Revente autorisée d’un produit breveté

Notez ce point juridique

La société CSR est fondée à se prévaloir des dispositions de l’article L. 613-6 du code de la propriété intellectuelle qui l’autorisaient, sans encourir le grief de contrefaçon, à céder à une entreprise tierce l’auge brevetée qui lui avait été vendue par la titulaire du brevet sans aucune restriction ni réserve au titre de la revente.

Il est en outre observé que la modification apportée à l’auge à l’occasion de sa revente à la société Lafarge Granulats Seine Nord, pour l’adapter au châssis du convoyeur T3 de la cliente, et consistant à insérer une barre entre les deux coques formant le fond du berceau de manière à augmenter la largeur de l’auge (et la porter de 800 mm à 1200 mm) porte sur les dimensions de l’auge. Or, il est constant, et établi au regard des revendications 8, 9, 10, 11, 12 opposées au soutien de l’action en contrefaçon, dont le libellé a été ci-dessus rappelé, que les dimensions de l’auge, objet de l’invention, ne sont aucunement protégées par le brevet.

En conséquence, la vente du produit breveté consentie sans restriction ni réserve par la société D E titulaire du brevet à la société CSR emportait pour celle-ci le droit de revendre ce produit le cas échéant en y apportant une modification touchant à un élément échappant à la protection conférée par le brevet.

Les premiers juges ont ainsi retenu à bon droit que les demandes de la société D E formées à l’encontre des sociétés CSR et AMP au titre de la contrefaçon de son brevet n° 2978906 sont mal fondées et le jugement doit être confirmé en ce qu’il les a rejetées en leur intégralité.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 16 AVRIL 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 16/16760 – n° Portalis 35L7-V-B7A-BZMLH

Décision déférée à la Cour : jugement du 07 juillet 2016 – Tribunal de grande instance de PARIS – 3e chambre 1re section – RG n°14/15949

APPELANTES AU PRINCIPAL et INTIMEES INCIDENTES

S.A.R.L. D E, agissant en la personne de son gérant, M. F Z, domicilié en cette qualité au siège social situé

[…]

Vallée des Vignes

[…]

1er étage

[…]

Immatriculée au rcs d’Amiens sous le numéro 529 213 910

S.A.S.U. D, agissant en la personne de son président, M. H Z, domicilié en cette qualité au siège social situé

[…]

Vallée des Vignes

[…]

1er étage

[…]

Immatriculée au rcs d’Amiens sous le numéro 398 865 451

Représentées par Me Bernadette BRUGERON de la SELAS CLEVERLEX, avocate au barreau de PARIS, toque L 0008

Assistées de Me Fabrice CHIVOT, avocat au barreau d’AMIENS

INTIME

M. O R X

Né le […] à Amiens

De nationalité française

[…]

Représenté par Me Philippe PACCIONI, avocat au barreau de PARIS, toque A 0749

Assisté de Me K HEMBERT, avocat au barreau d’AMIENS

INTIMEES AU PRINCIPAL et APPELANTES INCIDENTES

S.A.R.L.U. J, prise en la personne de son gérant, M. K Y, domicilié en cette qualité au siège social situé

[…]

[…]

Immatriculée au rcs de Beauvais sous le numéro 487 511 131

S.A.S. CSR, – représentée par sa présidente, la S.A.R.L.U. J.O. Q, prise elle-même en la personne de son gérant, M. K Y, domicilié en cette qualité au siège social – ayant son siège social situé

[…]

[…]

Immatriculée au rcs de Beauvais sous le numéro 518 038 013

S.A.S. T N Y – représentée par sa présidente, la S.A.R.L.U. J.O. Q, prise elle-même en la personne de gérant, M. K Y, domicilié en cette qualité au siège social – ayant son siège social situé

[…]

[…]

Immatriculée au rcs de Beauvais sous le numéro 345 002 695

Représentées par Me Delphine TINGRY, avocate au barreau de PARIS, toque L 0070

Assistées de Me Arnaud EHORA plaidant pour la SELARL S. FOUQUES – H. CABOCHE-FOUQUES & A. EHORA, avocat au barreau d’AMIENS, case 52

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 4 mars 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme

L M, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mme L M a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme L M, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme L M, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 7 juillet 2016 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

— rejeté les demandes de la société D E au titre de la contrefaçon de son brevet français n°2979906 délivré le 13 juin 2014,

— rejeté les demandes de la société D au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,

— rejeté les demandes de la société Construction Service Rubber, de la société Atelier N Y et de la société P Q au titre de saisie- contrefaçon et de la procédure abusives,

— rejeté les demandes de la société D E et de la société D au titre des frais irrépétibles,

— condamné la in solidum la société D E et la société D à payer à :

— M. O X, la somme de 10.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— la société Construction Service Rubber, la société Atelier N Y et la société P Q la somme de 6.000 euros chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— rejeté les demandes de M. O X contre la société Construction Service Rubber, la société Atelier N Y et à la société P Q au titre des frais irrépétibles,

— condamné in solidum la société D E et la société D à supporter les entiers dépens de l’instance dont distraction conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Vu l’appel de ce jugement interjeté par les sociétés D E ( SARL) et D (SARL)

suivant déclaration d’appel remise au greffe de la cour le 29 juillet 2016.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 7 juin 2019 par la société D E et la société D, appelantes, qui demandent à la cour de :

Au principal,

— ordonner une mesure de médiation conformément aux dispositions des articles 131-1 et suivants du code de procédure civile,

— désigner en qualité de médiateur tel médiateur qu’il plaira au président de la formation de jugement de désigner afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose,

— fixer la durée de la médiation à 3 mois, à compter de la 1re réunion de médiation, la durée pouvant le cas échéant être prorogée, avec l’accord des parties, pour une période maximale de 3 mois à la demande du médiateur,

— fixer la provision à valoir sur la rémunération du médiateur et les modalités de règlement de celle-ci,

— dire qu’à l’expiration de la mission, le médiateur devra informer le juge de ce que les parties sont parvenues ou non à trouver une solution au litige qui les oppose,

Au fond,

— déclarer les sociétés D E et D recevables et bien fondées en leurs demandes, fins et prétentions,

— infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau :

— valider la saisie-contrefaçon diligentée à la requête des sociétés D E et D en date du 25 septembre 2014 sur le site exploité par la société Lafarge Granulats Seine Nord, route de la Garenne, […],

— dire que la société Construction Service Rubber (CSR) et la société T N Y (AMP) ont commis des actes de contrefaçon du brevet n°97 8906,

— dire que la société Construction Service Rubber (CSR) et la société T N Y (AMP) ont agi en connaissance de cause,

— faire interdiction à la société Construction Service Rubber (CSR) et à la société T N Y (AMP), sous astreinte de 150.000 euros par infraction constatée à compter du jour du jugement à intervenir, de fabriquer, exposer, vendre des auges correspondant aux spécificités visées dans le brevet n°97 8906,

— condamner in solidum la société Construction Service Rubber (CSR) et la société T N Y (AMP) à payer à la société D E la somme de 100.000 euros au titre du préjudice causé par la contrefaçon de brevet, avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement à intervenir,

— ordonner la capitalisation des intérêts,

— condamner in solidum M. X, la société P Q, la société Construction Service Rubber

(CSR) et la société T N Y (AMP) à payer à la société D la somme de 2.000.000 euros de dommages-intérêts sur le fondement des dispositions de l’article 1240 du code civil pour concurrence déloyale, parasitisme voire pour perte de chance de ne pas avoir été en mesure de remporter certains marchés,

— condamner in solidum M. X, la société P Q, la société Construction Service Rubber (CSR) et la société T N Y (AMP) à cesser tout acte de concurrence déloyale envers les sociétés D E et D sous astreinte définitive de 150.000 euros par infraction constatée,

— ordonner la publication de la décision à intervenir dans 2 journaux de diffusion nationale et dans un journal spécialisé du domaine d’intervention des sociétés D E et D,

— débouter M. X, la société P Q, la société Construction Service Rubber (CSR) et la société T N Y (AMP) de toutes leurs demandes contraires,

— condamner in solidum M. X, la société P Q, la société Construction Service Rubber (CSR) et la société T N Y (AMP) à payer aux sociétés D E et D la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens qui comprendront les frais de constat et dont distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 7 juin 2019 par la société Construction Service Rubber (SAS), la société P.Q (SARL) et la société T N Y (SAS), intimées et incidemment appelantes, qui demandent à la cour, au visa des articles L. 611- 1 et suivants et L. 613-6 du code de la propriété intellectuelle, 1382 du code civil et 564 du code de procédure civile, de :

— les dire recevables et bien fondées en leurs fins, moyens et conclusions,

— déclarer irrecevable la prétention suivante de la société D comme étant nouvelle: Condamner in solidum M. X, la société P Q, la société CSR et la AMP à payer à la société D la somme de 2.000.000 € de dommages et intérêts, voire pour perte de chance de ne pas avoir été en mesure de remporter certains marchés,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les sociétés D et D E de l’intégralité de leurs demandes et les a condamnées in solidum à payer la somme de 6.000 euros à chacune des intimées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— l’infirmer en ce qu’il a rejeté les demandes des sociétés CSR, AMP et P Q au titre de la saisie-contrefaçon et de la procédure abusives,

Statuant à nouveau :

— la société CSR sollicite la condamnation in solidum des sociétés D et D E à la somme de 200.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive notamment à la suite de la saisie-contrefaçon injustifiée réalisée chez un de ses clients,

— les sociétés P Q et AMP sollicitent la condamnation in solidum des sociétés D et D E à la somme de 100.000 euros pour chacune à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, d’autant qu’aucun grief n’est formulé à leur encontre,

— condamner in solidum les sociétés D et D E à payer aux concluantes la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel et les condamner aux

entiers dépens.

Vu les uniques conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 16 avril 2019 par M. O X, intimé, qui demande à la cour, au visa des articles L. 615-5, L. 521-4 et L. 627-7 renvoyant aux articles L. 623-27-1, L. 716-7, L. 722-4 et des articles R.521-4, R.615-3, R. 716-4 et R. 722-4 du code de la propriété intellectuelle, 1382 et suivants du code civil, de:

— débouter les parties appelantes de l’ensemble de leurs prétentions,

— dire l’appel recevable mais non fondé,

— confirmer le jugement entrepris et y ajoutant,

— ordonner la nullité de la saisie- contrefaçon diligentée à la requête des sociétés D et D E en date du 22 septembre 2014, étant la saisie à l’encontre de M.. X,

— ordonner par conséquence, le rejet de toutes pièces, expertises, écritures, actes de procédure de la partie appelante, portant référence, mention et se fondant sur cette saisie affectée de nullité et notamment les pièces suivantes :

— le procès-verbal de constat d’huissier et l’ensemble des pièces y annexées,

— pièces 5, 19, 20, 24, 28 à 98,

— écarter toutes écritures portant mention, ou se référant à la saisie déclarée nulle,

— condamner solidairement, au terme de cette nullité pour le préjudice subi par M. X, à la somme de 12.500 euros les sociétés D et D E,

— débouter de toute condamnation au titre de quelques dommages et intérêts que ce soit notamment sur le fondement de l’article 1382 du code civil pour concurrence déloyale parasitisme,

— ordonner la publication de la décision à intervenir dans deux journaux de diffusion nationale et dans un journal spécialisé du domaine d’intervention des sociétés D et D E,

— condamner solidairement les sociétés D et D E au versement de la somme de 25.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais, dont distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu l’ordonnance de clôture du 23 janvier 2020.

SUR CE, LA COUR :

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure au jugement entrepris et aux écritures précédemment visées des parties.

Il suffit de rappeler que la société D et la société D E (les sociétés D) ont pour activité principale la conception et la commercialisation d’équipements industriels destinés au traitement des granulats.

La société D E est titulaire d’un brevet français n°2979906 portant sur un ‘système de réception pour convoyeur à bande’, demandé le 8 septembre 2011 et délivré le 13 juin 2014. Ce brevet est maintenu en vigueur par le paiement régulier des redevances annuelles.

M. X, qui dispose d’une formation en mécanique générale, a été salarié de la société D entre le 26 décembre 1994 et le 17 mai 2013, date de sa démission, en qualité de contrôleur de fabrication puis d’adjoint de direction avec des fonctions de contrôle du matériel des sous traitants, d’organisation des chantiers et d’assistance à la conception pour le bureau d’études.

A compter du mois de septembre 2013, M. X, dont le contrat de travail ne comportait pas de clause de non concurrence, a été engagé par la société Construction Service Rubber (la société CSR), cliente des sociétés D.

Le gérant de la société CSR, M. Y, est associé dans la société D E. Il est mentionné au brevet n° 2979906 co-inventeur avec M. Z, le gérant des sociétés D. M. Y est également le gérant de la société Atelier N Y (la société AMP), un sous traitant des sociétés D, et de la société P Q.

Les sociétés D, exposant avoir eu la surprise, courant 2013, de perdre un marché de la société Lafarge Granulats Seine Nord et de constater que celui-ci avait été emporté par la société CSR qui, dans le cadre de l’appel d’offres, avait réalisé des plans et des dessins identiques à ceux qu’elle avait établis et proposé des auges constituant, selon elles, la contrefaçon du brevet n°2979906, ont été autorisées, par ordonnance présidentielle du 30 juillet 2014, à faire pratiquer une saisie-contrefaçon. Les opérations se sont déroulées le 25 septembre 2014 sur le site exploité par la société Lafarge Granulats Seine Nord à Bernières-sur-Seine et le procès-verbal de saisie-contrefaçon a été dressé le même jour.

C’est dans ces circonstances que, suivant acte d’huissier de justice du 9 octobre 2014, les sociétés D ont assigné la société CSR, la société AMP, la société P Q et M. X devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de brevet.

Parallèlement, les sociétés D ont été autorisées par ordonnance présidentielle du 28 mars 2014 à requérir un huissier de justice aux fins de se faire remettre par M. X le disque dur de tout ordinateur utilisé à son domicile, tous fichiers informatiques ou supports informatiques (disquettes, CD-Rom, clés USB, lecteur multimédia)ainsi que la boîte mail personnelle ou professionnelle, et de procéder à l’enregistrement et à la copie des données ou messages collectés. Un procès-verbal de saisie a été établi le 22 septembre 2014.

Par acte d’huissier de justice des 5 et 11 décembre 2014, les sociétés D ont fait assigner les sociétés CSR, AMP, et P Q et M. O X devant le tribunal de grande instance de Paris au grief de concurrence déloyale et parasitaire.

Les deux procédures ont été jointes.

Les sociétés D, appelantes du jugement qui les a déboutées de toutes leurs prétentions, les maintiennent devant la cour telles que soutenues en première instance, tandis que les sociétés intimées, par voie d’appel incident, maintiennent leurs demandes reconventionnelles en dommages-intérêts pour saisie-contrefaçon et procédure abusives. M. O X demande nouvellement en cause d’appel la nullité des opérations de constat par huissier de justice effectuées à son domicile le 22 septembre 2014 et des dommages-intérêts en réparation du préjudice qui lui a été causé par ces opérations.

Sur la demande de médiation,

Il n’y a pas lieu de faire droit à la demande tendant à voir la cour ordonner la mesure de médiation formulée par les appelantes dans leurs dernières conclusions du 7 juin 2019, à laquelle les intimés ne se sont pas associés.

Sur la contrefaçon du brevet n°2979906,

La cour est saisie d’une demande liminaire des appelantes tendant à voir valider la saisie-contrefaçon diligentée le 25 septembre 2014 sur le site de la société Lafarge Granulats Seine Nord à Bernières sur Seine. Force est toutefois d’observer que la validité de cette saisie-contrefaçon n’est pas contestée devant la cour pas plus qu’elle ne l’a été devant le tribunal . Ainsi qu’il a été souligné par les premiers juges, les sociétés CSR, AMP et P Q invoquent certes le caractère abusif de la saisie-contrefaçon, et demandent des dommages-intérêts de ce chef, mais ne prétendent pas qu’elle serait entachée d’une irrégularité. Il n’y a pas lieu dès lors pour la cour de se prononcer sur la validité de la saisie-contrefaçon qui n’est pas critiquée .

Dans le dernier état de la procédure les demandes en contrefaçon du brevet n°2979906 sont formées par la société D E, titulaire du brevet, et dirigées à l’encontre des sociétés CSR et AMP. La société D E incrimine une auge livrée et installée sur le site de la société Lafarge Granulats Seine Nord à Bernières sur Seine par la société CSR qui, avec le concours de la société AMP, l’aurait fabriquée en reproduisant sans autorisation son brevet et, plus précisément, ainsi qu’il ressort de la discussion de ses prétentions, ‘les revendications 8, 9, 10, 11, 12,14″ de son brevet ( page 19 des conclusions des appelantes).

Les sociétés CSR et AMP ne discutent aucunement la validité du brevet qui leur est opposé mais contestent la contrefaçon. Elles rappellent, au soutien de cette contestation, que la société D E ne fabrique pas elle-même les auges mettant en oeuvre le ‘système de réception pour convoyeur à bande’, objet de son brevet, mais sous-traite cette fabrication à la société AMP. Les auges sont ensuite commercialisées par la société D E non pas directement mais par ses distributeurs, au nombre desquels la société CSR. Celle-ci, ainsi qu’en attestent les factures produites aux débats, acquiert les auges auprès de la société D E en vue de leur revente et de leur installation auprès de ses propres clients. La fabrication par la société AMP des auges brevetées ne saurait être, selon elles, contrefaisante dès lors que cette fabrication, ainsi qu’en attestent les bons de commandes versés aux débats, a été réalisée à la demande de la société D E, titulaire du brevet. Les sociétés CSR et AMP ajoutent que l’auge installée sur le site de la société Lafarge Granulats Seine Nord à Bernières sur Seine, de type ‘Impact Control Simply’, correspond nécessairement à l’auge couverte par le brevet puisqu’elle a été achetée à la société D E par la société CSR qui, dans le cadre de sa propre activité commerciale, l’a fournie à la société Lafarge Granulats Seine Nord dont elle avait emporté le marché de Bernières sur Seine. Elles précisent que la facture en date du 15 janvier 2013 produite aux débats établit l’achat par la société CSR à la société D E de 3 auges ‘Impact Control Simply’ couvertes par le brevet et que c’est l’une de ces 3 auges qui a été installée sur le chantier de Bernières sur Seine, dont les dimensions initiales de 800 mm de largeur ont été adaptées pour répondre aux demandes du client et obtenir une auge de 1200 mm de largeur.

Les sociétés appelantes répliquent que la société CSR a acquisauprès de la société D E, entre mai 2011 et décembre 2014, cinq auges ‘Impact Control Simply’ de largeur 800 mm et rouleaux de diamètre 89 mm dont aucune n’était destinée à des convoyeurs de largeur 1200 mm pour des rouleux de diamètre 133 mm et 30° d’angle comme constaté lors de la saisie-contrefaçon. Elles font valoir, s’appuyant sur les rapports établis par la société SARETEC le 26 décembre 2016 et le 15 mars 2017, qu’il est impossible de modifier une auge de largeur 800 mm et rouleaux de diamètre 89 mm avec 40° d’angle en une auge d’une largeur de 1200 mm avec des rouleaux de diamètre de 133 mm et 30° d’angle. Elles en concluent que l’auge installée sur le site de Bernières sur Seine n’est pas une adaptation de celle précédemment acquise par la société CSR auprès de la société D E mais une fabrication à part entière réalisée par les sociétés CSR et AMP en contrefaçon du brevet.

Ceci posé, il importe de rappeler que selon les dispositions de l’article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle, ‘Sont interdites à défaut de consentement du propriétaire du brevet :

a) la fabrication, l’offre, la mise dans le commerce, l’utilisation, l’importation, l’exportation, le transbordement, ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet ;

b) l’utilisation d’un procédé objet du brevet ou, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que l’utilisation est interdite sans le consentement du propriétaire du brevet, l’offre de son utilisation sur le territoire français ;

c) l’offre, la mise dans le commerce, l’utilisation,l’importation, l’exportation, le transbordement ou la détention aux fins précitées du produit obtenu directement par le procédé objet du brevet’.

Il est toutefois prévu, selon les dispositions de l’article L. 613-6 du même code, que ‘ Les droits conférés par le brevet ne s’étendent pas aux actes concernant le produit couvert par ce brevet, accomplis sur le territoire français, après que ce produit a été mis dans le commerce en France ou sur le territoire d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen par le propriétaire du brevet ou avec son censentement exprès’.

En l’espèce, le brevet dont est titulaire la société D E ( pièce n°4 des appelantes) comporte 12 revendications et non pas 14, et c’est dès lors par erreur qu’il est allégué une contrefaçon de la revendication 14 du brevet.

Pour décrire l’auge brevetée, la société D E se réfère à la figure 1 du brevet qui se présente comme suit et dans laquelle l’auge brevetée est repérée 0 :

La revendication 1 du brevet couvre un :

  1. Système (0) de réception pour convoyeur de bande comprenant un châssis (1) de support rigide supportant un dispositif de glissement de la bande, le dispositif de glissement formant un berceau présentant un plan (2) vertical et longitudinal de symétrie comprenant au moins une partie (3) centrale formant le fond du berceau et deux parties (4) latérales formant les bords latéraux du berceau, la partie (3) centrale formant le fond du berceau comprenant un composite formé de couches dont au moins une couche (5) en matériau souple et une couche (6), dont la surface en contact avec la bande permet le glissement de la bande, caractérisé en ce que la partie formant le fond du berceau est formée de deux éléments (9) de part et d’autre du plan (2) de symétrie du berceau, chacun de ces éléments (9) de fond étant formé de deux pans (10,11) comprenant, dans l’ordre à partir du plan (2)de symétrie, un premier pan (10) horizontal perpendiculaire au plan (2) de symétrie du berceau et un deuxième pan (11) formant un angle (A) obtus avec le premier pan(10).

Les revendications 8, 9, 10, 11, 12 du brevet, opposées par la société D E, sont libellées comme suit :

  1. Système (0) selon les revendications 1 et 7, caractérisé en ce que le matériau permettant le glissement de la bande est du polyéthylène haute densité (PEHD).
  2. Système (0) selon la revendication 1, caractérisé en ce que le matériau souple du composite est du caoutchouc.
  3. Système (0) selon les revendications 1 à 8, caractérisé en ce que le châssis (r) de support rigide comprend un ou plusieurs supports (14) transversaux parallèles entre eux espacés longitudinalement les uns des autres,

chaque support (14) transversal comprenant un profilé (15)destiné à être fixé sur un support inférieur et un élément de maintien du berceau comprenant:

-un élément (16) central destiné à recevoir la partie (3) centrale formant le fond du berceau, l’élément (16) central ayant une forme et des dimensions aptes à contenir une forme correspondant à la section de la partie (3) centrale formant le fond du berceau et de façon que la surface orientée vers la bande soit au même niveau que les parties (4) latérales du berceau,

  • deux éléments (17) latéraux destinés à recevoir les parties (4) latérales du berceau.
  1. Système (0) selon la revendication 9, caractérisé en ce que l’élément de maintien comprend en outre :
  • des moyens (18) de fixations de l’élément (16) central disposés au voisinage du plan (2) de symétrie du berceau,
  • un premier et un deuxième montant (19) dont leur première extrémité appartient aux éléments (17) latéraux, ces premières extrémités étant les plus proches de l’élément (16)central et dont la deuxième extrémité de chaque montant est fixée au profilé (15), les extrémités opposées de l’élément (16) central étant également fixées aux montants (19).
  1. Système (0) selon la revendication 9, caractérisé en ce que l’élément de maintien comprend en outre des moyens (19) de réglage fixés aux extrémités du profilé (15) formant chaque support (14) transversal, chaque élément (17) latéral ayant une première extrémité articulée au voisinage de l’élément (16) central par l’intermédiaire d’un élément (20) solidaire du profilé (15), la deuxième extrémité de l’élément (17) latéral étant articulée à une première extrémité d’un élément (21) d’appui, la deuxième extrémité de l’élément (21) d’appui étant fixée à un moyen (19) de réglage pour définir plusieurs positions de l’élément (17) latéral selon un réglage en angle (B) entre les parties (4) latérales et le plan (13) comprenant le premier pan (10) horizontal.

Il est rappelé dans la partie descriptive du brevet intitulé ‘Système de réception pour convoyeur à bande’ que les convoyeurs à bande, couramment utilisés pour transporter des produits en vrac d’un lieu de chargement vers un lieu de déchargement et inversement, comprennent une bande repliée en boucle et montée de manière rotative sur elle-même entre un rouleau de tête entraîné en rotation et un rouleau de pied et sont pourvus d’une section en forme d’auge ou de berceau de sorte que la bande épousant la forme en auge du convoyeur prend la forme d’une gouttière pouvant contenir les produits en vrac. Il est expliqué que le déchargement sur la bande des produits en vrac s’effectue habituellement au niveau d’auges de réception et doit être amorti pendant la chute des produits en vrac afin que la bande du convoyeur ne soit pas abîmée trop rapidement et ne subisse pas des effets de poinçonnement. Il est exposé que l’invention propose un système simple de réception pour convoyeur à bande ayant la propriété d’amortir la chute des matériaux en vrac lors de leur déchargement sur la bande et qui, à cet effet, comprend un châssis de support rigide supportant un dispositif de glissement de la bande, caractérisé en ce que le dispositif de glissement forme un berceau présentant un plan vertical et longitudinal de symétrie comprenant au moins une partie centrale formant le fond du berceau et deux parties latérales formant les bords latéraux du berceau, la partie centrale formant le fond du berceau comprenant un composite formé de couches dont au moins une couche en matériau souple et une couche, dont la surface en contact avec la bande permet le glissement de la bande ( pages 1 et 2 du brevet).

Il est constant que les sociétés D E et D commercialisent les auges brevetées sous la dénomination ‘Impact Control Simply’ et établi au vu des bons de commandes et des factures versés aux débats, couvrant les mois de février, mars et avril 2013 que, sur cette période, la société AMP a fabriqué et livré à la société D E, selon des plans communiqués par celle-ci, différentes auges dont trois auges ‘Impact Control Simply’ de dimensions 800-40-89.

Il est encore établi au vu de la facture émise le 15 janvier 2013 par la société D E, que celle-ci a vendu à la société CSR trois auges ‘Impact Control Simply largeur 800 longueur 1200″ au prix unitaire de 1.538,50 euros HT et au prix total TTC de 5.520,14 euros.

Dans le cadre du marché conclu avec la société Lafarge Granulats Seine Nord pour son chantier de Bernières sur Seine, la société CSR a livré et installé une auge destinée à équiper, ainsi qu’il ressort des opérations de saisie-contrefaçon réalisées sur le chantier le 25 septembre 2014, le convoyeur T3, l’un des 130 convoyeurs utilisés sur le site. Selon les déclarations de M. A, directeur d’exploitation, et de M. B, responsable de la maintenance, recueillies par l’huissier de justice instrumentaire sur les lieux de la saisie-contrefaçon et consignées au procès-verbal , ‘la société CSR est notamment intervenue sur le poste concernant l’auge dénommée Impact Control Simply’ (…) ‘Il n’existe qu’une seule auge de CSR sur le site, installée en août 2013″, les autres convoyeurs disposant également d’une auge mais ‘de fournisseurs et de conception différents’.

Au nombre des documents saisis sur les lieux de la saisie-contrefaçon, un document intitulé ‘Nomenclature mécanique’ établi par la société CSR en date du 6 juillet 2013, mentionne la fourniture par cette dernière à la société Lafarge Granulats Seine Nord pour le site de Bernières sur Seine, d’une ‘Auge Impact Control Simply 1200-133-30°’.

La société CSR soutient, ainsi qu’il a été précédemment exposé, que l’auge livrée et installée sur le site de la société Lafarge Granulats Seine Nord en août 2013 lui avait été vendue, sans restriction aucune au titre de la revente, par la société D E, titulaire du brevet, selon facture du 15 janvier 2013 et que les modifications apportées aux dimensions de l’auge ont été rendues nécessaires par les spécifications techniques du cahier des charges imposées par les dimensions du convoyeur T3 qu’il s’agissait d’équiper et auquel l’auge devait s’adapter.

Par une attestation en date du 3 mai 2016, M. Y, gérant de la société CSR explique que sa société ‘avait une auge en stock qui avait été préalablement achetée auprès de la société D E. Cette auge ne pouvait pas se monter sur le matériel du client car le châssis de ce dernier était plus grand. On a donc modifié l’auge initiale (…) (par) modification de l’écartement entre les 2 coques et ajout d’une barre d’impact achetée dans le commerce’. Selon le schéma présenté dans l’attestation à l’appui de cette explication, la barre d’impact est disposée entre les deux coques qui forment le berceau de l’auge de telle manière que la largeur de l’auge est augmentée et les 2 coques existantes conservées.

Les explications de M. Y sont corroborées par la note technique établie par la société SARETEC le 25 septembre 2014 et annexée au procès-verbal de saisie-contrefaçon du même jour, qui rapporte l’existence d’une bande caoutchouc centrale entre les deux coques de l’auge qui est décrite comme suit : ‘Sur l’ensemble de pied du convoyeur T3, nous repérons, en fonction d’amortisseur de charge, une auge au droit de l’arrivée des matériaux dans le convoyeur T3, auge située sous la partie supérieure de la bande transporteuse. L’auge est en forme de berceau et présente un plan vertical et longitudinal de symétrie (…) Le berceau (…) est constitué de 5 parties :

—  2 plaques rigides formant les bords latéraux du berceau (repéré 1)

—  2 plaques composite formant le fond du berceau (repéré 2)

—  1 bande caoutchouc rigide située en partie médiane du fond du berceau (repéré 3)’ .

La cour souligne pour la compréhension du litige que les 2 ‘plaques composite’ formant le fond du berceau (repéré 2) sont également dénommées par les parties les ‘coques’.

Il est en outre précisé dans cette note technique de la société SARETEC que ‘M. B, responsable maintenance du site Lafarge, explique que la bande médiane en caoutchouc que nous pouvons constater ce jour a été remplacée par ses soins lors de l’été 2014″ , ce qui vient confirmer l’attestation de M. Y qui indique que la bande d’impact ajoutée à l’auge initiale pour en augmenter la largeur est proposée dans le commerce.

La société SARETEC missionnée par la société D E aux fins de ‘comparer l’auge photographiée et décrite dans son rapport du 25 septembre 2014 avec l’auge achetée par CSR puis adaptée par AMP suivant les déclarations de M. Y et étudier la faisabilité de la transformation de l’auge achetée par CSR’, lui a remis un rapport le 26 décembre 2016 (postérieurement au jugement déféré) aux termes duquel il est indiqué : ‘A notre sens, l’adaptation du berceau D E telle que décrite par M. Y dans son attestation du 3 mai 2016 – 2 coques conservées, réutilisées, non modifiées, donc conservant le même angle, ici de 40°- nous paraît techniquement réalisable. Dans cette adaptation, les deux coques formant le fond du berceau ne sont pas modifiées. Elles sont simplement écartées, de manière équidistante de part et d’autre du plan vertical et longitudinal de l’auge, plan de symétrie du produit D E, afin de permettre le logement de la barre d’impact telle que décrite.’

Il est ajouté à la suite : ‘La réutilisation de coques non modifiées dans le cadre d’une auge plus large implique toutefois soit l’adaptation du châssis soit sa re-fabrication complète alors que celui-ci est breveté. L’adaptation ou la re-fabrication du châssis recevant les 2 coques et la barre centrale n’est pas décrite par M. Y dans son attestation du 3 mai 2016.’

Cette dernière observation est cependant sans conséquence dès lors que seule est litigieuse, comme arguée de contrefaçon, l’auge livrée et installée par la société CSR à la société Lafarge Granulats Seine Nord, modifiée dans ses dimensions, selon l’attestation de M. Y, de manière à l’adapter au châssis plus large du convoyeur T3 de sa cliente. Il n’y avait pas lieu pour M. Y de décrire l’adaptation ou la re-fabrication du châssis pour recevoir l’auge élargie alors même que, selon ses explications, l’auge a été élargie afin de l’adapter aux dimensions, imposées, du châssis, et non l’inverse.

Il s’ensuit que le rapport de la société SARETEC du 26 décembre 2016, où il est encore écrit que ‘l’architecture et la forme des auges à comparer sont donc identiques’ (page 7 du rapport), ne dément aucunement la société CSR qui soutient que l’auge livrée et installée sur le site de Bernières sur Seine est l’une des trois auges ‘Impact Control Simply’ achetées à la société D E selon facture du 15 janvier 2013 dont tous les éléments ont été conservés et à laquelle a été ajoutée une barre d’impact entre les deux coques constituant le fond du berceau afin d’obtenir une auge élargie à 1200 mm.

Les sociétés appelantes produisent enfin un rapport de la société SARETEC établi à leur demande le 15 mars 2017 après une visite sur le site de Bernières sur Seine le 3 mars 2017. Il y est indiqué sans autre précision que des mesures ont été effectuées ‘ au niveau du convoyeur T3, ouvrage appartenant à Lafarge Granulats et sur lequel est installée, en pied, une auge de réception de granulats. L’objectif étant de mesurer l’auge équipant le convoyeur T3 afin que nous puissions la comparer avec une auge D E référence STD ICS 800-40-89, produit qui a été commandé par CSR à la société D E puis adapté par AMP suivant les déclarations de M. Y’. Il y est en outre exposé : ‘lors de notre passage le 3 mars 2017, nous avons constaté que les coques n’étaient pas identiques : – angle A de 146° au lieu de 140° -longueurs développées face supérieure et face inférieure plus petites que celles des auges D E’ et conclu : ‘Compte tenu de ces écarts, nous estimons que les coques composite (9) ont été refabriquées, toute modification, coupe ou reprofilage étant impossible sans endommager de façon irréversible le matériau composite’.

Ce dernier rapport de la société SARETEC, qui livre des conclusions contraires à celles résultant de ses deux précédents rapports sans proposer la moindre explication sur cette contrariété, est toutefois peu convaincant étant en outre observé qu’il ne comporte aucun élément de nature à permettre de s’assurer que l’auge visitée le 3 mars 2017 au pied du convoyeur T3 est celle qui avait été livrée et installée, en août 2013, par la société CSR. Au surplus, s’il est conclu que les coques ont été re-fabriquées, aucune pièce n’est produite étayant une telle conclusion et montrant que la société CSR aurait fabriqué, ou fait fabriquer par la société AMP, des auges de type ‘Impact Control Symply’ en tout ou partie. Il est à cet égard relevé que la société AMP n’est aucunement contredite en ce

qu’elle affirme ne fabriquer les auges brevetées que sur commande de la société D E titulaire du brevet sans jamais avoir été sollicitée directement par la société CSR pour fabriquer ces auges.

Il découle de l’ensemble des éléments de fait précédemment examinés, la preuve que l’auge fournie par la société CSR à la société Lafarge Granulats Seine Nord en août 2013 pour son chantier de Bernières sur Seine correspond, modification exceptée, à celle dont elle avait fait l’acquisition auprès de la société D E suivant facture du 15 janvier 2013.

La société CSR est ainsi fondée à se prévaloir des dispositions de l’article L. 613-6 du code de la propriété intellectuelle qui l’autorisaient, sans encourir le grief de contrefaçon, à céder à une entreprise tierce l’auge brevetée qui lui avait été vendue par la titulaire du brevet sans aucune restriction ni réserve au titre de la revente.

Il est en outre observé que la modification apportée à l’auge à l’occasion de sa revente à la société Lafarge Granulats Seine Nord, pour l’adapter au châssis du convoyeur T3 de la cliente, et consistant à insérer une barre entre les deux coques formant le fond du berceau de manière à augmenter la largeur de l’auge (et la porter de 800 mm à 1200 mm) porte sur les dimensions de l’auge. Or, il est constant, et établi au regard des revendications 8, 9, 10, 11, 12 opposées au soutien de l’action en contrefaçon, dont le libellé a été ci-dessus rappelé, que les dimensions de l’auge, objet de l’invention, ne sont aucunement protégées par le brevet.

En conséquence, la vente du produit breveté consentie sans restriction ni réserve par la société D E titulaire du brevet à la société CSR emportait pour celle-ci le droit de revendre ce produit le cas échéant en y apportant une modification touchant à un élément échappant à la protection conférée par le brevet.

Les premiers juges ont ainsi retenu à bon droit que les demandes de la société D E formées à l’encontre des sociétés CSR et AMP au titre de la contrefaçon de son brevet n° 2978906 sont mal fondées et le jugement doit être confirmé en ce qu’il les a rejetées en leur intégralité.

Sur la concurrence déloyale et parasitaire,

Les demandes au fondement de concurrence déloyale et parasitaire sont formées par les sociétés D à l’encontre de M. X, la société CSR, la société AMP et la société P Q.

M. X forme devant la cour une demande en nullité du procès-verbal de constat du 22 septembre 2014 qui n’avait pas été soumise aux premiers juges. Cette demande n’est pas irrecevable comme nouvelle en cause d’appel au sens des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile, s’agissant d’un moyen de défense visant à combattre les demandes de la partie adverse formées au fondement de concurrence déloyale et parasitaire.

Le procès-verbal contesté a été établi le 22 septembre 2014, au terme des opérations de constat effectuées au domicile de M. X par un huissier de justice dûment autorisé par ordonnance du président du tribunal de commerce d’Amiens. M. X se prévaut des textes gouvernant la saisie-contrefaçon en application desquels, faute pour le demandeur à la saisie-contrefaçon de s’être pourvu au fond dans le délai de 20 jours ouvrables ou de 31 jours civils à compter la saisie ou la description, l’intégralité de la saisie, y compris la description, est annulée à la demande du saisi sans que celui-ci ait à motiver sa demande et sans préjudice des dommages-intérêts qui peuvent être réclamés.

En l’espèce, M. X, recherché par les sociétés D pour des faits de concurrence déloyale et parasitaire, n’a pas fait l’objet, le 22 septembre 2014 à son domicile, d’une saisie-contrefaçon mais d’une mesure de constat ordonnée au visa des dispositions des articles 812 alinéa 2 et 494 du code de

procédure civile.

Il s’ensuit que les motifs de nullité invoqués par M. X, tirés des textes applicables en matière de saisie-contrefaçon, sont inopérants en l’espèce.

Sur le fond, les sociétés D soutiennent que M. X qui a quitté la société D le 17 mai 2013 a emporté avec lui et transmis à la société CSR, son nouvel employeur, ainsi qu’aux sociétés AMP et P Q, des données confidentielles relatives à leur savoir-faire (bible de plans, calculs des charges, évaluation des contraintes techniques) et représentant une valeur conférant à leur détenteur un avantage concurrentiel considérable pour répondre aux appels d’offres avec promptitude et dans les meilleures conditions de prix. Elles précisent que M. X a communiqué les réponses des sociétés D aux appels d’offres notamment des sociétés Lafarge et Eurovia, appels d’offres qu’elles ont perdu au profit de la société CSR qui a systématiquement proposé des prix plus bas. Elles ajoutent que la société CSR ne disposait pas de l’ancienneté et de l’expérience qui lui aurait permis de se qualifier , sans avoir recours aux détournements de M. X, pour les appels d’offres auxquels elle a concouru .

Force étant de rappeler que les actes de concurrence déloyale et parasitaire constituent des fautes délictuelles qu’il incombe à la partie qui les invoque de caractériser et de prouver, il importe pour la cour d’apprécier la valeur probante de l’ensemble des éléments de la procédure soumis à son appréciation.

Les appelantes relèvent que l’huissier de justice énonce dans son procès-verbal du 22 septembre 2014 qu »après discussion, M. X nous explique que n’ayant pas de clause de confidentialité, il est parti de la société en emmenant copie des plans de matériels’. Elles se prévalent en outre de trois attestations de salariés rapportant avoir été sollicité par M. X après son départ de la société le 17 mai 2013 pour se faire remettre des papiers de calcul de puissance des convoyeurs et n’ayant pas répondu à ces sollicitations, M. X ‘est venu un matin toujours avant neuf heures chercher les éléments dans son bureau prétextant qu’il reprenait ses médicaments’. Elles observent enfin que le procès-verbal du 22 septembre 2014 et ses annexes établissent que M. X détenait sur son ordinateur personnel des documents techniques et commerciaux de la société qui l’employait et que l’exploitation des mails contenus dans la messagerie de M. X justifie de la transmission de ces documents aux sociétés CSR, AMP et P Q.

Il doit être cependant observé, à l’instar des premiers juges, que l’huissier de justice n’a pas retranscrit dans son procès-verbal du 22 septembre 2014 les propos de M. X mais a livré son interprétation personnelle de ce qu’il avait retenu et compris ‘après discussion’ de ce que lui avait expliqué M. X, sans préciser au demeurant la question qui avait suscité les dites explications. La cour n’est pas en mesure, en de telles conditions, de porter une appréciation sur la sincérité et sur la portée des déclarations qu’auraient faites M. X à l’huissier de justice, dont la teneur n’est pas fidèlement rapportée.

Les attestations de salariés, qui ne sont aucunement circonstanciées, font état de sollicitations, restées vaines, de M. X et ne rapportent, pour le surplus, aucun fait précis de M. X que les témoins auraient directement constaté .

Quant à la présence de documents internes à la société D dans l’ordinateur personnel de M. X, une attestation de M. C, ancien salarié de cette société, indique que M. X travaillait à son domicile alors qu’il était en arrêt maladie et recevait sur son ordinateur personnel les documents techniques et commerciaux nécessaires que lui transmettait son employeur, confirmant ainsi les allégations de M. X qui explique avoir été arrêté pour maladie durant deux mois peu avant sa démission mais avoir néanmoins travaillé à son domicile à la demande de son employeur et sur les pièces que celui-ci lui transmettait.

En toute hypothèse, à supposer établi que M. X a conservé après la rupture de son contrat de travail des documents internes à la société D, il n’est pas justifié de la captation de ces documents par la société CSR, le nouvel employeur de M. X, ou encore par les sociétés AMP et P Q . Il n’est pas davantage montré que ces documents renfermaient un savoir-faire propre à la société D auquel serait attaché un avantage concurrentiel . Il n’est pas prouvé enfin que la perte de marchés par la société D suite à des appels d’offres qu’elle ‘s’estimait en mesure de pouvoir emporter’ et qui ne lui ont pas été attribués, serait une conséquence directe de la captation de ces documents.

Il est à cet égard relevé par la cour que M. X a rejoint la société CSR en septembre 2013 alors que celle-ci avait d’ores et déjà emporté en juin 2013 le marché de la société Lafarge Granulats Seine Nord pour le site de Bernières sur Seine.

Il est en outre montré que les sociétés D et CSR opèrent dans le même domaine, qui est celui des convoyeurs à bande utilisés pour le chargement et le déchargement des granulats, qu’elles ont les mêmes fournisseurs , en particulier la société David, les mêmes clients, à savoir les entreprises de travaux publics telles celles des groupes Lafarge et Vinci, et qu’elles participent concuremment, avec d’autres sociétés, telles notamment les sociétés Brunone et Retmic, aux appels d’offres de ces entreprises.

Il apparaît enfin, s’agissant de l’appel d’offres de la société Lafarge pour le chantier de Sandrancourt, que les plans prétendûment copiés par la société CSR sur ceux de la société D, ont été réalisés par la société Retmic.

Force est de constater qu’il n’est produit par les sociétés D aucun élément de preuve d’un fait tangible attentatoire à exercice honnête et paisible de la liberté du commerce et de l’industrie et susceptible de caractériser à la charge de M. X et des sociétés CSR, AMP, P Q une faute délictuelle de concurrence déloyale et ou parasitaire.

Le jugement entrepris est dès lors confirmé en ce qu’il a par de justes motifs que la cour adopte rejeté comme mal fondées les demandes formées de ce chef.

Sur les autres demandes,

Les sociétés intimées forment une demande de dommages-intérêts pour saisie-contrefaçon et procédure abusives.

Il a été précédemment relevé que la saisie-contrefaçon n’avait fait l’objet d’aucune contestation . La mesure est destinée à permettre à la partie qui invoque une atteinte à un droit privatif de propriété intellectuelle de se constituer un moyen de preuve pour agir utilement en justice.

Le recours à cette mesure, comme le droit d’agir en justice, n’est susceptible d’abus que s’il est exercé de mauvaise foi , par intention de nuire, ou par légèreté blâmable équipollente au dol, toutes circonstances qui ne sont pas en l’espèce établies à la charge des sociétés D qui ont pu se méprendre sur l’étendue de leurs droits.

Le jugement déféré est en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts formée de ce chef.

Le sens de l’arrêt conduit enfin à confirmer les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.

L’équité commande d’allouer à chacun des intimés, au titre des frais irrépétibles d’appel, une indemnité complémentaire de 3.000 euros et de débouter les sociétés D de leurs demandes

formées à ce même titre.

Les sociétés D, parties perdantes, supporteront les dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Ajoutant,

Condamne in solidum les sociétés D et D E à payer à M. X, la société CSR, la société T N Y, la société P Q, une indemnité de 3.000 euros à chacun au titre des frais irrépétibles d’appel et déboute du surplus des demandes à ce titre,

Condamne les sociétés D et D E aux dépens de la procédure d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE 1 A

R.G. N° : N° RG 19/05400 – N° Portalis DBVW-V-B7D-HH7C

Minute n° :

214/21

ORDONNANCE du 19 Avril 2021

dans l’affaire entre

:

REQUERANTE – INTIMEE et APPELANTE INCIDEMMENT :

SAS CP INTERNATIONAL

prise en la personne de son représentant légal

[…]

[…]

représentée par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la cour

REQUISE – APPELANTE et INTIMEE INCIDEMMENT :

SAS SDE

prise en la personne de son représentant légal

[…]

[…]

représenté par Me Dominique D’AMBRA, avocat à la cour

Corinne PANETTA, Présidente de chambre à la cour d’appel de Colmar, chargée de la mise en état, assistée lors de l’audience du 26 février 2021 de Mme VELLAINE, greffière, après

avoir entendu les conseils des parties en leurs explications, statue comme suit par ordonnance contradictoire :

Vu le jugement rendu le 24 Septembre 2019, par le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg,

Vu l’appel interjeté par la société SDE le 17 Décembre 2019,

Vu la constitution d’intimée de la SAS CP INTERNATIONAL en date du 16 Janvier 2020,

Par requête du 23 Octobre 2020, la SAS CP INTERNATIONAL a saisi le magistrat chargé de la mise en état d’une requête en irrecevabilité de toutes conclusions de réplique à l’appel incident faute de dépôt de conclusions dans un délai de trois mois, conformément à l’article 910 du code de procédure civile.

La SAS CP INTERNATIONAL explique au soutien de sa demande que par des conclusions du 25 Mai 2020 et déposées le 27 Mai 2020, elle a formé appel incident et que la société SDE disposait d’un délai de trois mois expirant le 27 Août 2020 pour répliquer aux conclusions d’appel incident et que la SAS SDE avait déposé ses conclusions le 16 Novembre 2020, soit en dehors du délai de trois mois précité.

La SAS SDE a demandé au magistrat chargé de la mise en état de ne pas déclarer irrecevables ses conclusions, dès lors qu’elle avait répondu par anticipation à l’argumentation développée par la SAS CP INTERNATIONAL.

L’affaire a été appelée et retenue à l’audience sur incident du 26 Février 2021.

MOTIFS DE LA DECISION :

Il résulte de la lecture des conclusions d’appel que le dispositif de ces conclusions était ainsi rédigé :

‘PLAISE A LA COUR

Vu les articles L. 111 1, L. 112 1, L. 112 2, L. 122 I, L. 122 4, L. 331 I 3, L. 331 1 4 et L. 335 2, L. 513 4,L. 513 5, L. 521 1, L. 521 7 et L. 521 8 du Code de la propriété intellectuelle ;

Vu les articles 1240 et 1241 du Code civil;

Vu la jurisprudence ;

Vu les pièces produites ;

DECLARER la société SDE recevable en son appel et bien fondée ;

En conséquence :

INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance (aujourd’hui dénommé Tribunal Judiciaire) de Strasbourg en date du 24 septembre 2019 (N° RG 16/06281) en ce qu’il a :

DEBOUTE la SAS SDE de toutes les demandes qu’elle a formées au titre de la contrefaçon de modèle et de droit d’auteur ;

DEBOUTE la SAS SDE de toutes les demandes qu’elle a formées au titre de la concurrence déloyale ;

CONDAMNE la SAS SDE aux entiers dépens.

ET STATUANT A NOUVEAU :

A TITRE PRINCIPAL :

DIRE ET JUGER que la société CP INTERNATIONAL a commis des actes de contrefaçon des droits d’auteur et du droit de dessin et modèle français n° 951857 dont la société SDE est titulaire portant sur des motifs de tissus originaux ;

DIRE ET JUGER que la société CP INTERNATIONAL a commis des actes de concurrence déloyale distincts de la contrefaçon générant un risque de confusion dans l’esprit d’un consommateur d’attention moyenne ;

En conséquence :

ORDONNER à la société CP INTERNATIONAL la cessation des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale sous astreinte de 500 Euros par jour de retard et par infraction à compter de la signification de la décision à intervenir ;

CONDAMNER la société CP INTERNATIONAL à verser à la société SDE la somme de 433 920 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel résultant de la contrefaçon au titre du gain manque ;

CONDAMNER la société CP INTERNATIONAL à verser à la société SDE la somme de 100 459 € a titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel résultant de la contrefaçon au titre des bénéfices réalisés par le contrefacteur ;

CONDAMNER la société CP INTERNATIONAL à verser à la société SDE la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d’atteinte à l’image et à la réputation résultant de la contrefaçon ;

CONDAMNER la société CP INTERNATIONAL à verser à la société SDE la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral résultant de la contrefaçon ;

CONDAMNER la société CP INTERNATIONAL à verser à la société SDE la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices résultant des faits distincts de concurrence déloyale ;

ORDONNER la publication du dispositif de la décision à intervenir sur le site internet de la société CP INTERNATIONAL (HT://www.cp international.com/) pendant une durée d’un mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard qui commencera à courir 15 jours après la signification de la décision à intervenir,

A TITRE SUBSIDIAIRE :

DIRE ET JUGER que la société CP INTERNATIONAL a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaires à l’égard de la société SDE ;

En conséquence :

ORDONNER à la société CP INTERNATIONAL la cessation des actes de concurrence déloyale sous astreinte de 500 Euros par jour de retard et par infraction à compter de la signification de la décision à intervenir ;

CONDAMNER la société CP INTERNATIONAL a verser à la société SDE la somme de 433 20 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel résultant des actes de concurrence déloyale ;

CONDAMNER la société CP INTERNATIONAL à verser à la société SDE la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d’atteinte à l’image et in la réputation résultant des actes de concurrence déloyale ;

ORDONNER la publication du dispositif de la décision à intervenir sur le site internet de la société CP INTERNATIONAL (http.’//vyyvw.cp internationalcom/) pendant une durée d’un mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard qui commencera à courir 15 jours après la signification de la décision à intervenir ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

DEBOUTER la société CP INTERNATIONAL de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

CONDAMNER la société CP INTERNATIONAL à verser à la société SDE la somme de 12 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER la société CP INTERNATIONAL aux entiers frais et dépens de première instance.’

Le dispositif des conclusions comportant un appel incident de la partie intimée est ainsi rédigé :

‘Vu les Livre I et V du Code de la Propriété Intellectuelle,

Vu les articles 1240 et 1241 du Code Civil (anciennement 1382 et 1383),

Vu les pièces produites,

SUR L’APPEL PRINCIPAL DE LA SOCIÉTÉ SDE,

DECLARER la société SDE mal fondée en son appel ;

L’en DEBOUTER ainsi que de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

CONFIRMER le jugement en ce qu’il :

— ÉCARTE des débats le seul certificat d’identité portant la date du 26 octobre 2017 produit par la SAS SDE en violation du principe du contradictoire

— DÉBOUTE la SAS SDE de toutes les demandes qu’elle a formées au titre de prétendues contrefaçons de modèle et de droit d’auteur

— DÉBOUTE la SAS SDE de toutes les demandes qu’elle a formé au titre d’une prétendue concurrence déloyale

— ADMET Me Florence BAUJOIN, avocat au Barreau de STRASBOURG, au bénéfice des dispositions de l’art. 699 du Code de Procédure Civile

— CONDAMNE la SAS SDE aux entiers dépens.

SUR L’APPEL INCIDENT DE LA SOCIÉTÉ CP INTERNATIONAL,

DECLARER la société CP INTERNATIONAL recevable et bien fondée en son appel incident,

En conséquence :

INFIRMER le jugement du Tribunal de Grande Instance (aujourd’hui dénommé Tribunal Judiciaire) de Strasbourg du 24 septembre 2019 (RG n° 16/06281) en ce qu’il a :

— DÉCLARE le dépôt de modèle de tissu dénommé ‘SUNNY’ opéré par la SAS SDE sous le N° 20120253 opposable à la SAS CP INTERNATIONAL

— DÉCLARE ledit dépôt valable

— DIT que le modèle de tissu dénommé ‘SUNNY’ déposé par la SAS SDE constitue une ‘uvre protégeable

— DIT n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’art. 700 du Code de Procédure Civile en faveur de la SAS CP INTERNATIONAL

ET STATUANT A NOUVEAU :

Sur le dépôt français de dessin et modèle

— DIRE ET JUGER que la reproduction du dessin et modèle français n° 2012 0253 du 17 janvier 2012, publié sous le n° 951 857, ne permet pas de définir précisément toutes les caractéristiques dudit dessin et modèle ;

En conséquence,

DIRE ET JUGER, que le dépôt de dessin et modèle français n° 2012 0253 du 17 janvier 2012, publié sous le n° 951 857, n’est pas opposable ou, subsidiairement, que la société SDE est irrecevable à l’invoquer ou, à titre infiniment subsidiaire, que les pièces correspondantes n° 3 et 23 de la société SDE doivent être écartées des débats ;

— DIRE ET JUGER que dépôt français de dessin et modèle n° 2012 0253 du 17 janvier 2012, publié sous le n° 951 857, n’est pas nouveau ou, à tout le moins, qu’il n’a pas de caractère propre ;

En conséquence,

PRONONCER la nullité du dépôt français de dessin et modèle n° 2012 0253 du 17 janvier 2012 publié sous le n° 951 857 ;

ORDONNER la transmission de l’arrêt à intervenir à l’Institut National de la Propriété Industrielle (I.N.P.I.) aux fins d’inscription au Registre National des Dessins et Modèles, sur réquisition du greffier ou sur requête de l’une des parties ;

Sur les droits d’auteur,

— DIRE ET JUGER que les motifs invoqués par la société SDE ne sont pas protégeables au titre du droit d’auteur ;

En conséquence :

DEBOUTER la société SDE de son action en contrefaçon de dessin et modèle et de droits d’auteur ;

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE :

DEBOUTER la société SDE de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER la société SDE à payer à la société CP INTERNATIONAL la somme de 12.000 € en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNER la société SDE aux entiers dépens.’

Il convient de rappeler que la Cour n’est saisie que par le dispositif des conclusions des parties.

Or, les conclusions d’appel ne contiennent pas dans leur dispositif une réponse anticipée aux demandes formulées par la sa société CP INTERNATIONAL, dans le cadre de son appel incident et notamment elles ne répondent pas à la demande présentée par la partie intimée qui sollicite de la Cour de ‘PRONONCER la nullité du dépôt français de dessin et modèle n° 2012 0253 du 17 janvier 2012 publié sous le n° 951 857 et ORDONNER la transmission de l’arrêt à intervenir à l’Institut National de la Propriété Industrielle (I.N.P.I.) aux fins d’inscription au Registre National des Dessins et Modèles, sur réquisition du greffier ou sur requête de l’une des parties’.

La formule lapidaire ‘Débouter la société CP INTERNATIONAL de l’ensemble de ses fins et prétentions’ ne constitue pas une réplique motivée et acceptable aux moyens développés à l’appui de l’appel incident, dès que les appels ne sont plus généraux mais qu’ils doivent déterminer de façon précise les chefs du jugement critiqués et que parallèlement les demandes doivent être individualisées et ne peuvent plus être globales.

Par ailleurs, la production de pièces nouvelles ne peut pas pallier l’absence de réponse aux demandes présentées dans le cadre de l’appel incident.

Dans ces conditions, il ne peut pas être admis que les conclusions d’appel du 13 Mars 2020, ont répondu par anticipation aux conclusions d’intimée signifiées le 27 Mai 2020.

En conséquence, les conclusions déposées par la société SDE le 16 Novembre 2020, doivent être déclarées irrecevables comme n’ayant pas été déposées dans le délai de 3 mois à compter du 27 Mai 2020, soit avant le 27 Août 2020.

Le conseiller de la mise en état n’a pas le pouvoir juridictionnel d’écarter des pièces, seule la Cour le détient, la demande tendant à voir déclarer irrecevables des pièces étant de même nature que celle tendant à les voir écarter.

La société CP INTERNATIONAL sera renvoyée à mieux se pourvoir sur sa demande aux fins de voir déclarer les pièces 3 et 57 irrecevables.

Les dépens de l’incident suivront le sort de ceux de l’instance en principal.

L’équité ne commande pas l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société SDE.

P A R C E S M O T I F S

Déclare irrecevables les conclusions déposées par la société SDE le 16 Novembre 2020,

Renvoie la société CP INTERNATIONAL à mieux se pourvoir sur sa demande aux fins de voir déclarer les pièces 3 et 57 irrecevables,

Dit que les dépens de l’incident suivront le sort de ceux de l’instance en principal,

Rejette la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, présentée par la société SDE.

La Greffière : la Présidente

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