27 avril 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 21/01109

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AFFAIRE : N° RG 21/01109

N° Portalis DBVC-V-B7F-GXN4

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Pôle social du Tribunal Judiciaire de COUTANCES en date du 17 Mars 2021 – RG n° 

COUR D’APPEL DE CAEN

2ème chambre sociale

ARRET DU 27 AVRIL 2023

APPELANT :

Monsieur [L] [H]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Yoann ENGUEHARD, avocat au barreau de COUTANCES, substitué par Me Hélène COURREAU, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

URSSAF de Normandie venant aux droits de l’Urssaf de Basse-Normandie

[Adresse 3]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Mme [I], mandatée

DEBATS : A l’audience publique du 09 février 2023, tenue par Monsieur LE BOURVELLEC, Conseiller, Magistrat chargé d’instruire l’affaire lequel a, les parties ne s’y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme GOULARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme CHAUX, Présidente de Chambre,

M. LE BOURVELLEC, Conseiller,

M. GANCE, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 27 avril 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier

La cour statue sur l’appel interjeté par M. [H] d’un jugement rendu le 17 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Coutances dans un litige l’opposant à l’Urssaf de Basse- Normandie.

FAITS et PROCEDURE

M.[H] a été affilié au régime social des indépendants ( RSI) en qualité de travailleur non salarié – branche commerce, pour la période du 9 décembre 2008 au 1er septembre 2013, au titre de son activité de commerce de bijoux. A ce titre, il est redevable de cotisations et contributions sociales .

L’article 15 de la loi du 30 décembre 2017 a acté la suppression du RSI et le transfert de ses missions aux Urssaf pour le recouvrement des cotisations et contributions sociales.

Le 12 octobre 2010, le RSI Basse-Normandie a émis à l’encontre de M. [H] une mise en demeure de payer la somme de 2589 euros au titre du ‘versement libératoire prestations commerçant, majorations de retard, pénalités’ afférents aux 3ème et 4ème trimestres 2009.

En l’absence de versement, une contrainte a été émise à son encontre le 8 septembre 2015 d’un montant de 2589 euros au titre des 3ème et 4ème trimestres 2009, signifiée à M. [H] le 14 septembre 2015.

Le 24 septembre 2015, M. [H] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Manche d’une opposition à cette contrainte.

Par jugement du 13 avril 2018, le tribunal a ordonné la radiation de l’affaire n° 21500447 opposant l’Urssaf sécurité sociale des indépendants à M. [H], dit que l’affaire est supprimée du rang des affaires en cours et rappelé que les parties disposent de deux ans à compter de la réception de la présente notification pour demander le rétablissement de l’affaire, qui ne peut intervenir qu’après examen par la présidente des justifications des diligences accomplies pour le rétablissement.

Cette décision a été notifiée aux parties le 2 mai 2018.

**************

Le 12 mai 2011, le RSI Basse-Normandie a émis à l’encontre de M. [H] une mise en demeure de payer la somme de 453 euros au titre des cotisations, contributions , majorations ou pénalités afférentes à l’année 2008 et au 1er trimestre 2009.

En l’absence de versement, une contrainte a été émise à son encontre le 12 août 2015 d’un montant de 378 euros au titre de l’année 2008 et du 1er trimestre 2009, signifiée à M. [H] le 15 septembre 2015.

Le 24 septembre 2015, M. [H] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Manche d’une opposition à cette contrainte.

Par jugement du 13 avril 2018, le tribunal a ordonné la radiation de l’affaire n° 21500448 opposant l’Urssaf sécurité sociale des indépendants à M. [H], dit que l’affaire est supprimée du rang des affaires en cours et rappelé que les parties disposent de deux ans à compter de la réception de la présente notification pour demander le rétablissement de l’affaire, qui ne peut intervenir qu’après examen par la présidente des justifications des diligences accomplies pour le rétablissement.

Cette décision a été notifiée aux parties le 2 mai 2018.

L’affaire a été ré-enrôlée à la demande de l’Urssaf.

Par jugement du 17 mars 2021, le tribunal judiciaire de Coutances, auquel a été transféré le contentieux de la sécurité sociale à compter du 1er janvier 2019, a :

– ordonné la jonction des affaires RG 20/00207 et RG 20/00337 sous le numéro RG20/00207,

– dit que l’instance n’est pas périmée,

– dit que les mises en demeure du 12 octobre 2010 et 12 mai 2011 ainsi que les contraintes du 8 septembre 2015 et 12 août 2015 sont régulières en la forme,

– dit que les cotisations réclamées au titre des contraintes du 8 septembre 2015 et du 12 août 2015 ne sont pas prescrites,

– débouté M. [H] de l’ensemble de ses demandes,

– condamné M. [H] à payer à l’Urssaf de Basse-Normandie les sommes de :

¿ 2589 euros dues au titre des cotisations et contributions sociales des troisième et quatrième trimestres 2009 augmentées des majorations de retard (contrainte du 8 septembre 2015),

¿ 250 euros dues au titre des cotisations et contributions sociales de l’année 2008 et premier trimestre 2009 augmentées des majorations de retard (contrainte du 12 août 2015),

– débouté M. [H] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [H] aux dépens, qui comprendront les frais de signification des contraintes pour les montants de 74,46 euros et 42,06 euros,

– rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire, en application de l’article R 133-3 dernier alinéa du code de la sécurité sociale.

Par déclaration du 19 avril 2021, M. [H] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions du 19 décembre 2022, déposées et soutenues oralement à l’audience par son conseil, M. [H] demande à la cour de :

– annuler et réformer le jugement entrepris,

In limine litis :

– constater et prononcer la péremption de l’instance,

– dire que les créances de l’Urssaf sont prescrites,

– débouter l’Urssaf de toutes ses demandes,

A titre subsidiaire:

– dire que l’Urssaf a avoué judiciairement qu’elle reconnaissait qu’elle devait fournir le détail chiffré du calcul des cotisations dans les mises en demeure délivrées à M. [H] mais qu’elle ne l’a pas fait et lui en donner acte,

– déclarer mal fondées les demandes de l’Urssaf et l’en débouter entièrement,

En toute hypothèse,

– condamner l’Urssaf de Basse -Normandie à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner l’Urssaf de Basse -Normandie aux entiers dépens.

Par conclusions du 9 novembre 2022, déposées et soutenues oralement à l’audience par sa représentante, l’Urssaf Normandie, venant aux droits de l’Urssaf de Basse-Normandie et de l’Urssaf de Haute-Normandie, demande à la cour de :

– confirmer le jugement déféré,

– débouter M. [H] de toutes ses demandes,

– valider la contrainte du 8 septembre 2015 signifiée le 14 septembre 2015 pour son entier montant de 2589 euros,

– valider la contrainte du 12 août 2015 signifiée le 15 septembre 2015 pour son nouveau montant de 250 euros,

– condamner M. [H] au paiement :

¿ de la somme totale de 2839 euros,

¿ des frais de signification des contraintes pour les montants de 74,46 euros et 42,06 euros,

¿ des dépens.

Il est renvoyé aux écritures des parties s’agissant de la présentation des moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

SUR CE, LA COUR

– Sur la péremption d’instance

M. [H] soutient qu’ayant saisi la juridiction d’une opposition à contrainte le 24 septembre 2015, le délai de péremption de deux ans a expiré le 24 septembre 2017, que la péremption était donc acquise lorsque sont intervenus les jugements du 13 avril 2018 ayant ordonné la radiation des deux affaires.

L’article R 142-22 du code de la sécurité sociale, alors applicable, abrogé depuis par décret du 29 octobre 2018, dispose que ( ….) l’instance est périmée lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont expressément été mises à leur charge par la juridiction.

En l’espèce, aucune diligence n’a été mise à la charge des parties par la juridiction entre la saisine du tribunal le 24 septembre 2015 par M. [H] et les jugements du 13 avril 2018 ayant ordonné la radiation. La péremption n’était donc pas acquise à cette date.

Les jugements du 13 avril 2018 ont ordonné la radiation des affaires n° 21500447 et 21500448 opposant l’Urssaf sécurité sociale des indépendants à M. [H], dit qu’elles sont supprimées du rang des affaires en cours et rappelé que les parties disposent de deux ans à compter de la réception de la présente notification pour demander le rétablissement de l’affaire, qui ne peut intervenir qu’après examen par la présidente des justifications des diligences accomplies pour le rétablissement.

Ces jugements ont été notifiés aux parties le 2 mai 2018, point de départ du délai de péremption, lequel expirait le 2 mai 2020.

Par courrier du 18 juin 2020 adressé au pôle social du tribunal judiciaire de Coutances, l’Urssaf a demandé, en application de l’article 383 du code de procédure civile, le ré- enrôlement des affaires n°21500447 et 21500448,et joint ses conclusions et pièces.

M. [H] est mal fondé à soutenir que cette demande de ré-enrôlement est intervenue tardivement.

En effet, les dispositions de l’ordonnance n° 2020-306 du 20 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période prévoient à l’alinéa 1er de l’article 2: ‘ Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de la période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.

Conformément à l’article 1er de cette ordonnance, les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020.

En conséquence, le délai de péremption était acquis au 23 août 2020.

L’Urssaf ayant demandé le ré- enrôlement de l’affaire par courrier du 18 juin 2020 et joint des conclusions et pièces, la péremption n’était pas acquise à cette date.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que l’instance n’était pas périmée.

– Sur la prescription des créances

L’article L 244 -3 du code de la sécurité sociale , dans sa version applicable au litige, prévoit que ‘l’avertissement ou la mise en demeure ne peut concerner que les cotisations exigibles au cours des trois années civiles qui précèdent l’année de leur envoi ainsi que les cotisations exigibles au cours de l’année de leur envoi. (…).’

C’est à tort que M. [H] soutient que la prescription des créances était acquise au 31 décembre 2011 pour les cotisations sollicitées au titre de l’année 2008 et au 31 décembre 2012 pour les créances réclamées au titre de l’année 2009.

En effet, ainsi que l’ont retenu les premiers juges, les mises en demeure du 12 octobre 2010 et 12 mai 2011, adressés à M. [H],préalablement aux contraintes litigieuses, et présentées à ce dernier respectivement les 19 octobre 2010 et 23 mai 2011, concernent, pour la première des cotisations relatives aux 3ème et 4ème trimestres 2009 et pour la seconde, des cotisations pour l’année 2008 et le 1er trimestre 2009.

Les cotisations ont été réclamées dans les délais prévus par l’article L 244-3 susvisé. Elles ne sont donc pas prescrites.

L’article L 244-11 du code de la sécurité sociale prévoit que ‘ l’action civile en recouvrement des cotisations ou des majorations de retard, intentée indépendamment ou après extinction de l’action publique, se prescrit par cinq ans à compter de l’expiration du délai imparti par les avertissements ou mises en demeure prévus aux articles L 244- L 244-3.’

Les mises en demeures ont été présentées à M. [H] les 19 octobre 2010 et 23 mai 2011, de sorte que les contraintes, délivrées à la suite de ces mises en demeure, signifiées les 14 et 15 septembre 2015, l’ont été dans le délai de cinq ans prévu par les dispositions susvisées.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a retenu que les cotisations réclamées par l’Urssaf n’étaient pas prescrites.

– Sur la régularité des mises en demeure et des contraintes

En application des articles L 244-2 et R 244-1 du code de la sécurité sociale, la mise en demeure, constitutive d’une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti doit permettre à l’intéressé de connaître la nature, la cause et l’étendue de ses obligations . A cette fin , il est obligatoire qu’elle comporte, à peine de nullité et sans que soit exigée la preuve d’un préjudice, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent.

La contrainte doit préciser, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent ou, à défaut, faire référence à une ou des mises en demeure dûment notifiées portant indication de ces éléments.

1) Sur la mise en demeure du 12 octobre 2010

C’est à juste titre que M. [H] fait valoir que la mention ‘ versement libératoire prestation commerçant’ indiquée sur cette mise en demeure ne lui permet pas de connaitre la nature des sommes dont le paiement lui est demandé par l’Urssaf.

Cette formulation n’est pas du tout explicite et c’est sans aucun fondement que les premiers juges ont retenu qu’elle correspondait aux ‘cotisations sociales relatives aux micro-entreprises, soit au statut de son commerce et qu’elle éclairait suffisament le cotisant quant à la nature des sommes réclamées’. D’ailleurs, l’Urssaf ne fournit aucune explication complémentaire sur le sens de cette formule.

Il convient donc d’annuler la mise en demeure du 12 octobre 2010 et par conséquent, la contrainte du 8 septembre 2015 qui a été signifiée à M. [H] le 14 septembre 2015.

Les frais de signification de cette contrainte, 74,46 euros, seront laissés à la charge de l’Urssaf

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef

2) Sur la mise en demeure du 12 mai 2011

Elle détaille la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle ces cotisations se rapportent.

Contrairement à ce que soutient M. [H], il n’est nullement fait obligation à l’Urssaf de faire mention du détail des taux appliqués et des calculs.

Elle est donc régulière en la forme.

La contrainte du 12 août 2015 est régulière en ce qu’elle fait référence à la mise en demeure du 12 mai 2011, qui a été notifiée à la dernière adresse connue de M. [H] le 23 mai 2011.

M. [H] ne faisant valoir aucun moyen s’agissant du montant réclamé par l’Urssaf, il convient de valider la contrainte du 12 août 2015 pour un montant réactualisé de 250 euros au titre des cotisations et contributions sociales de l’année 2008 et du premier trimestre 2009 augmentées des majorations de retard.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef. Il le sera également en ce qu’il a mis à la charge de M. [H] les frais de signification de la contrainte d’un montant de 42,06 euros.

M. [H] qui succombe partiellement supportera les dépens d’appel et sera débouté de sa demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a mis les dépens de première instance à sa charge et rejeté sa demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

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