Production de vidéoclip : la validation des tournages

Notez ce point juridique

Le commanditaire d’un Vidéoclip ne peut reprocher au Producteur des manquements contractuels quant au respect du synopsis si les modifications en cause ont été validées, y compris de manière informelle (What’s app et emails).

Affaire Leeway

Les sociétés Third et Leeway ont engagé des pourparlers en vue de la conclusion d’un contrat de production du clip d’une artiste produite par la société Leeway dénommée « [L] ».

Un acompte de 19 248,40 dollars US correspondant à 17 737,20 euros a été versé par la société Leeway à la société Third, correspondant à 50 % du montant total de la prestation.

Un contrat de production a été conclu entre les parties avec pour objet la réalisation d’un clip vidéo. Il comprend un contrat principal et des annexes constituées d’une part, d’un devis de la prestation et d’autre part, du synopsis du clip proposé par le réalisateur M. [O] [X], le tout pour un budget arrêté à 35 000 euros.

Le tournage du clip a débuté en Californie le 28 février 2020, en présence de l’artiste objet du clip « [L] » et d’une représentante de la société Leeway, Mme [U] [G].

Versions successives du Clip

Le 14 mars 2020, une première version montée du clip est adressée par le réalisateur, M. [X], à la société Leeway.

A la suite des commentaires en retour de cette dernière, la société Third adresse une seconde version du clip le 27 mars 2020.

C’est alors que la société Leeway informe la société Third de son souhait de mettre un terme à cette production et de son refus de s’acquitter du solde de la prestation dû alléguant :

– du non- respect du synopsis et en particulier du lieu du tournage prévu dans le désert,

– du mauvais goût et de la vulgarité de certaines scènes rendant impossible la diffusion du clip.

Assignation en paiement

Par acte en date du 7 janvier 2021, la société Third a fait assigner la société Leeway devant le tribunal de commerce de Paris afin d’obtenir sa condamnation au paiement du solde du montant des prestations effectuées et au paiement de pénalités de retard. La société Leeway a formé une demande reconventionnelle en résolution du contrat de production et en réparation des préjudices qui en découlent.

Périmètre du contrat de production

Le contrat de production prévoit à son article 1 que : « 1.1 Le producteur exécutif s’engage à réaliser, pour le compte de la société, et aux conditions des présentes, la vidéomusique répondant aux caractéristiques artistiques figurant en pièce-jointe du présent contrat ;

1.2 Il est entendu que ces dispositions pourront être modifiées d’un commun accord écrit par email entre la société et le producteur exécutif ».

L’article 4 stipule que :

« 4.1 Le producteur exécutif soumettra à l’approbation de la société les éléments suivants :

– scenario et storyboard le cas échéant

– casting pour les acteurs

– choix des lieux de tournage

– précision de mise en scène

4.2 Le producteur exécutif s’engage à communiquer autant que possible avec la société pour la tenir au courant des avancées et potentiellement lui demander son approbation sur d’autres sujets que ceux-ci-dessus (direction artistique, stylisme, etc).

4.3 Le producteur exécutif s’engage à :

– obtenir les autorisations lui permettant d’entreprendre la réalisation de la vidéomusique et notamment les autorisations administratives requises (…) ».

L’article 5 prévoyant les obligations de la société, dispose notamment que :

« 5.1 la société reconnaît que sa collaboration active est déterminante dans le succès des prestations confiées au producteur exécutif.

5.2 A ce titre, la société s’engage à :

– définir de manière précise et concrète les objectifs et prestations attendues du producteur exécutif (…)

– collaborer étroitement avec le producteur exécutif pour résoudre toute difficulté rencontrée (…) ».

Modifications du tournage validées

S’il ressort notamment des attestations de M. [X], réalisateur du clip et auteur du synopsis, qui a témoigné pour les deux parties, que l’équipe sur place pour le tournage constituée d’un représentant de la société Leeway, de la société First, de l’artiste [L] et de lui-même, a appris en arrivant sur les lieux que l’autorisation obtenue ne leur permettait pas de tourner dans le désert autour de la pompe à essence et sur la route, il n’en demeure pas moins que selon M. [X], des solutions ont été trouvées qui n’ont entraîné aucun surcoût et ont été validées par M. [H] [P] dirigeant de la société Leeway, ce qui n’est pas démenti par la seconde attestation de M. [X] qui insiste surtout sur l’inutilité du tournage aux Etats-Unis en raison de l’absence d’autorisation pour filmer dans le désert.

Un procès-verbal dressé par huissier de justice constate les échanges de courriels entre M. [X] et M. [P] entre le 5 février 2020 et le 18 mars 2020 et un extrait des messages communiqués sur le groupe WhatsApp « Clip » créé par Mme [I] représentante de la société First sur place. Les échanges entre MM. [X] et [P] concernent surtout le budget, sont généraux et apportent peu de précision quant au script sauf le message du 5 février où M. [X] informe M. [P] lui avoir adressé un script sur WhatsApp et lui précise « scène de baise et de bouffe très subtilement filmé (sic), on repart sur mars attack !! ».

L’échange sur le groupe « Clip » dont fait partie M. [P], montre que Mme [I] a adressé dans un même temps trois photographies du tournage, la première avec le commentaire « on a shooté la scène du désert c’est canon », la seconde « Le pompiste est top » et la troisième « on va tourner la séquence dans la chambre du motel là », M. [P] ayant réagi à ces envois par un message « Hey, c’est top ». La société Leeway ne peut utilement soutenir que le message de M. [P] ne concernait pas la scène du désert, aucun commentaire défavorable quant à la première scène n’est en effet émis par M. [P].

Aussi, la société Third a bien obtenu l’autorisation de tournage prévue au contrat pour un lieu situé au milieu du désert.

La circonstance que le tournage ne puisse avoir lieu dans le désert alentour faute d’une autorisation ad hoc, à supposer que la société Third devait être informée de la nécessité d’une seconde autorisation ce qu’elle conteste, est inopérante, les éléments fournis au débat montrant que le réalisateur a trouvé des solutions pour représenter des scènes dans le désert conformément au synopsis ainsi que celui-ci en témoigne : « Lors du repérage dans le désert, durant lequel nous étions tous présents, le propriétaire du lieu de tournage nous a expliqué qu’il était interdit de tourner sur la route ainsi que dans le désert autour de la pompe à essence. Notre script nécessitait pourtant ces prises de vue. Nous avons trouvé des solutions pour contourner le problème, à savoir: utiliser le parking, et le transformer en désert pour simuler le crash (ref script) ».

La résiliation contractuelle fautive

Pour rappel, l’article 1217 du code civil prévoit que : « La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :

-refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;

-poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;

-obtenir une réduction du prix ;

-provoquer la résolution du contrat ;

-demander réparation des conséquences de l’inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter ».

L’article 1224 du même code dispose que :

« La résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. ».

Selon l’article 1227 du même code :« La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice ».

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