RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 19/03385 – N° Portalis DBVH-V-B7D-HO4M
YRD/JL
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE NIMES
29 juillet 2019
RG :F 16/00611
S.A.R.L. HOTEL ESTELOU
C/
[Z]
[Y]
Grosse délivrée le 26 AVRIL 2023 à :
– Me SERGENT
– Me OLIVIER-MARTIN
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 26 AVRIL 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de NIMES en date du 29 Juillet 2019, N°F 16/00611
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,
Madame Leila REMILI, Conseillère,
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère.
GREFFIER :
Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 5ème chambre sociale, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l’audience publique du 22 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 26 Avril 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
SARL HOTEL ESTELOU agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés es qualité audit siège social
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Jean jacques MARCE de la SCP MARCE ANDRIEU CARAMEL, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Sylvie SERGENT de la SELARL DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
Monsieur [L] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Marc OLIVIER-MARTIN de l’AARPI ROOM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [O] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Marc OLIVIER-MARTIN de l’AARPI ROOM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 26 Avril 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
MM. [U] [R] et [T] [I] ont proposé en août 2013 à MM. [F] [G], [O] [Y] et [L] [Z] de s’associer avec eux afin de reprendre l’Hôtel Estelou situé [Adresse 2].
Dans ce cadre, ont été créées, le 5 mars 2014 :
– la SCI Domaine de l’Estelou, avec MM. [U] [R], [T] [I], [F] [G], [O] [Y], [L] [Z] et [K] [X], dont la gérance a été confiée à MM. [U] [R] et [T] [I], associés majoritaires.
– la SARL Relais de l’Estélou (devenue Hôtel Estelou), entre d’une part la SARL Absolu développement, représentée par ses gérants, MM. [T] [I] et [U] [R] et d’autre part MM. [F] [G], [O] [Y], [L] [Z]. La gérance de cette société a également été confiée à MM. [T] [I] et [U] [R], associés majoritaires.
Un contrat à durée déterminée était conclu le 1er septembre 2015 entre d’une part la SARL Hôtel Estelou et d’autre part MM. [Y] et [Z] lequel prenait fin en décembre 2015.
Soutenant avoir exercé leur activité professionnelle au sein de l’Hôtel Estelou en qualité de salariés et non d’associés dès le mois d’avril 2014, MM. [Y] et [Z] ont saisi le 28 juillet 2016, le conseil de prud’hommes de Nîmes aux fins qu’il soit reconnu l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée entre la société Hôtel Estelou et eux, par voie de conséquence, solliciter la condamnation de la société Hôtel Estelou à leur verser diverses sommes pour les périodes de travail non rémunérées, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour non-respect de la procédure de licenciement, pour travail dissimulé, et pour rupture abusive.
Par jugement de départage en date du 29 juillet 2019, le conseil de prud’hommes de Nîmes a :
– dit que les activités professionnelles accomplies par MM [Y] et [Z] au sein de la SARL Hôtel Estelou à compter du 24 octobre 2024 pour le premier et à compter du 1er juillet 2014 pour le second, doivent être qualifiées comme relevant de l’accomplissement d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en raison du lien de subordination existant à compter de ces dates susvisées entre les requérants et les gérants majoritaires de la société défenderesse,
– rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la défenderesse,
– s’est déclaré matériellement compétent,
– dit que la rupture des contrats de travail à durée indéterminée à temps complet de chacun des requérants opérée le 14 décembre 2015 par la société défenderesse constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Par conséquent,
– condamné la défenderesse à payer à M. [O] [Y] les sommes suivantes :
* 19 480 euros au titre de rappel de salaire pour la période du 24 octobre 2014 au 31 août 2015 ainsi que la somme de 1948 euros au titre de l’indemnité de congés payés y afférente,
* 5844 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1948 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 194,80 euros au titre de l’indemnité de congés payés y afférente,
* 389,60 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
* 11688 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,
– condamné la défenderesse à payer à M. [L] [Z] les sommes suivantes :
* 27 272 euros au titre de rappels de salaires pour la période du 1er juillet 2014 au 31 août 2015 ainsi que la somme de 2727,20 euros au titre de l’indemnité de congés payés y afférente,
* 6202 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1948 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 194,80 euros au titre de l’indemnité de congés payés y afférente,
* 389,60 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
* 11688 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement,
– débouté les requérants de leurs demandes plus amples,
– condamné les requérants au paiement des entiers dépens,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 16 août 2019, la Sarl Hôtel Estelou a interjeté appel de cette décision.
MM [L] [Z] et [O] [Y] ont demandé le 04 février 2020 la radiation de l’affaire pour défaut d’exécution.
Le premier président de la cour d’appel de Nîmes, par ordonnance du 26 juin 2020, a ordonné l’arrêt de l’exécution provisoire.
MM [L] [Z] et [O] [Y] ont alors régularisé des conclusions de désistement d’incident le 1er septembre 2020.
Par une ordonnance du 18 septembre 2020, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement d’appel des requérants et a constaté l’extinction de l’instance n° RG 19/03385.
Le 18 février 2022, le conseiller de la mise en état s’est saisi d’office et a :
– ordonné la rectification de l’ordonnance rendue le 18 septembre 2020,
– dit qu’il y a lieu de lire aux lieu et place de : ‘Constatons le désistement d’appel de Messieurs [L] [Z] et [O] [Y]» la phrase suivante : constatons le désistement de Messieurs [L] [Z] et [O] [Y] de leur demande de radiation de l’affaire’,
– ordonné le rétablissement de l’affaire au rôle
– dit que les dépens de l’incident devant le conseiller de la mise en état suivront le sort de l’instance d’appel.
Par acte transmis par voie électronique le 17 mars 2022, MM [L] [Z] et [O] [Y] ont déféré à la cour l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 18 février 2022.
Par arrêt du 07 février 2023, la chambre sociale de la cour d’appel de Nîmes a :
– jugé irrecevable la requête en déféré adressée par MM [L] [Z] et [O] [Y] le 17 mars 2022 à l’encontre de l’ordonnance rectificative rendue par le conseiller de la mise en état le 18 février 2022,
– condamné MM [L] [Z] et [O] [Y] à payer à la Sarl Hôtel Estelou la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné MM [L] [Z] et [O] [Y] aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 09 juin 2022, la SARL Hôtel Estelou demande à la cour de :
– recevoir l’appel
– le dire bien fondé
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nîmes, réuni en formation de
départage, le 29 juillet 2019, en ce qu’il a :
* rejeté l’exception d’incompétence,
* s’est déclaré matériellement compétent,
* dit que les activités professionnelles accomplies par MM [Y] et [Z] en son sein à compter du 24/10/2014 pour le premier et à compter du 01/07/2014 pour le second, doivent être qualifiées comme relevant de l’accomplissement d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en raison du lien de subordination existant à compter de ces dates susvisées entre MM [Y] et [Z] et les gérants majoritaires de la société Hôtel Estelou,
* l’a débouté de sa demande, à titre subsidiaire, de voir débouter M. [O] [Y] et M. [L] [Z] de l’ensemble de leurs demandes fins et prétentions,
* dit que la rupture des contrats de travail à durée indéterminée à temps complet de MM [Y] et [Z] opérée le 14/12/2015 par elle constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* dit que la circonstance pour elle d’avoir employé M. [Y] [O] et M. [L] [Z] dans le cadre d’une activité salariée sans déclarer celle-ci caractérise une dissimulation d’emploi salarié au sens de l’article L8221-5 du code du travail,
* l’a condamné à payer à M. [O] [Y] les sommes suivantes :
° 19.480 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 24/10/2014 au
31/08/2015, ainsi que la somme de 1.948 euros au titre de l’indemnité de congés payés y afférente,
° 5.844 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle
et sérieuse,
° 1.948 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme
de 194,80 euros au titre de l’indemnité de congés payés y afférente,
° 389,60 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
° 11.688 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé.
* l’a condamné à payer à M. [L] [Z] les sommes suivantes :
° 27.272 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 01/07/2014 au
31/08/2015, ainsi que la somme de 2.727,20 euros au titre de l’indemnité de congés payés y afférente,
° 6.202 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle
et sérieuse,
° 1.948 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme
de 194,30 euros au titre de l’indemnité de congés payés y afférente,
° 389,60 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
° 11.688 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé.
* l’a condamné à remettre à MM [Y] et [Z] des bulletins de salaire pour la période d’octobre 2014 à décembre 2015, ainsi que les documents de fin de rupture (attestation Pôle Emploi, certificat de travail) rectifiés conformément au jugement rendu, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant une période de 10 mois, au-delà de laquelle il sera à nouveau statuer en tant que de besoin par la juridiction prud’homale,
* ordonné l’exécution provisoire du présent jugement,
* l’a débouté de sa demande de voir condamner M. [O] [Y] et M. [L] [Z] à lui verser chacun la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau :
A titre principal
– dire et juger que le conseil de prud’hommes n’est pas compétent pour connaître des demandes de MM. [Y] et [Z] relatives à l’existence d’un contrat de travail pour la période courant du 1er avril 2014 au 31 août 2015, en l’absence de tout lien de subordination,
– dire et juger que le tribunal de commerce de Nîmes était seul compétent pour connaître d’éventuelles demandes,
– dire et juger qu’elle est juridiction d’appel du tribunal de commerce de Nîmes,
– renvoyer l’affaire devant la chambre commerciale de la cour d’appel de Nîmes,
– dire et juger que MM. [Y] et [Z] ont exercé du 1er avril au 31 août 2015 des missions relevant de leur statut d’associé
– dire et juger qu’ils étaient pendant cette période gérant de fait
– les débouter de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions
– les condamner au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de
procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens
A titre subsidiaire
– dire et juger que MM. [Y] et [Z] ne justifient d’aucune fonction salariée réellement exercées du 1er avril 2014 au 31 août 2015
– les débouter de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions
– les condamner au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de
procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Elle soutient que :
– en raison des statuts et du pacte d’associés, il était entendu que MM. [Y] et [Z] ne travailleraient pas dans le cadre d’une relation de travail dans un premier temps,
– M. [Z] était immatriculé en qualité d’auto-entrepreneur, ils percevaient tous deux des prestations chômage pendant la période durant laquelle ils prétendent avoir été liés par un contrat de travail,
– les éléments produits démontrent qu’ils se sont au contraire comportés comme des gérants de fait.
En l’état de leurs dernières écritures en date du 17 mai 2022, contenant appel incident, M. [O] [Y] et M. [L] [Z] demandent à la cour de :
A titre principal :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré le conseil de prud’hommes de Nîmes compétent,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
* jugé que la période de travail non rémunérée était :
° pour M. [Y] du 24 octobre 2014 au 31 août 2015,
° pour M. [Z] du 1er juillet 2014 au 31 août 2015,
* limité en conséquence le montant des rappels de salaires sollicités à ce titre aux sommes suivantes :
° pour M. [Y] à la somme de 19.480, euros, outre 1948 euros au titre des congés payés y afférents,
° pour M. [Z] à la somme de 27272 euros, outre 2727,20 euros au titre des congés payés y afférents,
* les a débouté de leur demande d’indemnité de requalification et de d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;
* débouté M. [O] [Y] de sa demande de rappel de salaire au titre de la requalification du statut non cadre en statut cadre.
* les a débouté de leurs demandes plus amples
* les a condamné au paiement des entiers dépens,
* dit qu’il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
En conséquence, condamner la société Hôtel Estelou à verser les sommes suivantes :
Pour M. [O] [Y] :
* 31.351,05 euros à titre de rappel de salaire au titre des périodes de travail non rémunérées (avril 2014 à août 2015),
* 3.135,10 euros au titre des congés payés y afférents,
* 2.795,95 euros à titre de rappel de salaire au titre de la requalification du statut non cadre en statut cadre,
* 279,59 euros au titre des congés payés y afférent,
* 13.545,60 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
* 2.257,60 euros à titre d’indemnité de requalification,
* 2.257,60 euros à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
* 6.772,80 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 677,28 euros, au titre des congés payés y afférents,
* 767,58 euros à titre d’indemnité de licenciement,
* 13.545,60 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
* 3 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* aux dépens de première instance,
Pour M. [L] [Z] :
* 31.351,05 euros à titre de rappel de salaire au titre des périodes de travail non rémunérées (avril 2014 à août 2015),
* 3.135,10 euros au titre des congés payés y afférents,
* 12.540,42 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
* 2.090,07 euros à titre d’indemnité de requalification,
* 2.090,07 euros à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
* 4.180,14 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 418,01 euros, au titre des congés payés y afférents,
* 710,62 euros à titre d’indemnité de licenciement,
* 12.540,42 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
* 3 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* aux dépens de première instance,
– ordonner la remise des bulletins de paie, certificat de travail et attestation pôle emploi conformes au jugement à intervenir.
A titre subsidiaire, si la compétence du conseil de prud’hommes devait être écartée pour la période non couverte par un contrat de travail :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré le conseil de prud’hommes de Nîmes compétent pour la période travaillée à compter du 1er septembre 2015,
– constater l’existence d’un contrat de prestation de service entre la société Hôtel Estelou et eux
– condamner la société Hôtel Estelou à verser les sommes suivantes :
* Pour M. [O] [Y] :
° 85.000 euros en sa qualité de prestataire de service pour la période du 1er avril 2014 au 31 août 2015,
° 53.870 euros en sa qualité de prestataire de service si la cour retenait la même période travaillée que le conseil de prud’hommes de Nîmes du 24 octobre 2014 au 31 août 2015,
° 2.257,60 euros à titre d’indemnité de requalification,
° 2.257,60 euros à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
° 6.772,80 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
° 677,28 euros, au titre des congés payés y afférents,
° 767,58 euros à titre d’indemnité de licenciement,
° 13.545,60 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
* Pour M. [L] [Z] :
° 68.000 euros en sa qualité de prestataire de service pour la période du 1er avril 2014 au 31 août 2015,
° 56.000 euros en sa qualité de prestataire de service si la vour retenait la même période travaillée que le conseil de prud’hommes de Nîmes du 24 octobre 2014 au 31 août 2015,
° 2.090,07 euros à titre d’indemnité de requalification,
° 2.090,07 euros à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
° 4.180,14 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
° 418,01 euros au titre des congés payés y afférents,
° 710,62 euros à titre d’indemnité de licenciement,
° 12.540,42 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
En tout état de cause :
– condamner la SARL Hôtel Estelou à payer à M. [Y] une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SARL Hôtel Estelou à payer à M. [Z] une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SARL Hôtel Estelou aux dépens d’appel.
Ils font valoir que :
– ils étaient liés dès le mois avril 2014 dans le cadre d’un lien de subordination à l’égard de la société Hotel Estelou,
– les échanges de courriels et l’ordre du jour de la réunion du 24 octobre 2014 en attestent.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 18 mars 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 15 juin 2022.
MOTIFS
Sur l’incident soulevé par MM. [Y] et [Z] devant le conseiller de la mise en état
Par conclusions d’incident des 17 mai, 9 juin et 22 juin 2022 MM. [Y] et [Z] avaient saisi le conseiller de la mise en état d’une demande formulée à titre incident tendant à ce qu’il soit constaté l’extinction de l’instance au motif que l’ordonnance du 18 septembre 2020 par laquelle le conseiller de la mise en état a constaté le désistement d’appel des requérants et a constaté l’extinction de l’instance n° RG 19/03385 serait définitive.
Par conclusions d’incident notifiées à la cour le 21 mars 2023, MM. [Y] et [Z] demandent la cour de :
Acter le désistement de l’incident visant à demander la constatation de l’extinction de l’instance.
La SARL Hôtel Estelou déclare accepter ce désistement lors de l’audience.
A l’audience du 22 mars 2023, la cour a, à la demande conjointe des parties, prononcé la révocation de l’ ordonnance de clôture, accueilli les conclusions de désistement de MM. [Y] et [Z] et prononcé la clôture de l’instruction de l’affaire avant les débats.
Il convient de donner acte à MM. [Y] et [Z] de leur désistement de leurs prétentions élevées à titre incident tendant à la constatation de l’extinction de l’instance.
Sur l’existence d’un contrat de travail d’avril 2014 à septembre 2015
L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait, dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements et l’intégration dans un service organisé constitue un indice du lien de subordination lorsque les conditions de travail sont unilatéralement déterminées par le cocontractant.
Selon l’article L.8221-6 du code du travail « sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :
1. Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés […] »
La période litigieuse se situe d’avril 2014 à septembre 2015, date à laquelle les intimés ont bénéficié d’un contrat à durée déterminée qui devait prendre fin le 4 décembre 2015.
Selon les explications des parties MM. [U] [R] et [T] [I] ont proposé en août 2013 à MM. [F] [G], [O] [Y] et [L] [Z] de s’associer avec eux afin
de racheter les murs d’un hôtel et de recréer le fonds de commerce qui avait été liquidé depuis deux ans.
Pour ce faire, ils ont créé plusieurs sociétés dont la société Relais de l’Estelou, devenue Hôtel Estelou, et le pacte d’associés conclu le 26 mars 2014 adossé aux statuts de la SCI Domaine de l’Estelou prévoyait :
« Le projet repose sur le fait que Messieurs [O] [Y] et [L] [Z] ont accepté d’assurer l’exploitation de l’hôtel au quotidien impliquant leur emménagement et leur résidence sur place pour une durée minimum de 60 mois. Cette acceptation est une condition essentielle sans laquelle Ms [U] [R] et [T] [I] ne leur auraient pas proposé de s’associer à leur projet.
Le statut d’associés de Messieurs [O] [Y] et [L] [Z] tant au sein de la Société qu’au sein de la SCI Domaine de l’Estelou, propriétaire des murs où sera exploité le fonds de commerce de la Société, est en conséquence directement lié au maintien de leur activité professionnelle au sein de l’hôtel durant 60 mois minimum :
– [O] [Y] ayant accepté d’assurer l’exploitation de l’hôtel ;
– [L] [Z] ayant accepté d’assurer la maintenance et le suivi des travaux.
Ces derniers pourront exercer ladite activité auprès de la Société soit comme salariés soit comme prestataires de services.
Le projet d’association entre les parties repose également sur la complémentarité des compétences :
– [U] [R] et [T] [I] sont spécialisés dans l’hébergement touristique et
maitrisent tous les outils de la promotion des hébergements touristiques
– [O] [Y] a été le chef cuisinier de son restaurant en assurant l’exploitation avec
[L] [Z]. »
Une autre société destinée à exploiter un restaurant devait être créée par M. [Y] ce qui n’a pas eu lieu.
Il n’était d’ores et déjà pas acquis que MM. [Y] et [Z] exercent nécessairement leur activité dans le cadre d’un contrat de travail. Aussi la précision tenant au maintien de leur activité professionnelle au sein de l’hôtel ne recouvre pas une activité salariée.
Par ailleurs le Business Plan prévoyait que :
« La gérance et les fonctions supports en finance, chanel-management, marketing et juridique,
assurées par les associés, ne seront pas rémunérés lors de la 1ère saison (les rémunérations dues
seront inscrites en compte courant et prise lorsque la trésorerie de la société le permettra). Elles le seront par contre à partir de la 2 ème saison.
Cette organisation permettra de limiter les coûts salariaux et les charges sociales la 1ère année.»
Il était donc expressément prévu entre les associés qu’ils n’interviendraient pas dans le cadre d’une relation salariée lors de la première saison ( été 2014).
Au soutien de leurs prétentions MM. [Y] et [Z], sur lesquels repose la charge de la preuve, produisent les extraits de courriels suivants :
– une note du 22 septembre 2014 sur les points d’amélioration et les défaillances constatés rédigée par M. [U] [R] : « Vous trouverez ci-joint la nouvelle fiche d’élaboration des plannings hebdomadaires. C’est [S] qui est en charge d’établir les plannings, sauf en cas d’absence où c’est [O] qui les fera. La planification, n’est à faire que sur 2 semaines, la 2ème semaine étant donnée à titre indicatif. La planification se fait par fonction et par personne. Par exemple pour [L] et [O], on ne note plus les jours où ils travaillent, on note les tranches horaires qu’ils font dans une fonction donnée.
(..)
Merci de me mettre en copie de vos 1ers plannings pour que je vous les corrige si besoin est.»
– un courriel de M. [U] [R] à M.[O] [Y] en date du 13 juillet 2014 :
« En ce qui concerne le rangement :
o J’ai acheté de longue date des boites plastiques IKEA. Elles sont à la base d’un rangement bien fait. Ce qui évitera que tout traine n’importe où comme trop souvent actuellement.
o Il faudra mettre une étiquette sur chaque boite pour identifier rapidement son contenu et pour pouvoir remettre les choses à leur place. Nous descendrons notre étiqueteuse. S’il manque des boites ou des tailles on en achètera d’autres.
J’ai établi un plan de classement qu’il conviendra de respecter, là aussi dans un souci d’efficacité. Ce plan de classement étant commun à tous chacun saura où sont les choses. »
– un courriel de M. [U] [R] à M. [O] [Y] en date du 6 août 2014 :
« ci-joint une procédure pour l’utilisation du journalier, qui fait obligation de noter toutes les livraisons du jour en étant le plus précis possible afin de pouvoir relancer les entreprises s’il manque quelque chose.
A diffuser et à mettre dans le classeur. »
« Merci de le noter également dans le journalier. cela me permettra de contrôler les livraisons par rapport aux bons de commande que j’ai toujours avec moi »
– un courriel de M. [U] [R] à M. [O] [Y] en date du 3 août 2015: « à partir de ce jour, lorsque tu recevras une facture, avant de la mettre dans la bannette du comptable, tu devras tamponner la facture avent le tampon d’attribution que nous t’avons donné.
Tu devras ensuite remplir les cases du tampon, à savoir :
Mettre le lieu de réception de la facture. En ce qui te concerne tu mettras [Localité 5].
Mettre le nom ou le numéro du compte (uniquement les 6 premiers chiffres).
Pour cela tu devras suivre le plan d’attrition ci-joint
Mettre ton visa.
Merci de t’obliger à le faire »
– l’ordre du jour de la réunion du 24 octobre 2014 : « A partir de maintenant, tout le courrier professionnel reçu par l’hôtel doit nous être montré, quel que soit le destinataire (seul le courrier personnel échappe à cette règle),
Le courrier devra être mis dans un bac identifié « courrier reçu »
Le courrier qui demande une action devra être traité ou nous être communiqué par scan
Le courrier adressé au nom d'[T] ou d'[U] ne devra pas être ouvert et sera mis dans le courrier reçu »
– un courriel de M. [U] [R] à M. [O] [Y] en date du 1er septembre 2014 : «Cette base de données clients est importante, car elle nous permettra de faire du e-mailing. Il faut donc qu’elle soit correctement renseignée. Pour cela il faut :
-Obtenir pour chaque client le mail et le n°de tel, même quand la réservation se fait par téléphone. C’est un réflexe à prendre.
-Il faut renseigner le nom et prénom toujours de la même façon, à savoir:
– 1er lettre du nom et du prénom et majuscule, le reste ne minuscule
– On ne met pas de trait d’union entre les prénoms et les doubles noms
– On fait attention aux accents. Dans le doute, on le met sur le prénom (car c’est plus facile) mais pas sur le nom (sauf à avoir la certitude d’avoir la bonne orthographe) ».
– un courriel de M. [U] [R] à M. [L] [Z] en date du 8 juillet 2014 :« Les fauteuils des terrasses font très bien. Je suis moins convaincu par les fauteuils en teck. Récupère toutes les chaises pliantes. On verra si on garde les fauteuils en bois ou si on remet les chaises pliantes. »
– un courriel de M. [U] [R] à M. [O] [Y] en date du 6 août 2014 : « Pour les chaises reçues l’autre jour, elles vont dans les chambres : 102/ 103 /105 / 108 / 109/ 110 /111/112. »
– un courriel du 25 juillet 2014 de M. [U] [R] à MM. [O] [Y] et [L] [Z] « En ce qui concerne les rideaux, voici ce qu’il reste à faire :
– rideaux couloir Sud : les raccourcir pour qu’ils soient à 1 cm du sol en gérant le rebiquage sur les côtés – ‘ »
– un courriel du 27 octobre 2014 de M. [U] [R] à M. [O] [Y] : « je te propose de remplir l’inventaire ci-joint. Il est plus simple et ne sert qu’à compter les clés.
C’est un modèle mis en forme qu’il faut compléter avec les clés que je n’ai pas mis. Si i tu as un problème de mise en page, dis le moi et ne perds pas de temps là-dessus, car il y a de la prospection à faire. (‘)
Merci de m’adresser les inventaires complété et de les classer car ils serviront de référence pour le prochain comptage».
– un courriel du 1er août 2014 de M. [U] [R] à M. [O] [Y] : « Ne sachant pas si tu l’as bien vu sur la réservation ELMLAS, pour un « last minute deal » le calcul de la remise de 15% ne se fait pas sur tout le séjour mais uniquement sur un maximum de 2 nuits, pour une arrivée le jour même, ou d’une nuit, pour une arrivée le lendemain. Les autres nuits sont au tarif normal.(‘) Donc attention à ne pas te tromper »
– un courriel du 15 octobre 2014 de M. [U] [R] à M. [O] [Y] : « j’ai modifié cette semaine les promotions en ligne sur le site internet et j’ai publié le contenu des offres professionnelles. Merci de te reporter au site pour connaitre le contenu de nos offres et les conditions de leur application. En cas de besoin merci de m’interroger ou d’interroger [T]».
– un courriel de M. [U] [R] à M. [O] [Y] en date du 21 mai 2014 : « D’une façon plus générale précise sur un plan du RDC et du 1 er étage l’emplacement de toutes les caméras pour qu’on le valide »
– un courriel de M. [U] [R] à M. [O] [Y] en date du 7 juillet 2014 : « Pour toutes les demandes spéciales, avant de répondre au client, je te propose de vérifier avec nous si on ne préfère pas confier le dossier à [E] »
– un courriel de M. [U] [R] à M. [O] [Y] en date du 15 juillet 2014 : « Toute demande que tu adresses à [E] ou toute demande de création d’un document d’information client doit m’être envoyée à minima en copie »
– l’ordre du jour de la réunion du 24 octobre 2014 : « A partir de maintenant avant tout acceptation d’une proposition commerciale (quelle qu’elle soit), il faudra mon accord »
– un courriel de M. [U] [R] à M. [O] [Y] en date du 21 juillet 2014 : « Il faudrait que tu travailles sur un mail de remerciement à adresser aux clients qui nous ont laissé un avis positif sur l’hôtel (voir le 3 ème commentaire laissé par les belges). Merci de m’adresser un projet pour que je puisse te le valider. »
Ces éléments doivent être mis en perspective avec ce qui a été rappelé plus haut concernant les relations d’associés qu’entretenaient les parties, leur volonté au terme du business plan de ne pas se soumettre à une relation de travail.
La société Estelou conteste l’existence d’un lien de subordination et fait valoir les éléments suivants venant combattre les arguments des intimés.
Ainsi :
– concernant M. [Y] :
Elle verse un courrier adressé le 29 août 2014 à Pôle emploi par M. [Y] indiquant : « Je me suis absenté de [Localité 4] à partir du 15/08 pour avancer avec mes futurs associés sur notre projet de rachat d’un hôtel. J’ai parlé de ce projet lors de mon inscription. Il avance et devrait, si tout va bien, voir le jour avant la fin de l’année. Ceci ne m’empêche pas de rechercher du travail » confirmant son absence de [Localité 5] à cette époque.
Un courrier en date du 22 octobre 2014, dans lequel M. [Y] indiquait à Pôle emploi : « Je reste dans l’attente d’un prochain rendez-vous étant toujours à la recherche d’un emploi, tout en m’occupant de mes projets hôteliers qui avancent sur une très bonne voie »
La société appelante fait observer sans être utilement contestée, et ses pièces versées aux débats venant le confirmer, que M. [Y] :
– avait la signature sur le compte bancaire de la société et possédait une carte de paiement à son nom,
– a signé plus de 110 chèques et a réglé plus de 280 achats par carte bancaire,
– s’est déclaré en qualité de représentant légal de l’hôtel sur le contrat EDF,
– a passé certains accords commerciaux au nom et pour le compte de la société Hôtel
Estelou, y compris sans en référer à la gérance de droit ou en contradiction avec les instructions des dits gérants,
– a barré, comme M. [Z], sur la lettre d’accueil remise aux clients de l’hôtel, le nom du gérant de droit, M. [R], pour y mettre son nom en lieu et place,
– a sciemment ignoré les instructions de la gérance sur un devis de la société Plein Ciel et a passé commande pour 324,88 euros, signant alors le chèque de règlement, qu’interrogé sur ses initiatives en juin 2015 par les gérants, il avait alors répondu : « J’ai agi en toute responsabilité et avec les éléments donnés. Je suis amené à quelques décisions rapides, c’est aussi mon travail et ma responsabilité d’associé »,
– MM. [Y] et [Z] se déclaraient sur les réseaux sociaux « Propriétaires associés hôtel Estelou »,
– M. [Y] a demandé à son nom la licence d’exploitation pour la vente d’alcool au sein de l’hôtel, alors même que celle-ci est obligatoirement détenue par le dirigeant de l’établissement et le non-respect des dispositions légales peut entraîner la fermeture de l’établissement, que le formulaire CERFA stipule que le déclarant certifie agir en tant que « représentant légal de la société », alors qu’en se déclarant représentant légal de l’établissement, la responsabilité pénale de M. [Y] pouvait dès lors être engagée en cas de non-respect de la réglementation en vigueur (Article L3353-3 du Code de la Santé Publique).
La société démontre le caractère personnel des dépenses effectuées par M. [Y] avec le chéquier de la société Hôtel Estelou :
– chèque n°0000004 du 10 mai 2014, chèque n°0000024 du 10 juin 2014, et chèque n°0000034 du 24 juin 2014 qui révèlent qu’il a acheté pour plus de 5.900 euros de meubles et objets pour un usage personnel au magasin IKEA de Montpellier
– chèque 0000336 du 8 septembre 2014 : il a remboursé 114,21 euros à M. [Z], son compagnon.
– chèque n°0000339 du 17 septembre 2014 : il a versé une caution de 1.500 euros pour l’ouverture d’un compte au sein du magasin de bricolage Weldom
– chèque n°0000020 du 3 juin 2014, chèque n°0000051 du 10 août 2014, et chèque n°0000337 du 9 septembre 2014 : il s’est remboursé des dépenses personnelles, pour un montant total de 161,76 euros notamment du carburant pour sa voiture personnelle,
Par ailleurs, il a fait annuler une facture afin de ne pas faire payer un tiers qui avait séjourné au sein de l’hôtel.
La société appelante produit une attestation de Mme [S] [W], salariée de la société Hôtel Estelou : « Messieurs [Y] et [Z] se sont toujours présentés à moi, aux salariés, aux prestataires ainsi qu’aux clients comme les propriétaires de l’hôtel. Monsieur [Y] a refusé de remettre le mot d’accueil, destiné aux clients, signé par Monsieur [R] en tant que Directeur de l’hôtel et a barré le nom de Monsieur [R] en inscrivant son nom et celui de Monsieur [Z] par-dessus »
M. [Y] a écrit à M. [R] qu’il était associé et non salarié notamment le 15 mai 2015 :
« En ce qui concerne les termes, je ne suis pas un subordonné que l’on rappelle à l’ordre. Je suis un associé qui accepte les conseils et les explications. »
Le 17 juin 2015, il écrivait : « J’ai agît en toute responsabilité et avec les éléments donnés.
Je suis amené à quelques décisions rapides c’est aussi mon travail et ma responsabilité d’associé. »
La société appelante relève que les quelques courriels échangés sur toute la période (17 mails sur 16 mois) ne sont pas révélateurs d’un lien de subordination :
– courriel du 21.05.2021 : « Pour les caméras, je ne suis pas sûr de comprendre leur position. Peux-tu m’indiquer sur un plan leur emplacement».
– courriel du 07 juillet 2021 : « Sur le site, il est clairement dit que l’hôtel ferme du 4 janvier au 27 février 2015. On en avait discuté. Donc je ne comprends pas comment on a pu répondre au client que l’hôtel sera fermé le 20 novembre 2014 ».
– courriel du 15 juillet 2014 : a été adressé à M. [Y] après que celui-ci a adressé un courriel à [E], salarié de la Société Parisienne Absolu Travel, sans en informer MM. [I] et [R] « Toute demande que tu adresses à [E]’doit m’être envoyée à minima en
copie ».
– un courriel du 01 septembre 2014 qui ne comporte aucune instruction ou directive, il est adressé également aux deux autres associés, MM. [I] et [Z], et consiste en une analyse du taux de transformation en réservations des demandes reçues via le site Internet de l’Hôtel.
– un courriel du 28 octobre 2014 qui répond à un courriel de M. [Y] décrivant un problème de propreté et de rangement de la cuisine par un salarié, il ne comporte aucune directive ou instruction et prouve que M. [Y] s’était approprié le management des salariés et qu’il agissait bien en qualité d’associé et/ou gérant de fait.
– un courriel du 25 juillet 2014 qui fait un constat sur les rideaux des chambres :
« Demain on va descendre notre machine, si tu veux te remettre à la couture ».
– un courriel du 28 octobre 2014 : « J’ai bien noté que tu as passé un accord avec LABISTOURE. Cependant, je ne trouve aucune trace d’un mail mettant par écrit le contenu de l’accord » qui s’adresse à M. [Y] en tant qu’associé et/ou gérant de fait qui a passé un accord avec un fournisseur en toute autonomie.
La société appelante relève encore que M. [Y] produit l’ordre du jour d’une réunion du 24 octobre 2014 qui n’est d’une part qu’un simple ordre du jour mais qui, d’autre part, ne concernait qu’une réunion entre associés destinée à assurer la répartition des tâches. Le compte rendu de cette réunion se terminait ainsi « Conclusion : Le statut d’associé travaillant pour l’hôtel ne dispense pas de travailler selon les directives données par la gérance. Le statut d’associé comporte, dans notre vision des choses, une obligation d’exemplarité qui doit être reconnu par le personnel »
C’est à tort que le premier juge, s’emparant de ce seul document, a cru déceler l’existence d’un lien de subordination à compter du 24 octobre 2014.
– concernant M. [Z] :
la société appelante rappelle que M. [Z], était inscrit en tant que demandeur d’emploi et créateur d’entreprise auprès de Pôle emploi dans le cadre du projet de création avec M. [Y] de
la SARL de restauration qu’il devait cogérer et qu’il a réalisé des travaux en tant qu’auto-entrepreneur et a présenté une facture de 4.200 euros en avril 2014 la facture était ainsi libellée :« [L] [Z] 06 .60.46 .43.29
PLOMBERIE-CHAUFFAGE-RENOVATION
Auto entrepreneur Siret 79137221200013 [Adresse 2] ».
Il a établi une seconde facture de 6.800 euros en mars 2015, pour des travaux effectués en janvier et mars 2015
L’attestation de Mme [S] [W], reproduite ci-avant le concerne également.
La société démontre que M. [Z] a effectué des achats pour le compte de la SARL Hôtel Estelou à partir de 17 chèques signés en blanc par M. [Y] et ce, alors même qu’il n’avait pas la
signature sur le compte.
S’agissant des fiches de poste produites par M. [Z] qui auraient été établies par M. [R] dès le mois de septembre 2011, la société appelante soutient qu’elles émanent en réalité du site internet ATOUT France et non de M. [R].
S’agissant du courriel du 8 juillet 2014, la société appelante précise qu’il s’agit d’un courriel dans lequel M. [U] [R] répond à l’envoi de 3 photographies par M. [Z] produites au débat, en ces termes : « Les fauteuils des terrasses font très bien. Je suis moins convaincu par les fauteuils en teck.
Récupère toutes les chaises pliantes. On verra si on grade les fauteuils en bois ou si on remet les chaises pliantes. »
S’agissant du courriel en date du 13 juillet 2014, la société appelante observe qu’il a été adressé par M. [U] [R] à MM. [Z], [Y] et [I], c’est à dire à tous les associés et se concluant par : « On en discutera à l’hôtel ».
Par ailleurs M. [Z] n’est pas le destinataire principal des courriels des 1er et 11 septembre 2014.
La société appelante constate que la seule production de relevés de compte ne saurait permettre de caractériser l’existence d’un lien de subordination.
Enfin le courriel du 6 août 2014 (et non 8 juillet 2014 comme indiqué à tort par le premier juge ) rédigé par M. [R] à destination de M. [Z] indiquait « pour les chaises reçues l’autre jour, elles vont dans les chambres 102 / 103 / 105 / 108 / 109 / 110 / 111 / 112. As-tu fait une réserve pour la chaise qui a un pied cassé ‘ ». Le premier juge en a conclu tort que ce courriel caractérisait un lien de subordination.
Pour la période de mars 2015 à septembre 2015, MM. [Y] et [Z] ne démontrent pas avoir habité [Localité 5] et ont continué à percevoir l’allocation de retour à l’emploi versée par le Pôle emploi.
La société établit qu’ils ont largement utilisé les ressources de l’hôtel à leur propre profit :
– pour se rembourser des achats personnels pour un montant de 161,76 euros sans
justificatif,
– pour acheter de l’essence avec plus de 30 dépenses faites sans aucune demande
d’autorisation,
– pour réparer leur voiture personnelle à 2 reprises (une fois pour un montant de 481,39
euros et l’autre fois pour un montant de 482,83 euros),
– pour inviter des connaissances dans l’hôtel en laissant croire qu’ils prenaient à leur charge
la dépense, mais en la faisant annuler en s’adressant directement au comptable sans
demander d’autorisation à la gérance,
– pour faire des achats alimentaires chez Intermarché.
La société appelante fait observer que pour toutes ces irrégularités, MM. [Y] et [Z] n’ont pas été sanctionnés comme auraient pu l’être des salariés. Ces agissements ne peuvent se concilier avec l’existence d’un lien de subordination.
Enfin, la société appelante rappelle que MM. [Y] et [Z] :
– avaient fourni leur cautionnement personnel pour l’obtention de prêts bancaires par la SARL Hôtel Estelou et la SCI Domaine de l’Estelou pour un montant de 860.000 euros (150.000 euros chacun pour la SARL et 280.000 euros chacun pour la SCI) ;
– avaient concouru à hauteur de 107.044 euros au financement des comptes courant de la SARL Hôtel Estelou et de la SCI Domaine de l’Estelou .
– détiennent 34 % des parts de la SARL Hôtel Estelou,
– détiennent 32% des parts de la SCI Domaine de l’Estelou ,
– revendiquent 107.044 euros de comptes courants devant le tribunal judiciaire.
Il résulte de tout ce qui précède que les relations entre les parties jusqu’à la conclusion d’un contrat à durée déterminée le 1er septembre 2015 étaient celles d’associés à associés, et plus exactement d’associés majoritaires à associés minoritaires, voire de gérant à associés, ce qui explique les velléités de M. [R] pour faire prévaloir ses points de vue.
Le jugement déféré sera donc réformé en ce qu’il a reconnu une relation salariale antérieurement au 1er septembre 2015 et alloué diverses sommes aux intimés en conséquence.
Sur la compétence de la cour pour statuer sur la rémunération de MM. [Y] et [Z] si la qualité de salarié n’était pas retenue pour la période non couverte par un contrat de travail
MM. [Y] et [Z] demandent à la cour d’user de son pouvoir d’évocation, ils estiment que, comme la cour d’appel de Nîmes est juridiction d’appel du tribunal de commerce de Nîmes susceptible de statuer sur cette rémunération, elle devra pour la période antérieure au 1er septembre 2015, condamner la SARL Hôtel de l’Estelou à payer les sommes dues pour ces périodes à titre de rémunération de la prestation de service prévue au pacte d’associés.
Aux termes de l’article 90 du code de procédure civile :
« Lorsque le juge s’est déclaré compétent et a statué sur le fond du litige dans un même
jugement rendu en premier ressort, celui-ci peut être frappé d’appel dans l’ensemble de ses dispositions.
Lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si
la cour est juridiction d’appel relativement à la juridiction qu’elle estime compétente…»
La cour est effectivement juridiction d’appel relativement au tribunal de commerce de Nîmes compétent pour connaître de cette demande.
Le pacte d’associés évoqué plus avant prévoyait : «Les statuts d’associés de [O] [Y] et [L] [Z] tant au sein de la Société qu’au sein de la SCI Domaine de l’Estelou, propriétaire des murs où sera exploité le fonds de commerce de la Société, est en conséquence directement lié au maintien de leur activité professionnelle au sein de l’hôtel :
– [O] [Y] ayant accepté d’assurer l’exploitation de l’hôtel ;
– [L] [Z] ayant accepté d’assurer la maintenance et le suivi des travaux.
Ces derniers pourront exercer ladite activité auprès de la Société soit comme salariés soit comme prestataires de services.»
La société intimée reconnaît que «Sur la période allant de juillet à décembre 2014, Messieurs [Y] et [Z] n’ayant pas déménagé de [Localité 4], n’ont participé que partiellement à l’exploitation de l’hôtel..»
Il a été constaté que M. [Z] avait accompli des prestations pour lesquelles il avait été payé sur facturation.
Pour la période de décembre 2014 à mars 2015, l’hôtel était fermé, MM. [Y] et [Z] ne justifient d’aucune activité particulière distincte de leur seule qualité d’associé.
Pour la période allant de mars 2015 à septembre 2015, MM. [Y] et [Z] ont continué à être domiciliés sur [Localité 4].
Leur activité susceptible d’être rémunérée n’a donc commencé qu’en septembre 2015. Or c’est précisément à compter de cette date qu’ils ont pu bénéficier d’un contrat de travail conformément au pacte d’associés.
Il a été relevé que MM. [Y] et [Z] se sont comportés comme des gérants de fait en procédant à des paiements directement avec les instruments bancaires de la société.
Aucune rémunération n’a été prévue antérieurement à la conclusion d’un contrat de travail et MM. [Y] et [Z] n’ont au demeurant pas estimé devoir facturer leurs prestations pour toute cette période, ce que leur aurait permis le pacte d’associé, sauf à relever que M. [Z] a bien facturé ses interventions en qualité d’auto entrepreneur mais non comme prestataire de service pour l’organisation et la préparation du service hôtelier.
La société appelante rappelle que M. [Y] a perçu durant cette période, l’allocation de retour à l’emploi dans le cadre de la création d’une société de restauration en lien avec la société Hôtel Estelou et qu’il devait par ailleurs percevoir l’ACCRE au titre de la société qu’il devait créer avec M. [Z].
Il a été constaté que le Business Plan prévoyait que :
« La gérance et les fonctions supports en finance, chanel-management, marketing et juridique, assurées par les associés, ne seront pas rémunérés lors de la 1ère saison (les rémunérations dues seront inscrites en compte courant et prise lorsque la trésorerie de la société le permettra). Elles le seront par contre à partir de la 2ème saison.
Cette organisation permettra de limiter les coûts salariaux et les charges sociales la 1ère année.»
Il n’était donc prévu aucune rémunération la première année, tant en qualité de salarié que de prestataire de service.
Les parties ont ensuite recouru à la conclusion de contrats de travail pour chacun des intimés.
MM. [Y] et [Z] serons déboutés de leurs prétentions à ce titre.
Sur le travail dissimulé
En l’absence de reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail ayant lié les parties, les prétentions des intimés fondées sur les dispositions de l’article L.8221-5 du code du travail sont en voie de rejet.
Sur la requalification des CDD en CDI
MM. [Y] et [Z] sollicitent la requalification des contrats conclus à compter du 1er septembre 2015 au visa de l’article L.1242-12 du code du travail selon lequel :
« Le contrat à durée déterminée est établir par écrit et doit comporter la définition précise de
son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée».
Ils font valoir que leurs contrats à durée déterminée conclus à effet au 1er septembre 2015 ne comportent aucun motif de recours ce qui n’est ni contesté ( cf les écritures de la société appelante «Il n’est pas contestable que le contrat conclu par les parties ne prévoit pas explicitement le motif de recours au CDD.»), ni contestable.
Au demeurant les emplois pour lesquels il y était recouru ( responsable hébergement et restauration pour M. [Y] et responsable de maintenance et agent d’accueil pour M. [Z]) correspondent à l’activité normale et permanente de l’entreprise
Ces contrats à durée déterminée encourent donc leur requalification en contrat à durée indéterminée.
– Sur l’indemnité de requalification :
Au regard du salaire prévu à leur contrat de travail MM. [Y] et [Z] sont en droit de percevoir la somme de 1.948 euros à ce titre.
– Sur l’indemnité pour irrégularité de la procédure
MM. [Y] et [Z] font observer que la procédure de licenciement n’a pas été respectée, notamment en ce qui concerne les règles d’assistance du salarié lors de l’entretien préalable.
Il leur sera alloué la somme 500,00 euros chacun à ce titre.
– Sur l’indemnité compensatrice de préavis
Selon l’article L1234-1 du code du travail
«Lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :
1° S’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l’accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession…»
Selon la convention collective nationale HCR le préavis est fixé à 15 jours pour les agents de maîtrise. Aucune énonciation du contrat de travail ne reconnait le statut de cadre aux appelants.
Ils sont donc en droit de prétendre au paiement de la somme de 974 euros chacun.
– Sur l’indemnité de licenciement :
L’article L1234-9 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige prévoyait «Le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte une année d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.»
MM. [Y] et [Z] présentant une ancienneté inférieure à un an ne peuvent prétendre au paiement d’une indemnité de licenciement.
– Sur les dommages et intérêts pour rupture abusive
La rupture d’un contrat à durée déterminée qui a été requalifié en contrat à durée indéterminée s’analyse en un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de MM. [Y] et [Z], de leur âge, de leur ancienneté, de leur capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à leur formation et à leur expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à leur égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l’indemnité à même de réparer intégralement leur préjudice doit être évaluée à la somme de 1948 euros.
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en l’espèce.