Contrefaçon de modèles de chaussures

Notez ce point juridique

Sur les sept modèles de chaussures en cause certains modèles critiqués sont soit très éloignés l’un de l’autre, soit présentent peu de ressemblances et sont commercialisés à plusieurs années de distance alors que le modèle opposé par la société D faisait partie d’une collection récente. Pour les cinq autres modèles qui présentent des ressemblances et sont commercialisés à des époques concomitantes (hiver 2016 ou été 2018), aucun de ces modèles ne constituent une reproduction servile des modèles de l’appelante.

En outre, si les modèles comparés présentent des éléments de ressemblance, c’est dans les matières (cuir ou nubuck), les couleurs (beiges, bleue ou noire) ou dans les formes dont l’intimée démontre la banalité, qui ne sont pas appropriables et dont la reprise ne saurait être fautive, pas plus que la reprise de certains éléments dans des combinaisons proches tels les étoiles, les paillettes ou les franges sur les bottines, le décor patchwork pour les ballerines ou des bandes de couleurs contrastées qui s’entrecroisent pour les sandalettes, qui appartiennent aux tendances de la mode ainsi qu’en témoignent les nombreuses pièces fournies au débat par la société DPAM qui ne sont pas utilement contestées par la société D, ne s’agissant pas ici d’opposer des antériorités mais de démontrer que ces éléments sont exploités par les différents fabricants de chaussures pour correspondre aux courants de la mode et donc aux aspirations du consommateur.

Les reproductions ainsi constatées, même si elles ne résultent pas de nécessités techniques, ne sont donc pas de nature à caractériser une faute de la société DPAM n’étant pas susceptibles d’engendrer un risque de confusion.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 26 MARS 2021

(n°58, 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 19/19593 – n° Portalis 35L7-V-B7D-CA3HP

Décision déférée à la Cour : jugement du 19 septembre 2019 -Tribunal de commerce de PARIS – 3e chambre – RG n°2017011291

APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE

S.A.S.U. D, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[…]

[…]

Immatriculée au rcs de la Roche-sur-Yon sous le numéro 508 571 692

Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocate au barreau de PARIS, toque B 515

Assistée de Me Florence ANDREANI, avocate au barreau de PARIS, toque C 331

INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE

S.A.S.U. DU PAREIL AU MEME (DPAM), prise en la personne de son président, M. E F, domicilié en cette qualité au siège social situé

[…]

[…]

Immatriculée au rcs de Bobigny sous le numéro 326 019 775

Représentée par Me Sandra OHANA, avocate au barreau de PARIS, toque C 1050

Assistée de Me Nathalie BOKSENBAUM plaidant pour l’AARPI ATLAN & BOKSENBAUM, avocate au barreau de PARIS, toque E 1876

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 février 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Agnès MARCADE, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mme Agnès MARCADE a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Brigitte CHOKRON, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 19 septembre 2019 par le tribunal de commerce de Paris ;

Vu l’appel interjeté le 21 octobre 2019 par la société D ;

Vu les dernières conclusions (conclusions n°2) remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 20 juillet 2020 par la société D, appelante et intimée incidente ;

Vu les conclusions uniques remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 20 avril 2020 par la société Du Pareil Au Même (DPAM), intimée et appelante incidente ;

Vu l’ordonnance de clôture du 10 décembre 2020 ;

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

La société D, anciennement dénommée RAS KIDS, a repris l’activité « enfants » de la société Rautureau Apple Shoes et commercialise des chaussures pour enfants notamment sous la marque « POM D’APl ».

La société DPAM est une société spécialisée dans les articles de prêt-à-porter, de chaussures et d’accessoires pour enfants et bébés.

La société D reproche à la société DPAM d’avoir offert à la vente sept modèles de chaussures constituant, selon elle, des copies serviles de sept modèles commercialisés sous les marques « POM D’API » et « SHOO POM » et, ce faisant, de s’être rendue coupable de concurrence déloyale et de parasitisme à son préjudice.

Les sept modèles commercialisés par la société D sont les modèles : ‘Trip H, […], […], […], G H et Poppy Apple’. Les sept modèles litigieux commercialisés par la société DPAM sont les modèles portant les références RODEO2F, SOPATCH3F, MEPAT1F, X, Y, Z et A. Les 6 premiers modèles ont été commercialisés par la société DPAM lors de la rentrée de l’automne 2016

et le dernier pour la collection été 2018.

La société D a fait procéder à deux procès-verbaux de constat d’achat par huissier de justice :

— le 9 décembre 2016, portant sur cinq paires de chaussures dans la boutique à l’enseigne DPAM située […],

— le 13 décembre 2016, sur le site internet pour six paires de chaussures ; le 16 décembre 2016, un procès-verbal de constat de réception des marchandises a été dressé par l’huissier instrumentaire.

Deux autres procès-verbaux ont ensuite été dressés par un huissier de justice, le 27 février 2017 pour constater l’offre en vente de quatre des six paires de chaussures litigieuses sur le site internet et le 29 juin 2018 pour constater l’offre en vente d’une nouvelle paire de chaussures pour l’été 2018 sur le même site.

La société D a fait assigner la société DPAM par acte du 7 février 2017 devant le tribunal de commerce de Paris en concurrence déloyale et parasitisme.

Le jugement déféré a :

— débouté la société DPAM de sa demande de nullité des procès-verbaux de constat d’achat ;

— débouté la société D de l’ensemble de ses demandes ;

— condamné la société D à payer à la société DPAM la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— ordonné l’exécution provisoire du présent jugement sans constitution de garantie ;

— débouté la société DPAM de ses demandes autres, plus amples ou contraires ;

— condamné la société D aux dépens.

La société D a relevé appel de ce jugement et par ses dernières conclusions sollicite de la cour de :

— confirmer le jugement en cause, en ce qu’il a débouté la société DPAM de sa demande de nullité des procès-verbaux de constat d’achat,

  • infirmer ledit jugement en ce qu’il :

— l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes,

— l’a condamnée à payer à la société DPAM la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— a ordonné l’exécution provisoire,

— l’a déboutée de ses demandes autres, plus amples ou contraires,

Et statuant de nouveau, au visa de l’article 1240 du code civil,

— dire qu’en faisant fabriquer, en important, en offrant à la vente et en vendant des chaussures référencées RODEO2F, SOPATCH3F, MEPAT1F, X, Y, Z, A qui reproduisent les mêmes éléments caractéristiques que les chaussures qu’elle distribue sous les référencées Trip H, […], […], […], G H, Poppy Apple, la société DPAM s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale et parasitaire au sens des articles 1240 et 1241 du code civil,

— condamner, en conséquence, la société DPAM à lui payer la somme de 400.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels en réparation du préjudice qu’elle a subi du fait de l’ensemble des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à son encontre,

— nommer tel expert qu’il plaira à la cour de désigner afin de déterminer l’ensemble des quantités importées, fabriquées, offertes en vente et vendues des références RODEO2F, SOPATCH3F, MEPAT1F, X, Y, Z, A par la société DPAM et ce, afin d’évaluer le préjudice qu’elle a réellement subi,

— si la cour ne faisait pas droit à la demande d’expertise, ordonner la communication par la société DPAM, afin d’évaluer l’entier préjudice causé, de toutes les informations comptables, financières et commerciales permettant d’établir les quantités fabriquées, commandées, vendues et en cours de diffusion des références RODEO2F, SOPATCH3F, MEPAT1F, X, Y, Z, A, sur le territoire français et européen en boutique et sur internet, et notamment factures, bons de livraison, bons de commandes et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard et ce, à compter du huitième jour suivant la signification du jugement à intervenir (sic),

— faire interdiction à la société DPAM d’importer, de fabriquer, d’offrir à la vente tout article, et notamment référencés RODEO2F, SOPATCH3F, MEPAT1F, X, Y, Z, A, qui reproduirait la combinaison des mêmes éléments de formes et de série des sept chaussures référencées Trip H, […], […], […], G H, Poppy Apple qu’elle commercialise et ce sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir,

— ordonner la destruction en présence d’un huissier de justice et aux frais de la société DPAM, de tous les articles et notamment référencés RODEO2F, SOPATCH3F, MEPAT1F, X, Y, Z, A, qui reproduisent la combinaison des mêmes éléments de formes et de série que les sept chaussures référencées Trip H, […], […], […], G H, Poppy Apple qu’elle commercialise, détenus par la société DPAM et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ainsi que tous prospectus, catalogues, documents professionnels concernant les articles litigieux,

— ordonner, au besoin à titre de complément de dommages et intérêts, la publication d’un extrait de la décision à intervenir dans cinq journaux ou revues, notamment Chaussée Magazine, Le Journal du Textile et/ou sur les services de communication au public en ligne y afférent, aux frais de la société DPAM, à raison de 5.000 euros H.T. par insertion et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à s’exécuter et/ou par infraction constatée,

— ordonner, au besoin à titre de complément de dommages et intérêts, la publication du «par ces motifs » de la décision à intervenir sur la page d’accueil du site Internet www.dpam.com de la société DPAM, et ce pendant une durée de 1 mois à compter de la signification de la décision à intervenir sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à s’exécuter et/ou par infraction constatée,

— dire que la cour sera compétente pour connaître de la liquidation des astreintes qu’elle aura prononcées,

— débouter la société DPAM de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— condamner la société DPAM à lui payer la somme de 40.000 euros, sauf à parfaire, en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— la condamner en tous les dépens de première instance et d’appel dont distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses uniques conclusions la société DPAM sollicite de la cour de :

Confirmer le jugement dont appel, en ce qu’il a :

— débouté la société D de l’ensemble de ses demandes,

— condamné la société D à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens,

— ordonné l’exécution provisoire du présent jugement sans constitution de garantie,

— débouté la société D de ses demandes autres, plus amples ou contraires,

Infirmer ledit jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de nullité des procès-verbaux de constat d’achat en date des 9, 13 et 16 décembre 2016,

Et Statuant de nouveau, prononcer la nullité des procès-verbaux de constat d’achat en date des 9, 13 et 16 décembre 2016,

En tout état de cause, condamner la société D à lui verser la somme de 15.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, 960 euros en remboursement des frais de recherches d’antériorités ainsi qu’aux entiers dépens de la présente instance.

A titre liminaire, la cour relève que la société DPAM ne forme aucune prétention dans le dispositif de ses conclusions s’agissant de l’absence de justification par la société D d’une tentative de conciliation préalable à l’assignation devant le tribunal de commerce de Paris qu’elle développe dans les motifs de ses écritures et qu’il n’y a donc pas lieu de statuer sur ce point en application de l’article 954 du code de procédure civile.

Sur la demande de nullité des procès-verbaux de constat dressés par huissier de justice les 9, 13 et 16 décembre 2016,

La société DPAM maintient cette demande et critique le jugement entrepris qui n’y a pas fait droit, ayant déclaré valable les procès-verbaux de constat des 9, 13 et 16 décembre 2016. Elle fait valoir que l’huissier de justice était assisté lors des opérations de constat par Mme I B, avocat, qui a effectué un stage au sein du cabinet où a exercé le conseil de la société D. Elle en déduit que l’huissier instrumentaire n’était pas accompagné d’une personne indépendante de la requérante ce en violation du droit à un procès équitable consacré par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et que les procès-verbaux critiqués doivent être annulés

Il n’est pas sollicité la nullité des procès-verbaux de constat dressés par huissier de justice les 27 février 2017 et 29 juin 2018.

Aux termes de l’article 6 § 1 de la Conventionde sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ‘toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et

dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.(…)’.

La Cour européenne des droits de l’homme, dans le prolongement de l’égalité des armes et au nom du droit au procès équitable, impose que les preuves soient recueillies et exploitées loyalement sans pour autant aller jusqu’à imposer ou refuser certains modes de preuve indépendamment de toute autre considération. Ce qui importe est que le procès ait présenté un caractère équitable dans son ensemble, y compris au regard des modalités d’ordre probatoire. La Convention ne réglemente pas le régime des preuves en tant que tel et il revient aux juridictions internes d’apprécier notamment la pertinence des éléments de preuve dont une partie souhaite la production, et en cela de vérifier si la manière dont la preuve a été administrée, a revêtu le caractère équitable.

Les procès-verbaux de constat d’achat en cause sont des moyens de preuve d’un fait juridique qui peut être démontré par tous moyens et que le juge apprécie lors de l’examen de la demande en concurrence déloyale et parasitaire. Néanmoins, il se déduit de l’article 9 du code de procédure civile qui dispose ‘qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au soutien de ses prétentions’, le principe de loyauté de la preuve qui est un élément du procès équitable ainsi qu’il vient d’être relevé.

Selon les procès-verbaux de constat dont la validité est remise en cause, l’auxiliaire de justice a procédé aux opérations de constat en présence de Mme I B qui exerce la profession d’avocat. Il n’est pas discuté que Mme B a effectué un stage au sein du cabinet d’avocats Aarpi Kern, Weil et Andreani de janvier à juin 2015, structure qui n’existe plus à ce jour.

Aussi, la circonstance que Mme B a effectué son stage plus d’une année et demi avant les opérations de constat au sein du cabinet d’avocat où exerçait le conseil de la requérante, n’est pas de nature à remettre en cause l’indépendance de Mme B dont il n’est pas démontré qu’elle avait, au moment des opérations de constat, des liens notamment de subordination avec Me Andréani, étant rappelé que la profession d’avocat est une profession réglementée soumise à des règles déontologiques et que Mme B n’est ni le préposé ni le représentant de la requérante. Sa présence aux côtés de l’huissier de justice n’est donc pas de nature à remettre en cause la loyauté de l’élément de preuve que constitue les procès-verbaux de constat établis les 9, 13 et 16 décembre 2016.

Le jugement déféré est en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté la société DPAM de sa demande de nullité des procès-verbaux de constat susmentionnés.

Sur le fond,

L’action en concurrence déloyale étant fondée sur l’article 1382, devenu 1240, du code civil, son bien-fondé suppose l’existence de trois éléments : la faute, le préjudice et le lien de causalité entre ces deux éléments.

L’action en concurrence déloyale n’est pas fondée sur une présomption de responsabilité et il appartient à la société D de démontrer une faute de la société DPAM.

La société D soutient que la mise sur le marché, très sectorisé de la chaussure pour enfant, de chaussures qui reproduisent de façon servile et quasi servile pas moins de sept modèles de chaussures qu’elle commercialise, crée un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle avec ses propres modèles mis sur le marché antérieurement et ne peut qu’être constitutif d’un comportement déloyal.

Elle critique le jugement entrepris en ce qu’il a disséqué les éléments de chaque chaussure en en

faisant une liste puis une globalité pour tout modèle de chaussures, sans prendre en compte de façon spécifique leur agencement précis par modèle. Elle ajoute que, même si ces éléments sont connus et dans le domaine public, leur combinaison n’en reste pas moins atypique à la date à laquelle les modèles ‘POM D’API’ ont été commercialisés.

Selon les éléments versés au débat par la société D, celle-ci justifie avoir commercialisé le modèle Trip H, au cours des collections hiver 2014, 2015 et 2016, le modèle Flash Elast Past, au cours de la collection été 2013, le modèle […] au cours des collections hiver 2015 et 2016, le modèle Bouba Star au cours des collections été et hiver 2014 et été 2015, le modèle Bouba Lance Fringe au cours des collections été et hiver 2016, le modèle G H au cours des collections hiver 2015 et 2016 et le modèle Poppy Apple au cours des collections été 2014 à 2019.

Elle reproche à la société DPAM d’avoir commercialisé au cours de l’hiver 2016 les modèles : RODEO2F qui reproduit le modèle Trip H, SOPATCH3F qui reproduit le modèle Flash Elast Past, MEPAT1F qui reproduit le modèle […], X qui reproduit le modèle Bouba Star, Y qui reproduit le modèle Bouba Lance Fringe, Z qui reproduit le modèle G H, et d’avoir commercialisé au cours de l’été2018 le modèle A qui reproduit le modèle Poppy Apple.

Toutefois, un modèle qui n’est pas protégé par un droit privatif peut être librement reproduit, sauf en cas de faute, notamment par création d’un risque de confusion. Aussi, les comparaisons objectives des produits auxquelles procède la société appelante en relevant les éléments ou combinaisons d’éléments originaux ou conférant à ses modèles une individualité propre qui seraient repris par les modèles critiqués de la société DPAM qui manqueraient quant à eux de ‘physionomie propre’ sont à cet égard insuffisantes, la société D n’invoquant pas la contrefaçon de droits de dessins et modèles ou de droits d’auteur.

La société D fait valoir que les critères d’appréciation de la faute au regard du risque de confusion sont le caractère plus ou moins servile systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité et la notoriété de la prestation copiée.

Il résulte des pièces fournies au débat que sur les sept modèles de chaussures en cause certains modèles critiqués sont soit très éloignés l’un de l’autre, tels la basket Bouba Star et la botte DPAM X qui n’ont en commun qu’une étoile pailletée, soit présentent peu de ressemblances et sont commercialisés à plusieurs années de distance tel le modèle SOPATCH3F de la société DPAM vendu au cours de l’hiver 2016 alors que le modèle opposé par la société D faisait partie de la collection été 2013. Pour les cinq autres modèles qui présentent des ressemblances et sont commercialisés à des époques concomitantes (hiver 2016 ou été 2018), aucun de ces modèles ne constituent une reproduction servile des modèles de l’appelante, en ce compris le modèle de bottine pour enfant en bas-âge MEPAT1F de la société DPAM qui ne reproduit pas servilement le modèle […] de la société D, les franges positionnées sous les lacets étant différentes.

En outre, si les modèles comparés présentent des éléments de ressemblance, c’est dans les matières (cuir ou nubuck), les couleurs (beiges, bleue ou noire) ou dans les formes dont l’intimée démontre la banalité, qui ne sont pas appropriables et dont la reprise ne saurait être fautive, pas plus que la reprise de certains éléments dans des combinaisons proches tels les étoiles, les paillettes ou les franges sur les bottines, le décor patchwork pour les ballerines ou des bandes de couleurs contrastées qui s’entrecroisent pour les sandalettes, qui appartiennent aux tendances de la mode ainsi qu’en témoignent les nombreuses pièces fournies au débat par la société DPAM qui ne sont pas utilement contestées par la société D, ne s’agissant pas ici d’opposer des antériorités mais de démontrer que ces éléments sont exploités par les différents fabricants de chaussures pour correspondre aux courants de la mode et donc aux aspirations du consommateur.

Les reproductions ainsi constatées, même si elles ne résultent pas de nécessités techniques, ne sont

donc pas de nature à caractériser une faute de la société DPAM n’étant pas susceptibles d’engendrer un risque de confusion.

La société D ne peut être suivie lorsqu’elle affirme que les modèles qu’elle invoque sont des modèles reconduits sur plusieurs saisons, ayant fait l’objet d’une communication importante qui lui a permis de réaliser un chiffre d’affaires conséquent sur ces sept modèles. En effet, les éléments qu’elle verse au débat démontrent que seul le modèle de sandalette Poppy Apple a été commercialisé sur six saisons, les autres modèles ayant été vendus sur trois saisons (Trip H), deux saisons pour le reste à l’exception du modèle […] vendu uniquement à l’occasion de la collection été 2013. En outre, elle fournit pour seules preuves des informations chiffrées émanant de son directeur financier et des tableaux établis dans des conditions qui ne sont pas connues. Ces pièces ne sont pas attestées par un expert comptable ou un commissaire aux comptes, ni corroborées par d’autres éléments de preuve, et ne peuvent donc être prises en considération par la cour comme démontrant le succès commercial des modèles en cause. De même, la notoriété de la marque POM D’API dont la société D est titulaire, à supposer démontrée, est indifférente, aucune référence à ce signe distinctif n’étant reproché à la société DPAM. Les quelques coupures de presse spécialisée sur lesquelles apparaissent certains des modèles en cause de la société D ne sont pas plus de nature à prouver la notoriété de ceux-ci de sorte que le consommateur ne fera pas de lien entre les modèles de la société DPAM et la marque POM D’API.

Il ne peut pas non plus être reproché à la société DPAM, bien que professionnelle dans le domaine de la chaussure pour enfants, une tentative ‘d’effet de série’, les modèles de la société D appartenant à des collections différentes allant de 2013 à 2018, ces collections comprenant en outre de nombreux modèles et il n’est nullement établi que le consommateur pertinent, soit les parents de jeunes enfants qui constituent une clientèle commune aux deux sociétés ce quand bien même les prix pratiqués sont différents, sera enclin à voir dans les sept modèles de la société DPAM dont 6 appartiennent à la collection 2016 et le septième à la collection été 2018, non pas seulement une reprise des tendances de la mode mais une copie de modèles provenant de collections antérieures différentes de la société D et à établir ainsi un lien entre ces sociétés.

Il résulte de ce qui précède que la société D échoue à démontrer que les modèles en cause sont des modèles connus de ses collections et qu’en distribuant des modèles apparentés répondant aux tendances de la mode, la société DPAM a commis une faute en cherchant à créer un risque de confusion dans l’esprit du consommateur avec ses propres produits, le public moyennement averti n’étant pas amené à croire comme l’affirme à tort la société D à l’existence d’un partenariat entre elle et la société DPAM.

Aucun comportement déloyal de la société DPAM n’étant caractérisé, le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a débouté la société D de ses demandes à ce titre.

La société D reproche également à la société DPAM des comportements constituant selon elle des actes de parasitisme.

Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.

La société D oppose à la société DPAM d’avoir profité sans bourse délier de ses investissements dans le domaine de la création des modèles de chaussure en commercialisant à moindre prix et sans justifier de ses propres investissements, sept modèles de chaussures directement repris de ses collections.

Toutefois, il ressort de ce qui précède que les éléments chiffrés fournis au débat par la société D pour justifier des sommes investies pour la création et la promotion des modèles en

cause, soit des tableaux dont les circonstances d’élaboration sont inconnues ou des données émanant de son directeur financier, non étayés par aucune pièce comptable et non certifiés par un professionnel indépendant, ne sont pas probants et qu’il n’est nullement démontré par l’appelante une notoriété de ces modèles.

Aussi, la société D ne démontre pas que la société DPAM en commercialisant les modèles en cause a profité sans bourse délier d’une valeur économique qui est propre à l’appelante. Les actes de parasitisme qui ne peuvent être déduits de la commercialisation à un meilleur prix des modèles querellés par l’intimée ou de la non justification par celle-ci de ses investissements en matière de création, ne sont pas caractérisés.

Le jugement déféré mérite en conséquence également confirmation en ce qu’il a rejeté les demande de la société D au titre du parasitisme.

Le sens de l’arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles.

Partie perdante, la société D est condamnée aux dépens d’appel et à payer à la société DPAM, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité complémentaire qui sera, en équité, fixée à la somme de 10.000 euros en ce compris les frais de recherche d’antériorités.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société D à payer à la société Du Pareil Au Même la somme complémentaire de 10.000 euros en ce compris les frais de recherche d’antériorités et la déboute de sa demande formée à ce même titre,

Condamne la société D aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

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