Publicité de l’alcool et champagne à vie : Direct Matin condamnée

Notez ce point juridique

Des visuels du concours (le jeu concours « Champagne à vie » organisé par l’exploitant de Casinos) publiés dans le journal Direct Matin et sur le site du titre de presse ont été qualifiés de publicité illicite en faveur des produits de l’alcool. La publication a engagé la responsabilité de l’annonceur, de l’éditeur du support mais aussi de l’agence de publicité en charge de la conception de la campagne.

Le jeu était associé à une opération promotionnelle intitulée « offre découverte » qui permettait de bénéficier de deux coupes de champagne Pommery et de 10 euros de jetons de casino pour 10 euros. Subtilité juridique : seuls les visuels publicitaires ont été qualifiés de publicité illicite pour la boisson alcoolisée Champagne Pommery et non le jeu-concours en lui-même.

Visuels publicitaires illicites  

Le jeu en lui-même, s’inscrivait dans une campagne promotionnelle qui avait pour finalité de promouvoir les établissements de jeu de casinos et de créer un courant de clientèle qu’il s’agissait d’attirer par une offre de vente incluant jetons et boissons à un prix promotionnel attractif inhérent à la démarche publicitaire ; il ne s’agissait donc pas d’une offre de consommation d’alcool gratuite (qui elle est interdite).

Le visuel en question comprenait, sous le dessin des deux verres de champagne, qui inclinées l’une vers l’autre, ‘trinquent’, le logo de la marque Pommery ainsi que l’invitation à tenter de gagner une bouteille de champagne par mois à vie ; cette publicité constitue une incitation à la consommation d’une boisson alcoolique ; elle est soumise aux dispositions restrictives du code de la santé publique, ce qu’avait d’ailleurs indéniablement admis le concepteur de ce visuel et son mandant, puisque l’encart publicitaire reproduit l’avertissement sanitaire imposé par l’article 3323-4 du code de la santé publique.

Comme l’énonce l’article 3323-4 du code de la santé publique, la publicité autorisée pour les boissons alcooliques peut comporter notamment des mentions relatives à l’origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l’adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi qu’à son mode d’élaboration, ses modalités de vente et du mode de consommation et des références objectives relatives à sa couleur et à ses caractéristiques olfactives et gustatives du produit.

Une présentation flatteuse du produit par la mise en valeur de sa couleur et de sa pétillance comme la référence à son mode de consommation par l’inclinaison des coupes qui miment le geste de trinquer ne peuvent pas être critiquées puisqu’elles renvoient, d’une part, aux caractéristiques objectives du produit, et d’autre part, à un mode de consommation coutumier ; il en est de même des mentions relatives aux conditions (prix notamment) et au lieu de vente.

En revanche, le visuel associe à la boisson alcoolique, le dessin de jetons de jeux du casino et donc l’univers des jeux de hasard dont le déroulement est partiellement ou totalement soumis à la chance ; or cette référence excède les prévisions des textes susmentionnés qui limitent la communication au produit et à son environnement.

Avis d’un juriste conseil de l’ARPP

L’agence de publicité conceptrice de la campagne et la société Bolloré digital média n’ont pu utilement se prévaloir du courrier du juriste conseil de l’ARPP, organisme d’autodiscipline publicitaire, improprement qualifié d’avis et dans lequel son rédacteur se contentait prudemment d’indiquer « que le projet est selon nous, conforme aux dispositions déontologiques et juridiques en vigueur ». L’auteur de ce courrier occultait, de surcroît, les recommandations de l’organisme dont il dépend qui prohibe d’associer la consommation de boissons alcoolisées à des situations de chance.

Responsabilité du producteur de champagne et du commissionnaire   

La responsabilité de la société Vranken Pommery monopole a été écartée (l’annonceur étant le groupe exploitant le Casino). En effet, le contrat de commissionnaire, opposable à l’ANPAA en tant que fait juridique, établissait que Vranken Pommery Monopole est le commissionnaire de la société productrice qui lui a confié l’organisation de son réseau de distribution et de la promotion de ses produits ; dès lors, une faute (à la supposer établie) peut engager aussi bien la responsabilité du commissionnaire – qualifié au contrat d’intermédiaire opaque – que son mandant.  En revanche, aucune démonstration n’était faite d’une faute de nature à engager leur responsabilité extra-contractuelle de Vranken Pommery Monopole (sa participation à l’élaboration ou à la diffusion du visuel illicite n’était pas établie).

L’annonceur pouvait, lui, faire usage de cette marque pour désigner le produit qu’il vendait ou donnait, sans en référer au titulaire du droit de marque, droit épuisé par la (première) commercialisation du produit ainsi que l’énonce l’article L. 713-4 du code de la propriété industrielle.

Droit d’organiser une loterie

L’ANPAA a soutenu sans succès, qu’un jeu concours soit en l’espèce, la loterie champagne à vie, ne pouvait pas constituer le support d’une publicité pour une boisson alcoolique.

Or, l’article L. 3323-2 du code de la santé publique, lorsqu’il liste les supports autorisés énumère les supports matériels des publicités et non la nature de la communication promotionnelle ; le jeu concours, dont le ou les lots seraient des boissons alcooliques est soumis aux dispositions de l’article L.121-36 du code de la consommation qui n’interdit nullement de tels lots ; seule la communication de l’entreprise autour de cette loterie, dans la mesure où elle répond à la définition de l’article L. 3323-2 du code de la santé publique, est soumise au régime légal des publicités en faveur des boissons alcooliques.  

La demande de l’ANPAA, qui critiquait le principe de l’organisation d’une loterie et la nature du lot, ne pouvait donc pas prospérer.

Responsabilité de l’éditeur de site

Le visuel qui associe la vente de l’alcool à l’univers des jeux de hasard est accentuée par le slogan qui prête à l’établissement de jeux, l’une des qualités du vin vendu – son pétillement. Ce visuel était donc aussi illicite. Il en est de même du coupon, auquel accède l’internaute en cliquant sur l’onglet j’en profite et qui n’est que la publicité publiée sur direct matin (sans la mention relative à la loterie) auquel est ajouté, que l’offre est valable sur présentation ce coupon. Ces publications électroniques engagent la responsabilité de l’éditeur du site.

Le mécanisme de garantie d’éviction

La société exploitant le Casino a obtenu la garantie de l’agence de publicité, au-delà du montant des prestations réalisées. La garantie donnée trouve sa cause dans le prix payé par le donneur d’ordre (annonceur) et il n’est pas exigé que la cause et l’objet du contrat soit, en valeur, proportionnés.

En revanche, la société Bolloré digital média (régie publicitaire) n’a pas obtenu d’être garantie par l’annonceur. La régie a sollicité le bénéfice de la garantie contractuelle contenue prévue par les conditions générales de vente des espaces publicitaires direct matin qui précisent «  qu’elles sont celles de la régie publicitaire Bolloré média régie ». Or, faute de développer la moindre argumentation explicitant une demande de garantie fondée sur une convention à laquelle elle n’est pas partie, la société Bolloré digital média éditeur du site direct matin.fr a été déboutée.

Conditions de légalité d’une publicité pour l’alcool

Pour rappel, l’article L. 3323-2 du livre III lutte contre alcoolisme du titre III lutte contre les maladies et dépendances du code de la santé publique énonce que la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques dont la fabrication et la vente ne sont pas interdites sont autorisées exclusivement :

1° Dans la presse écrite à l’exclusion des publications destinées à la jeunesse (…)

2° Par voie de radiodiffusion sonore (…)

3° Sous forme d’affiches et d’enseignes, sous réserve de l’article L. 3323-5-1 ; sous forme d’affichettes et d’objets à l’intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé, dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat (…)

4° Sous forme d’envoi (…) de messages, de circulaires commerciales, de catalogues et de brochures, dès lors que ces documents ne comportent que les mentions prévues à l’article L. 3323-4 et les conditions de vente des produits qu’ils proposent ;

5° Par inscription sur les véhicules utilisés pour les opérations normales de livraison des boissons (…)

6° En faveur des fêtes et foires traditionnelles consacrées à des boissons alcooliques locales et à l’intérieur de celles-ci, dans des conditions définies par décret ;

7° En faveur des musées, universités, confréries ou stages d’initiation oenologique à caractère traditionnel ainsi qu’en faveur de présentations et de dégustations, dans des conditions définies par décret ;

8° Sous forme d’offre, à titre gratuit ou onéreux, d’objets strictement réservés à la consommation de boissons contenant de l’alcool, marqués à leurs noms (…)

9° Sur les services de communications en ligne à l’exclusion de ceux qui, par leur caractère, leur présentation ou leur objet, apparaissent comme principalement destinés à la jeunesse, ainsi que ceux édités par des associations, sociétés et fédérations sportives ou des ligues professionnelles au sens du code du sport, sous réserve que la propagande ou la publicité ne soit ni intrusive ni interstitielle.

Toute opération de parrainage est interdite lorsqu’elle a pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques.

L’article L. 3323-3 du CSP définit la publicité indirecte comme la propagande ou publicité en faveur d’un organisme, d’un service, d’une activité, d’un produit ou d’un article autre qu’une boisson alcoolique qui, par son graphisme, sa présentation, l’utilisation d’une dénomination, d’une marque, d’un emblème publicitaire ou d’un autre signe distinctif, rappelle une boisson alcoolique.

Au sens de l’article L. 3323-4, la publicité autorisée pour les boissons alcooliques est limitée à l’indication du degré volumique d’alcool, de l’origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l’adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d’élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit.

Cette publicité peut comporter, en outre, des références relatives aux terroirs de production et aux distinctions obtenues, aux appellations d’origine telles que définies à l’article L. 115-1 du code de la consommation ou aux indications géographiques telles que définies dans les conventions et traités internationaux régulièrement ratifiés. Elle peut également comporter des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit.

Le conditionnement ne peut être reproduit que s’il est conforme aux dispositions précédentes.

Toute publicité en faveur de boissons alcooliques, à l’exception des circulaires commerciales destinées aux personnes agissant à titre professionnel ou faisant l’objet d’envois nominatifs ainsi que les affichettes, tarifs, menus ou objets à l’intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé, doit être assortie d’un message de caractère sanitaire précisant que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé.

En application de l’article L3323-3-1 du CSP, ne sont pas considérés comme une publicité ou une propagande, les contenus, images, représentations, descriptions, commentaires ou références relatifs à une région de production, à une toponymie, à une référence ou à une indication géographique, à un terroir, à un itinéraire, à une zone de production, au savoir-faire, à l’histoire ou au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager liés à une boisson alcoolique disposant d’une identification de la qualité ou de l’origine, ou protégée au titre de l’article L. 665-6 du code rural et de la pêche maritime. Ces « nouvelles » dispositions sont entrées en vigueur, le 28 janvier 2016 et font échapper aux limites posées par le code de la santé publique, les contenus d’action d’information et de promotion relatifs à une région de production, une référence ou une indication géographique ou un terroir à l’histoire et au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager liés à une boisson alcoolique disposant d’une identification de la qualité ou de l’origine, ou protégée sans pour autant autoriser le recours à ces éléments pour promouvoir une boisson alcoolique, publicité toujours soumise au régime restrictif des articles susmentionnés.

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