Une administrée a contesté sans succès les transferts de données personnelles entre l’administration fiscale et la sécurité sociale. L’obligation générale d’information dont les organismes de sécurité sociale sont débiteurs envers les assurés ne leur impose, en l’absence de demande de ceux-ci, ni de prendre l’initiative de les renseigner sur leurs droits éventuels, ni de porter à leur connaissance des textes publiés au Journal officiel de la République française.
Transferts de données entre l’administration fiscale et la sécurité sociale
Le traitement des données échangées entre l’administration fiscale et la sécurité sociale a été autorisé par le décret du 3 novembre 2017, les dispositions des articles L. 380-2 du code de la sécurité sociale, R. 380-3 issu d’un décret du 3 mai 2017 et D. 380-5 issu d’un décret du 19 juillet 2016, font tous référence au transfert des données entre les administrations fiscales et les organismes de recouvrement, et qu’enfin la délibération de la CNIL a eu lieu le 26 octobre 2017 sur la mise en oeuvre du traitement des données et le 14 septembre 2017 sur leur transfert, soit avant le premier appel à cotisation de l’administrée. Le décret intervenu le 26 mai 2018 n’a pas validé rétroactivement les transmissions de données, mais a complété le dispositif en permettant à la DGFIP d’effectuer un premier traitement des données.
Information des administrés
L’URSSAF, en ce qui concerne le défaut d’information prétendu, a mené une campagne d’information par courrier et sur son site internet avant l’envoi des appels à cotisation.
Avis conformes de la CNIL
La juridiction constate que les deux avis de la CNIL (Délibération n° 2017-250 du 14 septembre 2017 et le texte réglementaire relatifs au traitement et au transfert des données entre les administrations par la création d’un système au niveau de l’ACOSS (Décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017) ont bien précédé le premier appel à cotisation, sans que la parution ultérieure de l’un des deux avis de la CNIL n’ait de conséquence sur la régularité du décret du 3 novembre 2017, cette communication de données ayant par ailleurs été prévue par l’article L. 380-2.
Le décret n° 2018-392 du 24 mai 2018 portant création d’un traitement automatisé de transfert de données relatives aux redevables de la cotisation annuelle prévue à l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale n’a fait qu’ajouter un traitement automatisé permettant de transférer à l’ACOSS les données fiscales nécessaires à la détermination de l’assiette sociale et au calcul de la cotisation subsidiaire maladie des personnes et spécialement issues des formulaires fiscaux de déclaration de revenus n° 2042 (déclaration des « particuliers ») nécessaires à l’ACOSS pour la détermination de l’assiette sociale et le calcul de la CSM des personnes qui y sont assujetties. Il ne s’agissait donc pas d’une régularisation a posteriori des transferts accomplis précédemment entre la DGFIP et l’ACOSS et les URSSAF.
Enfin, pour ce qui est du défaut d’information, l’article R. 112-2 prévoit que, avec le concours des organismes de sécurité sociale, le ministre chargé de la sécurité sociale prend toutes mesures utiles afin d’assurer l’information générale des assurés sociaux.
Il est constant que cette obligation générale d’information dont les organismes de sécurité sociale sont débiteurs envers les assurés ne leur impose, en l’absence de demande de ceux-ci, ni de prendre l’initiative de les renseigner sur leurs droits éventuels, ni de porter à leur connaissance des textes publiés au Journal officiel de la République française.
Par ailleurs, il n’est pas contesté que l’URSSAF a procédé à une campagne d’information générale sur son site internet, comme il n’est pas contesté que l’organisme a également procédé à des envois de courriers informatifs en novembre 2017.
* * *
Cour d’appel de Grenoble,
Ch.secu-fiva-cdas,
10 mars 2023, 21/02729 C5
N° RG 21/02729
N° Portalis DBVM-V-B7F-K5TE
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL ACO
la SELAS FIDAL
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE – PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU VENDREDI 10 MARS 2023
Appel d’une décision (N° RG 20/00429)
rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence
en date du 13 avril 2021
suivant déclaration d’appel du 18 juin 2021
APPELANTE :
URSSAF AUVERGNE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Pierre-luc NISOL de la SELARL ACO, avocat au barreau de VIENNE, substitué par Me Emmanuelle CLEMENT, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
Madame [P] [L]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Jean-Yves FLEURANCE de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de VALENCE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Kristina YANCHEVA, Greffier,
DÉBATS :
A l’audience publique du 05 janvier 2023,
M. Pascal VERGUCHT, chargé du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoirie,
Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [P] [L] a été destinataire d’une mise en demeure du 17 avril 2019 de l’URSSAF Auvergne pour un montant de 18.199 euros représentant la cotisation subsidiaire maladie (CSM) pour les 4ème trimestres 2016 et 2017, en raison d’une absence de versement.
La commission de recours amiable de l’organisme a rejeté la contestation de Mme [L] le 13 mars 2020.
Le pôle social du tribunal judiciaire de Valence saisi par Mme [L] d’un recours contre l’URSSAF Auvergne a décidé, par jugement du 13 avril 2021, de’:
– déclarer le recours recevable,
– débouter Mme [L] de sa demande d’annulation des appels de cotisations pour les années 2016 et 2017,
– condamner Mme [L] à payer à l’URSSAF une somme de 17.018 euros au titre de la CSM pour 2016 et 2017,
– débouter les parties de leurs autres demandes,
– confirmer la décision de la commission de recours amiable sauf en ce qui concerne le montant des cotisations appelées pour les années 2016 et 2017,
– condamner Mme [L] à verser 1.000 euros à l’URSSAF sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la même aux dépens,
– ordonner l’exécution provisoire du jugement.
Par déclaration du 18 juin 2021, l’URSSAF Auvergne a relevé appel de cette décision.
Par conclusions déposées le 20 décembre 2021 et reprises oralement à l’audience devant la cour, l’URSSAF Auvergne demande’:
– la réformation du jugement,
– le débouté des demandes de Mme [L],
– la confirmation de la décision de la commission de recours amiable,
– la condamnation de Mme [L] à lui verser 18.199 euros au titre des cotisations restant dues,
– la condamnation de Mme [L] à lui verser 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 19 décembre 2022 et reprises oralement à l’audience devant la cour, Mme [L] demande’:
– l’infirmation du jugement sauf en ce qu’il a procédé au recalcul des CSM 2016 et 2017,
– l’annulation des appels à cotisation du 15 décembre 2017 et 26 novembre 2018,
– subsidiairement un nouveau calcul par l’URSSAF des cotisations litigieuses sur la base d’un revenu fiscal de référence de 103.969 euros en 2016 et 111.306 euros en 2017,
– la condamnation de l’URSSAF à lui payer une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
En application de l’article 455 du Code de procédure civile, il est donc expressément référé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIVATION
Sur les textes relatifs à la cotisation subsidiaire maladie
L’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur du 1er janvier 2016 au 1er janvier 2019 prévoyait que les personnes mentionnées à l’article L. 160-1 sont redevables d’une cotisation annuelle lorsqu’elles remplissent les conditions suivantes :
1° Leurs revenus tirés, au cours de l’année considérée, d’activités professionnelles exercées en France sont inférieurs à un seuil fixé par décret’; en outre, lorsqu’elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, les revenus tirés d’activités professionnelles exercées en France de l’autre membre du couple sont également inférieurs à ce seuil ;
2° Elles n’ont perçu ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d’allocation de chômage au cours de l’année considérée’; il en est de même, lorsqu’elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, pour l’autre membre du couple.
Cet article prévoyait également que la cotisation est recouvrée l’année qui suit l’année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret du Conseil d’État’; et que les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 les informations nominatives déclarées pour l’établissement de l’impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l’article L. 380-2, conformément à l’article L. 152 du livre des procédures fiscales.
L’article R. 380-4 du même code, dans sa version en vigueur depuis le 06 mai 2017, dispose que la cotisation mentionnée à l’article L. 380-2 est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l’année suivant celle au titre de laquelle elle est due, et elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée. Il prévoit également que, au plus tard à l’issue de ce délai, l’assuré qui estime que le montant appelé ne tient pas compte de manière exacte de sa situation ou de ses revenus peut s’acquitter du montant de la cotisation dont il estime être redevable sur la base de tout élément probant qu’il communique à l’organisme chargé du recouvrement.
Les moyens soulevés par l’appel incident de Mme [L], qui conteste la validité de l’appel à cotisation, seront examinés avant le moyen soulevé par l’URSSAF, appelante à titre principal, et qui se rapporte au calcul de la cotisation.
Sur la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel
Mme [L] soutient que le Conseil constitutionnel, dans une décision n° 2018-735 du 27 septembre 2018, qui s’impose aux autorités juridictionnelles et doit être appliquée directement, a jugé que les modalités de calcul de la CSM entrainent une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques. Mme [L] estime que l’effet combiné de la fixation d’un seuil d’assujettissement, d’un abattement sur les revenus du capital, de l’absence de plafonnement de l’assiette de la cotisation ou de son montant et d’un taux de 8’% arbitraire crée une telle rupture d’égalité et elle cite deux exemples chiffrés. Elle se prévaut également d’une inégalité mise en avant par des travaux parlementaires, et d’une modification dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 qui aurait consacré l’absence d’équité du dispositif.
L’URSSAF réplique que l’intimée s’engage dans un débat d’idées sans évoquer sa propre situation et que le Conseil constitutionnel a validé la conformité à la Constitution de l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale relatif à la CSM, en émettant juste une réserve d’interprétation pour l’avenir afin que le pouvoir réglementaire fixe le taux et les modalités de détermination de l’assiette de la CSM de façon à éviter une rupture caractérisée de l’égalité des citoyens devant les charges publiques. Elle ajoute que seul le Conseil d’État serait compétent pour apprécier la validité des décrets pris en application de la loi du 21 décembre 2015, et qu’il a d’ailleurs rejeté un tel recours contre le dispositif réglementaire de la CSM par une décision du 10 juillet 2019. L’URSSAF écarte l’application de la réserve de manière rétroactive du fait qu’elle s’adresse aux autorités de l’État sans que le Conseil constitutionnel ne prévoie une telle rétroactivité.
La cour entend rappeler que les dispositions de l’article L. 380-2 ont été déclarées conformes à la Constitution, le point n° 19 de la décision du Conseil constitutionnel disposant juste que’: «’Enfin, la seule absence de plafonnement d’une cotisation dont les modalités de détermination de l’assiette ainsi que le taux sont fixés par voie réglementaire n’est pas, en elle-même, constitutive d’une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques. Toutefois, il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce taux et ces modalités de façon à ce que la cotisation n’entraîne pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.’» Le point n° 21 conclut ensuite que’: «’Il résulte de tout ce qui précède que la première phrase du 1° et, sous la réserve énoncée au paragraphe 19, les premières et dernières phrases du quatrième alinéa de l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale ne méconnaissent ni le principe d’égalité devant les charges publiques, ni celui d’égalité devant la loi.’»
Par ailleurs, ainsi que le souligne l’URSSAF, le Conseil constitutionnel n’a pas estimé que les dispositions litigieuses au cours de la période antérieure à sa décision causaient une rupture d’égalité devant les charges publiques, n’a pas déclaré que ces dispositions (mises en application notamment par un décret du 19 juillet 2016) étaient rétroactivement non conformes à la Constitution, et n’a pas aménagé dans le temps les effets de sa décision’: il a seulement prévu une réserve d’interprétation qui ne vaut dès lors que pour l’avenir.
Enfin, au regard du litige soumis à la cour, Mme [L] se prévaut de considérations générales en citant des exemples, mais ne justifie à aucun moment de manière précise en quoi elle aurait été victime d’une rupture d’égalité devant les charges publiques, ni d’un défaut d’équité qui aurait découlé du changement ultérieur de la réglementation sur le taux et les modalités de calcul de l’assiette de la cotisation, et elle ne réalise aucune comparaison entre les deux réglementations appliquées à sa situation personnelle.
Le moyen relevant une inconstitutionnalité des dispositions dont l’URSSAF revendique l’application est donc infondé.
Sur le délai d’appel de la CSM
Mme [L] rappelle que l’article R. 380-4 du code de la sécurité sociale fixe expressément et clairement au plus tard au 30 novembre la date d’appel de la CSM, et qu’il n’était donc plus possible pour l’URSSAF de la lui réclamer le 15 décembre 2017, la demande étant forclose. Elle sollicite le respect de la sécurité juridique, se prévaut de décisions de plusieurs tribunaux judiciaires, et conteste un arrêt rendu par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation le 28 janvier 2021′: elle se fonde sur une jurisprudence de la Cour qui, de manière générale, considère qu’un dépassement de délai entraîne une forclusion même si elle n’est pas prévue par les textes appliqués, et même si elle est supprimée de tels textes’; elle ajoute que ce principe gouverne le droit commun comme le droit spécial et que le droit de la sécurité sociale n’échappe pas aux fonctions extinctives du temps’; elle se fonde également sur une nécessaire réciprocité entre les délais auxquels sont tenus les cotisants et ceux auxquels sont tenu les organismes de recouvrement des cotisations.
L’URSSAF répond que la régularité de l’appel de cotisations de décembre n’est pas remis en cause par un décalage qui a eu pour objet de fiabiliser les avis d’échéance, n’a causé aucun préjudice pour les cotisants et n’est sanctionné par aucun texte, le seul effet étant de repousser le délai d’exigibilité de trente jours prévus par l’article R. 380-4 et après lequel peuvent être dues des majorations de retard. Elle souligne que cette position a été retenue par la Cour de cassation le 28 janvier 2021.
La Cour de cassation considère bien que le non-respect par l’organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par l’article R. 380-4 a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible (Civ. 2ème, 6 janvier 2022, n° 20-16.379). Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette position’: le texte cité ne prévoit aucune sanction au non-respect du délai en termes de nullité ou forclusion de l’appel à cotisation’; la prévision du délai de l’appel à cotisation est immédiatement suivie d’une disposition visant le caractère exigible de la cotisation dans les trente jours de l’appel, donc au plus tard le 30 décembre, le dépassement du délai prévu entraînant par conséquent le seul report de l’exigibilité et du point de départ de calcul des majorations de retard, ce qui ne saurait faire grief au cotisant comme le souligne l’URSSAF.
Il convient de relever que les jurisprudences citées par Mme [L] ne se rapportent pas à des modalités de recouvrement de cotisations sociales et se réfèrent à des textes prévoyant expressément la forclusion en cas de dépassement des délais prescrits, comme en matière de saisine de la commission de recours amiable, seule l’exigence de la mention du risque de forclusion du délai ayant été supprimée de l’article R. 142-1 du code de la sécurité sociale.
Le moyen tendant à la forclusion de l’appel à cotisation est infondé.
Sur le transfert de données nominatives et leur traitement
Mme [L] fait valoir que le transfert de ses données personnelles aurait été illégal au regard de la Loi informatique et liberté de 1978, en soulignant que si l’avis de la CNIL n° 2017-279 du 26 octobre 2017 autorisant la mise en ‘uvre du traitement de données relatives à la CSM a été publié au journal officiel le 4 novembre 2017, celui du 14 septembre 2017, n° 2017-250, n’a été publié au journal officiel que le 26 mai 2018’: elle en conclut que les communications de données entre la DGFIP et l’ACOSS, puis les URSSAF, ont été faites sans autorisation, un décret du 3 novembre 2017 ayant autorisé le traitement des données, mais par leur transfert qui aurait été visé par un décret du 24 mai 2018.
Mme [L] fait également valoir qu’elle n’a pas bénéficié d’une information préalable en violation de la Loi informatique et liberté de 1978, alors que l’avis de la CNIL du 14 septembre 2017 prévoyait une information spécifique sur les transferts de données entre l’administration fiscale et les organismes de sécurité sociale, et sur leur traitement. Elle ajoute à cet égard que l’URSSAF aurait violé l’article R. 112-2 du Code de la sécurité sociale en ne l’informant pas de la création de cette nouvelle cotisation dont elle aurait découvert l’existence avec l’appel à cotisation, sans détails notamment sur les seuils.
L’URSSAF répond que le traitement des données a été autorisé par le décret du 3 novembre 2017, que les dispositions des articles L. 380-2 du code de la sécurité sociale, R. 380-3 issu d’un décret du 3 mai 2017 et D. 380-5 issu d’un décret du 19 juillet 2016, font tous référence au transfert des données entre les administrations fiscales et les organismes de recouvrement, et qu’enfin la délibération de la CNIL a eu lieu le 26 octobre 2017 sur la mise en ‘uvre du traitement des données et le 14 septembre 2017 sur leur transfert, soit avant le premier appel à cotisation. Elle ajoute que le décret intervenu le 26 mai 2018 n’a pas validé rétroactivement les transmissions de données, mais a complété le dispositif en permettant à la DGFIP d’effectuer un premier traitement des données.
L’URSSAF ajoute, en ce qui concerne le défaut d’information prétendu par l’intimée, qu’elle a mené une campagne d’information par courrier et sur son site internet avant l’envoi des appels à cotisation.
La cour constate que les deux avis de la CNIL (Délibération n° 2017-250 du 14 septembre 2017 portant avis sur un projet de décret portant création d’un traitement automatisé de transfert de données fiscales relatives aux redevables de la cotisation annuelle prévue à l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale’; Délibération n° 2017-279 du 26 octobre 2017 portant avis sur un projet de décret autorisant la mise en ‘uvre d’un traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue par l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale et d’un traitement de données à caractère personnel destiné au contrôle de la prise en charge des frais de santé et modifiant le décret n° 2015-390 du 3 avril 2015) et le texte réglementaire relatifs au traitement et au transfert des données entre les administrations par la création d’un système au niveau de l’ACOSS (Décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017 autorisant la mise en ‘uvre d’un traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue à l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, d’un traitement de données à caractère personnel destiné au contrôle de la résidence et modifiant le décret n° 2015-390 du 3 avril 2015, qui «’autorise également la création d’un traitement de données à caractère personnel dénommé « Contrôle de la condition de résidence par les organismes de sécurité sociale », qui a pour objet la transmission par l’administration fiscale aux organismes d’assurance maladie concernés des données nécessaires au contrôle du respect des critères de prise en charge des frais de santé au titre de la protection universelle maladie’») ont bien précédé le premier appel à cotisation, sans que la parution ultérieure de l’un des deux avis de la CNIL n’ait de conséquence sur la régularité du décret du 3 novembre 2017, cette communication de données ayant par ailleurs été prévue par l’article L. 380-2.
Le décret n° 2018-392 du 24 mai 2018 portant création d’un traitement automatisé de transfert de données relatives aux redevables de la cotisation annuelle prévue à l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale n’a fait qu’ajouter un traitement automatisé permettant de transférer à l’ACOSS les données fiscales nécessaires à la détermination de l’assiette sociale et au calcul de la cotisation subsidiaire maladie des personnes et spécialement issues des formulaires fiscaux de déclaration de revenus n° 2042 (déclaration des « particuliers ») nécessaires à l’ACOSS pour la détermination de l’assiette sociale et le calcul de la CSM des personnes qui y sont assujetties. Il ne s’agissait donc pas d’une régularisation a posteriori des transferts accomplis précédemment entre la DGFIP et l’ACOSS et les URSSAF.
Enfin, pour ce qui est du défaut d’information, l’article R. 112-2 prévoit que, avec le concours des organismes de sécurité sociale, le ministre chargé de la sécurité sociale prend toutes mesures utiles afin d’assurer l’information générale des assurés sociaux. Il est constant que cette obligation générale d’information dont les organismes de sécurité sociale sont débiteurs envers les assurés ne leur impose, en l’absence de demande de ceux-ci, ni de prendre l’initiative de les renseigner sur leurs droits éventuels, ni de porter à leur connaissance des textes publiés au Journal officiel de la République française. Par ailleurs, il n’est pas contesté que l’URSSAF a procédé à une campagne d’information générale sur son site internet, comme il n’est pas contesté que l’organisme a également procédé à des envois de courriers informatifs en novembre 2017.
Les moyens de Mme [L] doivent donc également être ici rejetés.
Sur l’assiette de la CSM
L’URSSAF calcule la CSM due par Mme [L] à 8.806 euros pour 2016 (119.724 euros de revenus du capital et du patrimoine, affecté d’un taux de 8’% après abattement ramenant les revenus à 110.075 euros) et à 9.393 euros pour 2017 (127.220 euros de revenus, 117.413 euros après abattement) et elle refuse d’appliquer la déduction de la CSG déductible dans la mesure où, malgré diverses demandes, Mme [L] n’a jamais transmis ses déclarations de revenus selon le formulaire n° 2042, en conformité avec une circulaire du 15 novembre 2017, et n’a pas exercé son droit de contester le montant appelé dans le délai de trente jours après l’appel prévu par l’article R. 380-4 du Code de la sécurité sociale. L’URSSAF demande donc une condamnation au paiement d’un montant de cotisation de 18.199 euros.
Mme [L] fait valoir, quant à elle, que la CSM est calculée sur un revenu fiscal de référence qui conduit à retenir un revenu net en tenant compte de la CSG afférente à ces revenus partiellement déductibles du revenu global, comme prévu par la circulaire du 15 novembre 2017. Elle estime qu’en produisant ses avis d’impôt 2017 et 2018 qui mentionnent la CSG déductible (selon elle, 6.106 euros sur les revenus perçus en 2016 et 6.107 euros sur les revenus perçus en 2017), et en reprenant les montants de revenus bruts et après abattement retenus par l’URSSAF, elle estime à titre subsidiaire que ses cotisations devraient s’élever à 8.317 euros ((110.075-6.106) x 8’%) et 8.904 euros ((117.413-6.107) x 8%). Elle ajoute que le délai prévu par l’article R. 380-4 prévoit une possibilité de paiement partiel sans remettre en cause la possibilité de contester ultérieurement la globalité des cotisations appelées.
La cour constate qu’il n’est pas contesté que le revenu de référence pris en compte dans le calcul de la CSM implique la déduction de la CSG déductible. La circulaire ne justifie pas que le montant de cette CSG figurant dans l’avis d’imposition, lui-même fondé sur le montant déclaré dans le formulaire n° 2042, ne soit pas pris en compte et considéré comme aussi fiable que la déclaration de revenus.
Les moyens de l’URSSAF sont donc rejetés.
La cour relève que le tribunal et Mme [L] n’ont toutefois pas pris en compte les bons montants de CSG déductible dans les avis d’impôt’:
– pour la CSM 2016, le tribunal a retenu 110.075 euros moins une CSG de 6.106 euros, affectés de 8’% pour une cotisation de 8.317 euros’; Mme [L] retient le même calcul’; toutefois, la somme de 6.106 euros représentait le montant de la CSG déductible sur les revenus du patrimoine pris en compte pour l’imposition des revenus perçus en 2017 et mentionné pour information dans l’avis d’impôt, alors que la CSG déductible pour l’impôt 2017 sur les revenus 2016 s’élevait à 5.420 euros selon les données figurant sur l’avis d’impôt.
– pour la CSM 2017, le tribunal a retenu 117.413 euros moins une CSG de 8.650 euros, affectés de 8’% pour une cotisation de 8.701 euros’; Mme [L] corrige cette fois l’erreur du tribunal (qui a ici aussi retenu la CSG mentionnée pour information sur les revenus de l’année suivante, soit 2018) en retenant la CSG sur les revenus 2017 pour 6.107 euros’; il convient donc de reprendre le calcul de Mme [L] pour l’année 2017.
Dans ces conditions, le jugement sera intégralement confirmé sauf en ce qui concerne le montant de la condamnation au paiement de 17.018 euros au titre de la CSM pour les années 2016 et 2017, le bon calcul donnant 17.276 euros (8.372+8.904)’:
– 110.075 ‘ 5.420 = 104.655’; 104.655 x 8’% = 8.372,40.
– 117.413 ‘ 6.107 = 111.306’; 111.306 x 8’% = 8.904,48.
Sur les frais de la procédure
L’URSSAF d’Auvergne, appelante au principal, voit les moyens de sa demande d’infirmation partielle du jugement rejetée, seul un calcul erroné qu’elle n’a pas relevé justifiant une infirmation partielle’: elle supportera donc les dépens.
Ni l’équité ni la situation des parties ne justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement et publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi’:
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Valence du 13 avril 2021, sauf en ce qu’il a condamné Mme [P] [L] à payer à l’URSSAF Auvergne une somme de 17.018 euros au titre de la cotisation subsidiaire maladie pour les années 2016 et 2017,
Et statuant à nouveau,
Condamne Mme [P] [L] à payer à l’URSSAF Auvergne une somme de 17.276 euros au titre de la cotisation subsidiaire maladie pour les années 2016 et 2017,
Y ajoutant,
Condamne Mme [P] [L] aux dépens de la procédure d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président