Une demande de rupture abusive d’un contrat de distribution de DVD peut se retourner contre le demandeur. En défense, le cocontractant peut demander le paiement de redevances supplémentaires en raison de l’absence de réalisation des objectifs de chiffre d’affaires du distributeur.
Contrat de distribution de vidéogrammes
La SAS Seven sept distribue des vidéogrammes pour des éditeurs. Ces vidéogrammes sont destinés à des circuits de vente ou de location. La SARL Centre Vidéo Distribution (ci-après « CVD ») est une centrale d’achat de produits multimédias, notamment de vidéogrammes.
Alors que ces deux sociétés entretiennent des relations commerciales depuis 2008, concernant à la fois le circuit de la vente de vidéogrammes et celui de la location, elles ont conclu, un contrat dénommé « accord commercial circuit locatif » aux termes duquel la société Seven sept a confié à la société CVD la distribution à titre exclusif de vidéogrammes pour une durée de 9 mois, dans le circuit de la location uniquement.
Par courriel du 20 mars 2014, la société Seven sept a fait savoir qu’elle avait décidé d’arrêter définitivement l’exploitation du marché de la location à compter du 31 juillet 2014.
Se plaignant d’une rupture brutale de relations commerciales établies et par acte extrajudiciaire, la société CVD a assigné la société Seven sept en dommages-intérêts devant le tribunal de commerce de Paris.
Baisse du chiffre d’affaires du distributeur de DVD
La juridiction a retenu que la baisse du chiffre d’affaires du distributeur pour la vente de vidéogrammes locatifs de la société Seven sept illustrait en réalité un effondrement particulier du marché, concomitant du rachat de CVA Born access et de la durée de validité de la clause d’exclusivité entre les parties. La baisse du chiffre d’affaires du distributeur de DVD n’était donc pas liée directement à la rupture du contrat avec l’éditeur de DVD.
Les analyses de marché produites par la société Seven sept confirmaient d’ailleurs la réalité de cette crise, ou de ce pallier particulier, à l’intérieur même du déclin sur une longue période du marché du vidéogramme physique concurrencé par l’offre de vidéos à la demande ou sur internet.
En particulier, l’étude du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) produite par la société Seven sept établissait qu’entre 2011 et 2012, les recettes de l’ensemble des distributeurs en France sur le marché de la location de vidéogrammes ont baissé de 58 %.
Les statistiques du Syndicat national de l’édition vidéo numérique, qui regroupe des professionnels parmi les plus importants de l’édition, confirment que ses membres ont enregistré une baisse très importante d’activité pour l’activité location. La stratégie de croissance externe de la société CVD, qui a pu la placer en position favorable, en tant que distributeur, une fois que le marché résiduel s’est réorganisé, n’empêche pas qu’il soit établi en l’espèce que les parties, en concluant un accord commercial, avaient pleinement conscience de réagir à une accélération spectaculaire de la diminution en volume de ce marché.
En fonction de ces éléments, la conclusion du contrat de distribution a été considérée comme à durée déterminée (de quelques mois seulement) :
« Le présent contrat prend effet à sa date de signature et ce, à compter des commandes passées pour le mois de mars 2012 et s’arrêtera sans formalité le 31 décembre 2012. Les parties s’engagent toutefois à se rencontrer deux mois avant la fin du présent contrat afin de décider la reconduction ou non de leurs relations commerciales. Si aucun avenant ne prolonge le contrat, CVD pourra continuer l’exploitation des vidéogrammes achetés auprès de Seven sept mais ne pourra plus acheter de nouveaux vidéogrammes ».
Il était donc établi que la société CVD savait que non seulement ce contrat ne serait pas renouvelé sans nouvelle négociation, mais surtout et en vertu d’une stipulation expresse, que l’existence même « de leurs relations commerciales » afférentes au circuit locatif, remontant à 2008 voire à 2007 pour CVA Born access, était désormais précaire.
L’échéance de ce contrat à durée déterminée est survenue, sans que soit établie l’existence d’une négociation permettant de retenir qu’il a été renouvelé. En droit, il se déduit des éléments ci-dessus que les parties, qui ont poursuivi la relation commerciale après l’échéance du contrat à durée déterminée, l’ont simplement prorogé.
Manquements du distributeur
Cependant, il est constant que la société CVD a manqué à son engagement de chiffres d’affaires minimum garanti, Le différentiel entre le minimum garanti et ce qui a effectivement réalisé est important, au détriment de la société Seven sept qui a perdu la marge qu’elle aurait dû réaliser sur les commandes non passées par le distributeur.
Il s’en déduit qu’au plan contractuel, lorsque la société Seven sept a annoncé par un courriel interne, qu’elle arrêtait « l’exploitation du marché location au 31 juillet 2014 », il est prouvé que la société CVD, avait commis un sérieux manquement à une obligation essentielle du contrat prorogé. Par conséquent, au plan délictuel, même à supposer que la société CVD ait eu des raisons de croire que la nouvelle relation commerciale pour le circuit locatif ait été pérenne, cette société n’était pas, de toutes manières, en situation de devoir bénéficier d’un quelconque préavis.
Dans le contrat prorogé la société Seven sept n’a nullement renoncé à une indemnisation au cas de non respect du minimum de chiffre d’affaires garanti, la Cour a retenu des manquements de la société CVD à ses obligations de chiffres d’affaires minimum. Télécharger la décision