Mercosur : moins de protection pour les IGP ?

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Les indications géographiques (IG) revêtent une importance capitale pour les territoires, car ils sont conçus pour protéger et promouvoir les aliments et les boissons associés à une région ou à une tradition particulière. Les accords entre l’Union européenne et les pays du marché commun du sud (Mercosur) visent à améliorer les conditions d’accès aux marchés des pays du Mercosur des vins et spiritueux ou sur la protection des indications géographiques (IG) mais suscitent des inquiétudes.  

Un Accord politique

Un accord politique a été annoncé le 28 juin 2019 concernant les négociations d’un accord commercial entre l’UE et le Mercosur initiées il y a 20 ans. S’agissant d’un accord d’association, il devra être approuvé à l’unanimité par le conseil de l’Union européenne, puis par le Parlement Européen, avant de pouvoir être signé par l’Union européenne et ses États membres.

Toutefois, le gouvernement français a exprimé son opposition au projet d’accord commercial UE-Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) signé en 2019. Un rapport récent souligne les risques environnementaux qu’implique cet accord, en particulier en matière de déforestation de l’Amazonie. Ce rapport pointe également de nombreux autres déséquilibres.

Dans son évaluation du potentiel commercial pour l’UE, le rapport identifie également quatre écueils :

  • l’asymétrie des relations commerciales entre l’UE et le Mercosur (spécialisation des pays du Mercosur dans l’exportation de produits agricoles et agroalimentaires, l’accord sous sa forme actuelle, étant susceptible d’accentuer ce déséquilibre) ;
  • l’hétérogénéité des résultats pour l’UE entre des secteurs gagnants (industrie et services) et perdants (agriculture et agroalimentaires) ;
  • le déséquilibre de concurrence résultant du mode de production suivi par les filières agricoles dans les pays du Mercosur (au niveau de la protection environnementale et sanitaire) ;
  • l’absence d’un mécanisme de protection spécifique des filières de production agricole les plus exposées à la concurrence.

Pour les parties de l’accord relevant de compétence exclusive de l’Union, il pourrait alors entré en application provisoire. S’agissant d’un accord mixte, il ne sera définitivement conclu qu’une fois ratifié par l’ensemble des États membres.

Sur l’ensemble de l’accord, le Président de la République a eu l’occasion de s’exprimer, en marge du sommet du G20 à Osaka fin juin puis à plusieurs reprises depuis. Ce processus est construit de la même manière que celui réalisé sur l’accord UE-Canada (CETA), par la nomination d’un Comité d’experts indépendants et la réalisation d’études d’impact, tant sur le plan macroéconomique et environnemental que sur certaines filières sensibles (par les inspections des ministères de l’agriculture, de l’écologie et de l’économie et des finances).

En tout état de cause, une entrée en vigueur provisoire sur la partie commerciale de l’accord, n’interviendra pas avant fin 2020.

Démantèlement des droits  

En ce qui concerne les vins et spiritueux, les droits sur les spiritueux seront démantelés en 4 ans, ceux sur les vins pour la plupart démantelés en 8 ans (8 ans pour le champagne, 12 ans pour les autres vins mousseux d’un prix inférieur ou égal à 8 USD/l et immédiatement pour les autres vins mousseux d’un prix supérieur à 8 USD/l, 8 ans pour les vins tranquilles et les vermouths et vins aromatisés en récipients inférieur ou égal à 5 litres).

Seul un droit de douane de 27% est maintenu sur les vins tranquilles en récipients supérieur à 5 litres et sur les vermouths et vins aromatisés en récipients inférieur ou égal à 5 litres.

L’accord contient une annexe sur les vins et spiritueux, dont l’objectif est de régler un certain nombre d’aspects techniques sur divers sujets (étiquetage, pratiques œnologiques, analyses, etc…) afin d’éviter des difficultés lors de l’importation des produits sur le marché de destination. L’accord fait une référence très claire aux normes et définitions de l’OIV.

L’accord prévoit également les conditions d’utilisation de certains termes spécifiques qui sont des mentions traditionnelles dans différents pays de l’UE (Italie, Espagne et Portugal en particulier) et inclut des dispositions sur la certification des vins et spiritueux. Enfin, un sous-comité sur le commerce des vins et spiritueux est mis en place, qui devrait permettre de traiter de toutes questions relatives à la mise en œuvre de l’accord.

Le Mercosur reconnaîtra 355 Indications géographiques (IG) européennes dont 63 IG françaises (49 dès l’entrée en vigueur). Certaines de ces IG seront assorties de périodes transitoires dont les durées agréées, paraissent acceptables. Pour le cognac, une période transitoire de 7 ans en Argentine et au Brésil est envisagée à ce stade (inclues les traductions de Conhaque à base de vin). Pour la France, seule une IG, Gruyère, sera soumise au régime moins favorable de la coexistence avec les marques antérieures.

Un niveau de protection inférieur des IG ?

Selon la Commission européenne, les IG devraient bénéficier d’un régime de protection comparable au régime de protection européen. Toutefois, le régime privilégié dans la région du Mercosur étant favorable au système des marques, il est difficile d’espérer un niveau de protection optimal qui aille nettement au-delà des obligations minimales de l’accord de l’OMC sur la protection de la propriété intellectuelle (ADPIC).

Les pays du Mercosur auront seulement une obligation d’action administrative pour protéger les IG. L’utilisation d’expressions du type ‘kind’, ‘type’, ‘style’, ‘imitation’ et de symboles qui font allusion à une origine géographique seront interdites. De nouvelles IG pourront être ajoutées ultérieurement à la liste (« liste ouverte »). Mais la coexistence des marques antérieures de bonne foi et leur renouvellement ou des variantes seront permises, sans limite dans le temps ce qui tendra à affaiblir notablement les bénéfices de l’accord pour certaines IG.

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