016 ;
– le décret n° 2016-1110 du 11 août 2016 ;
– l’arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sein d’une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement ;
– l’arrêté du 26 août 2011 relatif à la remise en état et à la constitution des garanties financières pour les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent ;
– le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,
– les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
– et les observations de Me Kerjean-Gauducheau, avocat, représentant la société Q Energy France.
Des notes en délibéré ont été produites les 7 et 10 mars 2023 pour la société Q Energy France dans l’instance n° 18LY03266.
Considérant ce qui suit
:
1. Par un arrêté du 9 décembre 2015, le préfet de la région Bourgogne a autorisé la société Eole Res, depuis devenue société Res puis société Q Energy France, à exploiter dix-sept éoliennes et cinq postes de livraison répartis sur les territoires des communes de Montigny-Momay-Villeneuve-sur-Vingeanne, de Pouilly-sur-Vingeanne et de Saint-Seine-sur-Vingeanne. Saisi par M. X et autres, le tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté par un jugement du 25 juin 2018, dont la société Res et le ministre de la transition écologique et solidaire ont relevé appel par deux requêtes distinctes.
2. Par un arrêt avant dire droit du 11 février 2021, la cour a joint ces requêtes et retenu comme fondés deux moyens tirés, respectivement, de l’irrégularité de l’avis émis par l’autorité environnementale et de l’insuffisance du dossier de demande d’autorisation quant aux capacités financières du pétitionnaire. Estimant ces vices régularisables, elle a, en application de l’article
L. 181-18 du code de l’environnement, sursis à statuer sur les conclusions présentées par la société Res et le ministre de la transition écologique et solidaire jusqu’à l’expiration du délai de dix mois imparti au ministre de la transition écologique pour justifier de l’intervention d’un arrêté de régularisation de l’autorisation du 9 décembre 2015.
3. En exécution de cet arrêt, le préfet de la Côte-d’Or a, par un arrêté du 2 mars 2022, délivré une autorisation modificative de l’autorisation du 9 décembre 2015.
Sur la régularisation de l’autorisation du 9 décembre 2015 :
4. Aux termes de l’article
L. 181-18 du code de l’environnement : » I.- Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : () 2° Qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations () « .
5. A compter de la décision par laquelle le juge administratif sursoit à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour régulariser une autorisation environnementale, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. A ce titre, les parties peuvent, à l’appui de la contestation de la mesure de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu’elle n’a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant dire droit. Elles ne peuvent en revanche soulever aucun autre moyen, qu’il s’agisse d’un moyen déjà écarté par la décision avant dire droit ou de moyens nouveaux, à l’exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.
6. Un vice de procédure, dont l’existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision attaquée, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date.
S’agissant de l’insuffisance du dossier de demande d’autorisation :
7. En vertu du 5° de l’article
R. 512-3 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable à la date de délivrance de l’autorisation litigieuse, la demande d’autorisation mentionne » les capacités techniques et financières de l’exploitant « . Il résulte de ces dispositions que le pétitionnaire est tenu de fournir, à l’appui de sa demande, des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières.
8. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d’autorisation d’une installation classée relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d’entacher d’irrégularité l’autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l’information complète de la population, les éléments du dossier de demande devant par ailleurs figurer dans le dossier soumis à enquête publique en vertu des articles L. 512-1 et R. 123-6, ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative.
9. Il résulte de l’instruction que la société Res a complété son dossier de demande quant à ses capacités financières, en précisant son chiffre d’affaires moyen annuel au cours des trois précédents exercices, la progression de ses fonds propres entre 2013 et 2020 et le montage financier envisagé, composé pour 20 % de fonds propres et 80 % d’emprunts bancaires. En prévoyant, en cas de refus bancaire, un financement assuré exclusivement par des fonds propres, elle n’avait pas à l’assortir de l’engagement d’un établissement bancaire à la financer. Enfin, aucune insuffisance ne saurait résulter de l’absence de mention de ses fonds propres en 2021, aucune diminution notable au cours de cet exercice n’étant établie. Par suite, la société Res a ainsi fourni, à l’appui de sa demande, des indications précises et étayées sur ses capacités financières. Il est constant que ces nouveaux éléments ont été soumis au public au cours de l’enquête publique complémentaire organisée du 9 au 24 novembre 2021. La société Res a ainsi régularisé ce vice, conformément au point 55 de l’arrêt avant dire droit.
S’agissant du vice tiré de l’irrégularité de l’avis émis par l’autorité environnementale :
10. Il résulte de l’instruction que l’arrêté du 2 mars 2022 a été précédé, conformément au point 53 de l’arrêt avant dire droit du 11 février 2021, de la consultation de la mission régionale d’autorité environnementale de Bourgogne-Franche-Comté (MRAE), qui a rendu son avis le 10 août 2021.
11. Si l’article
L. 123-14 du code de l’environnement prévoit que le nouveau projet, plan ou programme, accompagné de l’étude d’impact ou du rapport environnemental intégrant ces modifications est transmis pour avis, avant l’ouverture de l’enquête publique complémentaire, à l’autorité environnementale, M. AD et autres n’apportent aucun élément tendant à démontrer que le projet tel qu’actualisé dans le dossier daté de juin 2021, soumis l’autorité environnementale, aurait été modifié postérieurement à l’avis émis par celle-ci. Par suite, ils ne sont pas fondés à contester la régularité de cette consultation.
12. Il est constant que ce nouvel avis a été soumis au public au cours de l’enquête publique complémentaire organisée du 9 au 24 novembre 2021. La société Res a ainsi régularisé ce vice, conformément aux points 53 et 54 de l’arrêt avant dire droit.
S’agissant des insuffisances de l’étude d’impact révélées par la procédure de régularisation :
13. Aux termes de l’article
R. 122-5 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable à la date de l’autorisation initiale : » I.- Le contenu de l’étude d’impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d’être affectée par le projet, à l’importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l’environnement ou la santé humaine. II.- L’étude d’impact présente : () 2° Une analyse de l’état initial de la zone et des milieux susceptibles d’être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l’article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l’eau, l’air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l’environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l’hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l’addition et l’interaction de ces effets entre eux ; 4° Une analyse des effets cumulés du projet avec d’autres projets connus. Ces projets sont ceux qui, lors du dépôt de l’étude d’impact : – ont fait l’objet d’un document d’incidences au titre de l’article R. 214-6 et d’une enquête publique ; – ont fait l’objet d’une étude d’impact au titre du présent code et pour lesquels un avis de l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement a été rendu public () ; 5° Une esquisse des principales solutions de substitution examinées par le pétitionnaire ou le maître d’ouvrage et les raisons pour lesquelles, eu égard aux effets sur l’environnement ou la santé humaine, le projet présenté a été retenu ; 6° Les éléments permettant d’apprécier la compatibilité du projet avec l’affectation des sols définie par le document d’urbanisme opposable, ainsi que, si nécessaire, son articulation avec les plans, schémas et programmes mentionnés à l’article R. 122-17, et la prise en compte du schéma régional de cohérence écologique dans les cas mentionnés à l’article L. 371-3 () « .
14. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative.
15. M. AD et autres soutiennent que l’avis émis par la MRAE, en vue de la régularisation de l’autorisation initiale, est de nature à révéler différentes insuffisances de l’étude d’impact au vu de laquelle elle a été délivrée.
16. Toutefois, s’agissant de l’analyse des effets cumulés, si l’avis de la MRAE relève que deux parcs éoliens » manquent dans le périmètre étudié « , il n’est nullement établi que ceux-ci avaient fait l’objet d’un document d’incidences et d’une enquête publique, à la date du dépôt de l’étude d’impact, ni qu’un avis de l’autorité environnementale relatif à l’étude d’impact avait été rendu public à cette même date, conformément au 4° de l’article
R. 122-5 précité. Ils ne sauraient donc révéler une insuffisance de l’étude d’impact initialement réalisée, laquelle n’avait pas à être intégralement actualisée dans le cadre de la procédure de régularisation. Par ailleurs, aucune disposition n’exigeait alors que l’étude d’impact comporte des » indices de saturation « . S’agissant de l’articulation du projet avec les schémas, plans et programmes applicables, M. AD et autres ne sauraient utilement se prévaloir de l’adoption d’un schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) et d’une nouvelle version du schéma de cohérence territoriale (SCOT), lesquelles, postérieures à l’autorisation initialement délivrée, ne sont pas susceptibles de révéler une insuffisance de l’étude d’impact au vu de laquelle elle a été délivrée. S’agissant de l’analyse de l’état initial et de l’impact du projet sur l’avifaune, M. AD et autres ne démontrent pas que le nouvel inventaire écologique réalisé en 2019-2020, auquel se réfère la MRAE, aurait révélé la présence d’espèces non prises en compte par l’étude d’impact. Par ailleurs, celle-ci comprenait un volet » avifaune « , fondé sur une étude écologique élaborée à partir des campagnes d’enregistrement et d’observations réalisées au cours d’un cycle biologique complet, comprenant les périodes d’hivernage, de migration et de reproduction. Si la MRAE a estimé que » l’impact du projet en phase d’exploitation sur les rapaces et la Grue cendrée ne semble pas avoir été suffisamment étudié « , ni son avis, ni les défendeurs n’établissent la réalité de cette prétendue insuffisance. De même, la circonstance, que la MRAE ne partage pas les conclusions de l’étude d’impact ou qu’elle estime les mesures de protection de ces espèces insuffisantes, n’implique pas nécessairement une insuffisance de cette étude. Enfin, M. AD et autres ne pouvant invoquer que des irrégularités révélées par la procédure de régularisation, ils ne peuvent utilement se prévaloir, à cette fin, d’une étude réalisée par l’association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne qui est étrangère à la procédure de régularisation. Au surplus, si cette étude tend à contester certaines conclusions de l’étude d’impact, elle ne permet pas d’en établir l’insuffisance. S’agissant de l’analyse de l’état initial, plus particulièrement des sites, des paysages et du patrimoine, et nonobstant les mentions en ce sens figurant dans l’avis de la MRAE, aucune insuffisance ne saurait résulter de l’absence d' » indices de saturation « , comme indiqué précédemment, ni de la circonstance que la MRAE préconise une méthode d’évaluation autre que celle employée dans l’étude d’impact, mais dépourvue de caractère obligatoire, ni davantage de l’intégration des informations sur la définition et de la justification des aires d’études dans le seul volet paysager. S’agissant de l’analyse de l’état initial, plus particulièrement, des facteurs climatiques, les dispositions du 2° de l’article
R. 122-5, alors applicables, qui concernent une » analyse de l’état initial de la zone et des milieux susceptibles d’être affectés par le projets « , ne sauraient exiger une analyse de la vulnérabilité du projet au changement climatique. Par ailleurs, et comme indiqué précédemment, M. AD et autres ne peuvent ni utilement se prévaloir du SRADDET adopté postérieurement à l’autorisation initialement délivrée, ni déduire une insuffisance de l’étude d’impact de la seule préconisation de mesures complémentaires sur ce point par la MRAE. S’agissant enfin de la justification de la solution retenue, nonobstant la recommandation en ce sens de la MRAE, le 5° de l’article
R. 122-5 n’exige nullement une comparaison fondée sur différents sites d’implantation. Il ressort, en revanche, de l’avis même de la MRAE que l’étude d’impact comportait l’analyse de différents scénarii, notamment quant à l’implantation des éoliennes, dont l’insuffisance n’est pas établie. Par suite, et contrairement à ce que prétendent M. AD et autres, aucune insuffisance de l’étude d’impact n’a été révélée par l’avis émis par la MRAE et la procédure de régularisation.
S’agissant de la méconnaissance de l’article
L. 511-1 du code de l’environnement révélée par la procédure de régularisation :
17. Si, s’agissant de l’impact du projet sur l’avifaune, la MRAE a, dans son avis du 10 août 2021, relevé des risques de collision de l’avifaune, en particulier des milans royaux, l’autorisation modificative délivrée par le préfet de la Côte-d’Or le 2 mars 2022 a repris l’ensemble des préconisations formulées à cet égard, en prévoyant notamment, pour l’ensemble des éoliennes du parc, un dispositif anticollision supplémentaire, détectant les oiseaux en vol et régulant le fonctionnement des éoliennes, un suivi de l’efficacité de ce dispositif et un arrêt diurne des machines en cas de constat du décès d’un individu des espèces patrimoniales sensibles à l’éolien. En se bornant à relever le caractère expérimental du dispositif prévu, M. AD et autres n’établissent pas l’insuffisance de ces mesures. Par suite, et compte tenu des prescriptions complémentaires ainsi adoptées, ils ne sont pas fondés à soutenir que la procédure de régularisation aurait révélé une atteinte du projet, ainsi modifié, en raison du risque qu’il présenterait plus particulièrement pour les milans royaux, aux intérêts protégés par l’article
L. 511-1 du code de l’environnement.
S’agissant des autres moyens soulevés :
18. Le moyen tiré du défaut de consultation régulière des collectivités territoriales et de leurs groupements intéressés par le projet, en méconnaissance du II de l’article
L. 123-14 et du V de l’article
L. 122-1, qui ne porte ni sur les vices objets de la mesure de régularisation ni sur des vices propres à cette mesure et n’ont pas été révélés par la procédure de régularisation, ne peut qu’être écarté comme inopérant.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. AD et autres ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêté du préfet de la Côte-d’Or du 2 mars 2022.
20. Par suite, M. AD et autres n’étant pas fondés à en contester la légalité, l’arrêté du préfet de la Côte-d’Or du 2 mars 2022 a eu pour effet de régulariser l’arrêté du préfet de la région Bourgogne du 9 décembre 2015.
21. Dès lors, la société Res, depuis devenue société Q Energy France, et le ministre en charge de l’écologie sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé l’arrêté du préfet de la région Bourgogne du 9 décembre 2015.
22. L’annulation ainsi prononcée par le jugement attaqué étant elle-même annulée par le présent arrêt, l’autorisation délivrée le 9 décembre 2015 par le préfet de la région Bourgogne est réputée ne jamais avoir été annulée. Par suite, il n’y a pas lieu, pour la cour, d’accorder elle-même une telle autorisation à la société Res, ainsi qu’elle le demande.
23. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de rejeter l’ensemble des conclusions des parties présentées au titre de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1601148 du tribunal administratif de Dijon du 25 juin 2018 est annulé en tant qu’il annule l’arrêté du préfet de la région Bourgogne du 9 décembre 2015.
Article 2 : Les conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet de la région Bourgogne du 9 décembre 2015 présentées par M. X et autres devant le tribunal administratif de Dijon et leurs conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la société Res, devenue société Q Energy France, est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Q Energy France, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à M. AB X, à M. Y P, à M. O AD, à M. Q AE, à M. AF I, à M. T et Mme M R, à Mme AA I, à Mme L I, à M. C I, à Mme AI AC, à M. H AC, à M. A AD, à M. AG G, à Mme V U et à M. N et Mme J F.
Copie en sera adressée au préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté et au préfet de la Côte-d’Or.
Délibéré après l’audience du 28 février 2023, à laquelle siégeaient :
M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l’article
R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2023.
Le rapporteur,
Sophie CorvellecLe président,
Gilles Fédi
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
Nos 18LY03266-18LY03399