Les publicités pour les cavistes tombent dans le périmètre de l’interdiction de publicité illicite pour les produits de l’alcool. La Cour d’appel de Paris a confirmé la condamnation d’un éditeur de presse calédonien pour publicité illicite.
Dans son édition du 8 octobre 2018, le quotidien Les Nouvelles Calédoniennes détenu par la SAS Melchior a publié une annonce publicitaire relative à l’activité de commerce de la société Terre de Vignes. Par un arrêté n° 2018-18896/GNC-Pr du 6 décembre 2018, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a prononcé à l’encontre de la SAS Melchior une amende administrative d’un million de francs CFP pour avoir méconnu les dispositions des articles 3 et 5 de la loi du pays n° 2018-6 du 30 juin 2018 relative à la lutte contre l’alcoolisme.
Sanction d’un éditeur de presse
Il ressort des termes de l’arrêté du 6 décembre 2018 que pour prononcer à l’encontre de la SAS Melchior l’amende administrative en litige, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a estimé que l’annonce publicitaire en faveur de la société Terre de Vignes diffusée par le quotidien Les Nouvelles Calédoniennes constituait une action de communication ayant pour but ou effet direct ou indirect de promouvoir une boisson alcoolique en se fondant sur la circonstance que la société Terre de Vignes exerçait une activité de caviste mais également sur le fait qu’en publiant cette annonce publicitaire, la SAS Melchior a procédé à une » action de propagande ou de publicité » qui rappelle une boisson alcoolique.
Effet indirect de promouvoir une boisson alcoolique
Il ressort de l’annonce publicitaire en cause qu’elle comporte le nom de la société Terre de Vignes avec la mention » Une cave pas comme les autres… » ainsi que la présentation des produits de la gamme bio » épicerie fine, charcuterie locale, fromages… » associées à des éléments graphiques représentant un verre à pied à l’intérieur duquel est représentée une maison située sur des coteaux viticoles. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que cette annonce publicitaire évoque chez le lecteur la production vinicole et la vente de vin, même si elle ne comporte aucune référence expresse aux vins, spiritueux et autres alcools.
Cette annonce publicitaire doit donc être regardée comme ayant pour effet indirect de promouvoir une boisson alcoolique. Ainsi, et alors même que l’activité commerciale de caviste est autorisée par la loi, l’annonce publicitaire en faveur de la société Terre de Vignes entrait dans le champ d’application des articles 3 et 5 de la loi du pays du 30 juin 2018. La circonstance que la SAS Melchior n’aurait pas eu l’intention de méconnaître délibérément les dispositions de la loi du pays du 30 juin 2018 est sans incidence sur cette appréciation.
Il résulte des dispositions de l’article 3 de la loi du pays du 30 juin 2018 que si la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques est interdite et que cette interdiction s’applique à tous supports médias, presse, radio, internet – y compris les réseaux sociaux – dont le contenu est destiné principalement aux consommateurs calédoniens, une telle publicité est toutefois autorisée sous formes d’affichettes et d’objets à l’intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé, sous forme d’envoi par les producteurs, les fabricants, les importateurs, les négociants, les concessionnaires ou les entrepositaires, de messages, de circulaires, de catalogues et de brochures destinés aux personnes agissant à titre professionnel ainsi que lors de stages oenoliques, biérologiques et de dégustation de spiritueux.
Dans ces conditions, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que les dispositions réglementaires précitées poseraient une interdiction générale de promouvoir l’activité de caviste, ni qu’elles interdiraient aux cavistes de faire de la publicité pour des produits autres que des produits alcooliques dont ils peuvent faire commerce.
But d’intérêt général de la lutte contre l’alcoolisme
Par ailleurs, eu égard au but d’intérêt général de la lutte contre l’alcoolisme et au principe constitutionnel de protection de la santé publique découlant du 11 alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, les dispositions de l’article 3 de la loi du pays du 30 juin 2018 ne portent pas une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l’industrie, ni au principe constitutionnel de la liberté d’entreprendre.
D’une part, l’interdiction de la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques dans tous les supports de médias destinés principalement aux consommateurs calédoniens est posée par la loi du pays du 30 juin 2018 afin de lutter contre l’alcoolisme en Nouvelle-Calédonie.
Eu égard à ce but d’intérêt général et au principe constitutionnel de protection de la santé publique découlant du 11ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la différence de traitement entre les publications locales et les publications métropolitaines vendues en Nouvelle-Calédonie qui sont placées dans des situations différentes est en rapport direct avec l’objectif de la loi du pays et n’apparaît pas manifestement disproportionnée au regard de celui-ci. En tout état de cause, si la société requérante soutient que cette situation crée une grave distorsion de concurrence entre les différents acteurs de la presse calédonienne, elle ne présente aucun élément tendant à établir l’atteinte alléguée.
9. D’autre part, pour le même motif, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité dans le traitement des boissons alcooliques de moins de 1,2 degrés d’alcool par litre pour lesquelles la publicité est autorisée et des boissons alcoolique d’un degré d’alcool supérieur qui ne peuvent pas faire l’objet d’annonces publicitaires ne peut qu’être écarté.