Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 11
ARRET DU 22 AVRIL 2022
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/07708 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CB43D
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mars 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2019028168
APPELANTE
S.A.S. L’ÉPICERIE DU JARDIN prise en la personne de ses représentants légaux
36 rue de Bourgogne
75007 PARIS
immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 828 220 699
Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753,
Ayant pour avocat plaidant Me Dominique MUNIZAGA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753
INTIMEE
Madame [J] [Y]
26 rue des Poissonniers
92200 NEUILLY SUR SEINE
Représentée par Me Louis MARION, avocat au barreau de PARIS, toque : P 525
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Denis ARDISSON, Président de chambre,
Madame Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, conseillère,
Madame Marion PRIMEVERT, conseillère,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Meggy RIBEIRO
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M.Denis ARDISSON, Président de chambre, et par M.Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCEDURE
Mme [J] [Y], autoentrepreneur exerçant sous la dénomination C2T Coach, propose des prestations de consultante en communication et coaching professionnel.
La société l’Épicerie du Jardin, immatriculée le 9 mars 2017, souhaite innover dans la distribution de végétaux et de fleurs et a fait appel à Mme [Y] afin d’améliorer ses outils de communication existants.
Mme [Y] a établi un devis n° 2018-08 en date du 17 mai 2018 intitulé « Proposition de collaboration Consultante en gestion de projet – Communication », retourné signé par l’Épicerie du Jardin par courriel du 18 mai 2018. Un nouveau devis n° 2018-09 était établi le 21 mai 2018, retourné signé par l’Épicerie du Jardin le 25 mai 2018.
L’Épicerie du Jardin a refusé de régler les factures adressées par Mme [Y] malgré mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 juillet 2018. Par lettre recommandée du 31 juillet 2018, Mme [Y] a alors notifié à son cocontractant la résiliation du contrat et a réitéré sa demande en paiement.
Le 15 novembre 2018 Mme [Y] a déposé devant le président du tribunal de commerce de Paris une requête afin d’obtenir paiement des trois premières factures pour un montant de 1.200 euros. Suivant ordonnance d’injonction de payer du 28 novembre 2018, l’Épicerie du Jardin a été condamnée à payer à Mme [Y] les sommes de :
1.200 euros à titre principal,
35,21 euros de dépens,
3,60 euros d’intérêts au taux légal,
63,08 euros pour couvrir les coûts de l’acte.
Après signification de l’ordonnance le 4 avril 2019 par dépôt à l’étude, l’Épicerie du Jardin a formé opposition au greffe le 24 avril 2019.
Par jugement du 17 mars 2020, le tribunal de commerce de Paris a :
– dit recevables les demandes additionnelles de Mme [Y] et les demandes reconventionnelles de l’Épicerie du Jardin,
– condamné l’Épicerie du Jardin à payer à Mme [Y] les sommes suivantes avec pénalités de retard au taux de la BCE majoré de 10 points de pourcentage et anatocisme (ces sommes sont non soumises à TVA selon l’article 293B du CGI) :
* 700 euros à compter du 15 juin 2018,
* 1.715 euros à compter du 15 juillet 2018,
constaté la résiliation des contrats en date du 31 juillet 2018 aux torts exclusifs de l’Épicerie du Jardin,
condamné l’Épicerie du Jardin à payer à Mme [Y] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts,
débouté l’Épicerie du Jardin de ses demandes reconventionnelles,
condamné l’Épicerie du Jardin à verser à Mme [Y] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
ordonné l’exécution provisoire,
condamné l’Épicerie du Jardin aux dépens de l’instance.
La société l’Épicerie du Jardin a formé appel du jugement par déclaration du 22 juin 2020 enregistrée le 23 juin 2020.
Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 15 décembre 2021, la société l’Épicerie du Jardin demande à la cour, au visa des articles 1197, 1217 et 1231-1 du code civil, 4, 5et 70 du code de procédure civile, 12226, 1984 et 1996 du code civil :
de réformer le jugement attaqué au titre des chefs de mission visés dans la déclaration d’appel,
statuant à nouveau :
a) de juger que la demande de paiement concernant la facture 2018-43 d’un montant de 1.215 euros et la condamnation à la somme de 2.835 euros à titre de dommages et intérêts formulées par Mme [Y] ne présentent pas de lien de connexité avec ses demandes initiales figurant dans l’injonction de payer,
b) en conséquence, de déclarer irrecevables les demandes additionnelles de Mme [Y],
c) de juger que Mme [Y] ne justifie pas du temps passé au titre des factures objet de son injonction de payer,
d) de réduire le montant des factures 2018-40 à 42 comme suit :
* s’agissant de la facture 2018-40, à la somme de 22,92 euros HT correspondant à 22 minutes de travail,
* s’agissant de la facture 2018-41, à la somme de 31,25 euros HT correspondant à 30 minutes de travail,
* s’agissant de la facture 2018-42, à la somme de 15,63 euros HT correspondant à 15 minutes de travail.
e) Par extraordinaire, si les demandes additionnelles de Mme [Y] devaient être déclarées recevables :
(i) de juger que Mme [Y] ne justifie d’aucun début d’exécution au titre de sa mission de consultant,
(ii) de juger que la résiliation unilatérale de Mme [Y] du contrat de consultant est abusive,
(iii) de rejeter la demande de Mme [Y] visant à voir condamner l’Epicerie du Jardin à la somme de 1.215 euros au titre de la facture 2018-43,
(iv) si la demande de Mme [Y] visant à voir condamner l’Épicerie du Jardin à la somme de 1.215 euros au titre de la facture 2018-43 devait être accueillie, de réduire le montant de cette facture à la somme de 125 euros eu égard aux diligences accomplies par Mme [Y],
(v) de rejeter la demande de Mme [Y] visant à voir condamner l’Épicerie du Jardin à la somme de 2.835 euros au titre du préjudice qu’elle aurait subi au titre de « la perte de chance d’obtenir l’intégralité du paiement de la prestation »,
(f)En tout état de cause :
(i) de condamner Mme [Y] à verser à l’Épicerie du Jardin la somme de 1.000 euros au titre du préjudice moral subi par cette société compte-tenu de la violation de l’accord de confidentialité du 25 mai 2018 et de la fausse expérience que Mme [Y] prétend avoir acquise auprès de l’Épicerie du Jardin sur le réseau social LinkedIn,
(ii) d’enjoindre sous astreinte de 100 euros par jour de retard Mme [Y] de supprimer toute mention d’expérience acquise auprès de l’Épicerie du Jardin sur sa page LinkedIn avec publication du par ces motifs de l’arrêt à intervenir,
(iii) de condamner Mme [Y] à payer à l’Épicerie du Jardin la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
(iv) de condamner Mme [Y] aux dépens.
Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 18 décembre 2020, Mme [J] [Y] demande à la cour :
de confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris 17 mars 2020 en ce qu’il a :
* dit recevables les demandes additionnelles de Mme [Y] ,
* condamné l’Épicerie du Jardin à payer à Mme [Y] les sommes suivantes avec pénalités de retard au taux de la BCE majoré de 10 points de pourcentage et anatocisme .
700 euros à compter du 15 juin 2018,
1.715 euros à compter du 15 juillet 2018,
constaté la résiliation des contrats en date du 31 juillet 2018 aux torts exclusifs de l’Épicerie du Jardin,
condamné l’Épicerie du Jardin à payer à Mme [Y] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts,
débouté l’Épicerie du Jardin de ses demandes reconventionnelles,
condamné l’Épicerie du Jardin à verser à Mme [Y] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile »,
de réformer le jugement du Tribunal de commerce de Paris 17 mars 2020 en ce qu’il a :
* dit recevable la demande reconventionnelle de l’Épicerie du Jardin au titre de la prétendue violation d’un accord de confidentialité
* limité le montant des dommages et intérêts accordés à Madame [Y] à 2.000 euros
Et statuant de nouveau de .
dire Madame [Y] recevable bien fondée en ses demandes et en son appel incident
déclarer la demande reconventionnelle de l’Épicerie du Jardin irrecevable ou à défaut l’en débouter,
condamner l’Épicerie du Jardin à payer à Mme [Y] les sommes suivantes avec pénalités de retard au taux de la BCE majoré de 10 points de pourcentage et anatocisme
700 euros à compter du 15 juin 2018,
1.715 euros à compter du 15 juillet 2018,
de constater la résiliation des contrats en date du 31 juillet 2018 aux torts exclusifs de l’Épicerie du Jardin,
de condamner L’Épicerie du Jardin à payer à Mme [Y] la somme de 2.835 euros à titre de dommages et intérêts,
de débouter L’Épicerie du Jardin de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
de condamner la société L’Épicerie du Jardin payer à Madame [Y] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 13 janvier 2022.
SUR CE, LA COUR,
Sur la demande en paiement de Mme [Y]
Sur la recevabilité des demandes additionnelles
La société l’Épicerie du Jardin soulève l’irrecevabilité des demandes formées par Mme [Y] au titre de la facture 2018-43 d’un montant de 1.215 euros et à titre de dommages-intérêts à hauteur de 2.835 euros au motif qu’elles ne présentent pas de lien de connexité avec ses demandes initiales figurant dans l’injonction de payer.
Mme [Y] objecte que ses demandes sont liées à l’exécution du contrat cadre conclu et signé entre les parties le 18 mai 2018 et sont à cet égard recevables.
En vertu de l’article 70 du même code : « Les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Toutefois, la demande en compensation est recevable même en l’absence d’un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l’excès le jugement sur le tout. ».
Le 23 juillet 2018 Mme [Y] avait mis en demeure l’Épicerie du Jardin l’Épicerie du Jardin de régler la somme totale de 2.415 euros ainsi décomposée :
facture n° 2018-40 : réseau Entreprendre et recherche de prestataires : 500 euros
facture n° 2018-41 : préparation à la présentation aux Business Angels : 200 euros
facture n° 2018-42 : pilotage du projet pour la publicité du Bal des Parisiennes : 500 euros
facture n° 2018-43 : acompte pour le pilotage et la coordination du travail de V. [H] (Directrice artistique du projet) pour la papeterie et la refonte de l’identité visuelle et graphique de l’Épicerie du Jardin : 1.215 euros.
Si Mme [Y] n’avait réclamé, dans sa requête en injonction de payer déposée le 15 novembre 2018, que le paiement des trois premières factures à hauteur de 1.200 euros, la demande additionnelle formée devant le tribunal de commerce relative au paiement de la facture 2018-43 du 11 juin 2018 découle également des relations contractuelles nouées entre les parties les 18 et 25 mai 2018. En outre, la demande de dommages-intérêts qui résulte de la résiliation des contrats de prestations de services est également attachée à ces mêmes relations contractuelles. Ainsi, les deux demandes additionnelles querellées sont clairement reliées aux prétentions originaires et donc recevables. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur le fond
L’Épicerie du Jardin soutient que le contrat du 25 mai 2018 est venu remplacer celui du 18 mai 2018 et que Mme [Y] ne justifie d’aucune acceptation de devis pour les premières factures et d’aucune réelle diligence pour ses missions.
Mme [Y] fait valoir que l’Épicerie du Jardin n’a jamais contesté, au cours de la relation contractuelle, les prestations réalisées et les factures adressées, se félicitant même de la qualité de son travail. Elle indique produire suffisamment d’éléments attestant des diligences entreprises.
Aux termes de l’article 1103 du code civil : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. ».
En vertu de l’article 1104 du même code : « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d’ordre public. ».
Aux termes de l’article 1224 du même code : « La résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. ».
Le 18 mai 2018, M. [F] [Z], Président-Fondateur de l’Épicerie du Jardin, a retourné signée la « Proposition de collaboration Consultante en gestion de projet ‘ Communication n° 2018-08 » de Mme [J] [Y], société C2T Coach. Il est précisé que « [F] [Z] souhaite l’intervention de [J] [Y] dans le cadre du pilotage et de la gestion du déploiement de la communication BtoB et BtoC de sa société, l’Epicerie du Jardin. » Le contenu de mission de pilotage est défini comme étant axé « autour de 4 grands projets :
définition de la nouvelle entité visuelle (à partir du logo existant)
création d’un site e-commerce
refonte des outils existants : carte de visite, pochette à rabat
création de 8 catalogues : mise en page (photos + textes) et exe
Ce travail graphique de refonte et/ou de création est mené en parallèle avec une Directrice artistique, [T] [H]. De même pour le site e-commerce, ce travail sera réalisé par un des prestataires (choix en cours). ».
Il était prévu un taux journalier de 500 euros HT et un taux horaire de 62,50 euros HT.
Le même jour, les parties ont échangé sur le devis de Mme [H] et le 25 mai 2018, l’Épicerie du Jardin en la personne de M. [Z] a signé avec Mme [Y] le devis n° 2018-09 « Consultante gestion de projet – Communication » qui précise que « Le pilotage de la Direction artistique (travail réalisé par [T] [H]) est axé autour des missions suivantes :
travail autour de l’identité visuelle globale : présentation de mood board, propositions de pistes graphiques et présentation d’une mini charte
déclinaison édition (papeterie, pochette à rabat, catalogues) : réflexion, conception, création et réalisation (hors exe catalogues)
packaging : réflexion, conception, création et réalisation ».
Il était prévu un taux journalier de 450 euros et un acompte de 30 % du montant global ‘ 4.050 euros sur une durée de 9 jours – facturé à la signature du devis.
Il ressort de la succession de ces deux devis signés par l’appelante que, comme l’ont justement décidé les premiers juges, le contrat du 25 mai 2018 est un contrat d’application du contrat cadre signé le 18 mai 2018, en ce qu’il prévoit l’intervention spécifique de Mme [H] dont M. [Z] avait reçu le devis le 18 mai. Le courriel de Mme [Y] du 22 mai 2018 « Pour faire suite à notre conversation de ce matin, voici mon nouveau devis qui annule et remplace le précédent. Effectivement j’ai pris le SIRET et la TVA qui figuraient sur le devis de [T] et qui sont les siens 😉 »est dénué d’ambiguïté sur le fait que le devis du 25 mai n’emporte pas annulation de celui du 18, comme soutenu par l’appelante.
Mme [Y] a émis une première facture n° 2018-40 du 28 mai 2018 de 500 euros TTC comportant chacune la description suivante : « Consultante gestion de projet ‘ Communication : préparation et conseils de rédaction pour le rapport du réseau Entreprendre ; Recherche et prospection de prestataires dans la refonte de l’identité visuelle et graphique et dans la création et le développement du site e-commerce ». La deuxième facture datée également du 28 mai 2018 ne comporte pas de numéro mais apparent mais correspond selon Mme [Y] à la. facture 2018-41. D’un montant de 200 euros, elle porte sur les prestations suivantes : « Consultante ‘ Coach, Préparation pitch de 5 minutes (Business Angels ‘ INSEAD) : analyse de la préparation (19 slides), exploration des pistes de présentation, mise en situation, debrief et feedback ». A cet égard, l’intimée justifie de nombreux échanges de courriels relatifs tant à la préparation du Réseau Entreprendre qu’à la préparation de l’intervention orale auprès de l’INSEAD.
Le 28 mai 2018 à 14h55, Mme [Y] écrit à M. [Z] : « Voici comme convenu mes 2 factures l’une en tant que consultante communication et l’autre en tant que consultante coach pour le mois de mai. Je te joins également mon RIB. Comme discuté ce matin, je te ferai parvenir d’ici mercredi ma proposition pour le recrutement. », lequel répond le même jour à 23h13 « J’ai bien pris connaissance de ton mail et je t’en remercie. Les 2 factures sont parties en règlement. ». Par texto de ce jour M. [Z] écrit à Mme [Y] « Un grand merci pour ce matin ».
Sont ensuite versés aux débats les devis, acceptés par l’Épicerie du Jardin le 29 mai 2018, des prestataires ‘ Mme [T] [H] et l’EURL Super Tag pour le Bal des Parisiennes. Le 1er juin 2018, M. [Z] envoie le texto suivant à Mme [Y], Mme [T] [H] et M. [E] [R] (de Super Tag): « Tout d’abord je tiens à vous remercier pour la rapidité et efficacité du travail fourni en un temps record. Félicitations à [T] qui a parfaitement compris notre positionnement et valeurs que nous voulons véhiculer. Félicitations à [E] pour cette maquette et je compte sur toi pour que cela soit rapidement sur internet étant donné que les réseaux sociaux sont déjà au courant. Enfin merci à la chef de projet pour ce 1er travail. Je compte sur vous pour continuer dans cette dynamique et avancer vers les objectifs fixés lors de notre rendez-vous à mon bureau. ». Le 4 juin 2018 Mme [Y] écrit à M. [Z] « Tu trouveras en pièce jointe la facture de [T] pour la publicité, suivi de créa sur la page du site, + de l’achat d’art pour le A5. », courriel auquel M. [Z] répond « Bien reçu. Je m’occupe du règlement. ».
La troisième facture, n° 2018-42, est datée du 11 juin 2018. D’un montant de 500 euros, elle porte sur les prestations suivantes : « Consultante ‘ Gestion de projet ‘ Communication : pilotage et coordination du projet de la publicité et de la landing page dans le cadre du partenariat de l’Épicerie du Jardin avec le Bal des Parisiennes ». Cet événement est évoqué à plusieurs reprises dans les échanges entre Mme [Y] et M. [Z] et l’intimée produit la « landing page » (« page d’atterrissage ») relative à l’Épicerie du Jardin/Bal des Parisiennes.
Ces trois premières factures ont donc concerné des missions ponctuelles sollicitées par M. [Z], à savoir la présentation du dossier Réseau Entreprendre, la préparation d’une présentation aux Business Angel ‘ INSEAD et la publicité et landing page pour le Bal des Parisiennes. La facture 2018-40 comprenait également la recherche du prestataire pour le site e-commerce
Enfin Mme [Y] a émis le 11 juin 2018 une facture n° 2018-43 de 1.215 euros TTC, dont M. [Z] a accusé réception le 13 juin 2018, correspondant à l’acompte de 30 % pour le pilotage et la coordination du travail de Mme [H] à savoir papeterie, refonte de l’identité visuelle et graphique de l’Épicerie du Jardin.
Les échanges par courriel ont perduré jusqu’au 20 juillet 2018. Début juin 2018, les courriels concernent également la papeterie (papier à en-tête, cartes de visite et de correspondance) de la SAS CEDPH (= [F] [Z] [C] [W]), société holding, pour laquelle M. [Z] exige un « côté luxe » qui ne ressort pas selon lui des premières propositions émises. D’autre part, de nombreux courriels entre Mme [Y] et Mme [H] d’une part et entre Mme [Y] et M. [R] d’autre part sont produits, témoignant du réel travail de pilotage du projet effectué par l’intimée.
C’est dans ce contexte que Mme [Y] a mis en demeure, par lettre recommandée du 23 juillet 2018, l’Epicerie du Jardin de lui régler la somme totale de 2.415 euros, en vain. Elle a donc notifié à son cocontractant, par lettre recommandée du 31 juillet 2018, la résiliation de leur collaboration. L’Epicerie du Jardin n’a pas davantage réglé les prestations de Mme [T] [H].
Des courriels échangés au mois de septembre 2018, il ressort que M. [Z] a réclamé les devis signés par ses soins et a pour la première fois, dans un courriel du 26 septembre 2018, mis en cause les prestations de Mme [Y] en contestant leur exécution. Pourtant,la réalité du travail fourni par l’intimée a été amplement décrite supra, par le biais des supports graphiques et échanges de courriels versés aux débats. Les courriels de félicitations et la promesse de régler les factures contredisent le soudain changement de comportement de l’Épicerie du Jardin en la personne de M. [Z], lequel a constamment échangé avec Mme [Y] tout en validant les prestations accomplies et en faisant part de ses exigences précises. L’estimation par l’appelante de la durée des prestations à quelques dizaines de minutes pour en voir réduire drastiquement le prix, outre le fait qu’elle déconsidère tout le travail accompli en amont, n’est étayée par aucun élément probant.
Il en résulte que c’est à bon droit que les premiers juges ont considéré que Mme [J] [Y] détenait sur l’Épicerie du Jardin une créance certaine, liquide et exigible à hauteur de 1.200 euros au titre des factures 2018-40 à 42 et de 1.215 euros au titre de la facture 2018-43, outre les pénalités de retard dont l’application est dûment mentionnée sur les factures ainsi que l’anatocisme.
Enfin, au regard des manquements répétés de son cocontractant, Mme [Y] était bien fondée à résilier les contrats des 18 et 25 mai 2018, aux torts de celui-ci. La perte de chance d’obtenir la totalité des sommes dues en raison de la cessation prématurée de la relation contractuelle a été évaluée à 70 % du reliquat par les juges consulaires, soit 2.000 euros. La cour fera sienne cette juste appréciation du préjudice subi et le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la demande reconventionnelle de la société l’Épicerie du Jardin
La société l’Épicerie du Jardin réclame la somme de 1.000 euros au motif que Mme [Y] aurait violé l’accord de confidentialité du 25 mai 2018 et ferait état d’une fausse expérience acquise auprès d’elle sur le réseau social LinkedIn. Elle sollicite en outre la suppression sous astreinte de toute référence de ce type.
Mme [J] [Y] soutient que cet accord n’a pas de lien avec le refus de payer les factures objets du litige et conclut à l’irrecevabilité de cette demande reconventionnelle de la société appelante. Au fond, elle en sollicite le débouté, faisant valoir qu’aucune clause de l’accord de confidentialité ne lui interdit de renseigner, dans ses expériences professionnelles sur LinkedIn, son intervention auprès de l’Épicerie du Jardin. Elle ajoute qu’au surplus elle avait pris soin de demander l’accord préalable de M. [Z] pour publier sur son profil.
Aux termes de l’article 64 du code de procédure civile : « Constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire. ».
En vertu de l’article 70 du même code : « Les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Toutefois, la demande en compensation est recevable même en l’absence d’un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l’excès le jugement sur le tout. ».
L’accord litigieux intitulé « Accord de confidentialité réciproque entre l’Epicerie du Jardin et C2T Coach », daté du 25 mai 2018,précise que : « L’Épicerie du Jardin est entrée en discussion avec C2T Coach en vue du déploiement de la communication de la société et de la gestion de ses différents projets » et que « Relèveront des dispositions du présent Accord, toutes informations reçues ou données quelle qu’en soit la forme, transmises par une Partie à l’autre Partie ou reçues ou découvertes à l’occasion de l’exécution de l’Etude Exploratoire. ».
Les prétentions originaires concernent le paiement des prestations de Mme [Y] en exécution des contrats des 18 et 25 mai 2018 conclus avec l’Épicerie du Jardin. L’accord de confidentialité signé le même jour que le contrat d’application est intimement lié aux contrats précités. La demande reconventionnelle formée par l’Epicerie du Jardin est par conséquent recevable et le jugement sera confirmé sur ce point.
Le 8 juin 2018 Mme [Y] écrit à M. [Z] « Est-ce que c’est ok pour toi si je communique via mon facebook et mon Linkedin que j’ai coordonné en tant que chef de projet le projet de pub du Bal des Parisiennes ‘ Je mentionne évidemment en premier le nom de ta société : EpicerieduJardin (qui renvoie sur ta page). Je pense que c’est un bon moyen pour toi également d’augmenter ta visibilité…Qu’en penses-tu ‘ ». M. [Z] répond le même jour : « je ne suis pas contre mais il faut que cela soit fait professionnellement car cela porte sur ma boîte mais aussi sur le Bal des Parisiennes donc il faut que cela soit bien quali et cadré. ».
La cour relève que non seulement aucune clause n’empêchait Mme [Y] de mentionner son expérience auprès de l’Épicerie du Jardin sur sa page LinkedIn mais qu’elle avait pris soin de solliciter l’accord de son cocontractant sur ce point.
Le jugement sera en conséquence également confirmé en ce qu’il a débouté l’Epicerie du Jardin de sa demande de dommages-intérêts au titre de la violation de l’accord de confidentialité, outre le retrait de la mention litigieuse de sa page LinkedIn.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
L’Epicerie du Jardin succombant à l’action, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d’appel, elle sera aussi condamnée aux dépens. Il apparaît équitable de condamner l’Epicerie du Jardin à payer à Mme [Y], qui a dû engager de nouveaux frais en sa qualité d’intimée, la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant,
CONDAMNE l’Epicerie du Jardin aux dépens ;
CONDAMNE l’Epicerie du Jardin à payer à Mme [J] [Y] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT