CIV. 1
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 novembre 2021
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 696 F-D
Pourvoi n° M 20-15.017
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 10 NOVEMBRE 2021
1°/ M. [M] [G], domicilié [Adresse 1],
2°/ M. [V] [L], domicilié [Adresse 5],
3°/ M. [A] [O], domicilié [Adresse 4],
4°/ Mme [W] [B], épouse [X], domiciliée [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° M 20-15.017 contre l’arrêt rendu le 6 février 2020 par la cour d’appel de Nîmes (2e chambre civile, section A), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [D] [N], épouse [E], domiciliée [Adresse 7],
2°/ à M. [I] [U], domicilié [Adresse 3], venant aux droits de son père décédé [C] [U],
3°/ à M. [F] [U], domicilié [Adresse 6],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de MM. [G], [L], [O], et de Mme [B], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [N] et de MM. [U], et l’avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l’audience publique du 21 septembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 6 février 2020), Mme [N] et MM. [I] et [F] [U] (les consorts [U]) sont propriétaires indivis de biens immobiliers situés sur la commune de Rosières et ont souhaité les vendre comme terrains à construire.
2. Soutenant que M. [L], maire de la commune, M. [G], adjoint en charge de l’urbanisme, Mme [X], secrétaire de mairie en charge de l’urbanisme et M. [O], élu en charge des travaux et des routes, avaient volontairement et systématiquement dissuadé des acquéreurs potentiels de ces terrains de poursuivre leur projet et, ainsi commis, des fautes personnelles détachables de leurs fonctions, les consorts [U] les ont assignés devant la juridiction judiciaire en réparation de leur préjudice. Les défendeurs ont soulevé une exception d’incompétence au profit de la juridiction administrative.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première à neuvième branches, ci-après annexé
3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen pris en ses première à cinquième branches, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et sur le moyen pris en ses sixième à neuvième branches, qui est irrecevable.
Sur le moyen, pris en ses dixième à treizième branches
Enoncé du moyen
4. M. [L], M. [G], M. [O], Mme [X] font grief à l’arrêt de rejeter l’exception d’incompétence au profit de la juridiction administrative, alors :
« 10°/ que la faute détachable du service, seule susceptible d’engager la responsabilité d’un agent public devant les juridictions de l’ordre judiciaire, est celle d’une gravité telle que, lorsqu’elle est commise par l’agent dans l’exercice de ses fonctions, elle révèle un comportement totalement incompatible avec celui-ci ; qu’en l’espèce, il était reproché aux consorts [L], [G], [O] et [X] d’avoir évoqué, devant Mme [Z], les problèmes rencontrés par les consorts [U]-[E] avec de précédents acquéreurs de « lots » et d’avoir, pour cette raison, recommandé aux consorts [Z]-[P] de reporter leur achat sur un autre bien ; qu’en jugeant que de tels propos constituaient une faute personnelle détachable du service et justifiaient que les consorts [L], [G], [O] et [X] soient attraits devant les juridictions judiciaires, quand ces propos ne revêtaient pas une gravité suffisante pour constituer une faute personnelle détachable du service, la cour d’appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor an III ;
11°/ que la faute détachable du service, seule susceptible d’engager la responsabilité d’un agent public devant les juridictions de l’ordre judiciaire, est celle d’une gravité telle que, lorsqu’elle est commise par l’agent dans l’exercice de ses fonctions, elle révèle un comportement totalement incompatible avec celui-ci ; qu’en l’espèce, il était reproché à Mme [X] d’avoir souligné que « tous les habitants » étaient « en procès » avec M. [F] [U], que « les eaux pluviales et les eaux d’égout » se mélangeaient, que, de ce fait, les consorts [Z]-[P] ne seront « jamais branchés réglementairement » et devront payer « tous les mois des pénalités au Seba » et que « la desserte en eau potable » n’était « pas réglementaire » ; qu’en jugeant que de tels propos constituaient une faute personnelle détachable du service et justifiaient que Mme [X] soit attraite devant les juridictions judiciaires, quand ces propos ne revêtaient à l’évidence pas une gravité suffisante pour constituer une faute personnelle détachable du service, la cour d’appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor an III ;
12°/ que la faute détachable du service, seule susceptible d’engager la responsabilité d’un agent public devant les juridictions de l’ordre judiciaire, est celle d’une gravité telle que, lorsqu’elle est commise par l’agent dans l’exercice de ses fonctions, elle révèle un comportement totalement incompatible avec celui-ci ; qu’en l’espèce, il était reproché à M. [L] d’avoir indiqué, lors de la réunion du 12 juillet 2017, qu’« il n’y avait que des problèmes » avec les terrains vendus par les consorts [U]-[E], ce qui expliquait que « ces terrains étaient en vente depuis 10 ans » et d’avoir dit qu’« il y avait d’autres terrains à vendre sur [Localité 9] aussi bien placés, viabilisés et moins chers » ; qu’en jugeant que de tels propos constituaient une faute personnelle détachable du service et justifiaient que M. [L] soit attrait devant les juridictions judiciaires, quand ces propos ne revêtaient à l’évidence pas une gravité suffisante pour constituer une faute personnelle détachable du service, la cour d’appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor an III ;
13°/ que la faute détachable du service, seule susceptible d’engager la responsabilité d’un agent public devant les juridictions de l’ordre judiciaire, est celle d’une gravité telle que, lorsqu’elle est commise par l’agent dans l’exercice de ses fonctions, elle révèle un comportement totalement incompatible avec celui-ci ; qu’en l’espèce, il était reproché à M. [O] d’avoir dénigré, avec M. [G], les terrains des consorts [U]-[E] et M. [F] [U] au cours de la visite réalisée le 5 août 2017 et d’avoir communiqué les coordonnées des propriétaires des terrains visités ; qu’en jugeant que de tels agissements constituaient une faute personnelle détachable du service et justifiaient que M. [O] soit attrait devant les juridictions judiciaires, quand ces agissements ne revêtaient à l’évidence pas une gravité suffisante pour constituer une faute personnelle détachable du service, la cour d’appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor an III. »