La commission de récolement des dépôts d’œuvres d’art (CRDOA) a publié son rapport d’activité annuel qui fait état, entre autres, de nombreuses plaintes pour disparitions des œuvres et du mobilier national.
Suivi des plaintes
La CRDOA a rappelé l’importance du dépôt de plainte en cas de disparition de ces œuvres et/ou du mobilier de l’État en dépôt au sein de ses institutions (y compris à l’Élysée). Il appartient aux institutions déposantes de suivre administrativement les plaintes qui doivent être déposées par les institutions dépositaires, voire de les déposer elles-mêmes lorsque cette solution paraît la plus opérante.
Le chiffre encore élevé de plaintes dont le principe a été arrêté mais qui n’ont pas encore été déposées notamment s’agissant de décisions très anciennes jamais mises en œuvre, révèle le travail qui reste à effectuer dans ce domaine.
Pistes et solutions à privilégier
La CRDOA invite à publier sur internet les notices des œuvres d’art de l’État recherchées ce qui favoriserait leur redécouverte : un professionnel ou un amateur d’art peut repérer une œuvre dans une salle de vente, une galerie, une brocante, et vouloir vérifier si cette œuvre est recherchée. Le secrétariat de la commission n’a pas voulu poursuivre la publication sur le site du ministère de la culture de l’ancienne base « Sherlock », eu égard à ses insuffisances. Il a orienté sa réflexion sur la création d’un « portail des œuvres d’art de l’État recherchées ».
Celui-ci présenterait plusieurs avantages : le portail n’est pas une base de données : il va chercher l’information là où elle est et la présente immédiatement. Les conséquences en seraient positives : gain budgétaire, aucun risque d’erreur de copie, actualisation de l’information en temps réel.
Le portail présenterait l’ensemble des œuvres recherchées, qu’elles soient déposées ou non, supprimant le risque de confusion à l’égard du grand public. Cette publication élargie autoriserait une présentation harmonisée des œuvres recherchées, qu’elles soient ou non en dépôt. Ceci permettrait également d’enrichir différentes plateformes présentant des œuvres disparues : la base TREIMA de l’office de lutte contre le trafic des biens culturels (service de police judiciaire) et la base de données d’INTERPOL.
Après avoir eu différents échanges avec les administrations concernées du ministère de la culture en 2019, le secrétariat de la CRDOA a conclu qu’il n’était pas approprié de créer ou recréer de toute pièce un tel portail, mais qu’il fallait concevoir celui-ci dans le cadre des développements en cours d’applications d’inventaires au sein du ministère de la culture.
Récolement des œuvres déposées
Pour rappel, la CRDOA est née de la constatation par la Cour des comptes, en 1997, qu’un effort de rigueur s’imposait dans la gestion des importantes collections d’objets mobiliers et d’œuvres d’art détenues par certaines institutions qui en confiaient la garde et le bon usage à d’autres administrations publiques dépositaires.
De nombreuses et graves insuffisances furent constatées, en particulier s’agissant du récolement, c’est-à-dire du recensement « sur pièce et sur place », de ces collections. Créée en 1996, la commission avait deux ans pour mettre en œuvre le récolement des œuvres déposées depuis deux siècles par plusieurs services de l’État dans les musées et dans de nombreuses autres institutions.
Des missions de récolement des dépôts d’œuvres d’art ont ainsi été conduites par les principales institutions déposantes (musées nationaux, Mobilier national, Centre national des arts plastiques et Manufacture de Sèvres pour l’essentiel) chez un très grand nombre de dépositaires (musées de France, grandes institutions publiques, administrations et multiples collectivités en France et à l’étranger).
Défaillance des institutions dépositaires
La plupart des institutions dépositaires sont tenues de fournir chaque année aux institutions déposantes un état des œuvres en dépôt dont elles bénéficient : c’est ce que prévoient les textes relatifs au Centre national des arts plastiques, au Mobilier national et bientôt à l’établissement public Cité de la céramique – Sèvres et Limoges.
Or nombre d’institutions dépositaires ne respectent pas cette obligation, y compris de grandes institutions ou des ministères. Il appartient donc aux institutions déposantes concernées de rappeler leurs institutions dépositaires à cette responsabilité, qui facilite considérablement le travail de récolement.
Le réseau préfectoral constitue un cas particulier puisqu’il mobilise des centaines de personnes chaque année pour la constitution de cet inventaire. Or les remontées statistiques des préfectures ne correspondent souvent pas avec les données des institutions déposantes. Afin d’harmoniser les saisies de données et d’en faciliter le traitement, la CRDOA travaille en lien avec les services compétents du ministère de l’intérieur à l’élaboration d’un tableau type d’état annuel.
Mécanisme juridique de transfert des œuvres
De nombreux dépôts ont été consentis depuis très longtemps, parfois au XIXe siècle, sans que leur emplacement ou leur statut n’aient été modifiés depuis. Plusieurs instruments juridiques permettent le transfert de propriété publique de ces biens.
En premier lieu, l’article L. 451-9 du code du patrimoine prévoit que : « Les biens des collections nationales confiés par l’État, sous quelque forme que ce soit, à une collectivité territoriale avant le 7 octobre 1910 et conservés, au 5 janvier 2002, dans un musée classé ou contrôlé en application de l’ordonnance n° 45-1546 du 13 juillet 1945 portant organisation provisoire des musées des beaux-arts et relevant de cette collectivité deviennent, après récolement, la propriété de cette dernière et entrent dans les collections du musée, sauf si la collectivité territoriale s’y oppose ou si l’appellation « musée de France » n’est pas attribuée à ce musée.
Toutefois, si, au 5 janvier 2002, le bien en cause est conservé dans un musée classé ou contrôlé en application de l’ordonnance n° 45-1546 du 13 juillet 1945 précitée relevant d’une collectivité territoriale autre que celle initialement désignée par l’État, la collectivité territoriale à laquelle la propriété du bien est transférée est désignée après avis du Haut Conseil des musées de France. Les dispositions des alinéas précédents ne s’appliquent pas aux biens donnés ou légués à l’État. »
De nombreux transferts de propriété publique ont été réalisés depuis un certain nombre d’années. Ainsi, le nombre total de transferts de propriété depuis la loi musée en 2002 est de 9 571 biens, SMF et Cnap confondus dont 349 pour la seule année 2019.
Par ailleurs, l’article L. 125-1 du code du patrimoine permet le transfert à titre gratuit d’un bien culturel entre personnes publiques, dès lors que la personne publique bénéficiaire s’engage à affecter le bien à un musée de France ou à un autre service public culturel accessible au public. Dans ce type de situation, un certain nombre de biens, qui doivent être examinés au cas par cas, pourraient faire l’objet d’un transfert à la personne publique dont relève le lieu dépositaire.