La représentation officielle de la « Marque Laguiole » n’existe pas en tant que telle mais se décline en plusieurs marques dont certaines ont été annulées à ce jour. Les indications portant sur la garantie offerte d’une protection contre la contrefaçon laissant croire que les produits vendus par une société seraient protégés au détriment de ceux des concurrents, sont trompeurs dès lors qu’ils sont susceptibles de convaincre le consommateur raisonnablement attentif et avisé, de la légitimité exclusive de toute autre, de tous les produits vendus par la société.
Marque « officielle » Laguiole ?
Le fait de se présenter comme représentant ‘ la marque Laguiole’ n’est pas en soi mensonger mais néanmoins imprécis et source de confusion puisqu’il n’existe pas une ‘Marque Laguiole’ mais plusieurs marques composées du nom Laguiole dont l’exploitation a été concédée à un licencié. Et s’arroger sous ces différents titres critiqués, un caractère ‘officiel’ sans autre précision peut laisser croire à une légitimité particulière de représentation d’une marque unique donnée par personne habilitée et authentifiante qui dénie a contrario toute légitimité aux autres commerçants et même à ceux fabriquant localement et vendant des couteaux originaires de Laguiole parmi lesquels la société Forge de Laguiole.
Si l’utilisation du mot Laguiole (expression générique), ne peut être interdite, il n’en demeure pas moins que le fait de se présenter sous le terme ‘Laguiole’ sans autre élément de différenciation, ajouté aux titres critiqués comme au discours d’une garantie contre la contrefaçon, est susceptible de conforter le client dans cette croyance erronée quant à l’identité, les qualités du professionnel au seul visa de l’article de l’article L.121-1, 2° f, du code de la consommation.
Tromperie commerciale
Le discours axé sur la fabrication artisanale et la confusion entretenue quant à l’identité de ‘Forge de Laguiole’ conjugués à l’attractivité d’articles à moindre coût est aussi de nature à modifier substantiellement le comportement économique de ce même consommateur alors convaincu de pouvoir se procurer un couteau artisanal Laguiole à moindre frais. En trompant ainsi le consommateur, la société a réalisé un détournement de clientèle et s’est assurée un avantage concurrentiel indu au préjudice de ses concurrents (15 000 euros de dommages et intérêts).
Forge de Laguiole c/ Bee design
La société Forge de Laguiole, manufacture créée en 1987 ayant pour activité la fabrication de couteaux dits « laguiole », positionnée sur l’édition de couteaux d’exceptions avec des partenaires designers de renom, a obtenu la condamnation de la société Bee design pour pratiques commerciales déloyales. Cette dernière a pour activité la commercialisation, via son site Internet, d’une large gamme de couteaux de type laguiole fabriqués par des artisans français, ainsi que divers produits de fabrication industrielle de qualité, d’art de la table, de coutellerie, vaisselle, couverts et accessoires sous les marques « laguiole » dont elle est licenciée non inscrite. Son site est désigné comme « le site officiel de la marque Laguiole® » et elle est également membre, en tant que revendeur, de la fédération française de la coutellerie, association créée en 1999 de représentation et de défense de la coutellerie française.
Notion de pratique commerciale déloyale
L’article L.121-1 du code de la consommation interdit la pratique commerciale déloyale et la définit comme étant celle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qui altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service. Au sens de ces dispositions, une pratique commerciale est réputée trompeuse soit quand elle contient des informations fausses, soit quand elle est susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen, et qu’elle est en outre de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique de celui-ci en le conduisant à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. L’article L.121-2,1° du code de la consommation retient le caractère trompeur d’une pratique commerciale lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une- marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d’un concurrent.
Entretien délibéré du risque de confusion
Le concurrent a notamment utilisé la dénomination sociale et la manufacture de son concurrent (Forge de Laguiole) sans mentionner que la société Forge de Laguiole en était le propriétaire et l’exploitant exclusif, dans un discours laissant croire à un consommateur moyennement attentif que Forge de Laguiole se réduisait à un regroupement informel d’artisans créateurs, un lieu d’émergence de talents dont la société Bee design bénéficiait in fine. Ce faisant, la société concurrente incitait le consommateur à penser que Forge de Laguiole était l’atelier de l’exploitant du site susceptible d’être visité et pouvait laisser croire que certains produits vendus par la société Bee design avaient été conçus dans cet atelier ou que les articles qui y était fabriqués pouvaient se trouver en vente sur le site de la société Bee design. Télécharger la décision