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Jurisprudence sur le Contrat de Coproduction de Court Métrage
T R I B U N A L
D E GRANDE
I N S T A N C E
D E P A R I S
3ème chambre 3ème section
No RG :
07 / 00628
No MINUTE :
Assignation du :
09 Janvier 2007
JUGEMENT
rendu le 07 Mai 2008
DEMANDEURS
Monsieur Mohamed X… Y…
…
93100 MONTREUIL
Madame Nina Z… A…
…
93100 MONTREUIL
représentés par Me Jean- François JOFFRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E47
DÉFENDERESSE
S. A. S. SO NICE PRODUCTIONS
10 rue de Torricelli
75017 PARIS
représentée par Me Stéphane HASBANIAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P398
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Elisabeth BELFORT, Vice- Président, signataire de la décision
Agnès THAUNAT, Vice- Président
Sophie CANAS, Juge
assistée de Marie- Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision
DEBATS
A l’audience du 04 Mars 2008
tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé par remise de la décision au greffe
Contradictoire
en premier ressort
Mlle Nina A… et M. Mohamed X… Y… dit » B… Y… » sont respectivement co- scénariste et co- scénariste réalisateur du court métrage » REQUIEM POUR UN EGOISTE « .
Ce court métrage a pour acteur principal M. Satya D…, ancien mannequin.
Reproduction d’un extrait de court métrage
Ils ont découvert que l’émission » JE SUIS UNE CELEBRITE, SORTEZ MOI DE LA » produit par la société SO NICE PRODUCTIONS, diffusé sur TF1 le vendredi 14 avril 2006 à 20H50, reproduisait et diffusait, sans leurs autorisations, pour réaliser le portrait de M. Satya D… un des participant à l’émission, un extrait de leur court métrage d’une durée de 9 secondes environ.
Il est apparu que le montage et la musique du court métrage ont été modifiés sans le consentement de M. Y… et de Mlle A… et que le nom des coauteurs et le titre du court métrage n’ont pas fait l’objet d’une mention au générique de l’émission.
L’extrait litigieux a également été diffusé sur le site internet de TF1 consacré à l’émission » JE SUIS UNE CELEBRITE, SORTEZ MOI DE LA « .
Aucune solution amiable n’ayant pu aboutir, M. Mohamed X… Y… et Mlle Nina A… ont, par acte d’huissier de justice en date du 9 janvier 2007 assigné la société SO NICE PRODUCTIONS devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon.
Par dernières conclusions communiquées le 27 septembre 2007, M. Mohamed X… Y… et Mlle Nina A… demandent principalement au tribunal de :
au visa des articles L 123-1, L 122-4, L 122-7, L 335-3 du Code de la Propriété Intellectuelle,
dire et juger que M. X… Y… et Melle A…, coauteurs scénaristes et M. X… Y… réalisateur, n’ont donné aucune autorisation pour la reproduction et la diffusion de tout ou partie du court métrage « REQUIEM POUR UN EGOISTE » ou « LE CANDIDAT » déposé à la SACD en date du 30 juin 2005 sous le numéro 179683,
dire et juger que la société SO NICE PRODUCTION a reproduit illicitement les extraits du court métrage « REQUIEM POUR UN EGOISTE » ou « LE CANDIDAT » dans I’émission « JE SUIS UNE CELEBRITE, SORTEZ MOI DE LA », produite par la société SO NICE PRODUCTIONS, diffusée sur TF1 le 14 avril 2006 à 20h50,
dire et juger que la société SO NICE PRODUCTION a modifié, sans autorisation, le montage et la musique du court métrage « REQUIEM POUR UN EGOISTE » ou « LE CANDIDAT pour la diffusion litigieuse,
dire et juger que la société SO NICE PRODUCTION s’est rendue coupable de contrefaçon pour la reproduction et la modification sans autorisation de l’oe uvre de M. Y… et Melle A… dans l’émission « JE SUIS UNE CELEBRITE, SORTEZ MOI DE LA », produite par la société SO NICE PRODUCTIONS, diffusée sur TF1 le vendredi 14 avril 2006 à 20h50,
ordonner le retrait des images litigieuses des cassettes et de tout support analogique et numérique de l’émission,
condamner la société SO NICE PRODUCTIONS à leur payer à chacun la somme de 10. 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice patrimonial,
condamner la société SO NICE PRODUCTIONS à leur payer à chacun la somme de 10. 000 euros au titre des atteintes au droit moral des coauteurs, au droit de paternité et au respect de leur qualité et du respect due à l’intégrité de l’oeuvre et à son titre,
rejeter les demandes reconventionnelles de la société SO NICE PRODUCTIONS,
ordonner l’exécution provisoire,
condamner la société SO NICE PRODUCTIONS à payer à M. X… Y… et Melle A… la somme chacun de 3000 euros au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,
la condamner aux entiers dépens.
Par dernières conclusions communiquées le 30 octobre 2007 la société SO NICE PRODUCTIONS demande principalement au tribunal de :
au visa des articles 6, 9 et 256 du Code Civil, de l’article 31 du Nouveau Code Procédure Civile et de l’article L. 113-1 du Code de la Propriété Intellectuelle ;
dire et juger Mademoiselle A… irrecevable, pour défaut de qualité et d’intérêt à agir, cette dernière ne démontrant l’existence d’aucun droit sur le court- métrage « requiem pour un égoïste » ;
dire et juger Monsieur Mohamed X… Y… irrecevable, compte tenu de l’absence de titularité de ses droits sur le court- métrage « requiem pour un égoïste » et sur le contenu du manuscrit « le Candidat » dont le lien avec le court- métrage précité n’est pas démontré et dont la reprise prétendument litigieuse n’est également pas démontrée ;
en conséquence la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,
si par extraordinaire le Tribunal estimait Mademoiselle A… et Monsieur Y… recevables,
dire et juger Mademoiselle A… et Monsieur Y… mal fondés,
Vu l’absence de communication de toute preuve,
dire et juger que la preuve d’une contrefaçon n’est pas apportée,
vu l’absence de tout contrat démontrant la titularité des droits des demandeurs sur l’image de Monsieur D…,
dire et juger qu’en application du principe « Nemo Auditur propriam turpitudinem allegans », Mlle A… et M. Y…, ne sont pas fondés à se prévaloir de droits nés de la violation d’autres droits,
en tout état de cause,
vu les pièces versées au débat par les demandeurs eux- mêmes et notamment l’extrait du contrat conclu entre Monsieur D… et la société SO NICE PRODUCTIONS,
dire et juger que la société SO NICE PRODUCTIONS détient des droits valides sur la diffusion de l’extrait litigieux,
en conséquence débouter Mlle A… et M. Y… de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
les condamner au paiement de la somme de 5. 000 au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile
les condamner aux entiers dépens,
si par extraordinaire, le Tribunal devait estimer les faits de contrefaçons constitués,
vu l’absence de toute preuve d’un préjudice quelconque,
réduire substantiellement les demandes de dommages et intérêts et Monsieur Y…,
En tout état de cause,
au visa de l’article 32-1 du Nouveau Code de Procédure Civile,
condamner Melle A… au paiement d’une somme de 5. 000 euros au titre de la procédure abusive,
statuer alors ce que de droit sur l’article 700 du nouveau code de procédure civile et les dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Titularité des droits sur le court métrage
Sur la titularité des droits des demandeurs sur le court métrage
*sur la titularité de M. X… Y…
La défenderesse soutient que l’identité du demandeur : Mohamed X… Y… ne correspond pas à celle sous laquelle l’oeuvre » REQUIEM POUR UN EGOISTE » a été divulguée : » B… Y… « .
Le demandeur justifie notamment par le DVD de l’émission » les nouveaux talents » de la Chaîne Direct 8 du 16 juin 2005 qu’il a bien été interviewé en compagnie de M. D…, acteur du court métrage, en sa qualité de réalisateur du court métrage » REQUIEM POUR UN EGOISTE » sous l’appellation B… Y….
Dès lors, le demandeur apporte bien la preuve qu’il fait usage d’un pseudonyme, ce qui est extrêmement courant dans le domaine artistique.
Dans ces conditions, l’oeuvre dont s’agit ayant été diffusée sous son nom qui figure au générique il est présumé en être l’auteur conformément à l’article L113- 1du code de propriété intellectuelle.
*sur la titularité des droits de Mlle A…
En l’espèce, la société SO NICE conteste la qualité de co- scénariste de Mlle A… au motif principal que son nom n’apparaîtrait ni dans le dépôt à la SACD ni au générique du court métrage en cette qualité.
Le tribunal observe que s’agissant d’une oeuvre de collaboration, le coauteur d’une oeuvre qui agit en justice doit à peine d’irrecevabilité mettre en cause son co- auteur.
En l’espèce, M. Y… coauteur de l’oeuvre reconnaît expressément cette qualité à Mlle A… et la société SO NICE PRODUCTION présumée contrefacteur n’a aucune qualité pour contester la copaternité du scénario reconnu par les deux co scénaristes et par le réalisateur de l’oeuvre.
Par ailleurs, le tribunal observe que le nom de Mlle A… figure au générique du court- métrage même si sa qualité n’est pas précisée et que M. G… H… organisateur du Festival Nouveau Cinéma 2005 au cours duquel a été projeté l’oeuvre » REQUIEM POUR UN EGOISTE » atteste que Mlle A… est bien coauteur de ce court métrage.
La société SO NICE PRODUCTION soutient que les demandeurs ne démontrent pas l’existence de leurs droits d’auteur sur le court métrage » REQUIEM POUR UN EGOISTE » au motif que le dépôt à la SACD atteste seulement qu’à la date du 30 juin 2005 M. Y… seul a rédigé un scénario intitulé » LE CANDIDAT » et qu’il est impossible de savoir si ce qui figure dans ce scénario a un rapport avec le court métrage produit aux débats en DVD.
Le tribunal observe, que la preuve de l’oeuvre première est suffisamment apportée par la production du DVD sur lequel figure le court métrage litigieux, que dès lors il importe peu de savoir si le scénario déposé à la SACD au seul nom de M. Y… est ou non la même oeuvre que le court métrage » REQUIEM POUR UN EGOISTE « .
Sur les droits des demandeurs sur leurs oeuvres
La société SO NICE PRODUCTION fait valoir que les demandeurs ne sont pas en mesure de justifier » qu’ils sont titulaires de droits sur l’image de M. D… et qu’ils ne peuvent se prévaloir d’un droit qui leur serait propre, ce droit ne pouvant s’exercer ab initio que par la preuve de la titularité des droits sur l’image de M. D… « .
Le tribunal observe que les droits que possède M. D… sur son image et sur sa prestation d’artiste interprète coexistent avec les droits d’auteur des personnes ayant écrit le scénario et du réalisateur du film.
Il convient de relever que les demandeurs sont uniquement recevables en leurs demandes fondées sur la défense de leurs droits d’auteur.
Sur les droits détenus par la société SO NICE PRODUCTION
La société défenderesse soutient qu’elle était garantie par M. D… lequel avec signé avec elle un contrat ainsi rédigé : » le participant garantit être titulaire de l’ensemble des droits et notamment droits d’auteur et / ou droits voisins échéants relatifs aux informations ainsi fournies et garantit à la production et ses ayants droit une exploitation paisible des dites informations. (…) «
Le tribunal observe que la société SO NICE PRODUCTIONS n’a pas appelé en garanti M. D… et qu’il ne pouvait échapper à un professionnel de la production comme SO NICE PRODUCTION que s’agissant d’un court métrage, les droits d’auteur sur l’oeuvre appartiennent au réalisateur sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée et non à l’artiste interprète dudit film. Dans ces conditions, le défendeur aurait du chercher à se rapprocher du réalisateur du court métrage afin d’obtenir son autorisation à la reprise d’extraits de l’oeuvre première ou solliciter de M. D… la communication du contrat de cession dont celui- ci se prévalait..
Par ailleurs, le fait que le scénario du film ait été déposé à la SACD, ce qui est d’ailleurs contesté par le défenderesse, n’autorisait pas TF1 à exploiter le film en résultant dans le cadre » d’accord- cadre express de la SACD pour diffuser les oeuvres du répertoire de cette société de droits d’auteur » l’oeuvre diffusée impliquant l’exploitation d’autres droits que ceux portant sur le scénario.
Contrefaçon de court métrage
Sur la contrefaçon
Le tribunal a procédé au visionnage du court métrage » REQUIEM POUR UN EGOISTE » et de l’émission » SORTEZ MOI DE LA, JE SUIS UNE CELEBRITE « .
Cet examen comparatif démontre qu’afin d’effectuer le portrait de M. D… candidat de l’émission de téléréalité litigieuse, la société SO NICE PRODUCTION a repris un court extrait d’une durée de neuf secondes, du court métrage » REQUIEM POUR UN EGOISTE « .
Dans le premier extrait du court métrage repris par la société SO NICE PRODUCTION, Satya D… en costume Smalto jauge son double sur un fond de dunes.
Dans le deuxième plan du court métrage, Satya D… vient de s’adresser à son double et se relève sur un fond de ciel bleu.
Dans l’émission, le premier extrait a été remonté puisque l’on ne voit plus le double de Satya D… et que le plan original a été coupé en deux et relié par un fondu enchaîné.
Sur le deuxième plan, la société SO NICE PRODUCTION a rajouté un ralenti.
Sur l’ensemble de ces deux plans la musique originale du court métrage a été supprimée et remplacée.
Les noms des coauteurs du court métrage ne figurent pas au générique de l’émission de TF1.
Il est constant que ces reprises ont été faites sans l’autorisation des co- auteurs
Dans ces conditions, il est établi qu’il y a eu atteinte aux droits patrimoniaux des demandeurs et aux droits moraux de M. X… Y… et de Mlle A… du fait de l’altération de son oeuvre et du non respect de son droit de paternité.
Sur les mesures réparatrices
Le tribunal possède suffisamment d’élément pour fixer à la somme de 4000 euros l’atteinte aux droits patrimoniaux de M. Y…, à 2000 euros l’atteinte aux droits patrimoniaux de Mlle A…, à la somme de 4000 euros l’atteinte aux droits moraux de M. Y… et à 2000 euros l’atteinte aux droits moraux de Mlle A….
Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile
Il parait inéquitable de laisser à la charge des demandeurs les frais irrépétibles et non compris dans les dépens. Il convient de leur allouer à ce titre à chacun une indemnité de 3000 euros.
Sur l’exécution provisoire
Il parait nécessaire en l’espèce et compatible avec la nature de l’affaire d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision.
Sur les dépens
La défenderesse succombant dans ses prétentions doit être condamnée aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant contradictoirement, en premier ressort et par décision remise au greffe,
Dit que M. X… Y… dit B… Y… et Melle A…, en leurs qualités de coauteurs scénaristes et M. X… Y… dit B… Y… en sa qualité de réalisateur, sont titulaires de droits d’auteurs sur l’oeuvre intitulé » REQUIEM POUR UN EGOISTE » et qu’ils sont en conséquence recevables à agir en contrefaçon,
Dit que M. X… Y… et Melle A…, coauteurs scénaristes et M. X… Y… réalisateur, n’ont donné aucune autorisation à la société SO NICE PRODUCTION pour la reproduction et la diffusion de tout ou partie du court métrage « REQUIEM POUR UN EGOISTE »,
Dit que la société SO NICE PRODUCTION a reproduit illicitement les extraits du court métrage « REQUIEM POUR UN EGOISTE » dans I’émission « JE SUIS UNE CELEBRITE, SORTEZ MOI DE LA », produite par elle et diffusée sur TF1 le 14 avril 2006 à 20h50,
Dit que la société SO NICE PRODUCTION a modifié, sans autorisation, le montage et la musique du court métrage « REQUIEM POUR UN EGOISTE » pour la diffusion litigieuse,
Dit que la société SO NICE PRODUCTION a ainsi porté atteinte aux droits moraux et patrimoniaux de M. Y… et Melle A… sur cette oeuvre et ainsi commis des actes de contrefaçon,
Ordonne le retrait des images litigieuses des cassettes et de tout support analogique et numérique de l’émission,
Condamne la société SO NICE PRODUCTIONS à payer à M. X… Y… la somme de 4000 euros et à Mlle A… la somme de 2. 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice patrimonial,
Condamne la société SO NICE PRODUCTIONS à leur payer à M. Y… la somme de 4000 euros et à Mlle A… la somme de 2. 000 euros au titre des atteintes au droit moral des coauteurs, au droit de paternité et au respect de leur qualité et du respect due à l’intégrité de l’ uvre et à son titre,
Rejette les demandes reconventionnelles de la société SO NICE PRODUCTIONS,
Ordonne l’exécution provisoire,
Condamne la société SO NICE PRODUCTIONS à payer à M. X… Y… et Melle A… à chacun la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne la société SO NICE PRODUCTION aux entiers dépens.
Fait à Paris, le 7 Mai 2008
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Marie- Aline PIGNOLET Elisabeth BELFORT