C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE – A –
Section 2
PRUD’HOMMES
Exp +GROSSES le 27 AVRIL 2023 à
la SCP STOVEN PINCZON DU SEL
LD
ARRÊT du : 27 AVRIL 2023
MINUTE N° : – 23
N° RG 21/00532 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GJVA
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORLEANS en date du 28 Janvier 2021 – Section : ACTIVITÉS DIVERSES
APPELANTE :
Madame [G] [O]
née le 12 Mars 1974 à [Localité 7] ([Localité 7])
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Damien PINCZON DU SEL de la SCP STOVEN PINCZON DU SEL, avocat au barreau D’ORLEANS
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/001886 du 22/03/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de [Localité 7])
ET
INTIMÉS :
Monsieur [U] [W]
né le 26 Avril 1982 à [Localité 6] ([Localité 6])
[Adresse 1]
[Localité 3]
non représenté n’ayant pas constitué avocat
Madame [B] [H]
née le 30 Avril 1985 à [Localité 5] ([Localité 5])
[Adresse 1]
[Localité 3]
non représentée n’ayant pas constitué avocat
Ordonnance de clôture : 16 février 2023 à 9h00
Audience publique du 16 Février 2023 à 9h30 tenue par Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assistée lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier,
Après délibéré au cours duquel Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre a rendu compte des débats à la Cour composée de :
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,
Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller,
Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,
Puis le 27 Avril 2023, Madame Laurence Duvallet, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [G] [O] a été engagée par M. [U] [W] et Mme [B] [H] en qualité d’assistante maternelle pour la garde de leur fils, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à compter du 3 décembre 2018.
La relation de travail est régie par la convention collective nationale des assistants maternels du particulier employeur du 1er juillet 2004.
La relation de travail s’est déroulée du 3 novembre 2018 au 31 janvier 2019 puis l’enfant n’a plus été présenté à Mme [O].
Le 1er et 5 février 2019, Mme [O] a adressé deux lettres à M. [U] [W] et Mme [B] [H] pour connaitre le motif de la non-présentation de l’enfant.
Le 8 février 2019, Mme [O] a reçu un certificat de travail et une attestation Pôle emploi mentionnant qu’elle avait démissionné. Le même jour, elle écrivait à ses employeurs, contestant toute démission et leur demandant de régulariser la situation.
Par requête du 9 juillet 2019, Mme [O] a saisi le conseil de prud’hommes d’Orléans de demandes en paiement d’un rappel de salaire et de dommages-intérets, outre une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le 9 septembre 2019, elle a porté plainte pour usage de faux en écriture, contestant une lettre de démission rédigée et signée à son nom, datée du 14 janvier 2019 reçu par son conseil dans le cadre du litige prud’homale dont elle ne serait pas l’auteur.
Par un jugement du 28 janvier 2021, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé du litige, le conseil de prud’hommes d’Orléans a :
-Débouté Mme [G] [O] de l’intégralité de ses demandes.
-Débouté à M. [U] [W] et Mme [B] [H] de leurs demandes reconventionelles.
-Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.
Le 17 février 2021, Mme [G] [O] a relevé appel de cette décision par voie électronique auprès du greffe de la cour d’appel.
Mme [G] [O] a demandé le bénéfice de l’aide juridictionnelle le 11 mars 2021. Elle a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par décision du 22 mars suivant.
M. [U] [W] et Mme [B] [H] n’ont pas constitué intimés malgré la citation délivrée à l’étude pour chacun d’eux par voie d’huissier de justice, la domiciliation étant confirmée.
Par ordonnance du 10 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a :
-Rejeté la demande de production en original de la lettre du 14 janvier 2019 présentée par Mme [G] [O].
-Dit n’y avoir lieu à ordonner une mesure de vérification d’écriture de la signature figurant sur ce document.
PRÉTENTION ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 17 mai 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [G] [O] demande à la cour de :
-Recevoir Mme [O] en son appel,
-La déclarer bien fondée.
-Infirmer le jugement du 28 janvier 2021 en toutes ces dispositions.
-Statuant à nouveau,
-Constater que M. [W] et Mme [H] ne justifient pas d’une démission de Mme [O].
-Constater qu’ils ne justifient pas du retrait de l’enfant.
-Constater que Mme [O] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de ses employeurs en mai 2021.
En conséquence :
-Condamner solidairement M. [W] et Mme [H] à verser à Mme [O] les sommes suivantes :
13 101,48 euros nets au titre des rappels de salaires
484,84 euros nets au titre du préavis
117,27 euros au titre de l’indemnite’de licenciement
-Condamner solidairement M. [W] et Mme [H] à verser à Mme [O] la somme de 2.000 euros à titre d’indemnisation de son préjudice moral.
-Condamner solidairement M. [W] et Mme [H] à verser à Mme [O] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Proce’dure Civile, à charge pour celle-ci de renoncer au bénéfice de l’aide juridictionnelle sur le fondement de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, ainsi qu’aux entiers dépens.
La clôture a été prononcée le 26 janvier 2023, révoquée le 14 février 2023 puis prononcée par ordonnance du 16 février 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
– Sur la rupture du contrat de travail
Selon l’article 18 de la convention collective nationale des assistants maternels du particulier employeur,’ l’employeur peut exercer son droit de retrait de l’enfant. Ce retrait entraîne la rupture du contrat de travail. L’employeur qui décide de ne plus confier son enfant au salarié, quel qu’en soit le motif, doit lui notifier sa décision par lettre recommandée avec accusé de réception. La date de première présentation de la lettre recommandée fixe le point de départ du préavis.
Si le préavis n’est pas effectué, la partie responsable de son inexécution doit verser à l’autre partie une indemnité égale au montant de la rémunération qu’aurait perçue le salarié s’il avait travaillé. ‘
Il est constant qu’à compter du 1er février 2019, l’enfant de M. [W] et Mme [H] n’a plus été présenté à Mme [O]. Ceux-ci invoquent la démission de la salariée qui le conteste.
La démission ne se présume pas et doit résulter, selon une jurisprudence constante, d’une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail.
Les employeurs se prévalent de la démission de Mme [O] et d’un écrit en ce sens daté du 14 janvier 2019. Il apparaît toutefois que celle-ci conteste formellement être l’auteur de cet écrit communiqué à son conseil, lors de l’audience de conciliation, en simple copie dactylographiée comportant sa signature. Ce document qui mentionne qu’il est remis en main propre en double exemplaire n’est toutefois pas signé de M. [W] et Mme [H]. Les sommations de communiquer l’original de ce document n’ont pas été suivies d’effet. Mme [O] justifie avoir déposé plainte auprès de la gendarmerie pour faux et usage de faux dès qu’elle a eu connaissance de cet écrit. La réalité de la démission imputée à Mme [O] n’est pas démontrée de manière probante.
Par ailleurs, les lettres recommandées avec accusé de réception adressées par la salariée à M. [W] et Mme [H] dès la non présentation de l’enfant, les 1er et 5 février 2019, dont copies sont versées aux débats, caractérisent l’absence de toute volonté claire et non équivoque de démissionner prêtée à Mme [O], celle-ci ayant renouvelé son désaccord le 8 février 2019 à la suite de la réception de l’attestation Pôle mentionnant sa démission.
Dès lors, M. [W] et Mme [H] ne pouvaient considérer la démission de Mme [O] comme acquise. La lettre recommandée avec accusé de réception du 8 février 2019 leur demande explicitement de régulariser la situation, Mme [O] leur rappelant qu’elle n’avait reçu aucun courrier l’informant qu’ils ne présenteraient plus l’enfant [K]; ce qu’il se sont abstenus de faire par lettre recommandée avec accusé de réception.
L’ usage abusif du droit de retrait de M. [W] et Mme [H] ouvre droit à réparation. Mme [O] a été laissée dans l’incertitude pendant plusieurs jours, étant contrainte de leur écrire à trois reprises puis de saisir la juridiction prud’homale pour faire valoir ses droits. Par voie d’infirmation du jugement entrepris, M. [W] et Mme [H] seront condamnés solidairement à lui payer la somme de 600 euros au titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.
Mme [O] fait valoir qu’elle est restée salariée de M. [W] et Mme [H] jusqu’à sa prise d’acte intervenue par lettre recommandée avec accusé de réception en mai 2021 et demande un rappel de salaire de 13 101,48 euros nets. Il ressort toutefois des pièces versées aux débats que M. [W] et Mme [H] ont adressé à Mme [O] un certificat de travail et une attestation Pôle emploi réceptionnés le 8 février 2019. Ils ont ainsi entendu rompre le contrat de travail. La prise d’acte de Mme [O] est sans effet, le contrat de travail étant déjà rompu de fait, celle-ci ne pouvant soutenir qu’elle est restée, sur cette période, dans l’attente de la présentation de l’enfant.
Elle peut prétendre à un rappel de salaire de 121,46 euros correspondant à la période échue entre le 1er et le 8 février 2019, outre la somme de 242,92 euros nets au titre du préavis de 15 jours. Le jugement sera infirmé sur ces points.
Sa demande en paiement de 117,27 euros au titre de l’indemnité de licenciement sera, en revanche, rejetée, Mme [O] ne bénéficiant pas de 9 mois d’ancienneté permettant de prétendre à une indemnité de rupture selon les dispositions conventionnelles. Le jugement sera confirmé sur ce point.
– Sur les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de Mme [O] présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et laissé à chaque partie la charge de ses dépens.
M. [W] et Mme [H] seront condamnés à lui payer solidairement une somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles, à charge pour elle de renoncer au bénéfice de l’aide juridictionnelle sur le fondement de l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ainsi qu’aux entiers dépens.