La Cour de Justice de l’Union Européenne a, par décision du 1er octobre 2015, jugé que les articles 10,11 et 13 de la directive 95/46, en vigueur jusqu’en 2018, devaient être interprétés en ce qu’ils s’opposaient à des mesures nationales permettant à une administration d’un Etat membre de transmettre des données personnelles à une autre administration publique et leur traitement subséquent sans que les personnes concernées n’aient été informées de cette transmission ou de ce traitement.
Respect du RGDP par l’URSSAF
Un administré a fait valoir avec succès que l’Urssaf Limousin a méconnu les dispositions de l’article 27 de loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique et aux libertés en ce qu’elle n’était pas territorialement compétente pour traiter ses données personnelles faute d’y avoir été autorisée, qu’il n’a pas été informé du transfert de ses données fiscales à l’Urssaf Limousin en violation des dispositions du RGPD et du droit européen, singulièrement de l’arrêt de la CJUE du 1er octobre 2015.
En défense, l’URSSAF fait valoir que le transfert de données entre la DGIFP et l’ACOSS et leur traitement par les URSSAF ont été autorisés par la CNIL , que la directive invoquée a été abrogée par le RGPD.
Calcul de la cotisation subsidiaire maladie
Il résulte des articles L 380-2, R 380-3, D 380-5-1 du code de la sécurité sociale que la cotisation subsidiaire maladie est calculée, appelée et recouvrée par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général au vu des éléments transmis par l’administration fiscale dont les agents ont communiqué aux organismes de recouvrement les informations nominatives déclarées pour l’établissement de l’impôt.
L’article 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, dans sa version applicable au litige, dispose que, sont autorisés par décret en Conseil d’Etat, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en ‘uvre pour le compte de l’Etat, d’une personne morale de droit public ou d’une personne morale de droit privé gérant un service public, qui portent sur des données parmi lesquelles figure le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques.
Par délibération n° 2017-279 du 26 octobre 2017 publiée au JO du 4 novembre 2017, la CNIL a autorisé la mise en oeuvre d’un traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation subsidiaire maladie en précisant que les organismes de recouvrement seront destinataires des données émanant de la direction générale des finances publiques et concernant les cotisants pour lesquels ils seront territorialement compétents.
Le décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017 a autorisé pour l’application des dispositions de l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale la création par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale d’un traitement de données à caractère personnel dénommé « Cotisation spécifique maladie ».
Les finalités de ce traitement sont le calcul et le recouvrement par les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale de la cotisation spécifique maladie prévue par l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale.
Le traitement autorisé par ce texte porte, notamment, sur les catégories de données relatives à l’identité des personnes et à leur situation fiscale.
La Cour de Justice de l’Union Européenne a, par décision du 1er octobre 2015, jugé que les articles 10,11 et 13 de la directive 95/46, en vigueur jusqu’en 2018, devaient être interprétés en ce qu’ils s’opposaient à des mesures nationales permettant à une administration d’un Etat membre de transmettre des données personnelles à une autre administration publique et leur traitement subséquent sans que les personnes concernées n’aient été informées de cette transmission ou de ce traitement.
Enfin, en application de l’article 32 III de la loi Informatique et Libertés, dans sa version en vigueur du 9 octobre 2016 au 25 mai 2018, lorsque les données à caractère personnel n’ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable du traitement ou son représentant doit fournir à cette dernière les informations énumérées au I dés l’enregistrement des données ou, si une communication. des données à un tiers a été envisagée, au plus tard lors de cette première communication.
Défaut d’information d’un administré
Il est constant qu’en l’espèce, il incombait à l’Urssaf d’informer M.[M] de la transmission de ses données personnelles émanant de l’administration fiscale.
Une telle information ne résulte d’aucun des éléments du dossier. Il découle de ce qui précède que l’Urssaf Limousin, en ne respectant pas les dispositions sus-visées qui ont pour objet de protéger un droit fondamental, a commis une irrégularité de fond affectant la procédure de recouvrement de sorte que la mise en demeure du 5 juin 2019 sera annulée.cLe jugement sera réformé en ce sens et M. [M] déchargé du réglement de la cotisation sudsidiaire maladie appelée sur ses revenus du patrimoine 2016.
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Cour d’appel de Bordeaux, CHAMBRE SOCIALE SECTION B, 23 mars 2023, 21/02360 COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION B
————————–
ARRÊT DU : 23 mars 2023
SÉCURITÉ SOCIALE
N° RG 21/02360 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MCHE
Monsieur [Y] [M]
c/
URSSAF DU LIMOUSIN
Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d’huissier).
Certifié par le Greffier en Chef,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 mars 2021 (R.G. n°19/02658) par le Pôle social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d’appel du 19 avril 2021.
APPELANT :
Monsieur [Y] [M]
né le 31 Août 1966 à [Localité 3]
de nationalité Française
Profession : Gérant, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Ninon COUANET de la SELARL CABINET BORNHAUSSER, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
URSSAF DU LIMOUSIN prise en la personne de son direcetur domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]
représentée par Me Françoise PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 18 janvier 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Paule Menu, présidente,
Madame Sophie Lésineau, conseillère,
Madame Cybèle Ordoqui, conseillère,
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.
FAITS ET PROCEDURE
Le 15 décembre 2017, l’Urssaf Limousin a adressé à M. [M] un appel de cotisations pour la somme de 46.056 euros au titre de la cotisation subsidiaire maladie sur ses revenus 2016.
Le 5 juin 2019, l’Urssaf Limousin a établi une mise en demeure du même montant.
Par un courrier enregistré le 6 septembre 2019, M. [M] a saisi la commission de recours amiable de l’organisme de sa contestation.
Le 15 novembre 2019, M. [M] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Bordeaux de son recours à l’encontre de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.
Par jugement du 24 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a :
– déclaré le recours de M. [M] recevable et mal fondé
– débouté M. [M] de l’ensemble de ses demandes
– dit l’appel de cotisations établi le 15 décembre 2017 régulier et fondé
– dit M. [M] redevable de la somme de 45.056 euros
– condamné M. [M] aux dépens.
M. [M] a relevé appel de la décision dans ses dispositions qui déclarent son recours mal fondé, qui le déboutent de l’ensemble de ses demandes, qui disent l’appel de cotisations établi le 15 décembre 2017 régulier et fondé, qui le disent redevable de la somme de 45.056 euros, qui le condamnent aux dépens, par une déclaration du 20 avril 2021.
L’affaire a été fixée à l’audience du 18 janvier 2023, pour être plaidée.
Dans ses dernières conclusions, en date du 20 avril 2021, reprises oralement sur l’audience à l’exception du moyen tenant à la violation des dispositions de l’article 4 de la convention européenne des droits de l’homme, M. [M] demande à la Cour d’infirmer le jugement déféré, de le décharger de la cotisation subsidiaire maladie mise à sa charge, de condamner l’Urssaf Limousin à lui payer 3600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, de condamner l’Urssaf Limousin aux dépens.
Dans ses dernières conclusions, en date du 17 janvier 2023, reprises oralement sur l’audience, l’Urssaf Limousin demande à la Cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, de condamner M. [M] au paiement de la somme de 46.056 euros au titre de la cotisation subsidiaire maladie exigible pour 2016, de condamner l’Urssaf Limousin à lui verser 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de débouter M. [M] de l’ensemble de ses demandes.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le moyen tiré de la tardivité de l’appel de cotisations
M. [M] fait valoir que la cotisation devait en application des dispositions de l’article R.380-4 du code de la sécurité sociale être appelée le 30 novembre 2017 au plus tard, que l’Urssaf n’a pas déterminé le délai au terme duquel la cotisation devenait exigible, ce délai devant être d’une durée suffisante pour permettre aux cotisants se croyant à tort le 30 novembre au soir exonérés de prendre leurs dispositions pour payer cette dépense imprévue.
Suivant les dispositions de l’article R.380-4 du code de la sécurité sociale, la cotisation assise sur les revenus non professionnels mentionnée à l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l’année suivant celle au titre de laquelle elle est due. Elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée.
Le non-respect par l’organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par ce texte ayant pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible, c’est vainement que M. [M] soutient que l’Urssaf Limousin n’était plus recevable à appeler la cotisation litigieuse à la date du 15 décembre 2017, la Cour relevant par ailleurs que M. [M] ne justifie aucunement d’avoir été empêché de prendre ses dispositions.
Le moyen tiré de la violation des dispositions de l’article R.380-4 du code de la sécurité sociale ne sera pas retenu.
Sur le moyen tiré de l’incompétence de l’Urssaf Limousin
L’appelant soutient que l’Urssaf Limousin était territorialement incompétente pour recouvrer la cotisation subsidiaire maladie, puisque sa résidence habituelle se situe en dehors de son ressort territorial, jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention de délégation dont elle se prévaut, soit le 15 janvier 2018 date de la publication de la décision prise par le directeur de l’Acoss pour l’approuver; que la CNIL a exclu toute délégation de compétence s’agissant du transfert de données.
Selon l’article D.213-1 du code de la sécurité sociale, la circonscription territoriale d’une union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales est départementale ou régionale. Elle est fixée, ainsi que le siège de l’union, par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.
L’article R.312-1 prévoit que sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires et sous réserve des dispositions du deuxième alinéa ci-dessous, les assurés sociaux relevant du régime général de sécurité sociale sont affiliés à la caisse primaire d’assurance maladie dans la circonscription de laquelle ils ont leur résidence habituelle.
Suivant les dispositions de l’article L.122-7 du code de la sécurité sociale la convention par laquelle le directeur d’un organisme local ou régional délègue à un organisme local ou régional la réalisation des missions ou activités liées à la gestion des organismes, au service des prestations, au recouvrement et à la gestion des activités de trésorerie prend effet après approbation par le directeur de l’organisme national de chaque branche concernée.
Aux termes de l’article L. 213-1, une union de recouvrement peut déléguer à une autre union ses compétences en matière de recouvrement, de contrôle et de contentieux dans des conditions fixées par décret.
Les dispositions des articles L. 122-7 et L. 213-1 autorisent ainsi une délégation de compétence ou de missions entre deux urssaf pour le recouvrement des cotisations; les dispositions de l’article L. 122-7 définissent les conditions dans lesquelles s’opère la délégation entre urssaf sans renvoi à des décrets d’application.
La Convention relative à la centralisation du recouvrement de la cotisation d’assurance maladie visée à l’article L.380-2 du code de la sécurité sociale du 1er décembre 2017, produite pas l’intimée, stipule :
– en son article 2 qu’elle est applicable à compter de la décision d’approbation du directeur de l’acoss et pour une durée indéterminée
– en son article 3 que l’Urssaf de Poitou Charente et l’Urssaf d’Aquitaine transfèrent à l’Urssaf du Limousin l’ensemble des droits et obligations afférents à l’exercice des missions de recouvrement résultant de l’article R.380-3 et suivants du code de la sécurité sociale sur le champ de la cotisation d’assurance maladie de l’article L.380-2 du code de la sécurité sociale
– en son article 4 que l’Urssaf du Limousin assure l’encaissement centralisé et la gestion du recouvrement de la cotisation visée à l’article L.380-2 du code de la sécurité sociale, dont le contrôle et les suites amiables et judiciaires des contestations soulevées par les cotisants.
Par une décision du 11 décembre 2017, le directeur de l’Acoss a approuvé les conventions de mutualisation inter régionales prises en application de l’article L.122-7 du code de la sécurité sociale conclues entre les urssaf aux fins de délégation du calcul, de l’appel et du recouvrement des cotisations dues au titre de l’article L.380-2 du même code conformément à la répartition figurant en annexe.
La décision d’approbation prise par le directeur de l’Acoss ne caractérisant pas une décision à caractère réglementaire émanant d’un établissement public, le moyen tenant à la date à laquelle elle a été publiée est inopérant.
Il en résulte, de première part que le 1er décembre 2017, l’Urssaf Aquitaine et l’Urssaf Poitou Charente ont délégué à l’Urssaf du Limousin l’ensemble de leurs compétences pour à partir des données personelles détenues par l’administration fiscale calculer, appeler et recouvrer la cotisation subsidiaire maladie et émettre un appel de cotisations correspondant à destination des cotisants résidant en région Aquitaine, singulièrement en Dordogne, ou en Région Poitou Charente, de deuxième part que cette délégation a pris effet le 11 décembre 2017.
Si M. [M] soutient que les opérations de calcul et de recouvrement avaient déjà été mises en oeuvre par l’Urssaf du Limousin avant qu’elle ne soit compétente, il n’en rapporte pas la preuve.
L’appel de cotisations reçu par M. [M] étant daté du 15 décembre 2017, soit postérieurement à la décision du 11 décembre 2017, l’Urssaf du Limousin avait bien reçu délégation pour calculer, appeler et recouvrer les cotisations subsidiaires maladie au jour de l’appel à cotisation.
Le moyen tiré de l’incompétence de l’Urssaf Limousin ne sera pas retenu.
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de la réserve d’interprétation émise par le Conseil constitutionnel le 27 septembre 2018
M. [M] fait valoir que le juge judiciaire est compétent pour appliquer la réserve d’interprétation du Conseil Constitutionnel, laquelle est d’application immédiate.
L’article L.160-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, dispose:
« Toute personne travaillant ou, lorsqu’elle n’exerce pas d’activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière bénéficie, en cas de maladie ou de maternité, de la prise en charge de ses frais de santé dans les conditions fixées au présent livre.
L’exercice d’une activité professionnelle et les conditions de résidence en France sont appréciées selon les règles prévues, respectivement, aux articles L. 111-2-2 et L. 111-2-3.
Un décret en Conseil d’Etat prévoit les conditions dans lesquelles les personnes qui résident en France et cessent de remplir les autres conditions mentionnées à l’article L. 111-2-3 bénéficient, dans la limite d’un an, d’une prolongation du droit à la prise en charge des frais de santé mentionnée à l’article L. 160-8 et, le cas échéant, à la couverture complémentaire prévue à l’article L. 861-1.»
L’article L.380-2 du même code, dans sa version applicable, énonce :
« Les personnes mentionnées à l’article L. 160-1 sont redevables d’une cotisation annuelle lorsqu’elles remplissent les conditions suivantes :
1° Leurs revenus tirés, au cours de l’année considérée, d’activités professionnelles exercées en France sont inférieurs à un seuil fixé par décret. En outre, lorsqu’elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, les revenus tirés d’activités professionnelles exercées en France de l’autre membre du couple sont également inférieurs à ce seuil ;
2° Elles n’ont perçu ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d’allocation de chômage au cours de l’année considérée. Il en est de même, lorsqu’elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, pour l’autre membre du couple.
Cette cotisation est fixée en pourcentage du montant des revenus fonciers, de capitaux mobiliers, des plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et des bénéfices des professions non commerciales non professionnels, définis selon les modalités fixées au IV de l’article 1417 du code général des impôts, qui dépasse un plafond fixé par décret. Servent également au calcul de l’assiette de la cotisation, lorsqu’ils ne sont pas pris en compte en application du IV de l’article 1417 du code général des impôts, l’ensemble des moyens d’existence et des éléments de train de vie, notamment les avantages en nature et les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers, dont le bénéficiaire de la couverture maladie universelle a disposé, en quelque lieu que ce soit, en France ou à l’étranger, et à quelque titre que ce soit. Ces éléments de train de vie font l’objet d’une évaluation dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d’Etat. Un décret détermine le taux et les modalités de calcul de cette cotisation ainsi que les obligations déclaratives incombant aux assujettis.
Lorsque les revenus d’activité mentionnés au 1° sont inférieurs au seuil défini au même 1° mais supérieurs à la moitié de ce seuil, l’assiette de la cotisation fait l’objet d’un abattement dans des conditions fixées par décret. Cet abattement croît à proportion des revenus d’activité, pour atteindre 100 % à hauteur du seuil défini audit 1°.
La cotisation est recouvrée l’année qui suit l’année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret du Conseil d’Etat.
Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 les informations nominatives déclarées pour l’établissement de l’impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l’article L. 380-2, conformément à l’article L. 152 du livre des procédures fiscales.»
Il est constant que l’assiette et le taux de la cotisation prévue par l’article L.380-2 du code de la sécurité sociale sont détaillés à l’article D.380-1 du même code tel qu’issu de l’article 1er du décret du 19 juillet 2016, lequel décret, dans cette version applicable jusqu’au 31 décembre 2018, précise, modifiant l’article D. 380-1, le seuil d’assujettissement, soit 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS). L’article D. 380-1 prévoit également que la cotisation s’applique, au taux de 8 %, à la part des revenus du patrimoine excédant 25 % du même plafond. En outre, l’abattement d’assiette prévu en application du cinquième alinéa de l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale équivaut à appliquer aux revenus du patrimoine un taux de cotisation décroissant de façon linéaire de 8 à 0 % en fonction du montant des revenus professionnels lorsque ceux-ci sont compris entre 5 et 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale. L’article 12 de la loi du 22 décembre 2018 est venu compléter l’article L. 380-2 en précisant que « l’assiette de la cotisation fait l’objet d’un abattement fixé par décret. Cette assiette, avant application de l’abattement, ne peut excéder un montant fixé par décret ». Les dispositions de l’article D. 380-1 ont été réécrites par le décret n° 2019-349 du 23 avril 2019, non applicable rationae temporis, qui a revu la formule de calcul et abaissé de 8 à 6,5 % le taux de la cotisation. L’article D. 380-2, modifié par le décret susvisé du 9 juillet 2016, précise, quant à lui, les formules de calcul de la cotisation.
Le Conseil Constitutionnel a, par décision du 27 septembre 2018, notamment déclaré conformes à la constitution les première et dernière phrases du quatrième alinéa de l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016, sous la réserve suivante :
« La seule absence de plafonnement d’une cotisation dont les modalités de détermination de l’assiette ainsi que le taux sont fixés par voie réglementaire n’est pas, en elle-même, constitutive d’une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques. Toutefois, il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce taux et ces modalités de façon à ce que la cotisation n’entraîne pas une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.»
La Cour relève que la réserve d’interprétation du Conseil Constitutionnel est directement adressée aux autorités de l’Etat puisqu’elle recommande ‘au pouvoir réglementaire’ de fixer le taux et les modalités de détermination de l’assiette de la cotisation litigieuse de telle sorte que cette cotisation n’entraîne pas une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques; aucune disposition quant à la rétroactivité d’une telle réserve d’interprétation n’a par ailleurs été ajoutée par le Conseil Constitutionnel, de sorte qu’elle ne peut avoir d’effet qu’à compter du 27 septembre 2018, date de la décision du Conseil Constitutionnel. Dès lors, puisque l’article L.380-2 du code de la sécurité sociale est conforme à la Constitution et que la Cour n’est pas destinataire des recommandations du Conseil Constitutionnel par suite de sa réserve d’interprétation énoncée pour l’avenir, il convient d’appliquer à la situation de M.[M] , en sa qualité de cotisant, l’ensemble des textes législatifs et réglementaires cités supra tels qu’alors pertinents.
Le moyen tenant à l’obligation faite au juge d’appliquer la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel ne sera pas retenu.
Sur le moyen tenant à la violation du principe d’égalité posé par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
M. [M] fait valoir que les cotisants au titre de 2016,2017 et 2018 sont soumis à un taux de 8% sans plafonnement alors que ceux des années postérieures sont soumis à un taux de 6,5% et bénéficient d’un plafonnement de 20.000 euros.
Le Conseil d’État, dans un arrêt du 29 juillet 2020 (CE, 29 juillet 2020, n° 430326), répondant à la requête d’un administré tendant à annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le Premier ministre avait implicitement rejeté sa demande du 20 décembre 2018 tendant à l’adoption de nouvelles mesures réglementaires d’application de l’article L.380-2 du code de la sécurité sociale pour les cotisations dues sur les revenus antérieurs au 1er janvier 2019, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, a considéré qu’en fixant, dans le cadre déterminé par les dispositions de l’article L.380-2 précité, le seuil de revenus professionnels prévu au deuxième alinéa de cet article, en-deçà duquel la cotisation est due, à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 3 922,80 euros en 2017, le montant des revenus du patrimoine mentionné au quatrième alinéa du même article, au-delà duquel s’applique le prélèvement, à 25 % de ce même plafond, soit 9 807 euros en 2017, et le taux de la cotisation en cause à 8 %, le pouvoir réglementaire a défini les modalités de calcul de cette cotisation dans des conditions qui n’entraînent pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques; que par suite l’article D.380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du 19 juillet 2016 précité, ne méconnaissait pas le principe d’égalité devant les charges publiques garanti par l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens de 1789, pas plus que les dispositions de l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale telles qu’interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018.
En l’espèce, M.[M] ne démontre pas qu’il existe une rupture d’égalité devant les charges publiques par l’absence de plafonnement de la CSM.
Le moyen tenant à la rupture du principe d’égalité devant la loi ne sera pas retenu
Sur le moyen tenant à l’irrégularité des transferts de données personnelles au regard des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 et du RGPD, du droit européen, des délibérations de la CNIL
M. [M] fait valoir que l’Urssaf Limousin a méconnu les dispositions de l’article 27 de loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique et aux libertés en ce qu’elle n’était pas territorialement compétente pour traiter ses données personnelles faute d’y avoir été autorisée, qu’il n’a pas été informé du transfert de ses données fiscales à l’Urssaf Limousin en violation des dispositions du RGPD et du droit européen, singulièrement de l’arrêt de la CJUE du 1er octobre 2015.
L’URSSAF fait valoir que le transfert de données entre la DGIFP et l’ACOSS et leur traitement par les URSSAF ont été autorisés par la CNIL , que la directive invoquée a été abrogée par le RGPD.
Il résulte des articles L 380-2, R 380-3, D 380-5-1 du code de la sécurité sociale que la cotisation subsidiaire maladie est calculée, appelée et recouvrée par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général au vu des éléments transmis par l’administration fiscale dont les agents ont communiqué aux organismes de recouvrement les informations nominatives déclarées pour l’établissement de l’impôt.
L’article 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, dans sa version applicable au litige, dispose que, sont autorisés par décret en Conseil d’Etat, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en ‘uvre pour le compte de l’Etat, d’une personne morale de droit public ou d’une personne morale de droit privé gérant un service public, qui portent sur des données parmi lesquelles figure le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques.
Par délibération n° 2017-279 du 26 octobre 2017 publiée au JO du 4 novembre 2017, la CNIL a autorisé la mise en oeuvre d’un traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation subsidiaire maladie en précisant que les organismes de recouvrement seront destinataires des données émanant de la direction générale des finances publiques et concernant les cotisants pour lesquels ils seront territorialement compétents.
Le décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017 a autorisé pour l’application des dispositions de l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale la création par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale d’un traitement de données à caractère personnel dénommé « Cotisation spécifique maladie ».
Les finalités de ce traitement sont le calcul et le recouvrement par les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale de la cotisation spécifique maladie prévue par l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale.
Le traitement autorisé par ce texte porte, notamment, sur les catégories de données relatives à l’identité des personnes et à leur situation fiscale.
La Cour de Justice de l’Union Européenne a, par décision du 1er octobre 2015, jugé que les articles 10,11 et 13 de la directive 95/46, en vigueur jusqu’en 2018, devaient être interprétés en ce qu’ils s’opposaient à des mesures nationales permettant à une administration d’un Etat membre de transmettre des données personnelles à une autre administration publique et leur traitement subséquent sans que les personnes concernées n’aient été informées de cette transmission ou de ce traitement.
Enfin, en application de l’article 32 III de la loi Informatique et Libertés, dans sa version en vigueur du 9 octobre 2016 au 25 mai 2018, lorsque les données à caractère personnel n’ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable du traitement ou son représentant doit fournir à cette dernière les informations énumérées au I dés l’enregistrement des données ou, si une communication. des données à un tiers a été envisagée, au plus tard lors de cette première communication.
Il est constant qu’en l’espèce, il incombait à l’Urssaf d’informer M.[M] de la transmission de ses données personnelles émanant de l’administration fiscale.
Une telle information ne résulte d’aucun des éléments du dossier.
Il découle de ce qui précède que l’Urssaf Limousin, en ne respectant pas les dispositions sus-visées qui ont pour objet de protéger un droit fondamental, a commis une irrégularité de fond affectant la procédure de recouvrement de sorte que la mise en demeure du 5 juin 2019 sera annulée.
Le jugement sera réformé en ce sens et M. [M] déchargé du réglement de la cotisation sudsidiaire maladie appelée sur ses revenus du patrimoine 2016.
Sur les autres demandes
L’Urssaf Limousin, partie perdante, supportera la charge des dépens.
Il n’est pas inéquitable de laisser à M. [M] la charge de ses frais irrépétibles. Il sera en conséquence débouté de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
INFIRME le jugement entrepris
Statuant à nouveau
ANNULE la mise en demeure notifiée le 5 juin 2019 à M. [M] par l’Urssaf Limousin
DECHARGE M. [M] du réglement de la cotisation sudsidiaire maladie appelée sur ses revenus du patrimoine 2016
CONDAMNE l’Urssaf Limousin aux dépens de première instance et d’appel
DEBOUTE M. [M] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Signé par madame Marie-Paule Menu, présidente, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
S. Déchamps MP. Menu