C2
N° RG 21/02628
N° Portalis DBVM-V-B7F-K5J6
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SCP GIROUD STAUFFERT-GIROUD
la SELARL SIDONIE LEBLANC
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section B
ARRÊT DU JEUDI 27 AVRIL 2023
Appel d’une décision (N° RG 19/00808)
rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE
en date du 01 juin 2021
suivant déclaration d’appel du 14 juin 2021
APPELANTE :
S.A.S. TECHNIC CONTROL AUTO prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié audit siège
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Isabelle STAUFFERT-GIROUD de la SCP GIROUD STAUFFERT-GIROUD, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIME :
Monsieur [F] [E]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Sidonie LEBLANC de la SELARL SIDONIE LEBLANC, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 08 mars 2023,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère chargée du rapport, et M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, en présence d’Elora DOUHERET, greffière stagiaire, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;
Puis l’affaire a été mise en délibéré au 27 avril 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L’arrêt a été rendu le 27 avril 2023.
EXPOSE DU LITIGE
M. [F] [E], né le 28 mai 1993, a été embauché le 6 juin 2017 par la société par actions simplifiée (SAS) Technic Control Auto, en qualité de contrôleur technique par contrat de travail à durée indéterminée.
M. [F] [E] a été promu au poste de chef de centre en octobre 2018.
Le contrat est soumis à la convention collective des services de l’automobile.
M. [F] [E] a bénéficié d’un congé paternité du 4 au 18 avril 2019. A l’issue, il a été placé en arrêt de travail.
Le 6 mai 2019, la société Technic Control Auto a fait dresser un constat d’huissier visant à établir la présence du véhicule personnel de M. [F] [E], en état de réparation, dans le centre de contrôle technique.
Le’19’juin 2019, dans le cadre d’une première visite, le médecin du travail a indiqué : «’l’état de santé de Monsieur [E] [F] en particulier sur le plan psychologique ne lui permet pas de reprendre une activité professionnelle au sein de l’entreprise, un rendez-vous avec l’employeur est en attente afin de procéder aux démarches obligatoires’».
Lors de la seconde visite en date du 1er juillet 2019, le médecin du travail a déclaré M.'[F]'[E] inapte sans possibilité de reclassement.
Par courrier en date du 28 juin 2019, la société Technic Control Auto a convoqué M. [F] [E] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 8 juillet 2019.
Par lettre en date du 16 juillet 2019, la société Technic Control Auto a notifié à M. [F] [E] son licenciement pour faute grave, évoquant plusieurs griefs constitués par la présence du véhicule personnel du salarié dans le centre, la consommation d’alcool sur le lieu de travail, la profération de menaces et la mauvaise application d’instructions techniques.
Par requête en date du 25 septembre 2019, M. [F] [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Grenoble afin de contester son licenciement.
La société Technic Auto Control s’est opposée aux prétentions adverses.
Par jugement en date du 1er juin 2021, le conseil de prud’hommes de Grenoble a’:
Dit que le licenciement de M. [F] [E] est sans cause réelle et sérieuse’;
Condamné la SAS Technic Control Auto à payer à M. [F] [E] les sommes suivantes’:
– 7 257,96 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 725,79 € à titre de congés payés afférents;
– 1 216,80 € à titre d’indemnité légale de licenciement ;
Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du 27 septembre 2019
– 7 257,96 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Ladite somme avec intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement
– 1 200,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
Rappelé que les sommes à caractère salarial bénéficient de l’exécution provisoire de droit, nonobstant appel et sans caution en application de l’article R. 1454-28 du code du travail dans la limite de 9 mois de salaire, la moyenne mensuelle brute des trois derniers mois de salaire étant de 2 196,57 € ;
Débouté la SAS Technic Control Auto de sa demande reconventionnelle’;
Condamné la SAS Technic Control Auto aux dépens.
La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés les 2 et 6 juin 2021.
Par déclaration en date du 14 juin 2021, la SAS Technic Auto Control a interjeté appel à l’encontre dudit jugement.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 20 décembre 2022, la’SAS’Technic Auto Control sollicite de la cour de’:
Infirmer dans toutes ses dispositions le jugement du conseil du 1er juin 2021.
En conséquence,
Débouter M. [F] [E] de l’ensemble de ses demandes.
Le condamner à 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 15 novembre 2021, M.'[F] [E] sollicite de la cour de’:
Vu les articles 1104, 1217, 1224, 1227,1228, 1240 du code civil,
Vu l’article L. 4121-1 du code du travail,
Vu la convention collective,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé recevables et bien fondées les demandes de M.'[F] [E], et dit que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence, statuant à nouveau,
Déclarer recevables et bien fondées les demandes de M.'[F] [E],
Ordonner la remise du certificat de travail de M.'[F] [E] avec la mention « statut Agent de Maîtrise échelon 20 ».
Juger que l’indemnité fixée par le barème n’est pas de nature à assurer la réparation appropriée de la perte injustifiée de l’emploi du salarié.
Juger que les barèmes d’indemnisation fixant un maximum d’indemnités à 7 mois de salaire apparaissent insuffisants à indemniser la perte injustifiée de l’emploi de M.'[F] [E] imputable à l’employeur, et l’écarter
Condamner de la SAS Technic Control Auto au paiement de la somme de 19 352 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle,
En tout état de cause,
Condamner la SAS Technic Control Auto au paiement de la somme de :
– 7 257,96 € brut au titre de l’indemnité de préavis,
– 725,79 € brut au titre de l’indemnité compensatrice congés payés sur préavis,
– 1 216,80 € nette au titre de l’indemnité légale de licenciement,
Assortir l’ensemble des sommes accordées par Jugement des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes ;
Condamner de la SAS Technic Control Auto au paiement de la somme 2500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Débouter la SAS Technic Control Auto de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article’455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 12 janvier 2023. L’affaire, fixée pour être plaidée à l’audience du 8 mars 2023, a été mise en délibéré au 27 avril 2023.
MOTIFS DE L’ARRÊT
1 – Sur la demande au titre de la qualification professionnelle
Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail de démontrer qu’il assure effectivement, de façon habituelle dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.
Les fonctions réellement exercées, qui sont prises en compte pour déterminer la qualification d’un salarié, sont celles qui correspondent à son activité principale, et non celles qui sont exercées à titre accessoire ou occasionnel.
En l’espèce, M. [F] [E] a initialement été engagé en qualité de Contrôleur Technique VL ‘ Echelon 4 selon la convention collective du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981.
Il ressort du certificat de travail et des bulletins de salaire du salarié qu’à compter du mois de février 2019, il exerçait en qualité de «’Chef de centre’» à l’échelon 8, aucun élément n’étant produit par le salarié pour établir que cette promotion a eu lieu en octobre 2018.
La société Technic Contrôle ne développe aucun moyen pertinent quant à la demande du salarié, se contentant d’affirmer que M. [F] [E] a été promu chef de centre au mois de février’2019, qu’il «’a été augmenté d’une centaine d’euros au mois de mars 2019’» et qu’il a reçu un certificat de travail mentionnant sa qualité et son échelon (page 4 de ses conclusions).
Or, l’accord du 3 juillet 2008 relatif aux RNQSA et RNC pour 2009, attaché la convention collective applicable précitée, prévoit que’:
«’G.20.1 Chef de centre contrôle technique VL […]
6. Classement’:
– Maîtrise. Echelon correspondant au contenu principal de la qualification’: 20,
– Echelons majorés accessibles’: 21 et 22. […]’».
Dès lors, l’employeur reconnaissant que le salarié a été promu au poste de chef de centre dans ses écritures, l’échelon de M. [E], correspondant au poste de chef de centre, est de 20.
En conséquence, M. [F] [E] est bien-fondé à solliciter la remise d’un certificat de travail rectifié avec la mention «’Classement’: Maîtrise, Échelon 20’».
Infirmant le jugement déféré qui a omis de statuer sur ce chef de prétention, il convient donc d’ordonner à la société Technic Control Auto de remettre à M. [F] [E] un certificat de travail rectifié.
2 – Sur la demande au titre de la rupture du contrat de travail
L’article L.’1226-2 du code du travail dispose que’:
Lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article’L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article’L. 233-1, aux I et II de l’article’L. 233-3’et à l’article’L. 233-16’du code de commerce.
Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu’il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
L’article L.’1226-2-1 du même code prévoit que’:
Lorsqu’il est impossible à l’employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement.
L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article’L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.
S’il prononce le licenciement, l’employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre.
Il résulte de la combinaison des articles L.’1226-2 et L.’1226-2-1 du code du travail que ces dispositions d’ordre public font obstacle à ce que l’employeur prononce un licenciement pour un motif autre que l’inaptitude, peu important que l’employeur ait engagé antérieurement une procédure de licenciement pour une autre cause. (Soc. 14 mars 2000, n°98-41.556′; Soc.’8’février 2023, n°21-16.258).
En l’espèce, M. [F] [E] était en congé paternité à compter du 4 avril 2019, puis il a bénéficié, à compter du 18 avril 2019, d’un arrêt de travail.
La médecine du travail a déclaré inapte à son poste M. [F] [E] dans un premier avis le’19 juin 2019, suite à une première visite en indiquant’: «’L’état de santé de M. [E] [F], en particulier sur le plan psychologique, ne lui permet pas de reprendre une activité professionnelle au sein de l’entreprise’; un rendez-vous avec l’employeur est en attente afin de procéder aux démarches obligatoires. La seconde visite de M. [E] aura lieu le lundi 1er juillet 2019.’»
Puis, le médecin du travail a rendu un avis d’inaptitude à l’issue de la seconde visite en date du’1er juillet 2019, sans pour autant qu’un des cas de dispense de l’obligation de reclassement soit indiqué par le médecin du travail.
Ainsi, il importe peu que l’employeur ait convoqué le salarié à un entretien préalable par courrier en date du 28 juin 2019, dès lors que l’avis définitif d’inaptitude a été rendu le’1er juillet’2019, soit antérieurement à l’entretien préalable du 8 juillet 2019 et à la notification du licenciement en date du 16 juillet 2019.
Dès lors, l’employeur, qui ne développe aucun moyen pertinent à ce titre, ne pouvait pas licencier M. [F] [E] pour un motif autre que son inaptitude.
Par conséquent, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les griefs reprochés au salarié dans la lettre de licenciement, le licenciement de M. [F] [E] est sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris est donc confirmé à ce titre.
3 – Sur les prétentions afférentes à la rupture
D’une première part, le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Technic Control Auto à payer à M. [F] [E] les sommes suivantes’:
– 7’257,96’euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 725,79’euros bruts de congés payés afférents,
– 1’216,80’euros nets au titre de l’indemnité légale de licenciement.
D’une seconde part, l’article L.’1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis’; et, si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.
M. [F] [E] disposait d’une ancienneté, au service du même employeur, de deux ans et peut donc prétendre, par application des dispositions précitées, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre trois mois et trois mois et demi de salaire, étant relevé que l’employeur manque de justifier que l’entreprise compte moins de dix salariés tel qu’il l’allègue.
M. [F] [E], qui percevait un salaire moyen de 2’419,32 euros, revendique l’équivalent de huit mois de salaire au motif que le plafond instauré par l’article 1235-3 du code du travail est contraire à l’article 10 de la convention OIT n°158 et n’est pas de nature à indemniser le préjudice qu’il a subi à raison de la perte injustifiée de son emploi.
Âgé de 26 ans à la date du licenciement, le salarié justifie avoir retrouvé un emploi de septembre’2019 à décembre 2020, puis obtenu un contrat à durée indéterminée à compter du’4’janvier’2021.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, procédant à une appréciation souveraine des éléments de fait soumis au titre du préjudice subi, le moyen tiré de l’inconventionnalité des barèmes se révèle inopérant dès lors qu’une réparation adéquate n’excède pas la limite maximale fixée par la loi.
Infirmant le jugement déféré, la société Technic Control Auto est condamnée à verser à M. [F] [E] la somme de 8’467,62 euros bruts à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, le salarié étant débouté du surplus de sa demande.
4 – Sur les demandes accessoires’:
La SAS Technic Control Auto, partie perdante à l’instance au sens des dispositions de l’article’696 du code de procédure civile, doit être tenue d’en supporter les entiers dépens.
Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l’espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de M. [F] [E] l’intégralité des sommes qu’il a été contraint d’exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu’il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la SAS Technic Control Auto à lui payer la somme de 1’200’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant, de la condamner à lui verser la somme de 1’500’euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
En conséquence, la demande indemnitaire de la société au titre des frais irrépétibles qu’elle a engagés est rejetée.