Décision de justice sur la Confidentialité

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ARRÊT DU

14 Avril 2023

N° 570/23

N° RG 21/02007 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T7MY

PS/AL

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOURCOING

en date du

15 Novembre 2021

(RG F 21/00077 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 14 Avril 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANT :

M. [Z] [P]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Nathalie LEROY, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Alexandre STECLEBOUT, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

Association CENTRE EUROPEEN DES TEXTILES INNOVANTS

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Benoit GUERVILLE, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Laure MOREAU-ANSART, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l’audience publique du 07 Mars 2023

Tenue par Alain MOUYSSET

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 14 Février 2023

FAITS ET PROCEDURE

M.[P] a été recruté le 29 avril 2010 en qualité de directeur technique par une association aux droits de laquelle se trouve le CENTRE EUROPEEN DES TEXTILES INNOVANTS (le CETI) implanté à [Localité 5]. Le 13 décembre 2019 celui-ci l’a licencié pour faute grave après l’avoir mis à pied à titre conservatoire.

Par jugement ci-dessus référencé le conseil de prud’hommes, saisi par le salarié d’une contestation de la rupture selon lui nulle ou non causée, a condamné le CETI au paiement des salaires de la mise à pied conservatoire, d’indemnités de rupture (23271,11 euros au titre du préavis, l’indemnité de congés payés afférente et une somme de

46 522,26 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement) et d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M.[P], débouté du restant de ses demandes, a formé appel de ce jugement le 30/11/2021. Sa déclaration d’appel et l’annexe jointe sont ainsi rédigées’:

«L’objet de l’appel est de demander à la Chambre sociale de la Cour d’appel de Douai la

réformation partielle du jugement de première instance, en ce qu’il a:

Dit et jugé que Monsieur [Z] [P] n’a pas subi de préjudice moral en raison de propos discriminatoires

Dit et jugé que Monsieur [Z] [P] n’a pas subi de préjudice relatif au défaut de prévention des risques;

Dit et jugé qu’il n’a pas eu d’exécution déloyale du contrat de travail;

PAR CONSEQUENT:

Dit et jugé que le licenciement prononcé à l’encontre de Monsieur [Z] [P] n’est pas nul;

Dit et jugé que le licenciement prononcé à l’encontre de Monsieur [Z] [P] n’est pas fondé sur une faute grave mais sur une faute simple;

Dit et jugé que l’Association CETl n’a pas à supporter la charge des cotisations sociales et de la CSG et de la CRDS sur le montant des condamnations prononcées;

Débouté Monsieur [P] du surplus de ses demandes.»

Par conclusions du 8/7/2022 il prie la cour d’infirmer le jugement en ses dispositions critiquées par l’acte d’appel et de’:

«’CONFIRMER PARTIELLEMENT LA DECISION ENTREPRISE EN CE QU’ELLE A:

CONDAMNE l’association CETI à verser les sommes suivantes:

2612,14 € correspondant à la restitution de sa rémunération prélevée lors mise à pied conservatoire; 261,21 euros au titre des congés payés y afférents;

23271,12 euros au titre de l’indemnité de préavis outre les congés payés y afférents;

46522,26 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement

1500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

ORDONNE la capitalisation des intérêts;

‘ DEBOUTE l’association CETI de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile;

STATUANT A NOUVEAU’A titre principal,

JUGER que le licenciement est nul; FIXER la rémunération moyenne mensuelle brute à 8112,71 euros;

CONDAMNER l’association CETI à payer les sommes suivantes:

632,90 € bruts à titre de complément de salaire de la mise à pied conservatoire;

63,29 € bruts à titre de congés payés

1.067,01 € bruts à titre de complément d’indemnité compensatrice de préavis;

106,69 € bruts à titre de congés payés

44.008,77 € à titre de complément d’indemnité de licenciement;

194.705,04 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul;

48.676 € à titre de dommages et intérêts du fait du harcèlement moral;

24.338 € au titre de la réparation du préjudice relative au défaut de prévention des risques ;

24.338 € pour préjudice moral en raison des propos discriminatoires tenus,

A titre subsidiaire, JUGER que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse;

CONDAMNER l’association CETI à payer les sommes suivantes:

-194.705,04 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

-48.676 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

confirmer le jugement pour le surplus

DEBOUTER l’association CETI de l’ensemble de ses demandes

CONDAMNER l’association CETI à supporter la charge des cotisations sociales et de la CSG et de la CRDS sur le montant des condamnations prononcées;

ORDONNER la remise d’une attestation Pôle emploi rectifiée et d’un bulletin de salaire correspondant au montant des condamnations et cotisations supportées par l’employeur sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par pièce

CONDAMNER l’association CETI à verser à Monsieur [P] la somme de 4.500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Vu les conclusions du 10 mai 2022 par lesquelles le CETI demande à la cour de:

«REFORMER la décision de première instance en ce qu’elle a… (suit l’énoncé des condamnations prononcées par le premier juge)

STATUANT A NOUVEAU SUR LES POINTS REFORMES ET Y AJOUTANT:

Débouter Monsieur [P] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions.

Condamner Monsieur [P] aux dépens de première instance et d’appel et à verser la somme de 4.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile toutes instances confondues.

A titre subsidiaire CONFIRMER la décision en ce qu’elle a dit que le licenciement repose à tout le moins sur une cause réelle et sérieuse sur les montants des condamnations prononcées par le Conseil de Prud’hommes au titre de la période de mise à pied conservatoire, l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, en ce qu’elle a débouté Monsieur [P] de ses autres demandes.

Réformer la décision sur le montant des condamnations au titre de l’indemnité de licenciement. Statuant à nouveau sur ce point réformé, réduire le montant de cette dernière à 40 490,22 €.

MOTIFS

LES DEMANDES AU TITRE DE L’ANNULATION DU LICENCIEMENT

le harcèlement moral

Aux termes de l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent présumer l’existence d’un harcèlement. Dans l’affirmative, l’employeur doit prouver que ses agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, les moyens invoqués par le salarié ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs détaillés et pertinents que la Cour adopte sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation. Il sera ajouté que ses allégations sur des difficultés de communication, un isolement dans le travail, un travail sur du matériel mal programmé, une absence de définition de fonctions et de formation ainsi que sur des agissements hostiles sans qu’en soit précisée la nature, sont excessivement générales et dénuées d’étayage. L’intéressé se prévaut d’un déclassement ne pouvant se déduire de ce qu’il a pu être présenté, sur l’organigramme ou des cartes de visite, alternativement comme ingénieur RD, ingénieur textile et directeur technique alors qu’il a constamment exercé des fonctions à un haut niveau de l’entreprise. Il n’est pas fondé de reprocher à son employeur l’absence de définition de ses fonctions alors qu’il les a exercées sans avoir eu besoin qu’elles lui soient précisées. Le retrait de fonctions n’est pas établi, l’employeur faisant à juste titre valoir qu’il lui a confié des projets stratégiques conformes à sa classification. Il résulte des comptes rendus de réunion que M. [P] a activement collaboré au projet COTTON-UP et qu’il a bénéficié de formations adaptées. La dotation de matériels obsolètes n’est pas avérée. Au titre des éléments médicaux le salarié se borne à produire un certificat de son médecin-traitant attestant d’un suivi psychologique depuis 2015 mais cette pièce n’a pas de rapport suffisant avec un harcèlement moral présenté comme postérieur. Le harcèlement moral ne pouvant se déduire de simples allégations ou d’une mésentente au plus niveau de l’entreprise il y a lieu de confirmer le jugement et de rejeter la demande de dommages-intérêts.

La discrimination

Il résulte de l’article L 1132-1 du code du travail que nul ne peut être licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire en raison de son âge. En application de l’article L 1134-1 du code du travail, lorsqu’une discrimination est alléguée l’employeur doit soumettre au juge les critères objectifs et pertinents, étrangers à toute discrimination, justifiant l’inégalité de traitement entre salariés, à charge pour ceux soutenant en être victime de lui communiquer préalablement les éléments de fait propres à en laisser supposer l’existence.

M.[P] expose en substance que son directeur a indiqué à des salariés qu’il souhaitait se séparer de lui en raison de son âge. Il verse aux débats deux attestations ainsi rédigées émanant d’anciens salariés du CETI:

attestation de M.[L], ancien cuisiniste de l’entreprise

«’…lors de réunions de travail M.[K] a à plusieurs reprises exprimé le souhait de se séparer de M.[P] vu son coût salarial et son âge, M.[K] n’a pas mis ce souhait à exécution du fait du coût élevé que représentait le licenciement’»

une attestation de Mme [W], non assortie d’une copie de sa pièce d’identité, rédigée en des termes similaires.

Ces attestations, émanant de personnels de catégorie subalterne n’indiquant pas à quel titre ils ont pu assister à des réunions concernant le sort d’un cadre de haut niveau, sont particulièrement imprécises et sujettes à caution. A supposer les faits exacts il s’en déduirait tout au plus que l’employeur aurait renoncé au licenciement de M.[P] en raison de son coût ce qui ne laisse pas présumer la discrimination. Il appert par ailleurs que le licenciement est motivé par des manquements de nature disciplinaire sans aucun motif discriminant. En fin de compte, le salarié ne fournit pas d’élément laissant supposer que son âge ait été pris en compte dans les décisions le concernant.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation du licenciement et les demandes afférentes y compris celle au titre du manquement de l’employeur à l’obligation de prévention des risques ne résultant d’aucun élément.

LA CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE DE LICENCIEMENT

Dans la lettre de licenciement fixant les termes du litige l’employeur reproche en substance au salarié d’avoir lors d’une réunion de travail à laquelle assistait la direction et des fournisseurs extérieurs’puis lors d’une réunion de débriefing le même jour:

-manifesté une opposition délibérée et réitérée à la stratégie

-refusé délibérément d’appliquer la stratégie de l’entreprise

-critiqué et dénigré son employeur, une ingénieure RD et des salariés de l’entreprise

-quitté soudainement la réunion en cours

-mis en cause du directeur général et le directeur financier par une attitude critique et ironique

-tenu des propos inadmissibles et déplacés

-sabordé l’activité stratégique du développement durable du CETI

-peu avant la réunion tenu des propos déplacés devant des salariés en leur reprochant de ne pas venir travailler le vendredi après-midi.

Le CETI, qui développe les griefs dans ses écritures, soutient que le maintien du salarié dans l’entreprise était impossible même durant le préavis. M.[P] conteste toute faute et se prévaut d’un usage non abusif de sa liberté d’expression à l’occasion de ses réserves émises sur la stratégie de l’entreprise.

Sur ce,

Aux termes de l’article L 1232-1 du code du travail tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Lorsque l’employeur invoque une faute grave du salarié dans la lettre de licenciement il lui incombe d’en apporter la preuve à charge pour le juge d’apprécier le caractère réel et sérieux des griefs et de rechercher s’ils constituaient une violation des obligations découlant du contrat de travail rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

En premier lieu, il ressort de la lettre de licenciement que sont reprochés au salarié des propos non détaillés mais de nature contestataire tenus au cours d’une même journée d’abord en présence de deux représentants de fournisseurs lors d’une réunion de début de matinée, ensuite devant sa direction lors du débriefing de fin de matinée. Il lui est également reproché d’avoir tenu, devant des salariés, des propos mettant en cause la demi-journée de repos du vendredi après-midi mais cette allégation n’est étayée d’aucun élément. Il ne ressort non plus d’aucun élément que M.[P] ait soudainement et sous la colère quitté la réunion. Ensuite, il résulte des attestations versées aux débats que lors de la première réunion en présence de représentants de deux sociétés sous-traitantes, M.[P] a exprimé de vives réserves sur la faisabilité du projet de production massive de tissus. S’il a pu mettre en cause l’appréciation d’une ingénieure sur la faisabilité du projet, ce qui n’équivaut pas à la présenter en tant que telle comme incompétente, il l’a fait afin d’étayer son argumentation et en sa qualité de responsable de service. Il s’est opposé au processus d’industrialisation dans lequel le CETI, centré sur l’expérimentation et le soutien technique avant l’industrialisation, souhaitait s’engager alors que ses statuts associatifs pouvaient sembler y faire obstacle. Il a sans doute manifesté une opposition résolue à ce nouvel axe de développement mais ce faisant il n’a pas abusé de la liberté d’expression dont jouit tout salarié dans l’entreprise. Ses propos ne sont pas précisés dans la lettre de licenciement et il ne peut être retenu vu les attestations produites au dossier qu’ils aient été excessifs. Les réserves ont été exprimées en sa qualité de directeur technique pourvu d’une longue expérience pratique. Du reste, il ne s’est pas opposé à l’ensemble de la stratégie de l’entreprise mais au projet précité dont il a pointé l’incohérence au regard des statuts associatifs et de ses difficultés de mise en ‘uvre sans que la cour ait besoin de déterminer si ces réserves étaient ou non justifiées et pertinentes.

Il ressort des attestations des témoins [R] et [V] que M.[P] a évoqué des «décisions irresponsables» ce qui dans le contexte susvisé ne relevait pas d’un abus de la liberté d’expression. L’attestation de M.[S] est quant à elle dépourvue de caractère probant puisqu’il n’apparaît pas avoir assisté aux réunions. La cour ajoute que les réticences du salarié au projet de sa direction ont été exprimées non pas devant des clients mais devant des entreprises appelées à y concourir, ce qui est différent. Par ailleurs, il ne ressort d’aucune pièce que M.[P] ait été amené, en qualité de directeur technique, à donner son avis sur le projet avant la réunion, ce qui aurait pu éviter l’expression fâcheuse de divergences de vues en présence de tiers et caractérise un manque de loyauté de l’employeur. Il appert que M.[P] a été convié à la réunion du 29/11 sans avoir reçu d’information précise sur son objet et qu’il a donc été mis devant le fait accompli. Dans ce contexte, le grief tenant à la violation de l’obligation de discrétion et à la divulgation de données confidentielles est dénué de pertinence.

La réponse apportée le 9 janvier 2020 par l’employeur à la demande de précision des motifs de licenciement est éclairante sur les motifs du licenciement tenant en réalité à une divergence de vues ponctuelle sur des orientations stratégiques non concertées. Dans sa demande de précision des motifs du licenciement le salarié écrivait ceci’:

«pour faire suite à votre lettre de licenciement pour faute grave je vous informe que je conteste la légitimité de ce licenciement pour faute grave. En outre, je souhaiterais des éclaircissements sur les points suivants:

Page 1 § 2 : qu’entendez-vous par reprise de l’ancienneté au 15 mai 2010′

Page 1 § 4 et 5 : Pourquoi les libellés des objectifs qui m’étaient fixés pour l’année 2019 sont-ils différents de ceux qui figurent sur le rapport d’ entretien annuel signé par vous’

‘ Page 1 § 6: Qu’entendez-vous par leader international incontournable’

‘ Page 1 § 7: Pourriez-vous me transmettre le document actant mon positionnement de responsable de la nouvelle plateforme citée’

‘ Page 1 § 8: Pourriez-vous me préciser les moyens mis en place pour m’aider dans mes actions ainsi que les formations et accompagnement ingénierie chez les fournisseurs de matériel associés au projet’

‘ Page 2 § 3 : pourriez-vous me fournir des éclaircissements sur la stratégie et mise en place de la nouvelle politique de Recycling et développement durable au sein du CETI’

‘ Page 2 § 3: Comment justifiez-vous mon refus délibéré d’en assurer son application ‘

‘ Page 2 § 3: Pourriez-vous m’éclairer sur la manière par laquelle j’ai dénigré la Direction Générale’

‘ Page 2 § 3: Pourriez-vous m’éclairer sur la manière par laquelle j’ai remis en cause et critiqué la compétence et la capacité d’une ingénieure Responsable du Business Développement Durable, des salariés du CETI (lesquels 7) et des actions et réalisations menées par la Direction Générale

‘ Page 2 § 3 : Pourriez-vous m’éclairer sur ce qui vous permet d’affirmer que j’ai eu une attitude irrespectueuse et négative et des propos déplacés’

Page 2 § 4: Pourriez-vous m’éclairer sur ce qui vous permet d’affirmer que j’ai mis en doute la capacité financière et technique du CETI à pouvoir faire de la production en industrialisant Ie process de R&D’

‘ Page 2 § 4 : Pourriez-vous m’ éclairer sur ta liste des investissements à faire que j’aurais énoncée’ Pourquoi jugez-vous que celle-ci n’a aucun fondement’

‘ Page 2 § 4 : Pourquoi le Verbatim: « il faut arrêter de rêver et redescendre sur Terre» est-il désastreux et infondé’

‘ Page 2 § 4: Pourriez-vous m’éclairer sur les arguments formulés à l’égard de la compétence de [I] [V]’ Pourriez-vous me donner des éclaircissements sur le fournisseur concerné et la rupture de production citée’

‘ Page 3 § 1: Pourriez-vous m’éclairer sur ce qui vous permet d’affirmer que j’ai remis en cause le Directeur Général et son diplôme d’ingénieur textile’

‘ Page 3 § 1: Pourriez-vous m’éclairer sur le contenu de l’email d’invitation du 2 octobre 2019 ‘ Cet email contenait-il notamment tous les détails dont j’ai affirmé n’avoir été prévenu que 2 jours auparavant’ De quelle manière ai-je remis en cause le Directeur Financier’

‘ Page 3 § 1: Pourriez-vous m’éclairer sur ce qui vous permet d’affirmer que j’ai critiqué le Directeur Général et ironisé sur ses actions ou les ai niées’

‘ Page 3 § 1 : Pourriez-vous me préciser les propos que j’aurais tenus sur le travail du Vendredi après-midi au CETI ‘ Qu’entendez-vous par l’absence de préparation de la visite très importante de l’organisation France Terre Textile’ Pourriez-vous me préciser ce que vous entendez par organisation très importante concernant France Terre Textile’

‘ Page 3 § 2 : Qu’entendez-vous par faits récurrents ‘

‘ Page 3 § 2 : Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par« porte atteinte directement et gravement à l’image du CETI vis-à-vis de ses clients et fournisseurs» puis par « véritable sabordage de l’activité stratégique développement durable » ‘

‘ Page 3 § 4 : Pourriez-vous me préciser ce que vous entendez par « vous n’avez pas contesté les faits évoqués ci-dessus»  »»

Ce courrier a donné lieu à la réponse suivante’:’

«Suite à votre courrier recommandé du 23 décembre 2019, veuillez trouver ci-dessous notre réponse à vos questions: Comme évoqué, votre contrat CETI est issu du transfert de votre contrat UP-TEX conclu le 15 mai 2010 et qui fait référence à la reprise de votre ancienneté. Les objectifs mentionnés dans votre courrier ont été globalisés sur l’exercice total et correspondent complétement à vos objectifs de progrès fixés lors de votre entretien annuel du 17 janvier 2019. Nous sommes surpris de votre demande de précision sur ce point qui confirme l’absence d’appropriation de votre part de la stratégie du CETI : vous n’êtes pas sans savoir que l’ambition du CETI est de devenir un des leaders internationaux de l’activité Recycling et de se positionner comme un expert de l’économie circulaire en Europe. Nous faisons référence à l’organigramme du CETI 2019 qui vous a été présenté ainsi qu’à l’ensemble du personnels lors d’une réunion le 18 février 2019. En tant que responsable de la ligne pilote Recyclage, vous aviez toute la latitude pour garantir votre opérationnalité. Vous avez donc bénéficié du support ingénierie des sociétés Laroche, Sercomatex et Schlaforst, fournisseurs de l’implantation technologique, de I’IFTH pour le conseil global pour la configuration de l’installation. Vous avez ensuite calibré vous même les formations nécessaires pour vous et votre équipe auprès de ces mêmes constructeurs de machines afin d’en garantir le bon fonctionnement. Une fois encore, nous sommes surpris de votre question qui confirme que vous ne souhaitiez vraiment pas vous approprier la stratégie du CETI qui avait été largement partagée, communiquée en interne (comme par exemple lors de la réunion du personnelle 29 mai 2019) et externe avec l’organisation entre autres de la journée d’inauguration de la plateforme dont vous aviez la responsabilité, qui s’est déroulée 19 septembre 2019. La lettre de licenciement qui vous a été adressée le 13 Décembre 2019 est une parfaite illustration et justification de votre refus délibéré d’assurer l’application de la stratégie du CETI. Encore une fois, comme évoqué ci-dessus, la lettre de licenciement illustre parfaitement par votre comportement et vos propos et comment vous avez pu de manière ostensible dénigrer la Direction Générale. Sur ce point, vous trouvez également dans la lettre de licenciement la mise en doute des compétences de I’ingénieure Responsable du Business Développement Durable, [I] [V], des salariés du CETI notamment le Directeur Financier [Y] [S] et la Direction Générale en la personne de [H] [K]. La lettre de licenciement est suffisamment « éclairante » sur ce point: le comportement illustré par une opposition systématique, les propos tenus, l’abandon au cours de réunion, la mise en cause en public devant qui plus est des interlocuteurs extérieurs, de la stratégie du CETI révèlent bien comme vous le précisez vous-même d’ » une attitude irrespectueuse et négative » entourée » de propos déplacés. Vous avez affirmé que le CETI n’était pas en mesure d’assumer des investissements supplémentaires sur cette ligne et que nous étions donc incapable de réaliser de la production de mini-séries. Ceci sans aucun fondement en tenant des propos mensongers contredisant la volonté d’investissement du CETI, qui pourtant vous avait été communiquée par le Directeur Financier à l’issue d’une validation par le conseil d’administration le 7 novembre 2019 acceptant l’enveloppe budgétaire d’investissement de la ligne pilote. II s’agit là de la liste d’investissements que vous avez-vous-même communiqué au Directeur Financier ainsi qu’au Directeur Général pour l’élaboration du budget 2020 présenté en conseil d’administration le 7 novembre 2020. Encore une fois, nous sommes très surpris de votre question: énoncer devant un public comprenant des tiers du CETI une telle phrase censée illustrer la stratégie du CETI et qui remet en cause la compétence de ses équipes est totalement « désastreux» pour notre image de marque et est de plus totalement « infondé ». En effet, nous considérons, au contraire de vous, que notre stratégie élaborée de manière concertée et très construite est adaptée aux prochaines évolutions de marché. Votre question confirme que vous ne prenez pas en compte cet état de fait, que vous ne vous rendez pas compte de l’impact d’un tel propos, ce qui est totalement fautif par rapport à la nature de votre fonction et justifie une fois de plus la décision de licenciement pour faute grave prise à votre encontre. Vous avez contesté en public les résultats de calcul d’une ingénieure R&D pour justifier devant les sociétés Textiles des Dunes et M.F.T. votre erreur de ne pas avoir produit les quantités de fil entrainant une rupture de production pénalisante pour ces fournisseurs et notre projet. La lettre de licenciement est très claire: il n’y a rien à ajouter sur ce point. Vous avez remis en cause l’email que vous avez reçu du directeur financier. Cet email de planification de l’évènement envoyé le 2 octobre 2019 faisait suite à une réunion d’organisation avec Promotex précisant votre rôle dans le déroulé de l’événement. Vos propos tenus lors de la réunion interne du 29 novembre de 11h00 à 11h30, affirmant n’avoir été prévenu de cette manifestation seulement 2 jours auparavant était donc fallacieux. Vos propos tenus à l’encontre du Directeur Général [H] [K] devant l’équipe présente lors de cette réunion du 29 novembre en qualifiant ses décisions d’irresponsables et en ironisant sur sa non maitrise des technologies de la ligne durable porte le discrédit sur ses actions. La lettre de licenciement est suffisamment « éclairante» sur ce point: le vendredi après-midi est une période travaillée contrairement à vos propos. Nous avions été alertés le matin que la ligne n’était pas préparée pour fonctionner pendant la visite remettant ainsi en cause tout le déroulé de cette présentation. il s’agit de faits qui se reproduisent, qui se répètent: ce qui est le cas de vos comportements, de vos propos tenus à plusieurs reprises caractérisant et renforçant le qualificatif de faute grave attaché à votre licenciement. Les agissements fautifs que vous avez commis se sont déroulés en public que ce soit vis-à-vis des équipes en interne oui et devant des interlocuteurs extérieurs, ce qui nuit gravement à l’image du CETI et démontre votre volonté de « saborder» et mettre à mal l’ensemble de la stratégie du CETI. lors de l’entretien préalable, vous n’avez en aucun cas contesté, remis en cause les comportements répréhensibles et les propos totalement déplacés que vous avez tenus’».

Il ressort de ce qui précède que le salarié a été licencié pour avoir exprimé des réserves sur des décisions de l’entreprise et que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.

Les conséquences financières

Des éléments versés aux débats il s’évince que l’indemnité compensatrice de préavis a été exactement chiffrée par le conseil de prud’hommes au regard du salaire dû. En cause d’appel l’employeur n’élève aucun moyen de fait ni de droit permettant d’infirmer le jugement sur ce point. La disposition relative aux salaires de la mise à pied conservatoire sera purement et simplement confirmée, le salarié ne pouvant à la fois réclamer sa confirmation et solliciter un complément d’indemnité.

Dans le dispositif de ses écritures l’employeur demande à la cour de limiter à la somme de 40 490,22 euros le montant de «’l’indemnité de licenciement’» mais dans leurs motifs il ne produit aucun moyen permettant de tenir pour inexact le chiffrage de l’indemnité conventionnelle effectué par le conseil de prud’hommes. Son appel incident est donc infondé. Le salarié demande quant à lui de confirmer le jugement en ce qui concerne l’indemnité de licenciement et de lui allouer un complément de plus 44 000 euros ce qui n’est pas admis. Vu ce qui précède le jugement sera purement et simplement confirmé en son chiffrage de l’indemnité de licenciement.

M.[P] n’invoque aucun moyen permettant d’écarter l’application du barème issu de l’ordonnance du 22 septembre 2017. Compte tenu des effectifs de l’entreprise, de son ancienneté remontant à 1999, du revenu dont il a été privé (7757 euros de salaire brut par mois, avant revenus de remplacement), de l’incidence de la perte de revenus sur le montant de sa pension de retraite, de ses difficultés à retrouver un emploi vu son âge (59 ans au moment du licenciement), des justificatifs sur sa situation postérieure à la rupture (création d’une entreprise de conseil après une période de chômage indemnisé) et du montant alloué à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement il lui sera alloué

60 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et financier causé par la nature injustifiée de la perte d’emploi.

Sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail sera en revanche rejetée, l’indemnisation allouée au titre du licenciement sans cause réelle ni sérieuse réparant l’ensemble de ses postes de préjudice. Du reste, aucune considération ne permet de déroger aux règles légales concernant les cotisations sociales à la charge des parties sur les sommes allouées.

Les frais de procédure

L’appel a occasionné des frais qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de M.[P]. Le CETI devra donc lui régler une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant

CONDAMNE l’association CETI à payer à M. [P] 60 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

ORDONNE le remboursement par le CETI à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M.[P] suite au licenciement, dans la limite de 6 mois

AUTORISE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière et dit qu’ils courront à compter de la demande pour les créances salariales et du jour du prononcé du présent arrêt pour celles à nature indemnitaire

DEBOUTE M.[P] du surplus de ses demandes

CONDAMNE le CETI aux dépens d’appel et de première instance.

LE GREFFIER

Serge LAWECKI

LE PRESIDENT

Marie LE BRAS

 

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