27 avril 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/01600

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PC/DL

ARRET N° 217

N° RG 21/01600 –

N° Portalis DBV5-V-B7F-GI2A

S.A.S. [4] VENANT AUX DROITS DE LA [7] ([6]),

C/

CPAM DES DEUX-SEVRES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 27 AVRIL 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 avril 2021 rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de NIORT

APPELANTE :

S.A.S. [4], VENANT AUX DROITS DE LA [7] ([6])

Société inscrite au registre du commerce et des sociétés de NANTES sous le n° 344 477 468

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS, avocat postulant, et par Me Jean-Albert FUHRER, de la SELAS KPMG AVOCATS, avocat au barreau d’ANGERS, avocat plaidant

INTIMEE :

CPAM DES DEUX-SEVRES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Madame [X] [L], en vertu d’un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, les parties ou leurs conseils ne s’y étant pas opposés, l’affaire a été débattue le 07 février 2023, en audience publique, devant :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président qui a présenté son rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseillère

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Damien LEYMONIS

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Damien LEYMONIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

Le 18 décembre 2013, M. [R] [B], salarié de la [7] (aux droits de laquelle se trouve la S.A.S. [4]) a régularisé une déclaration de maladie professionnelle au titre d’une dépression majeure liée à des problèmes psychosociaux à laquelle était annexé un certificat médical initial du 17 décembre 2013 faisant état d’un syndrome dépressif récent semblant en rapport avec les conditions de son travail.

Par LRAR du 24 novembre 2014, la CPAM des Deux-Sèvres a notifié à l’employeur sa décision de prise en charge de la maladie par une LRAR ainsi rédigée :

‘Je viens de prendre connaissance de l’avis du CRRMP qui a reconnu la maladie déclarée d’origine professionnelle.

Cet avis s’impose à la caisse en application de l’article L461-1 5ème alinéa du code de la sécurité sociale.

En conséquence, je vous informe de la prise en charge de sa maladie > inscrite dans le tableau > du 17 décembre 2013 au titre de la législation relative aux risques professionnels….’.

Par LRAR du 22 juin 2015, la société [6] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Deux-Sèvres d’un recours contre la décision du 23 avril 2015 par laquelle la commission de recours amiable de la caisse a rejeté sa contestation de la décision de prise en charge.

M. [R] [B] est intervenu volontairement à l’instance.

Par jugement avant dire droit du 12 avril 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Niort a :

– déclaré recevable le recours formé par la société [4] venant aux droits de la [6],

– déclaré irrecevable l’intervention volontaire de M. [S] [B],

– débouté la société [4] venant aux droits de la [6] de sa demande d’inopposabilité et de sa demande d’indemnisation,

– condamné M. [B] à payer à la société [4] venant aux droits de la [6] la somme de 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la société [4] venant aux droits de la [6] de sa demande au titre de l’article 700 du code de porcédure civile à l’encontre de la CPAM des Deux-Sèvres,

– renvoyé le dossier de reconnaissance de maladie professionnelle de M. [B] aux fins d’avis devant le CRRMP de [Localité 8],

– sursis à statuer sur les autres demandes jusqu’à la notification de cet avis à l’initiative de la partie la plus diligente.

Au soutien de sa décision, le tribunal a notamment considéré :

– que le défaut ou le caractère insuffisant ou erroné de la motivation de la décision de la caisse permet seulement à son destinataire d’en contester le bien-fondé devant le juge sans condition de délai et ne saurait être automatiquement sanctionné par l’inopposabilité de cette décision,

– que l’employeur a été mis en mesure d’exercer son droit de consultation par lettre de clôture,

– qu’il ressort du courrier de notification de prise en charge qu’était joint à ce document l’avis du CRRMP qui relève l’existence d’une pathologie caractérisée à type de syndrome dépressif affection ne figurant pas aux tableaux des maladies professionnelles et conclut à l’existence de la preuve d’un lien de causalité direct et essentiel entre la pathologie déclarée et le travail habituel,

– que l’employeur a été clairement et suffisamment informé de la pathologie prise en charge par la caisse par cet avis du comité qui s’impose à elle.

La S.A.S. [4] a interjeté appel de cette décision par voie électronique le 19 mai 2021, en intimant exclusivement la CPAM des Deux-Sèvres.

L’affaire a été fixée à l’audience du 7 février 2023 à laquelle les parties ont développé oralement leurs conclusions transmises les 30 janvier 2023 (appelante) et 27 janvier 2023 (intimée).

La S.A.S. [4] demande à la cour, infirmant le jugement entrepris :

– en la forme, pour défaut d’objet certain et déterminé quant à son espèce, ainsi que pour non-respect du principe du contradictoire de la décision de la CPAM des Deux-Sèvres du 24 novembre 2014 prenant en charge la soi-disante maladie professionnelle déclarée par M. [R] [B] au titre de la législation professionnelle,

– d’infirmer la décision de rejet de la commission de recours amiable de la CPAM des Deux-Sèvres en date du 23 avril 2015,

– de lui déclarer inopposable la décision de la CPAM des Deux-Sèvres du 24 novembre 2014 prenant en charge la soi-disant maladie professionnelle déclarée par M. [R] [B] au titre de la législation professionnelle,

– de condamner la CPAM des Deux-Sèvres à lui payer la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle soutient, en substance :

1 – sur l’inopposabilité de la décision pour défaut d’objet certain, au visa des articles 1108 et 1129 du code civil en leur rédaction applicable en la cause :

– que la décision de la caisse est dépourvue de tout objet certain et déterminé quant à son espèce puisqu’il n’est précisé ni la nature de la maladie prise en charge ni le tableau sur lequel elle serait inscrite,

– que cette décision comprend des contradictions puisqu’il est indiqué que la maladie (non précisée) serait inscrite dans un tableau (non précisé) alors que, par courrier du 13 juin 2014, la caisse écrivait que la maladie (syndrome dépressif) déclarée par M. [B] n’était pas désignée dans un tableau de maladie professionnelle,

– que faute pour l’employeur de connaître le nom même de la maladie ayant été reconnue d’origine professionnelle et compte-tenu de ces contradictions, la décision de prise en charge doit lui être déclarée inopposable,

– que la caisse ne démontre pas que l’avis du CRRMP était joint au courrier de notification et qu’en toute hypothèse, le courrier de notification devait indiquer clairement et précisément la maladie prise en charge, sans pouvoir opérer par renvoi,

2 – sur l’inopposabilité de la décision de prise en charge pour non-respect du principe du contradictoire, au visa de l’article R441-14 du code de la sécurité sociale :

– que la caisse avait, avant la prise de décision, la double obligation d’informer l’employeur sur les éléments recueillis et susceptibles de lui faire grief et sur la possibilité de consulter le dossier,

-qu’elle n’a pas respecté sa première obligation dès lors :

– que le courrier de notification de clôture d’instruction ne contient aucune mention relative aux éléments recueillis et susceptibles de faire grief,

– qu’elle n’a reçu le courrier recommandé comprenant les pièces constitutives du dossier que le 17 novembre 2014, soit sept jours calendaires avant la date de prise de décision,

– que le courrier de notification de clôture d’instruction qui ne précise pas la nature de la maladie et sa désignation ne contient aucune référence aux articles R441-14 et R441-13 du code de la sécurité sociale.

La CPAM des Deux-Sèvres conclut à la confirmation de la décision déférée et au rejet des demandes de la société [4] en exposant en substance :

– que l’inopposabilité sanctionne exclusivement la méconnaissance du principe du contradictoire résultant de ce que l’employeur n’a pas été en mesure de faire valoir utilement ses observations dans le délai réglementaire de 10 jours francs,

– que la procédure est régulière et le contradictoire respecté dès lors que l’employeur a été réellement mis en mesure, avant que la caisse ne se prononce, de prendre connaissance des éléments qui fonderont la décision et de faire valoir ses observations,

– qu’en l’espèce, entre le 29 octobre (date de réception de la lettre de clôture d’instruction) et le 24 novembre 2014, il s’est écoulé un délai de plus de dix jours permettant à l’employeur de consulter les pièces et de faire valoir ses observations,

– que l’employeur ne peut se fonder sur la date de réception de l’envoi postal qu’il avait sollicité des pièces du dossier pour établir l’insuffisance du délai de consultation de ces pièces,

– qu’elle n’avait pas à lister dans son courrier de clôture d’instruction les pièces du dossier consultable dans la mesure où le courrier de consultation du dossier avant décision est rédigé conformément à l’article R441-14 qui fait lui-même référence à l’article R441-13 qui liste les éléments constitutifs du dossier.

MOTIFS

I – Sur le moyen d’inopposabilité tiré du défaut de motivation de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle :

Ce moyen sera rejeté dès lors :

– que les dispositions des articles 1108 et 1129 anciens du code civil afférents aux engagements contractuels sont inapplicables en l’espèce, aucun lien contractuel n’existant entre l’employeur et l’organisme de sécurité sociale qui exerce des prérogatives de puissance publique,

– que le défaut ou le caractère insuffisant ou erroné de la motivation de la décision de la caisse, à le supposer établi, permet seulement à son destinataire d’en contester le bien-fondé devant le juge, sans condition de délai, mais n’a pas pour effet de rendre la décision inopposable à l’employeur.

II – Sur le moyen d’inopposabilité tiré du non-respect par la caisse du principe du contradictoire tiré du défaut, dans la lettre de notification de clôture de l’instruction, d’information de l’employeur sur les éléments susceptibles de lui faire grief :

L’article R441-14 du code de la sécurité sociale en sa rédaction issue du décret 2009-938 du 29 juillet 2009 dispose que, dans les cas prévus au dernier alinéa de l’article R. 441-11, la caisse communique à l’employeur, au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d’en déterminer la date de réception, l’information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l’article R. 441-13,

Par lettre recommandée du 13 juin 2014 dont l’avis de réception a été signé le 17 juin 2014, la caisse a, au titre du dossier n° 131217879, avisé l’employeur qu’elle avait procédé à l’étude de la demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie (syndrome dépressif) déclarée par son salarié, [R] [B], le 17 décembre 2013, que cette maladie n’est pas désignée dans un tableau de maladies professionnelles, qu’elle transmet le dossier au CRRMP pour examen dans le cadre de l’article L461-1, 4ème alinéa du code de la sécurité sociale et que les pièces du dossier peuvent lui être communiquées à sa demande.

Par lettre recommandée postée le 28 octobre 2014 (dont l’avis de réception a été retourné par la Poste, signé, le 30 octobre 2014) portant les mêmes références de dossier que le courrier précité, la caisse a avisé l’employeur que l’instruction du dossier était terminée et que préalablement à la prise de décision sur le caractère de la maladie ‘hors tableau’ qui interviendra le 24 novembre 2014, il a la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier.

Si la caisse a respecté l’obligation, impartie par l’article R441-13 du code de la sécurité sociale, d’informer l’employeur sur la possibilité de consulter le dossier avant la prise de décision, force est de constater, s’agissant de l’autre obligation imposée par ce texte, qu’aucune information n’a été délivrée dans le courrier de notification de clôture d’instruction ou dans le délai de dix jours francs avant la date de prise de décision, quant à l’existence même d’un avis par le CRRMP et a fortiori son sens, élément manifestement susceptible de faire grief à l’employeur.

Il sera observé que la première mention de l’avis du CRRMP, dans les correspondances de la caisse versées aux débats, n’apparaît que dans le courrier de ‘notification de décision après avis du CRRMP’ du 24 novembre 2014.

Ce manquement au principe du contradictoire justifie, par réformation du jugement entrepris, le prononcé de l’inopposabilité à l’employeur de la décision de prise en charge de la maladie déclarée le 18 décembre 2013 par M. [B].

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile s’agissant tant des frais irrépétibles exposés en première instance (le jugement étant de ce chef confirmé en ce qu’il a débouté la société [4] de sa demande dirigée contre la caisse) que de ceux exposés en cause d’appel.

La CPAM des Deux-Sèvres sera condamnée aux dépens d’appel et de première instance.

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