DLP/SC
[E] [I]
C/
Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Saône et-Loire (CPAM)
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 27 AVRIL 2023
MINUTE N°
N° RG 20/00511 – N° Portalis DBVF-V-B7E-FSJZ
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Pole social du TJ de MACON, décision attaquée en date du 19 Novembre 2020, enregistrée sous le n° 18/00185
APPELANTE :
[E] [I]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Sami KOLAÏ de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES substitué par Maître Dimitri FALCONE, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES
INTIMÉE :
Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Saône et-Loire (CPAM)
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Mme [D] [O] (Chargée d’audience) en vertu d’un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 mars 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Dephine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller, Président
Olivier MANSION, Président de chambre,
Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Sandrine COLOMBO,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller, et par Sandrine COLOMBO, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Mme [K] a fait l’objet d’un arrêt de travail du 23 avril 2014 au 24 décembre 2015,
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 septembre 2017, la caisse primaire d’assurance maladie de Saône-et-Loire (la CPAM) lui a notifié un indu d’indemnités journalières pour la période du 6 mai 2014 au 18 août 2015 d’un montant de 19 790,41 euros au motif que : « pendant votre arrêt de travail couvrant la période du 23 avril 2014 au 30 novembre 2015, vous n’avez pas respecté votre obligation de vous abstenir de toute activité non autorisée précisée à l’article L. 323-6 du code de la sécurité sociale ».
Malgré les contestations de Mme [K] transmises par courrier du 14 septembre 2017, la CPAM a, par lettre recommandée du 16 novembre 2017, transmis à l’assurée une mise en demeure de lui régler la somme totale de 19 790,41 euros.
Par lettre recommandée du 5 décembre 2017, Mme [K] a saisi la commission de recours amiable de la caisse (la CRA) laquelle a, le 26 février 2018, confirmé la décision de la CPAM.
Par requête reçue au greffe le 24 avril 2018, Mme [K] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de voir :
– limiter le montant des indemnités journalières objet de l’indu à la somme de 846,72 euros,
– annuler la notification de l’indu du 8 septembre 2017 et la mise en demeure du 16 novembre 2017,
– infirmer la décision de la commission de recours amiable de la CPAM du 26 février 2018,
– condamner la caisse à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens.
Par jugement du 19 novembre 2020, le tribunal :
– déclare Mme [K] recevable en son recours,
– dit que l’action de la CPAM relative à l’indu notifié à Mme [K] par courrier du 8 septembre 2017 n’est pas prescrite,
– déboute Mme [K] de sa demande d’annulation de la décision de la commission de recourd amiable du 26 février 2018,
– confirme la décision de la commission de recours amiable du 26 février 2018,
– déboute Mme [K] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– déboute la CPAM de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamne Mme [K] au paiement des entiers dépens.
Par déclarations respectivement enregistrées les 30 novembre 2020 et 29 mars 2021, Mme [K] a relevé appel de cette décision.
Dans le dernier état de ses conclusions transmises par voie électronique le 14 mars 2023 et reprises à l’audience sans ajout ni retrait au cours des débats, elle demande à la cour de :
– recevoir son appel, l’en dire bien fondé,
A titre liminaire,
– prononcer la jonction de la présente procédure (RG n°20/511) avec la procédure d’appel enregistrée sous le RG n°21/214,
Sur le fond,
– infirmer le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
– accueillir la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale,
– limiter, par voie de conséquence, à 846,72 euros le montant des indemnités journalières non prescrites, objet de la notification d’indu,
– dire et juger que la notification d’indu du 8 septembre 2017 et la mise en demeure du 16 novembre 2017 ne reposent sur aucun fondement juridique,
– infirmer, par voie de conséquence, la décision de la commission de recours amiable du 27 février 2018,
– condamner la CPAM à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel,
– condamner la CPAM aux entiers dépens s’il y en a.
Par ses écritures transmises à la cour le 8 mars 2023 et reprises à l’audience sans ajout ni retrait au cours des débats, la CPAM demande à la cour de :
– confirmer le jugement déféré,
– confirmer le bien-fondé de l’indu d’un montant de 19 790,41 euros notifié à Mme [K],
– condamner Mme [K] à lui rembourser la somme de 19 790,41 euros,
– la condamner à lui payer la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouter Mme [K] de l’ensemble de ses demandes.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, d’ordonner la jonction de la cause inscrite sous le numéro 21/214 du rôle avec celle inscrite sous le numéro 20/511, l’affaire étant désormais appelée sous ce seul numéro.
SUR LA PRESCRIPTION DE LA DEMANDE EN PAIEMENT
Mme [K] soutient que l’action intentée par la CPAM est prescrite comme soumise au délai de prescription biennal. Elle en déduit qu’il convient de limiter à 846,72 euros le montant des indemnités journalières non prescrites, objet de la notification d’indu,
En réponse, la CPAM fait valoir qu’en raison de la fraude commise par l’assurée, la prescription quinquennale s’applique.
Aux termes de l’article L.332-1 du code de la sécurité sociale, l’action de l’assuré et des ayants droit mentionnés à l’article L. 161-14-1 pour le paiement des prestations de l’assurance maladie se prescrit par deux ans, à compter du premier jour du trimestre suivant celui auquel se rapportent lesdites prestations ; pour le paiement des prestations de l’assurance maternité, elle se prescrit par deux ans à partir de la date de la première constatation médicale de la grossesse.
L’action des ayants droit de l’assuré pour le paiement du capital prévu à l’article L. 361-1 se’prescrit par deux ans à partir du jour du décès.
Cette prescription est également applicable, à compter du paiement des prestations entre les mains du bénéficiaire, à l’action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées, sauf en cas de fraude ou fausse déclaration.
Il ressort de l’article R. 147-11 5° du même code que sont qualifiés de fraude, pour l’applicaton de l’article L. 114-17-1 relatif à l’application d’une pénalité financière, le fait d’avoir exercé, sans autorisation médicale, une activité ayant donné lieu à rémunération, revenus professionnels ou gains, pendant une période d’arrêt de travail indemnisée au titre des assurances maladie, maternité ou accident du travail et maladie professionnelle.
Il est constant que le fait pour un assuré bénéficiaire d’indemnités journalières, suite à un arrêt de travail, de continuer à avoir une activité professionnelle rémunérée en parallèle viole le code de la sécurité sociale, qui impose au bénéficiaire d’indemnités journalières de s’abstenir de toute activité non autorisée. La fraude suppose toutefois que l’assuré n’ait pas signalé sa situation dans une volonté de dissimulation et qu’il ait donc agi de manière intentionnelle.
Ici, la CPAM se prévaut de la fraude de Mme [K] en expliquant que les agissements de Mme [K] constituent une inobservation des règles du code de la sécurité sociale ayant abouti à une prise en chage d’une prestation par l’organisme social et que ses agissements doivent donc être qualifiés de fraude.
Mme [K] établit que le 23 avril 2014, le docteur [T] a certifié que son état de santé autorisait l’exercice de son mandat prud’homal.
Or, l’assurée ne justifie pas de l’envoi à la caisse du certificat médical du docteur [T] l’autorisant à exercer son mandat prud’homal. Même si elle a exercé son activité de conseiller prud’homal avec l’autorisatíon de son médecin traitant, il est constant qu’elle a continué à exercer son mandat prud’hommal durant les périodes reprises dans la notification d’indu alors qu’elle bénéficiait d’indemnités journalières pour avoir dû cesser son activité professionnelle.
Il en résulte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a retenu la fraude et, par suite, le délai de prescription quinquennal applicable à l’action de la CPAM.
SUR LE BIEN-FONDE DE L’INDU RECLAME
Mme [K] prétend qu’elle a exercé une activité autorisée au sens de l’article L. 323-6.4° du code de la sécurité sociale et qu’aucun texte ne prescrit le renouvellement de cette autorisation à chaque prolongation d’arrêt de travail ni n’impose au médecin du travail de mentionner la dite autorisation d’activité sur l’arrêt de travail, ni encore au médecin-conseil de la caisse de donner son accord. Elle ajoute que l’oubli de cocher la case « autorisation de sortie » sur 4 arrêts de travail parmi les 18 délivrés (soit l’arrêt initial et les 17 prolongations) constitue une simple erreur du médecin traitant qui n’emporte aucune conséquence à son endroit.
La CPAM réplique le certificat médical du 23 avril 2014 ne peut avoir de portée générale pour tous les arrêts couvrant la période du 23/04/14 au 24/12/15, que le médecin traitant n’a pas mentionné l’autorisation d’exercice d’une activité sur l’arrêt de travail et qu’il n’a même pas, sur certains arrêts de travail, autorisé la sortie sans restriction d’horaires.
L’article L. 323-6 du code de la sécurité sociale dans ses versions en vigueur à partir du 22 décembre 2010 énonce que Le service de l’indemnité journalière est subordonné à l’obligation pour le bénéficiaire :
1º D’observer les prescriptions du praticien ;
2º De se soumettre aux contrôles organisés par le service du contrôle médical prévus à l’article L.315-2 ;
3º De respecter les heures de sorties autorisées par le praticien selon des règles et des modalités prévues par décret en Conseil d’Etat après avis de la Haute Autorité de santé ;
4º De s’abstenir de toute activité non autorisée ;
(5º D’informer sans délai la caisse de toute reprise d’activité intervenant avant l’écoulement du délai de l’arrêt de travail. Alinéa ajouté par la loi nº2016-1827 du 1er septembre 2016.)
En cas d’inobservation volontaire de ces obligations, le bénéficiaire restitue à la caisse les indemnités versées correspondantes, (dans les conditions prévues à l’article L. 133-4-1. Partie ajoutée par la loi nº2016-1827 du 1er septembre 2016) ».
L’information préalable de la caisse n’est pas exigée par l’article L. 323-6, non plus qu’une autorisation du médecin conseil.
L’interdiction de se livrer à une activité non autorisée s’entend de toute activité, qu’elle soit rémunérée ou bénévole, domestique, sportive ou ludique, et ce même pendant les heures de sortie autorisées, sans qu’il soit nécessaire d’établir la volonté de fraude de l’assuré.
L’activité doit avoir été expressément et préalablement autorisée par le médecin traitant, la charge de cette preuve incombant à l’assuré.
En l’espèce, le certificat médical du docteur [T], médecin traitant de l’assurée, l’autorise bien, expressément et préalablement, à exercer son mandat prud’homal (pièce 3 de Mme [K]) et il n’appartient pas au médecin-conseil de la caisse de donner à ce titre une quelconque autorisation qui relève de la compétence exclusive du médecin traitant. De même, lorsque les arrêts de travail se succédent et se prolongent dans les mêmes conditions conformément aux autorisations de son médecin prescripteur, il ne peut être reproché une absence de renouvellement d’autorisation pour ces périodes.
Il est en revanche patent que Mme [K] ne justifie pas avoir adressé le certificat médical du 23 avril 2014 à la caisse et que si le médecin traitant peut parfaitement autoriser son patient à se livrer à une activité professionnelle, la caisse doit être informée préalablement de l’autorsation afin de pouvoir exercer son contrôle, son médecin-conseil pouvant être amené à s’assurer que l’activité autorisée est bien compatible avec le motif médical justifiant l’arrêt de travail.
Il en résulte que la preuve de l’indu est suffisamment établie et que la demande en restitution d’indemnités journalières est justifiée. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a validé l’indu et condamné Mme [K] à payer à la CPAM la somme de 19 790,41 euros.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
La décision attaquée sera confirmée en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile. Il n’y a pas lieu, en revanche, à condamnation aux dépens de première instance.
Les dépens d’appel seront supportés par Mme [K] qu succombe et supportera une indemnité au visa de l’article 700 du code de procédure civile.