27 avril 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/02342

Notez ce point juridique

VC/PR

ARRÊT N° 202

N° RG 22/02342

N° Portalis DBV5-V-B7G-GUHH

S.A.S. COUGNAUD

C/

[D]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 27 AVRIL 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 septembre 2022 rendu par le Conseil de Prud’hommes de LA ROCHE SUR YON

APPELANTE :

S.A.S. COUGNAUD

N° SIRET : 892 298 324

[Adresse 1]

[Localité 3]

Ayant pour avocat Me Xavier ORGERIT de la SELARL ATLANTIC-JURIS, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

INTIMÉ :

Monsieur [I] [D]

né le 07 octobre 1970 à [Localité 5] (85)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Ayant pour avocat Me Suzanne LAPERSONNE de la SARL BIDEAUD- LAPERSONNE, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIÈRE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat à durée indéterminée du 11 avril 2018, la SAS Cougnaud a engagé M. [I] [D] en qualité d’électricien à compter du 16 avril 2018.

Le 26 juillet 2022, M. [D] a rencontré le médecin du travail qui a établi un avis d’aptitude accompagné d’un document faisant état de proposition de mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 3 août 2022, la société Cougnaud a saisi le conseil de prud’hommes de La Roche Sur Yon d’une contestation de cet avis d’aptitude.

Par jugement du 7 septembre 2022, le conseil de prud’hommes, statuant selon la procédure accélérée au fond, a confirmé l’avis d’aptitude prononcé le 26 juillet 2022 par le Dr [V], médecin du travail, au profit de M. [D] et a débouté la société Cougnaud de sa demande de désignation d’un médecin inspecteur du travail.

Le 20 septembre 2022, la société Cougnaud a interjeté appel, par voie électronique, du jugement en toutes ses dispositions.

Par conclusions notifiées le 14 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens, la société Cougnaud demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et de :

– A titre principal, requalifier l’avis d’aptitude du 26 juillet 2022 en un avis d’inaptitude assorti de préconisations de reclassement,

– A titre subsidiaire, confier au médecin inspecteur du travail toute mesure d’instruction pour qu’il puisse émettre un avis sur l’aptitude de M. [D] en tenant compte de son poste de travail,

– En tout état de cause, débouter M. [D] de ses demandes.

Se fondant sur l’article L.4624-7 du code du travail, elle soutient que l’avis d’aptitude présente en réalité les caractéristiques d’un avis d’inaptitude au regard des préconisations conséquentes d’aménagement du poste de travail. Elle ajoute qu’il avait été indiqué au médecin du travail l’absence de poste de travail à temps partiel dans le cadre d’un système de production en équipe décalée et que malgré cette information, le médecin du travail a considéré que M. [D] était apte à un poste à temps partiel par demi-journée de 4 heures. Elle estime que le médecin du travail ne pouvait pas opter pour un avis d’aptitude alors que l’aménagement demandé n’était pas possible. Elle rappelle qu’elle a une activité de production industrielle, qu’elle fonctionne avec des horaires d’équipe, que les salariés se relaient dans le cadre d’un horaire de travail collectif, que les salariés sont quasiment tous employés à temps plein et que l’introduction d’un salarié effectuant 4 heures de travail dans une équipe pose une impossibilité organisationnelle. Elle souligne qu’il lui serait en outre impossible d’embaucher un autre salarié pour compléter le temps de travail de M. [D] puisque la durée minimale de travail est fixée à 24h. Elle insiste sur le fait que les aménagements temporaires qui ont pu être faits ne peuvent être considérés comme la preuve de la possibilité d’un aménagement définitif car il s’agissait seulement d’un fonctionnement dégradé de la production. Elle conteste avoir une attitude discriminatoire, affirmant mettre en oeuvre l’ensemble des moyens utiles et possibles à la prise en compte des préconisations médicales.

Par conclusions notifiées le 5 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens, M. [D] demande à la cour de confirmer le jugement attaqué, de débouter la société Cougnaud de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Il se fonde sur les articles L.4624-3 et L.4624-4 du code du travail pour affirmer que le médecin du travail a émis un avis d’aptitude avec des mesures individuelles d’accompagnement, d’adaptation ou de transformation de son poste de travail, après avoir échangé avec lui et l’employeur. Il estime que les restrictions énoncées sont moins importantes que celles en vigueur puisque le travail en élévation des bras et en flexion du tronc ainsi que le travail sur le poste ‘toit’ sont possibles. Il considère que son employeur fait preuve d’une mauvaise volonté délibérée dans la mise en oeuvre de cet avis d’aptitude dans la mesure où il n’y a aucune difficulté d’organisation insurmontable. Il rappelle que la période de mi-temps thérapeutique de 14 mois a permis de démontrer que la solution d’un temps partiel est possible. Il indique que son collègue de travail, M. [J], qui occupe le même poste que lui, s’est vu octroyer un avenant à temps partiel en juin 2022. Il fait valoir que les salariés intérimaires peuvent également pratiquer des horaires de journées individualisés. Il soutient qu’il est affecté sur des missions temporaires de courte durée sans aucun respect des restrictions d’aptitude et dans des conditions particulières inconfortables et que son employeur a adopté une attitude discriminatoire en durcissant ses conditions de travail.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2023 et l’affaire fixée à l’audience du 22 février 2023 lors de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date du 27 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’article L. 4624-7 du code du travail (modifié par l’ordonnance du 22 septembre 2017, par l’ordonnance n° 2019-738 du 17 juillet 2019 et en dernier lieu la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021) prévoit que :

« I.-Le salarié ou l’employeur peut saisir le conseil de prud’hommes selon la procédure accélérée au fond d’une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4. Le médecin du travail, informé de la contestation par l’employeur, n’est pas partie au litige.

II.-Le conseil de prud’hommes peut confier toute mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l’éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. Celui-ci, peut, le cas échéant, s’adjoindre le concours de tiers. A la demande de l’employeur, les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail, à l’exception des données recueillies dans le dossier médical partagé en application du IV de l’article L. 1111-17 du code de la santé publique, peuvent être notifiés au médecin que l’employeur mandate à cet effet. Le salarié est informé de cette notification.

III.-La décision du conseil de prud’hommes se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés.

IV.-Le conseil de prud’hommes peut décider, par décision motivée, de ne pas mettre tout ou partie des honoraires et frais d’expertise à la charge de la partie perdante, dès lors que l’action en justice n’est pas dilatoire ou abusive. Ces honoraires et frais sont réglés d’après le tarif fixé par un arrêté conjoint des ministres chargés du travail et du budget.

V.-Les conditions et les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’Etat. »

Il s’ensuit que la contestation dont peut être saisi la juridiction prud’homale doit porter sur l’avis du médecin du travail. Le juge peut, dans ce cadre, examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s’est fondé pour rendre son avis. Il substitue à cet avis sa propre décision, après avoir le cas échéant ordonné une mesure d’instruction.

Il résulte par ailleurs des articles L. 4624-3 et L. 4624-4 du code du travail, d’une part, que le médecin du travail peut proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l’employeur, des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l’état de santé physique et mental du travailleur, d’autre part, que ce n’est que s’il constate, après avoir procédé ou fait procéder à une étude de poste et avoir échangé avec le salarié et l’employeur, qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste, que le médecin du travail déclare le travailleur inapte à son poste de travail.

La déclaration d’inaptitude vise donc l’inaptitude médicale du salarié à occuper son poste. Elle suppose qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail n’est possible et que l’état de santé du salarié justifie un changement de poste. Il s’ensuit que la circonstance que les mesures d’aménagement préconisées entraînent une modification du contrat de travail du salarié n’implique pas, en elle-même, la formulation d’un avis d’inaptitude (Soc., 24 mars 2021, pourvoi n° 19-16.558).

En l’espèce, il résulte de la fiche de poste que l’électricien, au sein de la société Cougnaud, a la fonction suivante :’Au sein de l’équipe de production, l’électricien/ne, rattaché (e) au chef d’équipe, est en charge d’assurer les actions d’électricité, intérieur et extérieur du module (tableau électrique, armoire générale, appareillage électrique, actions chantiers, SAV/résolution de pannes) conformément aux règles de sécurité, qualité et délais. Il/elle est pleinement impliqué(e) dans l’analyse des problèmes et est force de proposition dans l’amélioration continue. L’électricien/ne peut être amené(e) à travailler en chantier sous la responsabilité du chef de chantier, dans ce cas, en plus des opérations d’électricien, il peut être sollicité pour des missions plus polyvalente.’. Au titre de ses principales responsabilités, il appartient à l’électricien, et donc à M. [D], de :

‘- SECURITE

* respecter les règles collectives et individuelles,

* être moteur dans les axes d’amélioration sécurité,

– AMELIORATION CONTINUE

* être force de proposition sur tous les domaines (sécurité, qualité, productivité) vis-à-vis des conducteurs de ligne et chef d’équipe,

– QUALITE

* respect des procédures,

* être force de proposition pour faire évoluer nos standards de fabrication,

* savoir réaliser un auto-contrôle,

* effectuer un contrôle intermédiaire ou final,

– TRANSMISSION DU SAVOIR

* accompagner les nouveaux arrivants,

* transmettre les bonnes pratiques

° sécurité

° qualité

° organisation de poste

– ENREGISTREMENT GTA

* s’enregistrer sur GTA en badgeant sur l’affaire (code barre) sur laquelle il/elle va commencer à travailler,

* s’enregistrer sur toutes autres affaires sur lesquelles il/elle travaille dans la journée,

– CABLAGE DES TABLEAUX ELECTRIQUE

* débiter des câbles,

* équiper les tableaux des options spécifiques,

* cabler les tableaux électriques,

– CABLAGE DES TOITS

* poser le tableau électrique,

* poser l’appareillage plafond,

* câbler de l’appareillage,

– EQUIPEMENT DU MODULE

* poser les appareillages/équipements électrique,

* raccorder les appareillages électriques,

* préparer la liaison chantier,

– TESTS ELECTRIQUES

* alimenter le module,

* contrôler le bon fonctionnement des équipements,

* détecter les pannes,

* réparer les défauts,

– MONTAGE CHANTIER

* lier les modules en chantier,

* alimenter le bâtiment,

* détecter les pannes,

* réparer les défauts,

– REALISATION DES ARMOIRES GENERALES

* cabler et équiper les armoires,

– MAINTENANCE DE NIVEAU 1

* réaliser la maintenance de niveau 1 (alerter si besoin)’

L’attestation de suivi établie par le médecin du travail le 24 octobre 2018, mentionne les préconisations suivantes concernant M. [D] : ‘Pas de soulèvement de charges supérieures à 15kg, pas de travail en élévation des bras ou en flexion du tronc prolongée. Pas de travail en hauteur supérieure à 3m. Le poste ‘Toit’ est contre indiqué ainsi que les déplacements sur chantier. Apte à la conduite de pont élévateur. A revoir en juin 2019 ou plus tôt si nécessaire’.

M. [D] explique sans être contredit par son employeur que ce dernier a su mettre en place les préconisations du médecin du travail sans difficulté ni problème d’organisation dans l’entreprise. La société Cougnaud ne conteste pas les déclarations de M. [D] selon lesquelles il a été placé en arrêt de travail en septembre 2019 et qu’ensuite, il a bénéficié d’un mi-temps thérapeutique pendant quatorze mois. Cette situation est corroborée par le mail du 29 juin 2022 envoyé par Mme [F] [O], infirmière au service santé au travail, à l’attention de la société Cougnaud dans lequel elle indique :

‘Vous trouverez ci-joint l’avis du médecin du travail concernant M. [D] [I] : ‘Poursuite à temps partiel par demi-journée de 5h maximum sans soulèvement de charges supérieures à 15kg, dans ce cas une pause au bout de 3h travaillées est nécessaire. Pas d’activité de plus de 4h/jour sans pause. Le travail en élévation des bras est possible sur quelques tâches mais est à éviter de façon prolongée. Utiliser la PIRL pour limiter cette contrainte. Eviter le travail prolongé ou répétitif en flexion inclinaison du tronc. Apte à la conduite de pont et nacelle. Pas de travail en hauteur supérieure à 3m, pas de déplacement. Intérêt de chaussures de sécurité plus légères et souples possible. A revoir dans un 1 an ou plus tôt si nécessaire.’ Pour rappel le temps partiel thérapeutique de M. [D] prend fin demain. L’attribution d’une pension d’invalidité au 01/07 entraîne automatiquement une diminution de son temps de travail (défini par le médecin du travail)…’

Le 30 juin 2022, M. [M] [C], responsable usine CGD3, a indiqué à Mme [O] et à M. [U] [R], responsable RH, que s’il avait pu, pendant le temps partiel thérapeutique de M. [D] adapter l’organisation sur une durée de 2 mois, il ne pouvait plus ‘adapter les contraintes du médecin du travail dans l’organisation de l’usine CGD3 (notamment format de 5h00 avec pause au bout de 4h00 incompatible sur le long terme).’

Le 30 juin 2022, M. [R] a écrit un mail au Dr [V], médecin du travail, en ces termes:

‘la limitation du poste de travail de M. [D] à 05h par jour n’est pas possible à pérenniser dans le cadre de nos organisations fixées à 7,18h. Nous avons pu le mettre en place ces derniers mois dans l’objectif d’aider M. [D] à reprendre une activité à temps plein. Force est de constater que sa mise en invalidité 1ère catégorie limite à long terme sa capacité de travail. Cette limitation ne peut pas s’inscrire dans le schéma de nos organisations. Je souhaite pouvoir échanger de vive voix avec vous sur cette situation.’.

Il est donc établi que la société Cougnaud Construction a donc pu mettre en place les préconisations du médecin du travail pendant le mi-temps thérapeutique de M. [D] sans qu’aucune difficulté particulière ne soit relevée et que la seule observation de l’employeur sur la poursuite d’un travail à temps partiel du salarié portait sur la limitation à 5h par jour de travail.

Dans un mail du 7 juillet 2022, M. [E] [Z], directeur des ressources humaines, a expliqué au médecin du travail :

‘..je vous confirme que nous ne pouvons malheureusement pas accéder à votre requête en accordant un temps partiel de 5h par jour en équipe décalée à M. [I] [D] sur une période pérenne. En effet, notre organisation de travail au sein d’une équipe en horaire décalée n’a pas la possibilité sur du long terme d’y intégrer des horaires individualisés. Nous avons pu, à plusieurs reprises, créer des postes sur des horaires aménagées mais sur des courtes durées et en fonction des projets de fabrication en cours. Seulement, ces aménagements exceptionnels sont dans un cadre d’organisation en mode dégradé et surtout dans le seul objectif d’accorder un délai supplémentaire au salarié afin qu’il puisse reprendre le plus rapidement possible une activité à temps plein. Bien entendu, nous continuerons cette démarche dans la mesure du possible afin que le salarié puisse reprendre à temps plein dans de bonne condition. Malheureusement, concernant M. [D], vous nous avez confirmé qu’il ne pourra jamais reprendre son poste à temps plein. Par conséquent, je vous remercie de bien vouloir prévoir une nouvelle visite médicale afin de le déclarer en inaptitude sur son poste de travail et pour que l’on puisse engager, le plus rapidement possible, la procédure de recherche de reclassement…’.

Le médecin du travail a toutefois émis un avis d’aptitude concernant M. [D], le 26 juillet 2022, accompagné des mesures individuelles suivantes :

‘Les préconisations de travail a temps partiel effectuées lors de la visite du 29/06/2022 du temps partiel thérapeutique ne seront pas pérennisées à la fin de cette période.

Un retour en atelier à temps plein est contre-indiqué.

Une recherche de poste adapté en électricité ou à défaut sur un autre poste respectant les restrictions suivantes peut être lancée au sein de l’entreprise.

Rappel des préconisations :

Poste à temps partiel par demi-journée de 4 h sans soulèvement de charges supérieures à 15kg.

Le travail en élévation des bras est possible sur quelques tâches mais est à éviter de façon prolongée (utiliser la PIRL pour limiter cette contrainte).

Eviter le travail prolongé ou répétitif en flexion ou inclinaison du tronc.

Pas de travail en hauteur supérieure à 3m, pas de déplacement.

Apte à la conduite de pont et nacelle.

lntérêt de chaussures de SECURITE les plus légères et souples possible.

M. [D] sera revu après quelques jours d’affectation au poste pour validation.’

et a envoyé un mail à Messieurs [Z] et [R] le 27 juillet 2022 en leur expliquant avoir échangé avec le Dr [W], médecin inspecteur du travail, et considérer que M. [D] ‘n’est pas inapte au poste d’électricien mais le travail à temps plein en atelier est contre indiqué. Si l’entreprise ne peut le maintenir, pour des raisons organisationnelles, au poste occupé, une recherche de poste adapté peut être lancée, les restrictions posées peuvent justifier une modification du contrat de travail.’

Il s’ensuit que le médecin du travail, après échanges avec l’employeur et consultation du médecin inspecteur du travail, a préconisé des mesures d’aménagement individuelles du poste de travail de M. [D] ainsi qu’une mesure d’aménagement de son temps de travail en tenant compte de l’état de santé du salarié et des contraintes évoquées par l’employeur dans ses différents mails. Il s’avère que le principal désaccord de la société Cougnaud porte sur l’aménagement du temps de travail préconisé par le médecin du travail. Elle produit, dans ce cadre, une attestation établie le 20 février 2022 par M. [M] [C] qui indique :

‘ A ce jour, l’organisation industrielle de CGD3 dans laquelle travaille M. [D] est organisé avec 2 lignes de production cadencé à un takt time figé : toutes les 42 min ou 52 min, la ligne avance, 1 module sort de l’usine. Chaque collaborateur est donc posté sur les lignes de production et est affecté à des tâches d’assemblage selon sa compétence (Elec, plombier, monteur..). Cette organisation nous contraint d’avoir pour chaque poste : 1 collaborateur présent pendant 7h18 (de 5h à 12h28 ou 13h à 20h51) temps de travail journalier. M. [D], en tant qu’électricien, embauché à temps plein, dispose d’un poste à temps plein pour effectuer les raccordements et les branchements électriques de nos modules. Les restrictions actuelles d’aptitude de M. [D] sur un poste d’électricien, nous contraignent à le faire travailler pendant 4h alors que la ligne est cadencée sur une journée de 7h18, il nous faut donc solliciter un autre collaborateur pendant 3h18 : ce qui n’est pas envisageable aux vues des pénuries actuelles de personnel qualifié sur le marché du travail. Dans les mois passés, nous avons pu proposer à M. [D] une mission temporaire pendant sa période de temps partiel thérapeutique, car l’organisation de notre atelier n’était pas encore figée sur l’organisation industrielle décrite ci-dessus. Et nous disposions de tâches annexes de préparation de sous ensemble (passage de câble dans les toits). Aujourd’hui, nous n’avons plus de postes disponibles pour un électricien en dehors de cette ligne de production. Le seul poste pouvant être confié à un électricien étant déjà occupé par un autre collaborateur qui travail à temps partiel. D’autres postes à temps partiel sont ouverts ponctuellement sur les métiers de plomberie ou de menuiserie. Ces postes nécessitant des compétences techniques éloignées de l’électricité sont réservés en priorité aux salariés à mi-temps thérapeutique afin d’aider les collaborateurs à retrouver leurs pleines capacités physiques. Par conséquent, je ne suis pas en capacité de créer un poste à temps partiel sur nos lignes de production qui sont calés sur un rythme 2h7h18. Une restriction d’aptitude médicale qui limiterait la journée de travail inférieur au rythme de production ne répondrait donc pas aux besoins de production de mon atelier. De plus, la limitation de présence de M. [D] 4h par jour aura des impacts forts sur :

– les formations : les sessions de formation sécurité, produit, process, métier sont basées sur des journées de 7 h continue,

– les brieffing et animation d’équipe : les chefs d’équipe ou les conducteurs de ligne sont amenés à réaliser des briefing Sécurité, Qualité, Cout. Avec 4heures de présence par jour, M. [D] n’aura que partiellement les infos de la vie collective des équipes,

– en arrivant en milieu de journée, il rejoint un collectif de travail déjà lancé. Je donne souvent cette image à mes équipes : un joueur de foot titulaire qui rejoint son équipe à la mi-temps ne peut pas contribuer à la performance collective : il met déjà ses collègues en difficulté dès le début du match. Cette situation génère des tensions chez d’autres collaborateurs présents toute la journée.

– si demain, suite à une baisse d’activité, je suis contraint de faire de la mobilité entre usines et les chantiers, je serai incapable de garantir une activité en chantier avec déplacements régionaux, nationaux ou de garantir une activité de 4h00 au sein d’une autre usine. Aujourd’hui, nous occupons M. [D] par des activités exceptionnelles liées à des non-qualités de nos fournisseurs. Ces activités ne sont pas pérennes.’

Si M. [C] explique parfaitement l’organisation de la chaîne d’activité industrielle ainsi que les difficultés à y intégrer un travail à temps partiel de 4h par jour, la cour observe toutefois que :

– M. [C] confirme qu’un salarié employé en qualité d’électricien, comme M. [D], bénéficie d’un temps partiel et que M. [D] n’est pas contredit lorsqu’il indique, dans ses conclusions, que M. [J] s’est vu accorder un avenant à temps partiel en juin 2022,

– la société Cougnaud qui soutient que l’organisation de la chaîne de travail rend impossible la mise en oeuvre de l’aménagement du temps de travail de M. [D] tel que préconisé par le médecin du travail, ne justifie cependant pas des raisons pour lesquelles elle ne pourrait pas procéder aux mêmes adaptations que pour M. [J],

– depuis 2018, la société Cougnaud a parfaitement su mettre en oeuvre les préconisations du médecin du travail concernant l’aménagement et l’adaptation du poste de travail de M. [D] et qu’elle a également parfaitement su mettre en oeuvre les préconisations du médecin du travail concernant l’aménagement du temps de travail dans le cadre du mi-temps thérapeutique,

– depuis septembre 2022, la société Cougnaud a tenu compte de l’avis rendu le 26 juillet 2022 par le médecin du travail en proposant à M. [D] de réaliser des tâches temporaires qui ‘correspondent pour partie des tâches à celles d’un électricien dans le cadre de la nécessaire polyvalence demandée pour tous nos collaborateurs’ ainsi que cela ressort des pièces 9 à 14 produites par M. [D].

Il s’ensuit que l’employeur ne rapporte pas la preuve de l’impossibilité de mettre en oeuvre les aménagements du poste occupé par M. [D] , tels que préconisés par le médecin du travail dans son avis du 26 juillet 2022. Il n’est par conséquent pas justifié de substituer un avis d’inaptitude à l’avis d’aptitude avec réserve émis par le médecin du travail.

Dès lors, et sans qu’il ne soit utile d’ordonner une expertise (et ce d’autant plus que le médecin inspecteur du travail a déjà été consulté par le médecin du travail), il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

La société Cougnaud qui succombe doit supporter les dépens d’appel mais également ceux exposés en première instance, le conseil de prud’hommes ayant omis de statuer sur ce point.

Enfin, il serait inéquitable de laisser supporter à M. [D] l’intégralité des frais exposés pour les besoins de l’instance. La société Cougnaud est condamnée à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x
Scroll to Top