27 avril 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/00071

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MHD/LD

ARRET N° 193

N° RG 21/00071

N° Portalis DBV5-V-B7F-GFFQ

[J]

C/

URSSAF DU LIMOUSIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 27 AVRIL 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 décembre 2020 rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de LIMOGES

APPELANT :

Monsieur [K] [J]

né le 07 Mars 1961 à [Localité 10] (POLOGNE)

[Adresse 3]

[Localité 5]

Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS, substitué par Me Charlotte JOLY de la SCP BCJ BROSSIER-CARRE-JOLY, avocat au barreau de POITIERS

Représenté par Me Mathieu GIBAUD, avocat plaidant, membre de la SAS DELTA AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

URSSAF DU LIMOUSIN

[Adresse 1]

[Localité 4]

et dont l’adresse de correspondance est :

[Adresse 9]

[Localité 6]

Représentée par Me Henri-Noël GALLET de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, les parties ou leurs conseils ne s’y étant pas opposés, l’affaire a été débattue le 20 Février 2023, en audience publique, devant :

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente qui a présenté son rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur [K] [J], travailleur indépendant, chirurgien orthopédique ‘ exerçant depuis le 1er janvier 1997, à titre libéral à la Clinique [8] située à [Localité 4], [Adresse 2] ‘ est affilié au régime des travailleurs non-salariés de la sécurité sociale.

L’ URSSAF du Limousin :

– le 1er octobre 2018, lui a notifié une mise en demeure au titre des cotisations impayées du 3ème trimestre 2018 pour un montant de 11 909,00 €,

– le 22 mars 2019 lui a fait signifier une contrainte, établie le 15 février 2019.

Par requête du 27 mars 2019, il a formé opposition à cet acte en saisissant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Limoges, lequel, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Limoges, a, par jugement du 3 décembre 2020 :

– débouté le cotisant de son recours,

– validé la contrainte émise par l’URSSAF du Limousin le 15 février 2019 pour un montant de 11 909 € au titre des cotisations du 3ème trimestre 2018,

– condamné le cotisant à payer à l’URSSAF du Limousin la somme de 11 909 €,

– rappelé que les majorations de retard jusqu’à complet paiement, les frais de signification de la contrainte, ainsi que tous les actes nécessaires à son exécution sont à la charge du débiteur,

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit en matière de contrainte,

– débouté Monsieur [K] [J] de l’ensemble de ses demandes,

– condamné Monsieur [K] [J] au paiement d’une somme de 300 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Monsieur [K] [J] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Monsieur [J] aux dépens nés postérieurement au 1er janvier 2019.

Par déclaration d’appel par voie électronique en date du 7 janvier 2021, Monsieur [K] [J] a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions du 20 avril 2021 reprises oralement à l’audience auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Monsieur [K] [J] demande à la Cour de :

– le déclarer recevable et bien fondé en son appel ;

– infirmer le jugement attaqué ;

– mettre à néant la contrainte du 15 février 2019 et prononcer sa nullité,

– débouter l’URSSAF de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– condamner l’URSSAF du Limousin au paiement d’une indemnité de 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner l’URSSAF du Limousin aux entiers dépens.

Par conclusions du 27 juin 2022 reprises oralement à l’audience auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, l’URSSAF du Limousin demande à la Cour de :

– déclarer Monsieur [K] [J] mal fondé en son appel,

– confirmer le jugement attaqué,

– condamner Monsieur [K] [J] à lui régler la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

***

Fixé initialement à l’audience du 16 février 2022 à laquelle il a été plaidé, le dossier a fait l’objet d’une réouverture des débats à l’audience du 19 mai 2022 par simple mention au dossier puis a été renvoyé à deux reprises pour être finalement évoqué à l’audience du 20 février 2023.

Les parties ont été avisées de la date de mise à disposition de l’arrêt.

SUR QUOI,

I – SUR LA NATURE JURIDIQUE DE L’URSSAF :

Monsieur [K] [J] soutient en substance qu’il ne peut se voir imposer une quelconque affiliation à l’URSSAF en raison des textes européens et de la jurisprudence de la CJUE qui régissent les organismes sociaux.

Il expose pour l’essentiel :

– que les directives CE N°92/49 et 92/96, ont clairement défini les points relatifs à l’abolition de tout monopole dans tous les Etats membres de l’UE, aux règles de fonctionnement du système d’assurance et aux conditions d’agrément des assureurs voulant proposer des assurances vie et non vie, à charge à chacun des Etats membres d’en assurer la transposition dans leur droit national, au plus tard le 31 décembre 1993 et de procéder à leur application au plus tard le 1er juillet 1994 (DE 92/49/CEE, texte et commentaires),

– que cependant, en France, seuls les codes des assurances et de la sécurité sociale ont été modifiés à l’exception du code de la Mutualité dont dépendent les caisses de sécurité sociale,

– que de ce fait, par arrêt du 16 décembre 1999, la Cour de Justice des Communautés Européennes, a condamné la République Française pour ne pas avoir mis en ‘uvre les directives de 1992 et ne pas avoir transposé les dispositions concernant les institutions régies par le Code de la Mutualité et le Code Rural (CJCE, arrêt du 16 décembre 1999, texte et commentaires).

– que désormais, au terme de la régularisation intervenue, les trois codes – assurances, sécurité sociale et mutualité, rédigés en termes rigoureusement identiques – permettent à toute personne résidant en France de s’assurer pour l’ensemble des risques sociaux (droit à la maladie’) soit auprès de l’un des organismes sociaux internes soit auprès de sociétés d’assurance européennes bénéficiant d’un agrément dans leur pays d’établissement,

– qu’ainsi, il résulte de l’ensemble de ces textes et de la jurisprudence de la CJUE que le seul et unique régime légal de la sécurité sociale est celui des allocations familiales qui s’adresse à l’ensemble de la population ou à l’ensemble des actifs,

– que d’ailleurs, une décision majeure a été rendue par la CJUE le 3 octobre 2013 en la matière en ce qu’elle qualifie désormais l’organisme de droit public en charge d’une mission d’intérêt général telle qu’une caisse d’assurance maladie d’entreprise.

Il en conclut qu’il a régulièrement souscrit auprès de la compagnie d’assurance [7], un régime de protection, lequel se substitue à la sécurité sociale française dans la mesure où en droit européen et communautaire, dans le cadre du strict respect du libre jeu de la concurrence devant se dérouler au sein du marché intérieur, il n’y a pas à privilégier un organisme comme « le RSI » (sic) qui doit se plier aux règles de la concurrence loyale au sein de l’Europe.

En réponse, l’URSSAF du Limousin objecte :

– que contrairement à ce que l’appelant soutient les organismes de sécurité sociale ne constituent pas des entreprises au sens des traités européens car ils remplissent une fonction à caractère exclusivement social fondée sur le principe de solidarité nationale leur rendant inapplicables les directives européennes citées par le cotisant comme les juridictions des ordres administratif et judiciaire l’ont jugé unanimement.

– que Monsieur [K] [J] se prévaut encore d’un principe devenu désuet – à savoir le caractère mutualiste des URSSAF – alors que celles-ci ne sont pas soumises aux dispositions du code de la mutualité mais sont régies exclusivement par celles du code de la sécurité sociale desquelles elles tirent leur existence légale,

– que de ce fait, l’URSSAF du Limousin dispose de la qualité à agir pour le recouvrement des cotisations sociales obligatoires sans qu’elle n’ait à justifier du respect de formalités telles que l’immatriculation au registre national des mutuelles prévues par des textes qui ne lui sont pas applicables,

– que la cour écartera l’argument selon lequel les directives seraient un fondement permettant à un assujetti de se désaffilier d’un régime français obligatoire de base de sécurité sociale,

– que Monsieur [K] [J] – comme tout professionnel indépendant – est assujetti à la cotisation personnelle d’allocations familiales et aux contributions sociales, C.S.G. / C.R.D.S., et ne peut par conséquent s’y soustraire au prétexte qu’il a spontanément souscrit une assurance sociale privée lui garantissant une couverture sociale identique à moindre coût,

– que cette souscription volontaire n’a aucun effet libératoire à l’égard du travailleur indépendant domicilié fiscalement en France et qui relève, par l’effet de la loi, d’un régime obligatoire français de sécurité sociale.

***

Cela étant, il convient de rappeler :

– que l’article L. 111-1 du code de la sécurité sociale, pris dans sa version applicable en la cause prévoit que : « La sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale.

Elle assure, pour toute personne travaillant ou résidant en France de façon stable et régulière, la couverture des charges de maladie, de maternité et de paternité ainsi que des charges de famille.

Elle garantit les travailleurs contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leurs revenus. Cette garantie s’exerce par l’affiliation des intéressés à un ou plusieurs régimes obligatoires.

Elle assure la prise en charge des frais de santé, le service des prestations d’assurance sociale, notamment des allocations vieillesse, le service des prestations d’accidents du travail et de maladies professionnelles ainsi que le service des prestations familiales dans le cadre du présent code, sous réserve des stipulations des conventions internationales et des dispositions des règlements européens. »

– que 1’article L. 111-2-2 du code de la sécurité sociale pose le principe selon lequel toutes les personnes qui exercent sur le territoire français une activité professionnelle sont affiliées à un régime obligatoire de sécurité sociale,

– que le droit européen a reconnu aux Etats membres de l’Union le droit non seulement de mettre en place un système d’assurances sociales reposant sur ce principe mais également de conserver l’entière maîtrise de l’organisation de cette sécurité sociale en rendant notamment obligatoire l’affiliation à des régimes uniques d’assurance vieillesse et maladie,

– que le Conseil Constitutionnel a reconnu à plusieurs reprises que les URSSAF sont des organismes de droit privé chargés d’une mission de service public.

De même, contrairement à ce que soutient Monsieur [J], la CJUE a confirmé à plusieurs reprises :

– que les organismes de sécurité sociale ne constituent pas des entreprises dans la mesure où ils n’exercent pas des activités économiques au sens des règles européennes de la concurrence et où ils remplissent une fonction à caractère exclusivement social, fondée sur le principe de la solidarité et dépourvue de tout but lucratif,

– que les directives n° 92/49 CEE et 92/96 CEE – qui ont mis en place un marché unique de l’assurance pour les sociétés et mutuelles d’assurance, les institutions de prévoyance et les mutuelles – ne s’appliquent qu’aux entreprises soumises au droit de la concurrence,

– qu’elles ne concernent pas les organismes de sécurité sociale dans la mesure où le recouvrement de cotisations et contributions dues par une personne assujettie à titre obligatoire à un régime de protection sociale des travailleurs non-salariés ne revêt pas le caractère d’une pratique commerciale au sens des directives précitées et n’entre pas, dès lors, dans leur champ d’application.

Il en résulte que la protection sociale obligatoire et la protection sociale soumise à la concurrence sont deux systèmes totalement différents qui obéissent à des règles propres dans la mesure où l’organisation du premier est basée sur des principes de valeur constitutionnelle et relève des Etats membres et où le second dépend du droit national mis en conformité avec la réglementation européenne applicable notamment les directives communautaires dites « directives assurances ».

Contrairement à ce que soutient encore Monsieur [J], la décision de la CJUE C – 59/12 du 3 octobre 2013 dite « BKK » est inapplicable en l’espèce dans la mesure où l’organisme de droit public allemand visé dans l’affaire BKK menait parallèlement à sa mission d’intérêt général des opérations commerciales dans lesquelles pouvaient s’inscrire des pratiques commerciales déloyales alors que dans le cas présent, tant le RSI que l’URSSAF n’ont eu et n’ont en charge qu’une mission d’intérêt général et n’ont jamais exercé une quelconque activité commerciale.

Contrairement à ce que Monsieur [J] prétend encore, les URSSAF ne disposent pas d’un monopole de fait puisque d’autres organismes procèdent à des recouvrements de cotisations.

Contrairement à ce qu’il expose également, aucune violation de principes communautaires ou internes n’existe pas dans la mesure :

– où la sécurité sociale française protège l’ensemble de la population quelles que soient les caractéristiques d’âge et de santé des citoyens,

– où elle est organisée selon un principe de solidarité, dépourvu de tout but lucratif et selon un régime fondé sur la répartition et non la capitalisation, ceci en application de l’artic1e 11 du préambule de la constitution de 1946.

En conséquence, sur le fondement de l’ensemble des dispositions du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ‘ prise notamment dans ses décisions C- 159/91

et C-160/91 Poucet et Pistre du 17 février 1993 et BKK du 3 octobre 2013 ‘ la Cour de cassation – notamment par des décisions 2 ème Civ. Cass. 20 mars 2008, n° 07-13321 , 2 ème Civ. Cass. 16 juin 2011 n°10-26847 ‘ juge de façon

constante que les URSSAF – qui ne sont ni des entreprises, ni des assurances, ni des mutuelles – ne relèvent pas de l’application des dispositions de l’ordonnance du 19 avril 2001 créant une obligation d’immatriculation au registre prévue par l’article L. 411-1 du code de la mutualité.

Il en résulte qu’aucun des textes et aucune des jurisprudences invoqués par Monsieur [J] ne permettent de remettre en cause ses obligations d’affiliation et de financement de la sécurité sociale et l’existence et les prérogatives de l’URSSAF du Limousin.

Il convient donc de le débouter de toutes ses prétentions formées de ce chef.

II – SUR LE FOND :

A – Sur la mise en demeure :

Il résulte des dispositions des articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de sécurité sociale que toute action ou poursuite est obligatoirement précédée d’un avertissement ou d’une mise en demeure adressée par lettre recommandée qui précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s’y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

Selon la jurisprudence constante, la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti et la contrainte délivrée à la suite de la mise en demeure restée sans effet doivent permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation.

A cette fin, il importe qu’elle précise, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice (soc 19 mars 1992, pourvoi n° 88-11.682 , Bull V n° 204).

La mise en demeure n’étant pas de nature contentieuse (Ass. plén., 7 avril 2006, pourvoi n° 04-30.353, Bull. Ass. Plén. 2006, n° 4), il en résulte que les dispositions du code de procédure civile ne sont pas applicables à ce stade de la procédure, et les règles propres à la notification issues du code de procédure civile n’ayant pas vocation à s’appliquer, il importe peu que celle-ci ait touché son destinataire, celle-ci doit produire effet quel que soit son mode de délivrance (civ. 2e., 11 juillet 2013, pourvoi n° 12-18.034, Bull. 2013, II, n°155 ; Ass. plén., 7 avril 2006, pourvoi n° 04-30.353, Bull. Ass. Plén. 2006, n° 4).

Par ailleurs, aucun texte n’exige que la mise en demeure soit signée de son directeur, il suffit qu’elle fasse mention de l’organisme social qui l’a émise (soc., 16 novembre 1995, pourvoi n° 93-13.942, Bull. 1995 V n° 303).

L’omission des mentions prévues par l’article 4, alinéa 2, de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 n’affecte pas la validité de la mise en demeure prévue par l’article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, dès lors que celle-ci précise la dénomination de l’organisme qui l’a émise (civ.2e, 5 juillet 2005, pourvoi n° 04-30.196, Bull. 2005, II, n° 179 ; Cass. avis 22 mars 2004, n° 00-40002 P).

Enfin, est régulière la mise en demeure qui précise la nature des cotisations sans autre précision, notamment sans ventilation (Soc., 25 mars 1999, pourvoi n° 97-14.283, Bull. 1999, V, n° 137 ; 2e Civ., 16 novembre 2004, pourvoi n° 03-30.369 ; 5 avril 2006, pourvoi n° 04-19.220 ; 28 mai 2009, pourvoi n° 08-12.069 ; 10 novembre 2011, pourvoi n° 10-22.775 ; 21 juin 2018, pourvoi n° 17-16.560).

***

Cela étant, il convient de relever que la mise en demeure du 1er octobre 2018 mentionne expressément :

– le nom de l’organisme social : URSSAF du Limousin, suivi de son adresse,

– le rappel du caractère obligatoire de la mise en demeure et l’engagement de poursuites sans nouvel avis à défaut de règlement,

– le nom et le titre du signataire de la mise en demeure : le directeur ou son délégataire : [E] [X],

– la nature des cotisations : cotisations et contributions travailleurs indépendants (*), maladie-maternité, allocations familiales, [E]S.G., [E]R.D.S., contribution à la formation professionnelle et s’il y a lieu contribution additionnelle maladie et Curps,

– le motif de mise en recouvrement : absence de versement,

– la période concernée’: 3 ème trimestre 18,

– le montant des sommes dues, ainsi ventilé’:

° cotisations provisionnelles : 9890,00 €,

° régularisations an-1/an-2 (**) : 1431,00 €, (**) conformément à la notification qui vous a été adressée,

° majorations’pénalités : 588,00 €,

– total : ‘cotisations’: 9890,00 € ; majo redressement : 0,00 € ; pénalités : 0,00 € ; majorations : 588,00 € ; total dû : 10478,00 € ; montant à déduire : 0,00 € ; total à payer : 11 909,00 €’,

– l’indication des délais et modalités de paiement des sommes réclamées et des voies de recours.

Il en résulte donc – au vu des principes sus rappelés – que les indications contenues dans la lettre de mise en demeure permettaient à Monsieur [J] de connaître exactement la cause, la nature et le montant des sommes qui lui étaient réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportaient.

La mise en demeure ‘ qui comporte donc toutes les mentions requises par l’article R. 244-1 du code de la sécurité sociale ‘ a été notifiée régulièrement par lettre recommandée avec accusé de réception à Monsieur [J] qui n’est pas allé la retirer au bureau de Poste après qu’elle lui ait été présentée vainement le 2 octobre 2018.

Elle doit donc être validée.

B – Sur la contrainte :

En application de l’article R. 244-1 du code de sécurité sociale pris dans sa rédaction applicable à l’espèce, la contrainte délivrée à la suite d’une mise en demeure restée sans effet doit, comme cette dernière, permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause, de l’étendue de son obligation et de la période à laquelle elle se rapporte.

Ceci ne signifie pas pour autant que les détails de tous les calculs doivent figurer sur la contrainte.

Seuls les éléments de calcul des différentes cotisations et contributions qui permettent à l’assujetti de comprendre ce qui lui est réclamé, de pouvoir le vérifier et de connaître l’étendue de son obligation doivent être mentionnés.

Ces exigences de contenus constituent des exigences de fond et sont requises à peine de nullité, sans être subordonnées à la preuve de l’existence d’un préjudice.

La motivation de la contrainte, qui répond aux mêmes exigences que celles issues de la jurisprudence résultant de l’arrêt du 19 mars 1992 (soc. 19 mars 1992, n° 88-11.682, Bull V n° 204), peut être opérée par référence à la mise en demeure (soc., 4 octobre 2001, pourvoi n° 00-12.757, Bull. 2001, V, n° 298), voire à plusieurs mises en demeure (civ.2e, 17 septembre 2015, pourvoi n° 14-24.718 ; soc., 20 décembre 2001, pourvois n° 00-12.750 à 0012.753, 00-12.756 et 00-12.757 ; soc., 31 janvier 2002, pourvoi n° 00-15.269).

***

En l’espèce, Monsieur [J] soutient en substance :

– que la contrainte litigieuse indique seulement le montant global de la somme réclamée sans préciser la ventilation entre cotisations appelées à titre définitif et cotisations à titre provisionnel alors qu’il appartient à la caisse de justifier préalablement du bien-fondé de l’existence de sa créance,

– qu’il existe par ailleurs des imprécisions et des contradictions entre les mises en demeure et la contrainte, des discordances et une absence de distinctions entre cotisations et contributions.

En réponse, l’URSSAF du Limousin objecte pour l’essentiel :

– que la contrainte qui reprend, à l’identique toutes les mentions de la mise en demeure qui est valide, est donc valide elle-même,

– que c’est donc par affirmation totalement infondée que l’appelant soutient que la contrainte litigieuse indiquerait seulement un montant global ou comporterait une discordance avec la mise en demeure.

***

Cela étant, il convient de relever que la contrainte critiquée :

– vise la mise en demeure du 1er octobre 2018,

– détaille les sommes réclamées au titre des cotisations provisionnelles, régularisation an-1/ an-2, les majorations et pénalités, les sommes restant dues,

– précise la période à laquelle se rattache le montant réclamé, à savoir le 3ème trimestre 2018,

– mentionne le total restant à payer.

Il en résulte :

– que la contrainte vise expressément la mise en demeure dont la validité vient d’être reconnue ci-dessus dont elle reprend très exactement les références et les mentions relatives à sa date d’émission – à savoir le 1er octobre 2018 – et à son numéro, à savoir 0030776023,

– que contrairement à ce que soutient Monsieur [J] la contrainte qui ventile les sommes réclamées entre les cotisations et les majorations n’a pas à rappeler la nature des cotisations concernées dès lors que celle-ci figure très clairement sur la mise en demeure ci-dessus étudiée, sous la rubrique : « nature des cotisations ».

De surcroît, à titre surabondant, il doit être relevé que le détail et la ventilation des cotisations et des régularisations ont été portés à la connaissance du cotisant par l’organisme social par un courrier du 5 juin 2018 qui lui a été adressé « [Adresse 3] »; courrier dont il n’a d’ailleurs jamais contesté la réception.

Il résulte donc des éléments contenus dans la mise en demeure du 1er octobre 2018 et la contrainte du 15 février 2019 que Monsieur [J] avait une parfaite connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation outre de la répartition des sommes qui lui étaient réclamées.

C – Sur les sommes réclamées :

En cas de contestation à contrainte, c’est au cotisant qui a formé opposition à rapporter la preuve des éléments présentés au soutien de son opposition.

En l’espèce, Monsieur [J] prétend en substance :

– que l’organisme social ne justifie pas du taux qu’il a appliqué, contrairement à l’URSSAF des Pays de Loire à laquelle un conflit l’opposait pour les cotisations 2017 qui a justifié du taux qu’elle appliquait de 6,5 % et de son mode de calcul à partir de sa déclaration de revenus.

– que de ce fait, le calcul qu’il présente est incompréhensible et qu’il n’apporte aucun élément permettant de vérifier ce calcul.

En réponse, l’URSSAF du Limousin s’appuie sur l’appel de cotisation provisionnelle dénommé « notification » des assiettes prises en compte pour le calcul des différentes cotisations appelées et leurs montants détaillés pour justifier des sommes réclamées et du taux appliqué.

***

Cela étant, il convient de relever que les annexes 1 et 2, intitulées « détail des cotisations définitives 2017″ et ‘détail des cotisations provisionnelles 2018 » jointe à la régularisation des cotisations 2017 et à l’appel de cotisations 2018 reprend :

– les montants de revenus déclarés par Monsieur [J] au titre de l’année 2017,

– les montants détaillés de la régularisation 2017 et de ses cotisations provisionnelles 2018, calculés en fonction de ses revenus, cotisation par cotisation et contribution par contribution avec au droit de chaque cotisation et contribution, le taux applicable et la distinction des montants réclamés au titre des contributions provisionnelles et des cotisations définitives.

Il en résulte donc que le cotisant était parfaitement informé des calculs effectués en toute transparence par l’organisme social – sur le fondement des revenus professionnels qu’il lui avait déclarées au titre de l’année 2017 – au titre de la régularisation des cotisations définitives 2017 et des cotisations provisionnelles 2018.

Comparer pour Monsieur [J] les taux appliqués par l’URSSAF du Limousin au titre du 4ème trimestre 2018 avec ceux appliqués par l’URSSAF des Pays de Loire au titre de l’année 2017 ou encore comparer les justifications des taux applicables réalisés respectivement par les deux URSSAF est totalement inopérant dans la mesure :

– où d’une part, il ne s’agit pas des mêmes périodes,

– où d’autre part, il s’abstient de produire les actes que lui a délivrés l’URSSAF des Pays de Loire sur lesquels il se fonde – appel de cotisations 2017, mise en demeure, contrainte – afin de mettre en évidence les incohérences et les imprécisions qu’il entend relever dans ceux qui lui ont été notifiés par l’URSSAF du Limousin,

– où enfin il n’est pas contesté qu’il a été le destinataire du courrier que lui a adressé l’URSSAF du Limousin le 5 juin 2018 au titre de la régularisation des cotisations 2017 et de l’appel de cotisations 2018 qui lui explique cotisation par cotisation, poste par poste les taux applicables.

En conséquence, faute d’établir le bien-fondé de sa contestation alors que l’URSSAF justifie des sommes réclamées, il convient de valider la contrainte critiquée.

Le jugement attaqué est donc confirmé.

III – SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :

Les dépens doivent être supportés par Monsieur [J] qui succombe dans ses prétentions.

***

Il n’est pas inéquitable de condamner le cotisant à verser à l’URSSAF du Limousin une somme de 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile tout en le déboutant de sa propre demande fondée sur les mêmes dispositions.

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