Liquidation de l’éditeur : les droits de l’auteur

Notez ce point juridique

La procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire de l’éditeur n’entraîne pas la résiliation du contrat d’édition (L.132-15 du code de la propriété intellectuelle).  Lorsque l’activité est poursuivie en application des articles L. 621-22 et suivants du code de commerce, toutes les obligations de l’éditeur à l’égard de l’auteur doivent être respectées.

En cas de cession de l’entreprise d’édition en application des articles L. 621-83 et suivants du code de commerce, l’acquéreur est tenu des obligations du cédant. Lorsque l’activité de l’entreprise a cessé depuis plus de trois mois ou lorsque la liquidation judiciaire est prononcée, l’auteur peut demander la résiliation du contrat.

Le liquidateur ne peut procéder à la vente en solde des exemplaires fabriqués ni à leur réalisation dans les conditions prévues aux articles L. 622-17 et L. 622-18 du code de commerce que quinze jours après avoir averti l’auteur de son intention, par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception. L’auteur possède, sur tout ou partie des exemplaires, un droit de préemption. A défaut d’accord, le prix de rachat est fixé à dire d’expert.

Les dispositions de l’article L.132-15 du code de la propriété intellectuelle qui instituent des dispositions particulières en matière de transmission de contrat d’édition dans le cadre d’une procédure collective, n’ont pas vocation à s’appliquer aux contrats résiliés avant l’ouverture de la procédure collective et ne peuvent transférer de droits à la société qui s’est portée candidate à la reprise du fonds de commerce.  

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 18 MAI 2021

Numéro d’inscription au répertoire général :20/10749 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCENT

Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de PARIS le 16 Juin 2020 – RG n° 19/59087

APPELANTE

Madame Y X

Née le […] à […]

De nationalité française

Essayiste

[…]

[…]

Représentée et assistée de Me Olivier DE BOISSIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : E0099

INTIMÉE

S.A.S. DU MOULIN

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés D’AVIGNON sous le numéro 514 447 085

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[…],

[…]

[…]

Représentée par Me Emmanuel EMILE-ZOLA-PLACE de l’AARPI TWELVE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1212

Assistée de Me Lucie QUÉMÉRÉ de l’AARPI TWELVE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1212

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Mars 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et Déborah BOHÉE, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre

Françoise BARUTEL, Conseillère,

Mme Déborah BOHÉE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

• Contradictoire

• par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

• signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DU LITIGE

Mme Y X, se présentant comme une sinologue reconnue, a conclu le 22 décembre 2006, un contrat d’édition relatif à un ouvrage intitulé ‘Chine, le nouveau centre du monde’, avec la SOCIÉTÉ EDITIONS DES CAHIERS PIERRE BAPTISTE (EDITIONS DE l’AUBE). Le livre constitue un ouvrage de réflexion stratégique sur la montée en puissance de la Chine, alimenté de nombreuses cartes. Des désaccords sont intervenus entre les parties à l’occasion de l’édition de l’ouvrage entreprise, selon l’auteure, sans bon à tirer.

La société LES EDITIONS DE L’AUBE a fait l’objet d’une procédure de sauvegarde selon jugement du 4 février 2009 convertie en redressement judiciaire le 17 juin 2009, et par jugement du 24 juin 2009, le tribunal de commerce d’Avignon a arrêté le plan de cession de la société LES EDITIONS DE L’AUBE au profit de la S.A.R.L DU MOULIN, en cours de constitution, à laquelle a succédé en 2014 la SAS DU MOULIN.

Par ordonnance du 4 juillet 2007 signifiée le 11 juillet 2007, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a, sur demande de Mme Y X, statué en ces termes: «Ordonnons le retrait et la mise au pilon de tons les exemplaires imprimés de l’ouvrage intitulé ‘CHINE LE NOUVEAU CENTRE DU MONDE’, tant ceux en stock que ceux proposés à la vente dans les trente jours de la signification de cette ordonnance et sous astreinte, passé ce délai, de 500 euros par infraction constatée. (…) Condamnons la société EDITIONS DES CAHIERS PIERRE BAPTISTE (EDITIONS DE L’AUBE) à verser à Mme X, à titre provisionnel à valoir sur la réparation de son préjudice moral une somme de 5000 euros, outre une indemnité de 1200 euros en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile’.

Suivant ordonnance du 24 septembre 2007, le juge des référés a liquidé l’astreinte provisoire à hauteur de la somme de 500 euros.

Mme Y X a également initié une instance au fond, ayant donné lieu à un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 23 janvier 2008, dont il a été interjeté appel.

Et, la cour d’appel de Paris, par arrêt du 16 janvier 2009, a notamment prononcé la résiliation à effet du 16 janvier 2009 du contrat d’édition liant les parties et alloué des dommages et intérêts à l’auteure au titre de son préjudice moral (3000 euros) et de son préjudice matériel (5000 euros).

Pourvoi a été interjeté par Mme Y X, qui a fait l’objet d’une ordonnance de non-admission.

Relevant que l’ouvrage était toujours en vente en 2016 sur le site Amazon et était susceptible de porter ombrage à la diffusion de son nouveau livre intitulé «’Radioscopie d’un soulèvement pacifique», Mme Y X a initié un référé devant le tribunal de grande instance de Paris tendant à la liquidation de l’astreinte prononcée le 4 juillet 2007, mais par ordonnance du 19 octobre 2017, le juge des référés a déclaré irrecevable la procédure dirigée contre la SOCIÉTÉ du MOULIN, pour défaut de qualité à agir de cette dernière.

Par acte du 11 octobre 2019, Mme Y X a fait assigner devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris la SOCIÉTÉ DU MOULIN pour obtenir, à titre principal, la liquidation de l’astreinte fixée par l’ordonnance du 4 juillet 2007 et la condamnation de la défenderesse au paiement de la somme de 1 241 500 euros, outre l’éradication du marché des contrefaçons restantes et leur pilonnage intégral et le paiement d’une indemnité pour frais irrépétibles. A titre subsidiaire, Mme Y X sollicitait la communication par l’imprimeur de la fiche d’impression de l’intégralité des ouvrages, publiés en avril 2007.

Le 16 juin 2020, le juge des référés près le tribunal judiciaire de Paris, a rendu la décision suivante, dont appel:

— Déclarons irrecevable la demande en liquidation de l’astreinte, formée contre la société du MOULIN, dépourvue de qualité à agir,

— Disons sans objet les prétentions tirées de la prescription de l’action,

— Rejetons la demande en dommages et intérêts pour injures formulées par Y X,

— Condamnons Y X à payer à la société du MOULIN SAS, la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— Condamnons Y X aux dépens,

— Condamnons Y X à payer à la société du MOULIN SAS la somme de 6000 euros au titre des frais irrépétibles,

— Rappelons que la présente ordonnance est de droit exécutoire par provision.

Mme Y X a interjeté appel de cette ordonnance le 24 juillet 2020.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 13 février 2021 par Mme Y X, appelante, qui demande à la cour, de:

— Juger recevable l’action de l’appelante,

— Infirmer la décision attaquée, l’ordonnance de référé du 16 juin 2020 du Tribunal Judiciaire de Paris,

— Juger la liquidation d’astreinte provisoire due par la SAS Société DU MOULIN à Madame Y X, en vertu de l’ordonnance de référé du 4 juillet 2007 à : 2484 contrefaçons vendues un mois après la date butoir du 10 août 2007 moins une infraction déjà sanctionnée par l’ordonnance du 24 septembre 2007, soit : 2483 infractions x 500 € = 1 241 500 €,

— Condamner la SAS Société DU MOULIN à régler à Mme Y X la somme de:

1 241 500 € (un million deux cent quarante et un mille cinq cent euros),

— Ordonner le retrait des circuits et le pilonnage des exemplaires contrefaits encore proposés à la vente du titre «’Chine, le Nouveau Centre du Monde’», par la SAS DU MOULIN et à ses frais, sous peine d’une astreinte de 500 € par infraction constatée,

— Condamner la SAS DU MOULIN à payer à Mme Y X, la somme de 10 000€ de dommages et intérêts pour injures dans les écrits produits,

— Condamner la SAS à payer la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamner la SAS du MOULIN aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 25 janvier 2021 par la SOCIÉTÉ DU MOULIN, intimée qui demande à la cour de:

— CONFIRMER l’ordonnance de référé du Président du Tribunal judiciaire de Paris du 16 juin 2020 en ce qu’elle a :

— Déclaré irrecevable la demande en liquidation de l’astreinte formée contre la SAS DU MOULIN, dépourvue de qualité à agir,

Subsidiairement, si par exceptionnel la Cour devait juger que la SAS DU MOULIN a qualité à agir dans le cadre de la présente procédure :

— JUGER que l’action en liquidation d’astreinte de Madame Y X contre la SAS DU MOULIN fondée sur l’ordonnance de référé du Président du tribunal de grande instance de Paris du 4 juillet 2007 signifiée à partie le 11 juillet 2007 est prescrite depuis le 11 juillet 2012;

En conséquence,

— JUGER Madame Y X irrecevable en son action,

Subsidiairement,

Vu l’ordonnance de référé du Président du Tribunal de grande instance de Paris du 4 juillet 2007,

— JUGER que conformément à l’ordonnance du Tribunal de grande instance de Paris du 4 juillet 2007, la SARL LES EDITIONS DE L’AUBE a retiré des circuits commerciaux et mis au pilon 1516 exemplaires, soit ‘tous les exemplaires imprimés de l’ouvrage intitulé « Chine, le nouveau centre du monde », tant ceux en stock que ceux proposés à la vente’,

— JUGER que la cour ne peut pas, sans outrepasser les termes de l’ordonnance de référé du Président du Tribunal de grande instance de Paris du 4 juillet 2007, liquider une astreinte au titre des exemplaires imprimés de l’ouvrage « La Chine, Nouveau Centre du Monde » déjà vendus à la date de son prononcé et constituant des exemplaires d’occasion,

En conséquence,

— REJETER la demande tendant à « Condamner la SAS DU MOULIN à éradiquer du marché les contrefaçons restantes ayant pour titre « La Chine, Nouveau Centre du Monde », et leur pilonnage intégral, aux seuls frais de l’éditeur, sous trente jours à compter de la signification, moyennant astreinte de 500€ à chaque infraction renouvelée », en ce qu’elle ne tend pas à la liquidation d’astreinte, est nouvelle, et donc irrecevable,

— JUGER que les demandes de Madame Y X ne sont pas fondées ;

— DEBOUTER Madame Y X de l’intégralité de ses demandes,

En tout état de cause,

— CONFIRMER l’ordonnance de référé du Président du Tribunal judiciaire de Paris du 16 juin 2020 en ce qu’elle a :

— Rejeté la demande en dommages et intérêts pour injures formée par Madame Y X ;

— Condamné Madame Y X à payer à la SAS DU MOULIN la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

— Condamné Madame Y X à payer à la SAS DU MOULIN SAS la somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

— Condamné Madame Y X aux dépens,

En tout état de cause,

— CONDAMNER Madame Y X à payer à la SAS DU MOULIN la somme de 12.000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel,

— CONDAMNER Madame Y X aux entiers dépens d’instance.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 mars 2021.

MOTIFS DE L’ARRÊT

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

– Sur la fin de non recevoir tirée du défaut de droit d’agir:

Les articles 122 et 32 du code de procédure civile disposent que ‘ Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.’ et ‘ est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir’.

Et selon l’article L.132-15 du code de la propriété intellectuelle : ‘ La procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire de l’éditeur n’entraîne pas la résiliation du contrat.

Lorsque l’activité est poursuivie en application des articles L. 621-22 et suivants du code de commerce, toutes les obligations de l’éditeur à l’égard de l’auteur doivent être respectées.

En cas de cession de l’entreprise d’édition en application des articles L. 621-83 et suivants du code de commerce précité, l’acquéreur est tenu des obligations du cédant.

Lorsque l’activité de l’entreprise a cessé depuis plus de trois mois ou lorsque la liquidation judiciaire est prononcée, l’auteur peut demander la résiliation du contrat.

Le liquidateur ne peut procéder à la vente en solde des exemplaires fabriqués ni à leur réalisation dans les conditions prévues aux articles L. 622-17 et L. 622-18 du code de commerce précité que quinze jours après avoir averti l’auteur de son intention, par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception.

L’auteur possède, sur tout ou partie des exemplaires, un droit de préemption. A défaut d’accord, le prix de rachat sera fixé à dire d’expert.’

La SOCIÉTÉ DU MOULIN soulève l’irrecevabilité des demandes formulées par Mme Y X contre elle, rappelant que seule la société LES EDITIONS DE L’AUBE a commercialisé et édité l’ouvrage et qu’elle est seule visée par l’ordonnance de référé. L’intimée soutient que les stocks des exemplaires de l’ouvrage litigieux ont été détruits avant la liquidation de la SARL LES EDITIONS DE L’AUBE ainsi que cela résulte du certificat de pilonnage produit lors de la première procédure en liquidation d’astreinte. De plus, elle ajoute que le contrat d’édition entre les parties a été résilié par l’effet de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 janvier 2009, soit depuis plus de 9 mois lorsque le fonds de commerce de la société LES EDITIONS DE L’AUBE lui a été cédé. Elle en déduit que le contrat n’avait plus d’existence juridique à la date de la reprise des éléments du fonds anciennement exploité, de sorte qu’il ne peut lui être opposé.

Elle ajoute que le plan de cession arrêté par le tribunal de commerce d’AVIGNON de la société LES EDITIONS DE L’AUBE n’a pas emporté transmission universelle de patrimoine et qu’elle n’est pas tenue des dettes de celle-ci.

Mme Y X soutient que la SOCIÉTÉ DU MOULIN a qualité pour défendre dans la présente instance, mettant en avant les dispositions de l’article L.132-15 du code de la propriété intellectuelle et soulignant que la société LES EDITIONS DE L’AUBE a, selon elle, frauduleusement organisé son insolvabilité dès le lendemain de sa condamnation par la cour d’appel en janvier 2009 afin d’échapper aux obligations et aux poursuites civiles. Par conséquent, selon l’appelante, la SOCIÉTÉ DU MOULIN a la charge des obligations reposant sur la société LES EDITIONS DE L’AUBE, dans le cadre des dispositions afférentes au redressement judiciaire de la société cédante.

Elle ajoute que si le contrat d’édition n’a pas été transmis au cessionnaire et ne peut lui être opposé, l’ordonnance de référé de 2007 ordonnant une astreinte, a donné naissance à une obligation délictuelle nécessairement transmise à l’entreprise cessionnaire, et ce d’autant que la société liquidée et la société cessionnaire constituent selon elle la même entité (ayant les mêmes dirigeants, le même siège social….)

Sur ce, la cour constate que le contrat d’édition ayant lié Mme Y X à la société LES EDITIONS DE L’AUBE a été résilié par l’arrêt prononcé par la cour d’appel de Paris le 16 janvier 2009, et que l’ordonnance de référé faisant injonction à cette société de retirer de la vente les ouvrages en cause a été rendue le 4 juillet 2007. Or, dans le cadre de la procédure collective ouverte à l’égard de société LES EDITIONS DE L’AUBE, la cession de cette société a été ordonnée au profit de la S.A.R.L DU MOULIN ( aux droits de laquelle a succédé la SOCIÉTÉ DU MOULIN) en vertu d’un jugement du tribunal de commerce d’Avignon arrêtant le plan de cession le 24 juin 2009. Ainsi, comme l’a justement relevé le premier juge, si les dispositions de l’article L.132-15 du code de la propriété intellectuelle instituent des dispositions particulières en matière de transmission de contrat d’édition dans le cadre d’une procédure collective, il n’en demeure pas moins qu’elles n’ont pas vocation à s’appliquer aux contrats résiliés avant même l’ouverture de la procédure collective et qui n’ont donc pu être transférés à la société qui s’est portée candidate à la reprise du fonds de commerce, de sorte que le contrat en cause ne peut être opposé à la SOCIÉTÉ DU MOULIN.

De même, comme l’a noté à juste titre le premier juge, si le principe de l’astreinte a été effectivement fixé par l’ordonnance de référé de 2007, seule la société LES EDITIONS DE L’AUBE était visée et il appartenait alors à Mme Y X d’en poursuivre l’exécution à l’encontre de cette dernière, et, le cas échéant, à l’égard des organes de la procédure collective désignés dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire dont elle a fait l’objet. Ainsi, Mme Y X n’est pas fondée à agir à l’encontre de la SOCIÉTÉ DU MOULIN, personne morale distincte, à laquelle cette dette n’a pas été transférée et qui n’est pas tenue des agissements ou obligations de son cédant.

L’ensemble des demandes formées contre la SOCIÉTÉ DU MOULIN par Mme Y X doit en conséquence être déclaré irrecevable, faute de qualité à défendre de l’intimée. L’ordonnance querellée est ainsi confirmée de ce chef et également en ce qu’elle a dit sans objet les prétentions tirées de la prescription de l’action.

– Sur la demande de dommages et intérêts pour injures:

Mme Y X considère que la phrase «’Ces vociférations sans retenue ni nuances témoignent de l’état d’esprit qui anime Mme Y X’» reproduite dans les écritures adverses en première instance constitue une injure à son encontre dont elle sollicite la réparation par le versement de dommages et intérêts à hauteur de 10 000 euros.

La SOCIÉTÉ DU MOULIN nie la nature injurieuse de ces propos et invoque l’immunité judiciaire qui implique que le délit d’injure ne peut résulter des écrits produits devant les tribunaux et le non-respect du formalisme procédural imposant de procéder par voie de citation au titre des articles 41 et 53 de la loi du 29 juillet 1881.

Sur ce, outre que le formalisme édicté par l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 n’a pas été respecté, il convient de rappeler que l’article 41 de cette même loi institue une immunité judiciaire pour les écrits produits devant les tribunaux, de sorte que Mme Y X doit être déboutée de ses demandes formulée sur ce point. L’ordonnance querellée est en conséquence confirmée de ce chef.

– Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive:

La SOCIÉTÉ DU MOULIN dénonce l’acharnement judiciaire dont Mme Y X fait preuve à son égard en introduisant une nouvelle action sur les mêmes fondements que l’action initiée en 2017 qui a été déclarée irrecevable tout en lui imputant des faits d’escroquerie au jugement ou des malversations, qui sont autant de propos diffamatoires.

Mme Y X conteste toute intention malveillante de sa part indiquant agir uniquement pour préserver ses droits.

Sur ce, la cour rappelle que l’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit, qui ne dégénère en abus, pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts, que lorsque la preuve d’une faute est rapportée.

En l’espèce, les multiples instances judiciaires ayant opposé les parties sont insuffisantes à démontrer la mauvaise foi ou le caractère malveillant de la présente action introduite par Mme Y X, alors que cette dernière a eu gain de cause devant le juge du fond s’agissant des fautes commises par la société d’édition.

Par ailleurs, si la présente instance constitue effectivement la troisième action afin de faire liquider l’astreinte prononcée en 2007, il convient de retenir que la première a été couronnée de succès et que la deuxième a été déclarée irrecevable, sans qu’il puisse être fait grief à Mme Y X d’avoir interjeté appel de l’ordonnance entreprise.

Ainsi, faute pour la SOCIÉTÉ DU MOULIN de rapporter la preuve d’une faute de la part de Mme Y X, qui a pu légitimement se méprendre sur l’étendue de ses droits, et d’établir l’existence d’un préjudice autre que celui subi du fait des frais exposés pour sa défense, sa demande fondée sur la procédure abusive, sera rejetée.

L’ordonnance entreprise sera donc infirmée sur ce point.

– Sur les autres demandes:

Mme Y X, succombant, sera condamnée aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Enfin, l’équité et la situation des parties commandent de condamner Mme Y X à verser à la SOCIÉTÉ DU MOULIN une somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme l’ordonnance déférée sauf en ce qu’elle a condamné Mme Y X à payer à la SOCIÉTÉ DU MOULIN, la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

L’infirmant sur ce point,

Déboute la SOCIÉTÉ DU MOULIN de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Y ajoutant,

Condamne Mme Y X aux dépens d’appel,

Condamne Mme Y X à verser à la SOCIÉTÉ DU MOULIN une somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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