Décision de justice sur la Confidentialité

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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 17 FEVRIER 2023

(n°26, 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 21/04585 – n° Portalis 35L7-V-B7F-CDIEN

Décision déférée à la Cour : jugement du 21 janvier 2021 – Tribunal de commerce de PARIS – 3ème chambre – RG n°2017021260

APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE

S.E.L.A.R.L. GARNIER – GUILLOUET, agissant en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société ARIPA S II

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Nicolas DUVAL de la SELARL NOUAL – DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque P 493

Assistée de Me Nadège RINDERMANN, avocate au barreau de TARASCON

INTIMEES AU PRINCIPAL et APPELANTES INCIDENTES

S.A.S.U. LEONI WIRING SYSTEMS FRANCE, prise en la personne de son président en exercice, M. [N] [L], domicilié en cette qualité au siège social situé [Adresse 2]

[Localité 5]

Immatriculée au rcs de Versailles sous le numéro 592 056 303

S.A.S. BIZLINK ROBOTIC SOLUTIONS FRANCE, anciennement LEONI CIA CABLE SYSTEMS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 1]

Immatriculée au rcs de Chartres sous le numéro 330 388 356

Société LEONI AG, société de droit allemand, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 8]

[Localité 6]

ALLEMAGNE

Représentées par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque L0075

Assistées de Me Lucie MONGIN-ARCHAMBEAUD plaidant pour la SELAS OSBORNE – CLARKE, avocate au barreau de PARIS, toque T 04

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique RENARD, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Mmes [S] [H] et [C] [X] ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Véronique RENARD, Présidente

Mme Françoise BARUTEL, Conseillère, désignée en remplacement de Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, empêchée

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 21 janvier 2021 par le tribunal de commerce de Paris qui a :

– dit recevables les demandes de la SELARL Garnier-Guillouët agissant ès qualités de mandataire liquidateur de AS2l, à l’encontre de Leoni AG,

– débouté la SELARL Garnier-Guillouët, agissant ès qualités de mandataire liquidateur de AS2l, de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– débouté la SELARL Garnier-Guillouët, agissant ès qualités de mandataire liquidateur de AS2I de sa demande de publication dans la presse de la décision à intervenir,

– condamné la SELARL Garnier-Guillouët, agissant ès qualités de mandataire liquidateur de AS2I à payer aux sociétés SAS Leoni Cia Cable Systems, SAS Leoni Wiring Systems France et Leoni AG, la somme de 10 000 euros chacune en application de l’article 700 du CPC (code de procédure civile),

– débouté SAS Leoni Cia Cable Systems, SAS Leoni Wiring Systems France et Leoni AG de leur demande de dommages intérêts au titre de la procédure abusive,

– dit les parties mal fondées en leurs moyens et demandes contraires aux termes du jugement et les en a déboutées respectivement,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement sans constitution de garantie,

– condamné la SELARL Garnier-Guillouët, agissant ès qualités de mandataire liquidateur de AS2I aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de

332,38 euros dont 54,76 euros de TVA,

Vu l’appel interjeté le 8 mars 2021 par la société Garnier Guillouët prise en la personne de son représentant légal ès qualités de mandataire liquidateur de la société ARIPA SII,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 25 août 2022 par la SELARL Garnier Guillouët agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société SAS ARIPA SII (ci-après la société AS2I), appelante, qui demande à la cour de :

– déclarer l’appel recevable,

– confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré l’action recevable à l’encontre des sociétés Leoni AG et Leoni Wiring Systems France et a rejeté les demandes de dommages intérêts pour procédure abusive,

– infirmer le jugement entrepris pour le surplus,

En conséquence,

Statuant à nouveau :

– juger la SELARL Garnier-Guillouët, ès qualités de mandataire liquidateur de la société SAS ARIPA S2I, bien fondée en ses demandes,

– juger que les sociétés Sbizlink (sic) Robotic Solutions France SAS (anciennement Leoni CIA Cable Systems), Leoni Wiring Systems France et Leoni AG, se sont rendues coupables de débauchage, de détournement d’actifs, de parasitisme et de concurrence déloyale, à l’encontre d’AS2I et ayant conduit à sa liquidation judiciaire,

– condamner solidairement les sociétés Sbizlink (sic) Robotic Solutions France SAS (anciennement Leoni CIA Cable Systems), Leoni Wiring Systems France et Leoni AG, à payer à la SELARL Garnier-Guillouët, ès qualités de mandataire liquidateur de la société SAS ARIPA S2I les sommes de 4 000 000 euros et 250 000 euros, soit 4 250 000 euros en réparation du préjudice causé,

– ordonner la publication de la décision à intervenir dans deux journaux aux frais solidairement des sociétés Sbizlink (sic) Robotic Solutions France SAS (anciennement Leoni CIA Cable Systems), Leoni Wiring Systems France et Leoni AG, dans chaque pays dans lesquels les brevets de la société SAS ARIPA SII ont été déposés et s’appliquent,

– condamner solidairement les sociétés Sbizlink (sic) Robotic Solutions France SAS (anciennement Leoni CIA Cable Systems), Leoni Wiring Systems France et Leoni AG, à payer à la SELARL Garnier-Guillouët ès qualités de mandataire liquidateur de la société SAS ARIPA S2I, la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter les sociétés Sbizlink (sic) Robotic Solutions France SAS (anciennement Leoni CIA Cable Systems), Leoni Wiring Systems France et Leoni AG de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

– condamner solidairement les sociétés Sbizlink (sic) Robotic Solutions France SAS (anciennement Leoni CIA Cable Systems), Leoni Wiring Systems France et Leoni AG, aux dépens de la présente instance, dont distraction au profit de Me Nicolas Duval de la SELARL Noual Duval, avocat au barreau de Paris,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 11 juillet 2022 par les sociétés Leoni AG, Bizlink Robotic Solutions France SAS (anciennement Leoni CIA Cable Systems) et Leoni Wiring Systems France, intimées, qui demandent à la cour de :

– les recevoir en leur appel incident et, à ce titre,

– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a dit recevables les demandes de la SELARL Garnier- Guillouët en qualité de mandataire liquidateur de la société ARIPA SII à l’encontre de la société Leoni AG,

– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a débouté Bizlink Robotic Solutions France SAS (anciennement dénommée Leoni CIA Cable Systems), Leoni Wiring Systems France SAS et la société de droit allemand Leoni AG de leurs demandes de dommages intérêts au titre de la procédure abusive,

En conséquence, statuant à nouveau :

– déclarer irrecevables les demandes de la SELARL Garnier – Guillouët en qualité de mandataire liquidateur de la société ARIPA SII formées à l’encontre de la société Leoni AG,

– déclarer irrecevables les demandes de la SELARL Garnier- Guillouët en qualité de mandataire liquidateur de la société ARIPA SII formées à l’encontre de la société Leoni Wiring Systems France SAS,

Et, pour le surplus :

– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a débouté la SELARL Garnier-Guillouët, ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société ARIPA SII, de l’intégralité de ses demandes à l’encontre des sociétés françaises Bizlink Robotic Solutions France SAS (anciennement dénommée Leoni CIA Cable Systems), Leoni Wiring Systems France SAS et à la société de droit allemand Leoni AG,

Y ajoutant,

– condamner la SELARL Garnier – Guillouet, ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société ARIPA SII, à verser aux sociétés de droit français Bizlink Robotic Solutions France SAS (anciennement dénommée Leoni CIA Cable Systems) et Leoni Wiring Systems France et à la société de droit allemand Leoni AG la somme de 10 000 euros chacune en réparation du préjudice subi pour procédure abusive,

– condamner la SELARL Garnier-Guillouët, ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société ARIPA SII, à verser aux sociétés de droit français Bizlink Robotic Solutions France SAS (anciennement dénommée Leoni CIA Cable Systems) et Leoni Wiring Systems France et à la société de droit allemand Leoni AG la somme de 20 000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SELARL Garnier-Guillouët, ès qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société ARIPA SII, aux entiers dépens de l’instance,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 1er septembre 2022′;

SUR CE,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé que l’association ARIPA (ci-après l’ARIPA) était une association dédiée aux PME-PMI qui réalisait également des projets pour des grands groupes industriels.

Suite à un audit de labellisation par la Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement (DRIRE), il a été demandé à l’ARIPA de dissocier ses différentes activités.

La SAS ARIPA (AS2I) a ainsi été créée en 2004 par les membres de l’ARIPA. Cette société a pour activité l’ingénierie et les études techniques en robotique notamment dans le secteur médical. Elle indique avoir conçu à partir du printemps 2008 un prototype de robot médical dénommé «’Vulcain’» qui utilise des logiciels dédiés destinés à améliorer et renforcer la sécurité et la qualité des traitements en radiothérapie et photonthérapie dans le cadre d’un projet d’innovation stratégique soutenu par la puissance publique.

L’ARIPA et la société AS2I ont mené ensemble des projets dans le domaine de la robotique médicale avec l’installation de deux robots de positionnement de patients au centre de photonthérapie d'[Localité 9] et un troisième à l’institut [10] en Suisse.

Il est exposé par l’appelante que sur les vingt-quatre salariés employés par la société AS2I, sept étaient chercheurs, que le prototype de robot «’Vulcain’» était techniquement et opérationnellement au point en 2009 et qu’il devait être commercialisé à un prix unitaire de 200 000 euros sauf à trouver des investisseurs, que la société Groupama Banque a donné une réponse favorable à hauteur de 50% de la demande soit 1, 5 millions d’euros et que la société Leoni Cia Cable Systems ( ci-après la société Leoni Cia) devenue Bizlink Robotic Solutions France a été sollicitée.

Cette dernière société a été créée en 1989 et propose des solutions en matière de câblage. Elle est également spécialisée en robotique industrielle destinée notamment à être installée sur les chaines de montage automobile. Elle fait partie du groupe industriel Leoni qui fournit et développe sur le plan mondial des produits, solutions et services pour la gestion de l’énergie et des données dans le secteur automobile mais également dans les secteurs des télécommunications et de la santé, et en particulier en matière de développement de systèmes. La société de droit allemand Leoni AG est la société-mère du groupe.

La société Leoni Wiring Systems France créée en 1980 a pour activité la fabrication et la vente de « première monte » automobile. Elle fabrique et commercialise des produits et solutions de câblages dédiés aux constructeurs automobiles.

Un accord de confidentialité a été conclu le 27 octobre 2009 entre la société Leoni CIA et la société AS2I, suivi d’un avenant du 26 novembre 2010 et une réunion s’est tenue le 7 janvier 2011 à l’institut de cancérologie [7] à [Localité 11].

Un projet de protocole d’accord de cession des actifs de la société AS2I au profit de’la «’société Leoni’» est daté du 11 mai 2011 et prévoit le paiement d’ une partie fixe d’un montant de 500’000 euros et d’une partie variable calculée sur la base de 5 % du chiffre d’affaires de vente annuel réalisé par la société Leoni jusqu’en 2017.

Après de nombreuses discussions et réunions, «’la société Leoni’» aurait rompu brutalement les négociations le 20 juillet 2011 au motif d’incertitudes liées aux dernières informations portées à sa connaissance au sujet d’un brevet américain Accuray.

Le 7 juin 2011 la société AS2I a sollicité l’ouverture d’une procédure de sauvegarde et a été placée en redressement judiciaire le 18 juillet suivant, puis en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Meaux du 7 novembre 2011, la SELARL Garnier-Guillouët prise en la personne de maître Guillouët ayant été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Dans ce contexte de difficultés financières, MM. [K], [G], [E] et [U], salariés de l’équipe de recherche de la société AS2I, ont démissionné et ont respectivement été embauchés les 4 octobre, 10 octobre et 27 octobre 2011 par’la société Leoni CIA.

Par courriel du 5 octobre 2011, M. [F] [Z] président de la société AS2I a sollicité auprès de ses anciens salariés la restitution de l’ensemble des matériels et documents informatiques en leur possession, leur rappelant que les postes informatiques restitués avaient été formatés sans son autorisation.

Deux plaintes pénales ont été déposées par M. [Z], une première plainte contre X le 4 novembre 2011 auprès du procureur de la République du tribunal de grande instance de Fontainebleau, puis une seconde avec constitution de partie civile le 16 mars 2015 à l’encontre des quatre anciens salariés de la société AS2I susvisés et de la société Leoni CIA pour vol, vol de données informatiques, abus de confiance devant les doyens des juges d’instruction de Chartres. Selon l’appelante les procédures auraient été jointes et instruites et une ordonnance de non- lieu aurait été rendue, sans que celle-ci ne soit produite aux débats.

Parallèlement, invoquant un débauchage fautif de salariés, un détournement d’actif et des faits de parasitisme, le mandataire liquidateur de la société AS2I a, selon actes d’huissier de justice des 26 et 30 janvier 2015, fait assigner les sociétés Leoni Cia Cable Systems, Leoni Wiring Systems France et Leoni AG devant le tribunal de commerce de Meaux.

Par un premier jugement du 6 décembre 2016, le tribunal de commerce de Meaux a fait droit à l’exception d’incompétence territoriale soulevée par les sociétés Leoni, au vu d’une clause attributive de compétence stipulée dans l’accord de confidentialité conclu entre les sociétés Leoni Cia et AS2I le 27 octobre 2009 au profit du tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 29 janvier 2018, le tribunal de commerce de Paris a déclaré valables les assignations délivrées les 26 et 30 janvier 2015 par le mandataire liquidateur de la société AS2I.

Par jugement du 21 janvier 2021, le tribunal de commerce de Paris a rendu le jugement dont appel, lequel pour l’essentiel, a déclaré recevables les demandes de la SELARL Garnier-Guillouët agissant ès qualités de mandataire liquidateur de la société AS2l, à l’encontre de la Leoni AG mais a débouté cette dernière de l’intégralité de ses demandes.

Le liquidateur judiciaire conclut à l’infirmation du jugement, sauf en ce qu’il a déclaré recevable son action et ses demandes formées à l’encontre de la société Leoni AG, étant relevé que le tribunal n’a pas statué sur la demande des sociétés Leoni tendant à voir déclarer également irrecevables les demandes formées à l’encontre de la société Leoni Wiring Systems France. Il reprend pour l’essentiel les griefs de débauchage fautif de salariés, de détournement d’actif et de parasitisme invoqués à l’encontre «’des sociétés Leoni’» devant le tribunal, ajoutant que ce dernier n’a pas eu connaissance des pièces de la procédure pénale.

Sur la recevabilité des demandes de la SELARL Garnier Guillouët ès qualités de liquidateur judiciaire de la société AS 2II à l’encontre de la société Leoni AG et de la société Wiring Systems France

Les sociétés intimées entendent voir déclarer irrecevables les demandes de la SELARL Garnier- Guillouët, ès qualités, formées au titre de la concurrence déloyale tant à l’encontre de la société Leoni Wiring Systems France que de la société Leoni AG aux motifs, s’agissant de la première de ces sociétés, que l’embauche prétendument fautive de quatre salariés n’a pas été faite par elle qui est uniquement spécialisée dans la fourniture d’équipements pour l’industrie automobile mais par la société Leoni CIA, ajoutant que la société Leoni Wiring Systems n’a jamais été partie à aucun accord de confidentialité et n’est nullement impliquée dans les faits incriminés aucune responsabilité n’étant au demeurant démontrée par l’appelante à son encontre’; s’agissant de la société Leoni AG, les sociétés intimées font valoir qu’il s’agit de la société mère du groupe Leoni qui ne peut être tenue pour responsable d’agissements déloyaux et/ou fautifs de sa société fille en l’absence de la démonstration de sa participation effective à de tels agissements.

La société appelante réplique que l’implication de la société mère Leoni AG est démontrée par les éléments du débat, notamment par les échanges de courriels intervenus entre les parties et les comptes rendus de visite ou de réunions, et que la mise en cause de la société Leoni Wiring Systems France est justifiée dès lors qu’avant de démissionner de la société AS2I pour être embauchés par «’Leoni’», les quatre salariés de AS2I qui travaillaient sur le concept du robot litigieux communiquaient toutes les informations confidentielles à la société «’Leoni’».

Les faits incriminés par le liquidateur judiciaire de la société AS2I consistent en une embauche fautive de quatre anciens salariés de la société aux fins d’utilisation de leur savoir-faire, un détournement d’actifs et des actes de concurrence déloyale et de parasitisme.

Si les salariés concernés n’ont pas été embauchés par la société Leoni AG mais par la société Leoni CIA, certaines des pièces versées aux débats font état tant de la société Leoni CIA ou du «’groupe Leoni que de la société allemande Leoni AG. C’est donc par une exacte appréciation de faits de la cause que le tribunal a pu considérer que la société Leoni AG en sa qualité de maison mère de la société Leoni CIA ou le «’groupe Leoni’»’était impliqué dans les prises de décision relatives aux relations entre cette société et la société AS2I, et qu’en conséquence les demandes de la SELARL Garnier-Guillouët ès qualités, formées à l’encontre de la société Leoni AG étaient recevables.

En ce qui concerne la société Leoni Wiring Systems France, les simples affirmations de

l’appelante selon lesquelles un des salariés en cause aurait déménagé début 2011 pour se rapprocher de la société Leoni Wiring Systems France, que son bureau était sur le site de cette société et que les quatre salariés d’AS2I qui travaillaient sur le concept du robot litigieux communiquaient toutes les informations confidentielles à «’la société LEONI’» laquelle aurait violé l’accord de confidentialité, ne sont pas de nature à justifier de son intérêt à agir et partant de la recevabilité de ses demandes à l’encontre de la société Leoni Wiring Systems France. Il y a lieu en conséquence de déclarer ces demandes irrecevables.

Sur la concurrence déloyale

Trois griefs sont invoqués au titre de la concurrence déloyale, un débauchage fautif de l’équipe de recherche de la société AS2I, un détournement d’actif et des actes de parasitisme.

* Sur le débauchage de salariés

Selon le liquidateur judiciaire de la société AS2I, «’Leoni’» a forcément préparé l’embauche de quatre des anciens salariés de la société AS2I alors qu’ils étaient encore liés à cette dernière par une clause de confidentialité. Il est expliqué que ces quatre salariés, sur les sept que comptait l’équipe de recherche de la société AS2I, ont été embauchés par la société Leoni CIA dès le courant du mois d’octobre 2011, soit avant même la liquidation judiciaire de la société AS2I, que la situation financière difficile de cette dernière n’était dû qu’au terme du projet et à la fin des subventions allouées en février 2011, ce qui laissait le temps à M. [Z], dirigeant de la société de trouver des partenaires pour l’étape suivante, que le comportement de «’Leoni’» a contribué à la cessation des paiements de la société AS2I, qu’elle a eu accès aux documents confidentiels du projet de robot Vulcain V2, fait réaliser un audit du projet un an après, en novembre 2010, pris contact avec les clients et prospects de AS2I, pour finalement renoncer au projet le 20 juillet 2011, qu’elle a donc incité les salariés au départ, ce d’autant que M. [K] a tenté de racheter le brevet Hepha.

Il est constant que les contrats de travail, non signés, des quatre salariés de la société AS2I embauchés par la société Leoni CIA comportaient une clause de non concurrence, qui a été levée par leur employeur selon les écritures de l’appelante «’du fait de l’impossibilité pour AS2I de la payer et pour permettre aux salariés de retrouver rapidement du travail’». Dès lors, le recrutement de ces salariés par la société Leoni CIA était libre, sauf si, comme l’a relevé le tribunal, indépendamment du comportement des salariés, et cumulativement, une faute est démontrée à son encontre et les recrutements effectués ont désorganisé de façon significative la société AS2I.

En l’espèce, compte tenu de l’échec des rapprochements avec d’autres investisseurs, la société Leoni CIA a été approchée par la société AS2I et un accord de confidentialité a été envisagé entre les parties le 27 octobre 2009, modifié par un avenant du 26 novembre 2010 donnant ainsi contractuellement à la société Leoni CIA un accès à des informations confidentielles, laquelle a mis fin aux discussions compte tenu des «’incertitudes liées aux dernières informations portées à sa connaissance sur un brevet Accuray’».

Or la situation financière de la société AS2I était difficile dès le début de 2009 et s’est rapidement détériorée puisque faute de financements complémentaires pour son projet de robot médical, la société a été amenée à solliciter le 7 juin 2011 l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, laquelle a été suivie d’une procédure de redressement judiciaire le 18 juillet 2011, la date de cessation des paiements ayant été fixée au 9 septembre 2010, et d’une liquidation judiciaire le 7 novembre 2011.

Par courriel du 28 juillet 2011 M. [Z] écrivait à ses salariés:

«’pour la procédure de licenciement, celle-ci devrait commencer au plus tôt, soit début août, toutefois vous ne pourrez être licenciés qu’à partir de septembre (‘) Vous pouvez également rechercher un travail, dès que vous trouvez, vous pourrez vous libérer immédiatement en me posant votre démission, cela ne pose plus de problème à l’administrateur ».

Par courriel du 1er août 2011 il indiquait aux mêmes salariés’:

«’Je reviens vers vous, pouvez-vous me poser le maximum de congés afin que ceux-ci soient pris en charge par le FNGS (AGS), sinon c’est AS2I qui paie et je n’ai pas la trésorerie pour le faire. Si je dois payer je passe en liquidation ce qui précipite les choses pour moi. D’autre part vous serez en règle au regard de vos déplacements et recherches d’emploi’».

Il résulte de ces éléments que les salariés de la société AS2I pouvaient légitimement s’interroger sur leur avenir professionnel et rechercher un autre emploi, leur départ étant dû, outre les difficultés financières de leur employeur, à leurs conditions de travail et à l’absence de perspective au sein de la société AS2I ainsi qu’à leur mésentente naissante avec M. [Z] tel que cela résulte des échanges de courriels versés aux débats. A cet effet, dès le 27 janvier 2011, M. [K] s’adressait ainsi à M. [Z]’:

>.

L’embauche des quatre salariés démissionnaires en septembre et octobre 2011, à quelques jours du prononcé de la liquidation judiciaire de la société AS2I, n’est donc pas fautive en l’absence de preuve d’incitation à leur départ de la société Leoni CIA et ne caractérise aucune man’uvre ou manquement de cette dernière pas plus que de la société Leoni AG qui n’est pas à l’origine des embauches incriminées. Au surplus, la société AS2I, qui a sollicité le 7 juin 2011 l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, ne démontre pas en quoi son activité aurait été désorganisée par le départ de ses salariés en septembre et octobre 2011.

Quant à la procédure pénale à laquelle l’appelante se réfère, force est de constater qu’elle a, selon ses propres écritures, abouti à une ordonnance de non-lieu.

En conséquence le premier grief ne peut prospérer.

* sur les détournements d’actif

Selon le liquidateur judiciaire de la société AS2I, les salariés de la société, qui étaient soumis à une clause de confidentialité (article 11 des contrats de travail) selon laquelle ils se sont engagés «’à conserver secrètes toutes documentations écrites et toutes informations traitées dans le cadre du contrat, interdit de prendre, en vue d’un usage personnel ou pour tout autre usage, des copies de documents et matériels appartenant à AS2I et, à l’expiration du contrat de travail, pour quelque cause que ce soit, à restituer immédiatement tous les échantillons, produits, matériels (tels que téléphones, ordinateur portable ‘), plans, fichiers et documents divers qui lui auront été confiés, sans qu’il soit besoin d’une mise en demeure préalable’», ont restitué des ordinateurs formatés, c’est-à-dire réinitialisés de sorte que toutes les données ont été effacées, les détournements de logiciels et de travaux ayant été faits au bénéfice de «’Leoni’»’pendant toute la période de négociation entre les parties. Il ajoute que «’la société Leoni’» a tenté de récupérer le brevet de la société AS2I par l’intermédiaire de M. [K] qu’elle venait d’embaucher et qui a fait une proposition de rachat auprès d’elle, enfin qu’elle avait l’obligation de vérifier que ses salariés avaient respecté leur propre obligation de confidentialité.

Toutefois, le fait, pour une entreprise concurrente d’exploiter l’expérience acquise par des salariés chez un ancien employeur, n’est pas en lui-même fautif. Il ne peut donc être reproché aux anciens salariés de la société AS2I d’avoir utilisé des connaissances qu’ils auraient acquises lorsqu’ils travaillaient dans cette société.

Par ailleurs, le fait d’avoir formaté des ordinateurs restitués ne prouve pas non plus à lui seul que des informations confidentielles ont été détournées, au surcroit au profit de l’une quelconque des sociétés Leoni que le liquidateur judiciaire de la société AS2I n’identifie toujours pas, et l’affirmation selon laquelle les logiciels restitués sont inexploitables n’établit pas plus l’existence d’un détournement d’actif préjudiciable à la société liquidée, ce indépendamment de la question de savoir si ces logiciels étaient ou non licitement utilisés par la société AS2I’; enfin la différence de volume entre le CD restitué et les données sauvegardées par les salariés n’est pas non plus suffisante à démontrer un quelconque vol des données par lesdits salariés avec la complicité de l’une quelconque des sociétés Leoni.

Par ailleurs, la pièce n°64 opposée par l’appelante, constituée d’une copie d’une image d’un robot ne comporte ni date, ni mention de son auteur ni encore indication de sa provenance de sorte qu’elle ne peut corroborer l’affirmation selon laquelle > et partant une implication de «’Leoni’» dans une quelconque complicité de violation de leur obligation de complicité par les anciens salariés de la société AS2I.

L’affirmation selon laquelle la journée de présentation du 12 octobre 2011 «’semble être la présentation du nouveau concept de robot Leoni avec sa plateforme logicielle opérationnelle’» n’est pas plus de nature à établir que «’la société Leoni’» a profité des détournements d’actif de la société AS2I et le fait qu’un ancien salarié de la société AS2I a fait une proposition de rachat du brevet au liquidateur judiciaire de cette société en revendiquant sa qualité de copropriétaire n’établit pas non plus que «la société Leoni» a tenté de récupérer le brevet comme il est soutenu. Enfin l’obligation de confidentialité de «’la société LEONI’», ne se confond pas avec l’obligation de restitution des données informatiques des salariés.

En définitive, il n’est pas établi que des informations confidentielles appartenant à la société AS2I ont été utilisées par les sociétés intimées pour le développement du robot Orion/Leoni.

* sur le parasitisme

Selon le liquidateur de la société AS2I, la société Leoni CIA a étendu son objet social en 2012, a annoncé lors d’une assemblée générale du 18 avril 2013 le développement d’un robot de positionnement de patient destiné au traitement par radiothérapie dénommé Orion, a déposé un brevet le 3 mai 2013 avec comme inventeurs trois des anciens salariés de la société AS2I, a fait figurer en juin 2013 sur son site internet et sur sa plaquette ce robot «’qui est très proche sur ses principes des schémas étayant ses brevets et travaux antérieurs’»’; il en conclut que cette société a nécessairement profité de la technique, du savoir-faire et des logiciels de la société AS2I au détriment de celle-ci, et partant commis des actes de parasitisme à son encontre.

Pour autant, et malgré ses affirmations, l’appelante ne démontre nullement la reprise des caractéristiques du robot Vulcain par le brevet objet de la demande du 3 mai 2013 faite par la société Leoni CIA, intitulé «’Procédé d’apprentissage par imitation pour manipulateur multiaxe’» et ayant comme inventeurs trois des anciens salariés de la société AS2I.

Si le constat d’huissier de justice du 12 juin 2013 révèle une image d’un robot Orion, son contenu ne fait que reprendre celui du site accessible à l’adresse leoni-Healtcare.com qui est en langue anglaise, non traduite en français, et les schémas y figurant ne sont pas explicités.

La pièce 59 de l’appelante censée correspondre à une annonce faite lors d’une assemblée générale du 18 avril 2013 est également en langue anglaise et n’a pas plus été traduite en français de sorte que la cour n’est pas en mesure d’en apprécier le contenu.

Il en est de même de sa pièce 62 (et 62-2) à laquelle l’appelante renvoie expressément et qui est constituée de la plaquette Leoni dont au demeurant ni la date ni la provenance ne sont établies.

Il est par ailleurs inopérant que les logiciels dédiés au robot en cause, dont en tout état de cause les contenus ne sont pas révélés à la cour, et à supposer même qu’ils soient la propriété de la société AS2I, aient les mêmes fonctions puisqu’ils sont utilisés dans les mêmes domaines.

Enfin les sociétés intimés justifient des propres investissements de la société Leoni CIA consacrés au projet Orion de 2012 à 2017, tant au niveau financier qu’au niveau humain.

En conséquence, les actes de parasitisme incriminés ne sont pas établis. Le jugement sera également confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages intérêts pour procédure abusive des sociétés intimées

Le fait d’exercer une action en justice ne constitue pas une faute, sauf s’il dégénère en abus. En l’espèce, aucun des moyens développés par les sociétés intimées ne caractérise une telle faute. Elles seront en conséquence déboutées de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

Le sens de l’arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement dont appel en ses dispositions concernant les dépens et les frais irrépétibles.

Partie perdante, la SELARL Garnier-Guillouët en qualité de liquidateur judiciaire de la société AS2I sera condamnée aux dépens d’appel.

Enfin, les sociétés Leoni AG, Bizlink Robotic Solutions France SAS (anciennement Leoni CIA) et Leoni Wiring Systems France ont dû engager des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge. Il y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevables les demandes de la SELARL Garnier-Guillouët agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ARIPA S II à l’encontre de la société Leoni Wiring Systems France.

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 21 janvier 2021 par le tribunal de commerce de Paris.

Y ajoutant,

Condamne la SELARL Garnier-Guillouët, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ARIPA S II à payer aux sociétés Bizlink Robotic Solutions France SAS (anciennement dénommée Leoni CIA Cable Systems), Leoni Wiring Systems France et Leoni AG la somme de 10 000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SELARL Garnier-Guillouet, ès qualité de liquidateur judiciaire de la société ARIPA S II aux dépens d’appel.

La Greffière La Présidente

 

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