PC/DL
ARRET N° 203
N° RG 19/02394 –
N° Portalis DBV5-V-B7D-FZNX
[H] [G]
C/
S.C.I. [W] [8]
CPAM DE LA HAUTE VIENNE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 27 AVRIL 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 juin 2019 rendu par le tribunal de grande instance de LIMOGES
APPELANTE :
Madame [H] [G]
née le 01 Février 1988 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Elsa MADELENNAT, de la SCP GAFFET MADELENNAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de LA CREUSE, substituée par Me Philip GAFFET, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMEES :
SCI [W] [8] venant aux droits de la SARL [6]
Société immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MEAUX sous le n° 439 532 474
dont le siège social est sis :
[Adresse 1]
[Localité 3]
Ayant pour avocats : Me Henri-Noël GALLET de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS, avocat postulant, et Me Jérôme GARDACH, avocat au barreau de LA ROCHELLE, avocat plaidant
Non comparante, ni représentée lors de l’audience de plaidoiries
CPAM DE LA HAUTE VIENNE
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Mme [E] [J], Audiencière, en vertu d’un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, les parties ou leurs conseils ne s’y étant pas opposés, l’affaire a été débattue le 07 février 2023, en audience publique, devant :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président qui a présenté son rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Valérie COLLET, Conseillère
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Damien LEYMONIS
ARRÊT :
– REPUTE CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Damien LEYMONIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
Le 18 septembre 2010, Mme [H] [G] a été recrutée en qualité de caissière par la société [6] (aux droits de laquelle se trouve désormais la S.A.R.L. [W] [8]) exploitant un fonds de commerce de distribution alimentaire sous l’enseigne [7] à [Localité 5].
Mme [G] a été placée en arrêt-maladie à compter du 12 septembre 2014 et elle a été déclarée inapte à son poste de travail par un avis du médecin de travail du 9 février 2015 ainsi motivé : ‘après étude du poste effectuée le 26 janvier 2015, pas de modifications techniques organisationnelles observables permettant de faire des propositions d’aptitude en vue de reclassement interne au sein de [7] ‘[6]’, serait apte à un autre poste d’employé libre-service ou en caisse sur un autre site géographique’
Compte-tenu de l’impossibilité d’affecter Mme [G] à un emploi exclusivement dédié au libre service au sein du magasin de [Localité 5] et d’identifier d’autres postes disponibles auprès des autres sociétés du groupe [7], après entretien préalable en date du 6 mars 2015, l’employeur a notifié à Mme [G], par LRAR du 10 mars 2015, son licenciement pour inaptitude.
Le 7 janvier 2016, Mme [G] a saisi la CPAM de la Haute-Vienne d’une demande de reconnaissance de maladie professionnelle au titre d’un burn-out et d’une demande de tentative de conciliation sur l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur.
Un procès-verbal de non-conciliation a été établi le 4 mars 2016.
Le 8 avril 2016, la CPAM a notifié à Mme [G] un refus de prise en charge de la pathologie déclarée au motif qu’elle ne figurait pas dans un des tableaux des maladies professionnelles et que le médecin conseil avait conclu à une incapacité permanente partielle inférieure à 25 %.
Mme [G] n’a pas contesté cette décision.
Par acte du 16 juin 2016, Mme [G] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Vienne d’une demande tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur et à le voir condamner à lui payer la somme de 50 000 € en réparation de son préjudice moral.
Par jugement du 4 juin 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Limoges a débouté Mme [G] de ses demandes et l’a condamnée à payer à la société [W] [8] la somme de 600 €en application de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens postérieurs au 1er janvier 2019.
Au soutien de sa décision, le tribunal a considéré, au visa des articles L452-1, L461-1 et R461-8 du code de la sécurité sociale :
– que si la reconnaissance de la faute inexcusable n’exige pas que l’accident ou la maladie ait été pris en charge comme tel par l’organisme social, la faute inexcusable ne peut être retenue que si l’accident ou la maladie revêt un caractère professionnel,
– qu’avant de caractériser les manquements reprochés à l’employeur, il ne suffit pas à Mme [G] de démontrer le lien de causalité entre le burn-out qu’elle a déclaré et ses conditions de travail mais qu’elle doit également établir que sa maladie a entraîné une incapacité permanente partielle d’au moins 25 %,
– qu’alors que le médecin conseil a conclu à une incapacité inférieure à ce taux, Mme [G] ne verse aucun élément médical contraire et qu’elle n’a pas contesté la décision de la CPAM,
– qu’elle ne produit qu’un certificat médical du 19 mars 2019 rédigé par son psychiatre qui mentionne seulement l’avoir suivie pour dépression par burn-out tout au long de l’année 2015, sans mentionner aucune séquelle psychique ni poursuite de traitement postérieurement,
– qu’elle ne démontre donc pas le caractère professionnel de la maladie qu’elle impute à son employeur.
Mme [G] a interjeté appel de cette décision selon déclaration transmise au greffe de la cour le 2 juillet 2019.
Par arrêt du 21 janvier 2021, la cour a sursis à statuer sur le fond du litige et ordonné la saisine du CRRMP de [Localité 5] pour qu’il donne son avis sur le point de savoir si la pathologie déclarée par Mme [G] a été essentiellement et directement causée par son travail habituel au service de la S.A.R.L. [W] [8] et si elle a entraîné un taux d’IPP supérieur à 25 %.
Le 11 janvier 2022, le CRRMP de la région Nouvelle Aquitaine a rendu un avis rejetant l’existence d’un lien direct entre la maladie déclarée et le travail habituel de la victime et défavorable à la reconnaissance du caractère professionnel de ladite maladie, en considérant que l’action délétère du contexte professionnel sur l’état de santé n’est pas clairement établi, qu’aucun élément extérieur ne permet de venir étayer son ressenti par rapport aux situations qu’elle évoque et que les éléments de preuve d’un lien de causalité direct et essentiel entre la pathologie déclarée et l’exposition professionnelle ne sont pas réunis.
Après plusieurs renvois sollicités par les parties, l’affaire a été retenue à l’audience du 7 février 2023 à laquelle les parties ont développé oralement leurs conclusions transmises le 12 janvier 2023 (Mme [G]), et 9 janvier 2023 (CPAM de Haute Vienne).
Mme [G] demande à la cour, infirmant le jugement entrepris:
– de constater la faute inexcusable de la S.A.R.L. [6] à son égard,
– de condamner la S.A.R.L. [6] à lui payer la somme de 50 000 € en réparation de son préjudice moral,
– de condamner la S.A.R.L. [6] à lui payer la somme de 5000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
A l’appui de ses prétentions, elle soutient en substance :
1 – sur l’existence d’une faute inexcusable :
– que les dispositions des articles L461-1 et R461-8 du code de la sécurité sociale sont afférentes à la reconnaissance de la maladie professionnelle par l’organisme social et son indemnisation par celui-ci mais non à la reconnaissance de la faute inexcusable.
– que l’avis du CRRMP ne peut être homologué dès lors que tous les arrêts de travail et l’avis d’inaptitude évoquent la cause professionnelle du burn-out, et qu’aucun élément du dossier n’étaye l’hypothèse d’une origine non professionnelle, qu’on voit mal quels éléments extérieurs elle aurait pu produire alors qu’elle n’avait pas d’antécédents médicaux connus, qu’ainsi le lien direct et essentiel entre le travail et le burn-out doit être considéré comme établi,
– que la S.A.R.L. [6] avait ou aurait dû avoir connaissance du danger auquel elle était exposée, régulièrement dénoncé à l’employeur (sentiment d’insécurité au travail en raison des agressions verbales et physiques répétées de la clientèle sur les employés du magasin, surmenage lié au non-respect des amplitudes horaires, agressivité verbale de l’employeur vis-à-vis des salariés) et établi par diverses attestations,
– que l’employeur n’a pris aucune mesure de prévention ou de protection,
– que sa faute inexcusable est ainsi caractérisée,
2 – sur l’indemnisation de son préjudice : qu’elle a été en arrêt-maladie du 23 avril 2014 au 25 mai 2014 puis licenciée pour inaptitude le 10 mars 2015, qu’elle a mis plus d’un an à se remettre de cette expérience de travail.
Au soutien de ses prétentions, elle produit :
– diverses attestations :
– M. [D] [Y], ancien collègue (pièce 7) : ‘avoir constaté des changements de planning réguliers sans en être informé à l’avance et parfois le matin même pour l’après-midi ; et vécu l’enchaînement de fermeture et ouverture … rare que j’ai débauché à 22h15 et mes heures supplémentaires non prises en compte’,
– Mlle [B] [M], ancienne collègue (pièce 8) : ‘changement de planning à la dernière minute sans toujours avertir le salarié, enchaîné des services du soir avec une réembauche le lendemain à 7h, heure d’embauche officielle ne coïncidant pas avec l’heure d’embauche réelle, sécurité physique, mentale et morale non respectée et négligée malgré les agressions verbales répétées et les agressions physiques de certains collègues, la direction n’a pas pris les mesures nécessaires pour prévenir de nouveaux actes pourtant signalés à plusieurs reprises, Mme [G] avait la responsabilité de l’ouverture et de la fermeture du magasin et la gestion et le contrôle des caisses, impossibilité de dialoguer avec l’employeur car il s’énerve dès qu’on ne va plus dans son sens’,
– M. [A] [T], ancien collègue (pièce 9) : ‘M. [W] a pu être un employeur stressant, ne respectant pas la législation du travail, notamment pour les heures supplémentaires, nous faisait travailler au moins 30 mn par jour non déclarées, a donné des heures pour le lendemain sans même prévenir, ne transmettait pas les plannings, n’a pas pris des mesures supplémentaires de sécurité à la suite de mon agression par un client’,
– Mme [F] [L], ancienne collègue (pièce 10) : ‘avoir travaillé 6 mois… nous devions arriver 15 mn avant l’embauche et quitter toujours 15 mn après la débauche sans que cela ne soit comptabilisé… Un manque de sécurité était à noter. Certains clients étaient violents tant verbalement que physiquement et il est arrivé que des membres de l’équipe prennent des coups sans que M. [W] ne réagisse quand on le mettait au courant. Certains employés doivent faire fermeture et embauche … également régulier que nos plannings changent sans que l’on en soit informé au préalable. Certains employés, tels qu'[H] avaient la charge d’ouvrir et fermer le magasin alors qu’ils n’avaient pas un statut suffisamment élevé pour supporter la charge de telles responsabilités’.
– M. [U] [G], époux de Mme [G] (pièce 11) : ‘il est arrivé à plusieurs reprises que durant ses jours de repos, l’employeur appelle ma femme pour qu’elle vienne travailler quelques heures plus tard. Lorsqu’elle travaillait le soir, elle finissait vers 22h30, parfois elle allait travailler le lendemain matin à 6h45. Elle rentrait du travail dans un état d’épuisement visible. Il m’est arrivé de discuter avec M. [W] concernant la sécurité dans son magasin. J’ai proposé les services d’amis pour la renforcer le soir mais il n’a jamais voulu donner suite prétextant un manque de moyens financiers. Durant les dernières semaines où ma femme a travaillé j’ai pu constater qu’elle avait des difficultés à se rendre sur son lieu de travail, elle y partait parfois les larmes aux yeux’.
– M. [C] [R], ancien collègue, directeur adjoint : ‘avoir constaté que Mme [G] ouvrait et fermait le magasin, très souvent notamment le samedi matin où elle prenait son poste vers 6h après avoir terminé la veille à 22h30. Ouvrir et fermer le magasin pour la S.A.R.L. [6] c’est gérer les situations à risques (personnes alcoolisées, bagarres, vols, mendicité, litiges clientèle, incendie, braquage et toutes formes de violences, manager 3 à 4 employés ce qui lui a valu des critiques de ses collègues car elle avait le même statut qu’eux et qu’elle avait l’obligation de les ‘bouger’, gérer la trésorerie, ouvrir le magasin seule le matin très tôt, le tout sans vigile, sans responsable hiérarchique et avec l’interdiction formelle de déranger M. [W] au téléphone sinon on subissait des réflexions désobligeantes, énervements, menaces de licenciement,… M. [W] ne réagissait pas non plus quand nous nous faisions agresser verbalement ou physiquement par des clients entre autre alcoolisés ou par des voleurs. Mme [G] entre autres en a payé les frais. J’ai pu constater le repos hebdomadaire non respecté, l’obligation à être disponibles même sur nos jours de repos, l’interdiction de dialogue entre collègues sur le lieu de travail, une cadence infernale, je ne paie pas les gens à rien foutre, disait-il’.
– des éléments médicaux:
– fiches d’inaptitude pour maladie non professionnelles des 23 janvier et 9 février 2015, ‘apte à un autre poste d’employé libre service ou en caisse sur un autre site géographique’,
– dossier médical de la médecine du travail : ‘asthénie début juillet et début septembre 2014, a craqué au travail, a du mal à passer devant le magasin, vu médecin conseil fin novembre ; 9/12/2014 dit qu’elle ne pouvait pas parler avec son patron, n’écoute pas ce qu’on lui dit, périodes de récupération insuffisantes entre soir et matin, ambiance moyenne avec ses collègues, stress +++ charge de travail 23/01/15 : sd dépressif encore très patent, pleurs+++, tr du sommeil ; difficultés à se projeter dans l’avenir 09/02/15 : dit que les conditions de travail se sont dégradées mais pas de pb verbal ou physique, très angoissée dès qu’elle doit sortir de chez elle, phobique, culpabilité / début de l’arrêt avait l’impression qu’elle avait fat qqch de mal’,
– certificat du docter [S] du 19 mars 2019 : ‘j’ai suivi Mme [G] tout le long de l’année 2015 pour dépression par burnout qu’elle a toujours exclusivement imputé aux conditions de travail. Il n’y avait aucun autre élément par ailleurs.’
– certificat du docteur [N] [O], médecin traitant : Le 15/09/2014, je l’ai arrêtée dans le cadre d’un réel burn-out. Elle était très déprimée et reliait cet état à son activité professionnelle. Je l’ai adressée à une psychiatre…’
La société [W] [8] conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de Mme [G] à lui payer une indemnité de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile en soutenant, pour l’essentiel :
– que le caractère professionnel de la maladie n’est pas établi dès lors :
– que l’une des conditions posées par l’article L461-1 du code de la sécurité sociale n’est pas remplie dès lors que la maladie n’a entraîné qu’une IPP inférieure à 25 %,
– que la recherche de l’existence d’une faute inexcusable ne s’entend que dans le cadre de la démonstration préalable d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, le caractère professionnel de a maladie devant être établi, tant pour la prise en charge par la caisse que pour la caractérisation d’une faute inexcusable de l’employeur, les dispositions de l’article L461-1 n’étant pas seulement applicables que dans le cadre de l’appréciation d’une maladie professionnelle par l’organisme social,
– que l’avis motivé du CRRMP est défavorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée et rejette l’existence d’un lien direct et essentiel entre la maladie et le travail habituel de Mme [G],
– que Mme [G] ne justifiant ni d’une incapacité supérieure à 25 % ni du caractère professionnel de la maladie doit être déboutée de ses demandes,
– que la preuve d’une faute inexcusable n’est pas rapportée :
– que Mme [G] ne prouve pas que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger et qu’il n’aurait pas pris les mesures propres à le prévenir,
– que les attestations versées aux débats en cause d’appel ne fournissent aucune explication quant aux griefs mis en avant par Mme [G] sauf à exprimer des points de vue et jugement gratuits et dépourvus de fondement, qu’elles n’évoquent à aucun moment la situation personnelle de Mme [G], sauf l’attestation de son époux dont la neutralité et l’impartialité doivent être relativisées,
– que Mme [G] ne produit aucune pièce objective relativement aux griefs allégués à l’encontre de l’employeur (amplitude horaire inadaptée, éventuelles agressions physiques et verbales, agressivité verbale de l’employeur),
– que Mme [G] n’a jamais évoqué la moindre difficulté avec son employeur pendant toute la relation contractuelle,
– que Mme [G] ne justifie d’aucun préjudice indemnisable.
La CPAM de la Haute-Vienne demande à la cour :
– sur le caractère professionnel de l’affection litigieuse, de lui donner acte de ce quelle s’en remet sur le caractère professionnel de l’affection présentée par Mme [G],
– sur l’existence de la faute inexcusable : de lui donner acte de ce qu’elle s’en remet sur l’existence d’une telle faute,
– sur la réparation du préjudice moral prévue par l’article L452-3 du code de la sécurité sociale :
– avant dire droit, ordonner si besoin une expertise médicale afin de déterminer l’étendue du préjudice,
– d’enjoindre à la société [W] [8] de communiquer les coordonnées complètes de la compagnie d’assurances la garantissant à la date du 12 septembre 2014 au titre d’une éventuelle faute inexcusable de sa part,
– de lui donner acte de ce qu’elle s’en remet à droit quant au montant de l’indemnisation due à Mme [G],
– de juger que la société [W] [8] devra lui rembourser le montant des indemnités dont elle aura fait l’avance, y compris les frais d’expertise.
La circonstance que le refus de prise en charge par la CPAM de la maladie déclarée par Mme [G] au titre de la législation sur les risques professionnels est définitif en l’absence de toute contestation de cette décision par Mme [G] n’est pas exclusive de la reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur.
En effet, ayant pour objet exclusif la prise en charge ou le refus de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle, la décision prise par la caisse est sans incidence sur l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.
Cependant, la faute inexcusable ne peut être retenue que si la maladie en résultant prétendument revêt un caractère professionnel.
A cet égard, il doit être rappelé que l’article L461-1 du code de la sécurité sociale dispose qu’est présumée d’origine professionnelle toute maladie désigné dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau et que peut être également reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée, non désignée dans un tableau de maladies professionnelles, lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne une incapacité permanente d’un taux au moins égal à 25 %.
Par ailleurs, le salarié qui sollicite la reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur, a la possibilité de se prévaloir du caractère professionnel de la maladie dans le cadre de la procédure de reconnaissance de cette faute, et ce quand bien même la décision de refus de prise en charge de la maladie professionnelle par la caisse primaire revêtirait un caractère définitif à son égard.
Il s’ensuit que, malgré le refus de prise en charge opposé par la caisse, Mme [G] dispose de la possibilité d’invoquer le caractère professionnel de la maladie déclarée le 7 janvier 2026 dans le cadre de l’instance aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
Dans le cas d’une contestation portant sur le caractère professionnel d’une maladie non prévue par l’un des tableaux des maladies professionnelles, élevée dans le cadre d’une instance en reconnaissance de faute inexcusable de l’employeur, la caractérisation de la maladie relève du régime de la preuve selon la législation professionnelle.
En application des articles L.461-1 alinéa 4 et R.461-8 du code de la sécurité sociale, l’affection qui n’est pas désignée par un tableau peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne une incapacité permanente d’un taux d’au moins 25 %
Si l’avis motivé du CRRMP désigné par la CPAM s’impose à cette dernière, il constitue seulement un élément de preuve parmi d’autres soumis à l’appréciation souveraine des juges du fond.
En l’espèce, il n’est pas contesté que Mme [G] a souffert d’un burn out qui est une pathologie psychique non inscrite dans l’un des tableaux de maladies professionnelles.
Si l’avis du CRRMP de la région Nouvelle Aquitaine est contesté par Mme [G] en ce qu’il n’a pas reconnu de lien de causalité direct et essentiel entre le burn-out objet de la déclaration de janvier 2016 et le travail habituel de l’appelante au sein de la S.A.R.L. [6], force est cependant de constater que celle-ci n’a pas contesté – et ne conteste pas dans le cadre de la présente instance – l’évaluation par l’organisme social à moins de 25 % du taux d’incapacité permanente résultant de la pathologie litigieuse.
Force est ainsi de constater que l’une des deux conditions nécessaires à la caractérisation d’une maladie professionnelle, préalable indispensable à la reconnaissance d’une éventuelle faute inexcusable de l’employeur n’est pas réunie.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté Mme [G] de ses demandes.
L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’une quelconque des parties, s’agissant tant des frais irrépétibles exposés en première instance (le jugement entrepris étant de ce chef réformé en ce qu’il a condamné de ce chef Mme [G] à payer à la société [W] [8] la somme de 500 €) que des frais exposés en cause d’appel.
Mme [G] sera condamnée aux dépens d’appel et de première instance nés à compter du 1er janvier 2019.