Adidas c./ Sandro : la contrefaçon de bandes exclue

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La déclinaison de pantalons arborant une ou deux bandes latérales ne porte pas atteinte aux droits de la société Adidas. Cette démarche (de la société SANDRO) s’inscrit dans la tendance des pantalons « à bandes » inspirés des uniformes militaires à galons. Par ailleurs, la SANDRO bénéficie, au titre de sa marque, de sa propre attractivité, il n’était pas établi qu’elle se serait sciemment placée dans le sillage de la marque « aux trois bandes ».

Le motif à galons comme ornement de pantalon qui trouve son origine dans le vestiaire militaire du XIXème siècle, a largement été repris comme élément décoratif de pantalons féminins s’inscrivant dans les tendances de la mode.

Protection des trois bandes Adidas

La société de droit allemand ADIDAS AG, qui crée et commercialise des articles de sports dans le monde entier, est titulaire de la marque de l’Union européenne figurative à trois bandes parallèles relevant de la classe 25 de la classification internationale.

La société SANDRO ANDY, appartenant au groupe SMCP et immatriculée au RCS de Paris en 1984, a pour activité la commercialisation, l’importation et l’exportation d’articles de prêt-à-porter et d’accessoires de mode, en France et à l’étranger.

La société ADIDAS AG a constaté, sur le site internet « fr.sandro-paris.com » exploité par la société SANDRO, l’offre à la vente et la promotion de pantalons et de sweat-shirts contrefaisant selon elle, sa marque. La société SANDRO ayant refusé de cesser ces actes, la société ADIDAS AG y ayant été précédemment autorisée par ordonnance, a fait procéder à une saisie contrefaçon au siège du groupe SMCP.

Protection du motif européen Adidas

En application de l’article 9 du règlement (UE) 2017/1001 du parlement européen et du conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne :

« 1. L’enregistrement d’une marque de l’Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.

2.  Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d’une marque de l’Union européenne, le titulaire de cette marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque:

a) ce signe est identique à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée;

b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou  similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque;

c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’Union et que l’usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l’Union européenne ou leur porte préjudice. »

L’article L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle précise que constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues à l’article 9 du règlement précité.

Appréciation de la contrefaçon

L’appréciation de la contrefaçon suppose de vérifier, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, si au regard d’un examen des degrés de similitude entre les signes et entre les produits et/ou services désignés il existe un risque de confusion, comprenant un risque d’association dans l’esprit du public concerné.

Pour apprécier la similitude entre les produits ou les services, il convient de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits ou les services et en particulier leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (CJCE, 28 sept. 1998, aff. C-39/97, Canon).

L’appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux- ci en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants.

Enfin, l’usage illicite est constitué s’il est susceptible de porter atteinte aux fonctions d’identification du signe à savoir, si celui-ci reproduit ou imité est utilisé en tant que marque – aux fins de distinguer des produits ou des services comme provenant d’une origine déterminée ou assurer leur promotion – et dans la vie des affaires soit dans le contexte d’une activité commerciale, en vue de retirer un avantage économique (CJUE aff C-206/01 Arsenal Football Club plc contre Matthew R, point 40).

Comparaison des signes en présence

En l’espèce, la marque Adidas désigne les vêtements et le signe litigieux a été apposé sur un pantalon (modèle Driss).

Leur examen révèle que sur le pantalon de couleur noire allégué de contrefaçon, sont apposés le long de chaque jambe, de la taille jusqu’au bas, deux galons de couleur rose d’une largeur de 1,75 cm, séparés par un écart de 1 cm. Selon la description qui en est faite par ADIDAS lors du dépôt de sa marque, celle-ci se compose de « trois bandes parallèles de même taille et de même largeur, apposées sur un pantalon ou un short; les bandes font un tiers (1/3) ou plus de la longueur latérale du pantalon ou du short ».

D’un point de vue visuel, les ressemblances tiennent au fait que dans les deux cas, les bandes sont parallèles et apposées sur les côtés extérieurs des jambes du pantalon, du haut jusqu’en bas. Mais, la marque déposée étant figurative, comme le rappelle justement la société SANDRO, la protection porte sur le signe tel qu’il est désigné à l’enregistrement or, outre le fait que les bandes sont au nombre de trois, elles sont plus fines que celles qui sont apposées sur le pantalon commercialisé par la société SANDRO.

Par ailleurs, elle a été déposée en noir et blanc or, une marque enregistrée sans revendication de couleur n’est pas protégée pour toutes les combinaisons de couleurs sous lesquelles cette marque pourrait être utilisée de sorte que la comparaison avec le signe argué de contrefaçon doit s’effectuer avec la marque telle que déposée donc, en noir et blanc ou à tout le moins en prenant comme référence des bandes de couleur foncée sur un fond clair.

Or, au cas d’espèce, des bandes de couleur rose clair sont apposées sur un pantalon noir, ce qui constitue une différence supplémentaire avec le signe opposé. Il sera à cet égard relevé que, comme le rappelle la société ADIDAS AG, dans l’arrêt cité par la défenderesse (TUE, 19 juin 2019, aff. T-307/17, ADIDAS AG) le tribunal se réfère à «la loi des variantes autorisées » relative à l’usage d’une marque lorsqu’il juge que la moindre variation dans la configuration du signe (nombre de bandes, comme l’inversion du schéma de couleurs) est susceptible d’avoir une incidence importante dans l’esprit du consommateur et ne saurait donc être étendu à l’examen de comparaison de signes opposés dans le cadre d’une action en contrefaçon de marque par imitation.

Les signes opposés présentent donc une similitude exclusivement visuelle, qui doit être qualifiée de moyenne et partiellement compensée par la notoriété non contestée de la marque « aux trois bandes » sur le territoire français. Mais c’est en revanche à bon droit que la société SANDRO soutient que l’usage illicite n’étant constitué que lorsqu’il porte atteinte aux fonctions d’identification du signe, il doit être recherché si le signe imité est utilisé en tant que marque et non pas seulement comme élément décoratif.

Nouvelle déclinaison du galon d’inspiration militaire

Or, il était démontré par la société SANDRO que de très nombreux pantalons féminins inspirés des tenues militaires comportent le long de chaque jambe deux ou trois bandes parallèles disposées verticalement et que ces modèles s’inscrivaient dans la tendance de la saison 2017/2018.

En pratique, les multiples exemples de pantalons arborant une, deux ou trois bandes latérales vont amener le public pertinent – défini en l’espèce comme un acheteur de vêtements particulièrement sensible aux tendances de la mode et aux différences entre les produits proposés sous différentes marques – à considérer le signe contesté comme une nouvelle déclinaison du galon d’inspiration militaire utilisé en tant qu’élément décoratif et non comme une indication d’origine du produit de nature à orienter son achat par référence à la marque invoquée.

Atteinte à la renommée d’une marque 

Le régime des marques de renommée vise à protéger les fonctions de la marque autres que celle d’indication d’origine à savoir la transmission d’autres messages ou représentations qui y sont associées tels que le luxe ou un style de vie qui ainsi véhiculés, confèrent au signe une valeur économique intrinsèque autonome et distincte de celle résultant du périmètre de son enregistrement. (TPI 22 mars 2007, SIGLA/OHMI -Elleni Holding T-215-03, point 35).

Une marque est considérée comme renommée lorsqu’elle est connue d’une fraction significative du public concerné par les produits visés à l’enregistrement et qu’elle exerce un pouvoir d’attraction propre indépendant des produits ou services qu’elle désigne, ces conditions devant être réunies au moment des atteintes alléguées.

Sont notamment pris en compte l’ancienneté de la marque, son succès commercial, l’étendue géographique de son usage et l’importance du budget publicitaire qui lui est consacré, son référencement dans la presse et sur internet, l’existence de sondages ou enquêtes de notoriété attestant de sa connaissance par le consommateur, des opérations de partenariat ou de mécénat ou encore éventuellement, de précédentes décisions de justice.

Ces critères ne sont pas cumulatifs et le titulaire d’une marque enregistrée peut, aux fins d’établir le caractère distinctif particulier et la renommée de celle-ci, se prévaloir de preuves de son utilisation sous une forme différente en tant que partie d’une autre marque enregistrée et renommée, à condition que le public concerné continue à percevoir les produits en cause comme provenant de la même entreprise(G/CE 6 oct 2009, PAGO international/Tirolmilchregistrierte genossenschaft, C-301/07, point 25, TPI 10 mai 2007Antartica/OHMI The Nasdaq Stock Market, T-47/06, point 51, TUE 5 mai 2015, Spa Monopole/OHMI-Orly International T-131/12, point 33).

S’agissant d’une marque de l’Union européenne, cette condition est remplie lorsque la marque bénéficie d’une renommée dans une partie substantielle du territoire de l’Union qui eu égard aux circonstances de l’espèce, peut-être la totalité d’un État membre (C/CE 6 octobre 2009 précité, points 27 et 29).

En application de l’article 9 §2 du règlement (UE) n° 2017/1001 du 14 juin 2017, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque « (…) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’Union et que l’usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l’Union européenne ou leur porte préjudice ».

L’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104 instaure, de la même façon, en faveur des marques de renommée, une protection spécifique en cas d’usage sans juste motif d’un signe identique ou similaire à une marque enregistrée qui tire ou tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque ou leur porte ou leur porterait préjudice.

Cette disposition s’applique également par rapport aux produits et aux services qui sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée. En l’espèce, la renommée de la marque n° 3517661 dont est titulaire la société ADIDAS AG n’étant pas contestée par la défenderesse, les éléments communiqués à ce titre n’ont pas lieu d’être examinés.

Preuve à la charge du dépositaire de la marque 

Dès lors, la société ADIDAS devait établir d’une part l’existence d’un lien dans l’esprit du public concerné entre le signe litigieux et sa marque et d’autre part, celle soit d’un profit indu de la société SANDRO, soit d’un préjudice subi par la marque renommée.

Les atteintes à la marque renommée, lorsqu’elles sont constituées, sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre la marque et le signe, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre le signe et la marque, c’est-à-dire établit un lien entre ceux-ci, alors même qu’il ne les confond pas.

Il n’est donc pas exigé que le degré de similitude entre la marque renommée et le signe utilisé par le tiers soit tel qu’il existe, dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion. Il suffit que le degré de similitude entre la marque renommée et le signe ait pour effet que le public concerné établit un lien entre le signe et la marque (CJUE, 23 octobre 2003 Adidas-Salomon et Adidas Benelux, C-408/01).

Par ailleurs, la circonstance qu’un signe est perçu par le public concerné comme une décoration ne fait pas, en soi, obstacle à la protection de la marque renommée lorsque le degré de similitude est néanmoins tel que ce public établit un lien entre le signe et la marque.

En revanche, lorsque ledit public perçoit le signe exclusivement comme une décoration, il n’établit aucun lien avec la marque enregistrée. (CJCE 10 juillet 2003. C-408/01 – Adidas-Salomon AG et Adidas Benelux BV contre Fitnessworld Trading Ltd.).

En l’espèce, la marque « aux trois bandes » bénéficie d’une très forte renommée. Si les signes opposés présentent une similitude visuelle moyenne, les produits en présence sont similaires en ce que le pantalon portant le signe litigieux s’apparente à un « jogging » -qualifié par la société SANDRO de tenue de « confort » – et que les pantalons Adidas ne sont pas exclusivement destinés à la pratique du sport et s’inscrivent dans la tendance de la mode de l’époque de porter « son jogging en ville ».

En second lieu, la société SANDRO, dans le cadre d’une atteinte invoquée à la marque renommée, ne peut pertinemment soutenir que les bandes qu’elle a apposées sur le pantalon Driss sont utilisées uniquement comme un ornement, ce qui exclut selon elle tout lien auprès du public concerné avec la marque litigieuse alors que dans l’esprit du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, ces deux bandes ne peuvent être exclusivement perçues comme des décorations du fait de la similitude des signes et des produits, laquelle a pour effet d’évoquer nécessairement la marque renommée.

Cette seule évocation suffit à établir l’existence d’un lien au sens de la jurisprudence de la cour de justice de l’Union européenne.

Condition du profit indu

Sur l’existence d’un profit tiré de la marque renommée caractérisant un agissement fautif, la juridiction a conclu que le risque de profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure est considéré par la jurisprudence communautaire comme étant notamment établi en cas de tentative d’exploitation et de parasitisme manifestes dans le sillage d’une marque renommée, ce à quoi il est fait référence par la notion de « risque de parasitisme ».

En d’autres termes, il s’agit du risque que l’image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation serait facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée (11 décembre 2014, Master, T480/12, EU:T:2014:1062, point 82 et jurisprudence citée ; 18 juin 2009, L’Oréal e.a., C487/07, EU:C:2009:378, point 41 ; TUE 7 décembre 2017 – The Coca Cola Company / EUIPO – Modern Industrial & Trading Investment Co Ltd – T6116 -20171207, point 65).

Afin de déterminer si l’usage du signe tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, il convient de procéder à une appréciation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, au nombre desquels figurent, notamment, l’intensité de la renommée et le degré de caractère distinctif de la marque, le degré de similitude entre les marques en conflit ainsi que la nature et le degré de proximité des produits ou des services concernés.(CJUE 27 novembre 2008 Intel Corporation Inc c/ United Kingdom Ltd – C-252/07 point 42).

En l’espèce, les signes opposés présentent une similitude visuelle moyenne, les produits en présence sont similaires et l’importante renommée de la marque litigieuse ne fait pas débat.

Or, la société SANDRO s’est contentée de décliner une tendance de la mode. Elle justifiait effectivement de la commercialisation du pantalon Driss dans le cadre d’une collection comprenant divers modèles à galons durant la saison 2017/2018 et dont la société ADIDAS ne démontre qu’ils portaient atteinte à sa marque.

Conditions de la dilution d’une marque

Le préjudice porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque, notamment désigné sous le terme de « dilution », est constitué dès lors que se trouve affaiblie l’aptitude de cette marque à identifier les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, l’usage du signe identique ou similaire par le tiers entraînant une dispersion de l’identité de la marque et de son emprise sur l’esprit du public. (CJUE 27 novembre 2008 Intel Corporation Inc. c/ United Kingdom Ltd – C-252/07 point 29).

L’usage de la marque postérieure ou du signe allégué de contrefaçon doit entraîner une modification du comportement économique du consommateur moyen des produits ou services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée ou un risque sérieux qu’une telle modification survienne dans le futur.

La notion de «modification du comportement économique du consommateur moyen» pose une condition de nature objective. Elle ne peut être déduite uniquement des éléments subjectifs tels que la seule perception des consommateurs.

Le seul fait que ces derniers remarquent la présence d’un nouveau signe similaire à un signe antérieur ne suffit pas à lui seul à établir l’existence d’un préjudice au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, dans la mesure où cette similitude ne crée pas de confusion dans leur esprit. (CJUE, 14 nov. 2013, affi C-383/12, Wolf, pt 34,37)

En l’espèce, la société ADIDAS ne procédait que par voie d’affirmation sans produire d’élément de nature à établir une modification du comportement économique du public pertinent ou un risque sérieux que celle-ci survienne.

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