TP/DD
Numéro 23/01455
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 27/04/2023
Dossier : N° RG 21/02255 – N°Portalis DBVV-V-B7F-H5M5
Nature affaire :
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[O] [R]
C/
S.A.S. DONJON DES AIGLES
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 27 Avril 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 27 Février 2023, devant :
Madame PACTEAU, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Madame [P], en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame CAUTRES, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [O] [R]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Maître KLEIN de l’AARPI KLEIN AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TARBES
INTIMEE :
S.A.S. DONJON DES AIGLES
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Maître LANGLA, avocat au barreau de TARBES
sur appel de la décision
en date du 28 JUIN 2021
rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE TARBES
RG numéro : F 20/00046
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [O] [R] a été embauchée le 1er avril 2009 par la sas Donjon des aigles en qualité de soigneur et animateur, suivant contrat à durée déterminée.
Des contrats de travail ont été conclus pour les années suivantes avec une période de travail allant de mars-avril à septembre-octobre jusqu’en 2018 inclus.
Estimant avoir subi irrégulièrement une non reconduction de son contrat saisonnier en 2019, elle a saisi la juridiction prud’homale suivant requête déposée au greffe le 31 mars 2020, afin que cette non reconduction soit requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 28 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Tarbes a « dit que les demandes de Mme [L] [J] (sic) sont recevables et non frappées par la prescription ».
Le 5 juillet 2021, Mme [O] [R] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 14 novembre 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, Mme [O] [R] demande à la cour de :
– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que les demandes de Mme [L] [J] sont recevables et non frappées de prescription,
– statuant à nouveau :
– à titre principal :
– juger recevables et non prescrites ses demandes,
– juger que le dispositif du jugement prud’homal comporte une erreur de nom,
– requalifier la non reconduction de son contrat saisonnier en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ou dire que l’employeur ne pouvait pas ne pas proposer la reconduction du contrat saisonnier,
– dire la non reconduction du contrat de travail dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamner la sas Donjon des aigles à lui payer :
* 20 000 € de dommages intérêts pour réparer le préjudice subi du fait du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ou du fait de la non reconduction des contrats à durée déterminée qualifiés ou non de saisonniers,
* 3 600 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 360 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
* 6 000 € à titre d’indemnité de licenciement,
– à titre subsidiaire :
– requalifier son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ou en relation de travail à durée indéterminée,
– en conséquence condamner la sas Donjon des aigles à lui verser 20 000 € à titre de dommages-intérêts afférents à la requalification,
– dire la rupture de son contrat de travail dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– en conséquence condamner la sas Donjon des aigles à lui payer :
* 4 000 € de dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ou rupture abusive d’une relation de travail à durée indéterminée,
* 3 600 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 360 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
* 10 800 € à titre de rappel de salaire entre octobre 2018 et mars 2019
(6 mois x 1 800 €),
* 1 080 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire,
– en tout état de cause :
– condamner la sas Donjon des aigles à lui verser :
* 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure prud’homale,
* 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour l’appel,
* aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 20 janvier 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la sas Donjon des aigles demande à la cour de :
– déclarer recevable et bien fondé son appel incident,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :
* a dit que les demandes de Mme [L] [J] sont recevables et non frappées par la prescription,
* n’a pas fait droit à sa demande de paiement formulée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– statuant à nouveau,
– sur les demandes principales liées à la non reconduction du contrat de travail à durée déterminée :
– à titre principal, juger que les demandes de Mme [O] [R] sont prescrites, et par conséquent irrecevables ; l’en débouter,
– à titre subsidiaire, débouter Mme [O] [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, à savoir la débouter de ses demandes :
* de requalification de la non reconduction du contrat saisonnier en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ou de voir dire que l’employeur ne pouvait pas ne pas proposer la reconduction du contrat saisonnier,
* tendant à voir dire la non reconduction du contrat de travail dépourvu de cause réelle et sérieuse,
* de la condamner à lui payer :
o 20 000 € de dommages intérêts pour réparer le préjudice subi du fait du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ou du fait de la non reconduction des contrats à durée déterminée qualifiés ou non de saisonniers,
o 3 600 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
o 360 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
o 6 000 € à titre d’indemnité de licenciement,
– sur la demande subsidiaire tendant à la requalification du contrat à durée déterminée en date du 3 avril 2018 en contrat à durée indéterminée :
– débouter Mme [O] [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, à savoir la débouter de ses demandes :
* de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ou en relation de travail à durée indéterminée,
* de la condamner à lui payer 20 000 € à titre de dommages-intérêts afférents à la requalification,
* de sa demande tendant à voir dire la rupture du contrat de travail dépourvue de cause réelle et sérieuse,
* de la condamner à lui payer :
o 4 000 € de dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ou rupture abusive d’une relation de travail à durée indéterminée,
o 3 600 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
o 360 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
– sur la demande subsidiaire tendant à la requalification des contrats à durée déterminée saisonniers en relation de travail à durée indéterminée :
– à titre principal : juger que la demande de Mme [O] [R] de requalification des contrats à durée déterminée saisonniers en relation de travail à durée indéterminée est prescrite et par conséquent irrecevable ; l’en débouter,
– à titre subsidiaire : débouter Mme [O] [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, à savoir la débouter de ses demandes :
* de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ou en relation de travail à durée indéterminée,
* de la condamner à lui payer 20 000 € à titre de dommages-intérêts afférents à la requalification,
* tendant à voir dire la rupture du contrat de travail dépourvue de cause réelle et sérieuse,
* de la condamner à lui payer :
o 4 000 € de dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ou rupture abusive d’une relation de travail à durée indéterminée,
o 3 600 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
o 360 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.
– débouter Mme [O] [R] de sa demande rappel de salaire et congés payés afférents entre octobre 2018 et mars 2019,
– débouter Mme [O] [R] de ses demandes indemnitaires sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure prud’homale et pour la procédure d’appel,
– condamner Mme [O] [R] à lui payer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, les sommes suivantes :
* 2 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance,
* 2 500 € au titre des frais irrépétibles d’appel,
– condamner Mme [O] [R] aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 27 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il importe de relever au préalable que, compte tenu des irrégularités matérielles affectant le dispositif du jugement du conseil de prud’hommes de Tarbes en date du 28 juin 2021, les deux parties en demandent la réformation totale, ce qui doit être prononcé.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
Selon l’article L.1471-1 du code du travail, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
En l’espèce, Mme [R] formule, à titre principal, une demande relative à la non reconduction de son contrat de travail, qui concerne donc l’exécution de ce dernier et est ainsi soumise à la prescription biennale, à compter du jour où elle a eu connaissance de cette non-reconduction, soit le 3 avril 2019 ainsi que cela résulte des échanges de SMS versés aux débats.
La saisine de la juridiction prud’homale par une requête déposée au greffe le 31 mars 2020 n’est donc pas prescrite.
Sa demande subsidiaire en requalification, en contrat à durée indéterminée ou en relation de travail à durée indéterminée, de son contrat de travail, fondée sur l’absence de motif régulier de recours au contrat à durée déterminée ainsi que sur le nombre de renouvellement des contrats à durée déterminée est également soumise, en tant que demande relative à l’exécution du contrat de travail, à la prescription biennale dont le point de départ est le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat.
Le terme du dernier contrat à durée déterminée étant intervenu le 30 septembre 2018, la demande présentée dans la requête déposée le 31 mars 2020 n’est pas plus prescrite.
Il convient donc de dire que les demandes présentées par Mme [R] sont recevables car non prescrites.
Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
Sur la non-renconduction du contrat
Le conseil de prud’hommes de Tarbes n’a pas statué sur cette question puisqu’il avait accueilli l’exception de fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société Donjon des Aigles.
En vertu de l’article L.1242-2 3° du code du travail, sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement notamment pour des emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. Lorsque la durée du contrat de travail est inférieure à un mois, un seul bulletin de paie est émis par l’employeur.
Mme [R] soutient que le dernier contrat qui la liait à cette dernière était, à l’image des précédents, un contrat saisonnier et que, eu égard à la nature de l’activité de la société Donjon des Aigles, elle bénéficiait d’un droit à la reconduction de son contrat pour la saison 2019.
Il importe de relever que plusieurs contrats ont lié les parties.
un contrat à durée déterminée pour la saison touristique, du 1er avril 2009 au 30 septembre 2009, prorogé jusqu’au 18 octobre 2009 par avenant, pour exercer, en qualité de soigneur-animateur échelon 1, l’activité de démonstration d’oiseaux en vol et de zoo ;
un contrat à durée déterminée pour la saison touristique, du 15 mars 2010 au 3 octobre 2010, prorogé jusqu’au 28 octobre 2010 par avenant, pour exercer, en qualité de soigneur-animateur échelon 1, l’activité de démonstration d’oiseaux en vol et de zoo ;
un contrat à durée déterminée pour la saison touristique, du 28 mars 2011 au 2 octobre 2011, prorogé jusqu’au 31 octobre 2011 par avenant, pour exercer, en qualité de soigneur-animateur échelon 1, l’activité de démonstration d’oiseaux en vol et de zoo ;
un contrat à durée déterminée pour la saison touristique, du 3 avril 2012 au 30 septembre 2012, prorogé jusqu’au 28 octobre 2012 par avenant, pour exercer, en qualité de soigneur-animateur échelon 1, l’activité de démonstration d’oiseaux en vol et de zoo ;
un contrat à durée déterminée pour la saison touristique, du 2 avril 2013 au 30 septembre 2013, prorogé jusqu’au 20 octobre 2013 par avenant, pour exercer, en qualité de soigneur-animateur échelon 2, l’activité de démonstration d’oiseaux en vol et de zoo ;
un contrat à durée déterminée pour la saison touristique, du 1er avril 2014 au 5 octobre 2014, prorogé jusqu’au 26 octobre 2014 par avenant, pour exercer, en qualité de soigneur-animateur échelon 2, l’activité de démonstration d’oiseaux en vol et de zoo ;
un contrat de travail saisonnier, du 1er avril 2015 au 4 octobre 2015, prorogé jusqu’au 22 octobre 2015 par avenant, pour exercer les fonctions de soigneur-animateur échelon 2 ;
un contrat de travail saisonnier, du 1er avril 2016 au 16 octobre 2016, prorogé jusqu’au 31 octobre 2016 par avenant, pour exercer les fonctions de soigneur-animateur échelon 3 ;
un contrat de travail saisonnier, du 27 mars 2017 au 1er octobre 2017, prorogé jusqu’au 15 octobre 2017 par avenant, pour exercer les fonctions de soigneur-animateur échelon 3 ;
un contrat à durée déterminée en raison d’un surcroît d’activité, du 3 avril 2018 au 30 septembre 2018, pour exercer, en qualité de soigneur-animateur échelon 3.
Ainsi, pendant 10 années consécutives, Mme [R] a travaillé, pour des périodes équivalentes, à des dates à peu près fixes, au profit de la société Donjon des Aigles, pour effectuer la même activité avec une évolution d’échelon en 2013 puis en 2016.
Entre 2009 et 2014, les contrats ont été conclus « pour la saison touristique ». Ils ont expressément été nommés entre 2015 et 2017 de contrats saisonniers.
Le contrat signé en 2018 concerne toujours la même activité, la même période, à quelques jours près, et la même classification que les deux années précédentes.
Mme [R] a ainsi travaillé 10 années consécutives pour la société Donjon des Aigles.
L’article L.1244-2 prévoit que les contrats de travail à caractère saisonnier définis au 3° de l’article L.1242-2 peuvent comporter une clause de reconduction pour la saison suivante.
Une convention ou un accord collectif de travail peut prévoir que tout employeur ayant occupé un salarié dans un emploi à caractère saisonnier lui propose, sauf motif réel et sérieux, un emploi de même nature, pour la même saison de l’année suivante. La convention ou l’accord en définit les conditions, notamment la période d’essai, et prévoit en particulier dans quel délai cette proposition est faite au salarié avant le début de la saison ainsi que le montant minimum de l’indemnité perçue par le salarié s’il n’a pas reçu de proposition de réemploi.
Pour calculer l’ancienneté du salarié, les durées des contrats de travail à caractère saisonnier successifs dans une même entreprise sont cumulées.
Selon l’article L.1244-2-1 du code du travail, dans les branches où l’emploi saisonnier est particulièrement développé définies par un arrêté du ministre chargé du travail, à défaut de stipulations conventionnelles au niveau de la branche ou de l’entreprise, les contrats de travail à caractère saisonnier dans une même entreprise sont considérés comme successifs, pour l’application de l’article L.1244-2, lorsqu’ils sont conclus sur une ou plusieurs saisons, y compris lorsqu’ils ont été interrompus par des périodes sans activité dans cette entreprise.
L’article L.1244-2-2 poursuit que :
I. ‘ Dans les branches mentionnées à l’article L.1244-2-1, à défaut de stipulations conventionnelles au niveau de la branche ou de l’entreprise, l’employeur informe le salarié sous contrat de travail à caractère saisonnier, par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information, des conditions de reconduction de son contrat avant l’échéance de ce dernier.
II. ‘ Dans les branches mentionnées à l’article L. 1244-2-1, à défaut de stipulations conventionnelles au niveau de la branche ou de l’entreprise, tout salarié ayant été embauché sous contrat de travail à caractère saisonnier dans la même entreprise bénéficie d’un droit à la reconduction de son contrat dès lors que :
1° Le salarié a effectué au moins deux mêmes saisons dans cette entreprise sur deux années consécutives ;
2° L’employeur dispose d’un emploi saisonnier, tel que défini au 3° de l’article L.1242-2, à pourvoir, compatible avec la qualification du salarié.
L’employeur informe le salarié de son droit à la reconduction de son contrat, par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information, dès lors que les conditions prévues aux 1° et 2° sont réunies, sauf motif dûment fondé.
L’arrêté du 5 mai 2017 listant les branches où l’emploi saisonnier est particulièrement développé dispose que les branches mentionnées aux articles L.1244-2-1 et L.1244-2-2 du code du travail sont :
Sociétés d’assistance (IDCC 1801).
Casinos (IDCC 2257).
Détaillants et détaillants-fabricants de la confiserie, chocolaterie, biscuiterie (IDCC 1286).
Activités de production des eaux embouteillées et boissons rafraîchissantes sans alcool et de bière (IDCC 1513).
Espaces des loisirs, d’attractions et culturels (IDCC 1790).
Hôtellerie de plein air (IDCC 1631).
Hôtels, cafés, restaurants (IDCC 1979).
Centres de plongée (Sport IDCC 2511).
Jardineries et graineteries (IDCC 1760).
Personnels des ports de plaisance (IDCC 1182).
Entreprises du négoce et de l’industrie des produits du sol, engrais et produits connexes (IDCC 1077).
Remontées mécaniques et domaines skiables (IDCC 454).
Commerce des articles de sports et d’équipements de loisirs (IDCC 1557).
Thermalisme (IDCC 2104).
Tourisme social et familial (IDCC 1316).
Transports routiers et activités auxiliaires du transport (IDCC 16).
Vins, cidres, jus de fruits, sirops, spiritueux et liqueurs de France (IDCC 493).
En l’espèce chacun des contrats signés par Mme [R] et la société Donjon des Aigles mentionne qu’il est soumis à la convention collective des zoos (parcs et jardins zoologiques privés ouverts au public).
Les bulletins de paie mentionnent également cette convention collective, qui ne figure pas sur la liste des branches d’activités concernées par les articles L.1244-2-1 et L.1244-2-2 précités et le droit à reconduction du contrat saisonnier qu’ils ont instauré.
Mme [R] soutient que son activité ressortait en réalité de la convention collective des Espaces des loisirs, d’attractions et culturels.
Le code NAF de la société Donjon des Aigles, 9104Z, est attribué par l’INSEE et correspond aux entreprises chargées de la « Gestion des jardins botaniques et zoologiques et des réserves naturelles ».
La convention collective des Espaces des loisirs, d’attractions et culturels prévoit qu’entrent dans son champ d’application, notamment, les entreprises répertoriées sous l’ancienne codification 92. 5E « gestion du patrimoine naturel », remplacée par la codification NAF 91. 04Z « gestion du patrimoine naturel » :
‘ la conservation du patrimoine naturel ;
‘ les gestionnaires de jardins botaniques, des réserves et parcs naturels.
Toutefois, elle exclut expressément de son champ d’application les zoos et parcs animaliers exerçant cette activité à titre principal.
Il convient donc de rechercher la convention collective applicable aux salariés de la société Donjon des Aigles.
En vertu de l’article L.2261-2 du code du travail, la convention collective applicable est celle dont relève l’activité principale de l’employeur.
Le préambule de la convention collective nationale de travail concernant le personnel des parcs et jardins zoologiques privés ouverts au public du 24 janvier 2012 dispose que sont considérées comme parcs zoologiques privés ouverts au public les entreprises dont l’activité principale est l’élevage de la faune sauvage et sa conservation.
Elles sont également chargées de :
la recherche scientifique, en participant notamment à des programmes nationaux ou internationaux d’élevages dans la mesure où ceux-ci contribuent à une meilleure connaissance de la faune sauvage, son élevage ou sa protection dans la nature ;
la pédagogie et l’éducation du public sur la faune sauvage, ses relations avec le milieu naturel et sa protection.
Les salariés des entreprises entrant dans le champ d’application de la présente convention collective relèvent, en fonction des règles applicables à la nature de leur activité, soit du code du travail, soit du code rural et de la pêche maritime.
Les parties conviennent en conséquence que les dispositions légales ou réglementaires, lorsqu’elles sont visées dans les différents articles, font référence à celles prévues par le code rural et de la pêche maritime ou par le code du travail.
En l’espèce, l’extrait KBIS de la société Donjon des Aigles indique que l’activité exercée par celle-ci est l’exploitation d’un parc zoologique.
Ses statuts mentionnent que son objet social est :
-l’exploitation d’un parc zoologique,
– la démonstration de vol et dressage de rapaces et par extension de tous oiseaux,
-l’exploitation d’une buvette,
-la vente de cartes postales, souvenirs, disques, cassettes, revues,
-d’une façon générale, tout ce qui se rapporte à l’exploitation d’un parc zoologique, à l’écologie montagnarde, au développement de la connaissance de la flore et de la faune montagnarde.
La société Donjon des Aigles démontre surtout que, si elle a une activité d’avril à septembre de présentation de rapaces et de perroquets en vol libre, elle a principalement, et au cours de toute l’année, une activité d’élevage et de conservation des espèces de rapaces diurnes et nocturnes, en favorisant leur reproduction en captivité, contribuant ainsi à la protection de la faune sauvage montagnarde.
Elle justifie également de sa participation à la pédagogie et l’éducation du public sur la faune sauvage, ses relations avec le milieu naturel et sa protection en versant aux débats un livret pédagogique à destination des élèves venant sur son site avec leur classe. Le spectacle présenté entre les mois d’avril et septembre chaque année entre également dans ce cadre pédagogique et éducatif vis-à-vis du public.
La fermeture au public d’octobre à mars ne saurait par ailleurs exclure l’application de la convention collective des zoos, d’autant que la société Donjon des Aigles a deux salariés en contrat à durée indéterminée en tant que soigneur-animalier ou soigneur-animateur, ce qui démontre également que son activité n’est pas limité aux spectacles saisonniers.
Enfin, il ne saurait être argué de la mention des cinq premiers contrats de travail selon laquelle Mme [R] était engagée pour exercer l’activité de démonstration d’oiseaux en vol et de zoo pour établir que l’activité principale de la société était le spectacle.
En conséquence de tous ces éléments, c’est à juste titre que la relation de travail entre Mme [R] et la société Donjon des Aigles a été soumise à la convention collective des zoos, de sorte qu’elle ne peut se prévaloir d’un droit à la reconduction de son contrat saisonnier.
Mme [R] sera en conséquence déboutée de toutes ses demandes sur ce fondement.
Sur la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée
Mme [R] formule cette demande subsidiaire en invoquant d’une part l’absence de motif régulier de recours au contrat à durée déterminée et, d’autre part, le nombre de renouvellements des contrats.
Concernant le nombre de renouvellement des contrats, il importe de rappeler que le renouvellement de contrat saisonniers sur une longue période ne suffit pas en lui-même à entraîner la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée.
Par ailleurs, si la société Donjon des Aigles présente des spectacles sur les rapaces chaque année entre avril et octobre, il a été vu précédemment qu’elle disposait d’une activité sur l’année pour la préservation des espèces.
De plus, Mme [R] indique qu’il y avait chaque année deux salariés embauchés pour la saison, venant s’ajouter aux deux salariés engagés en contrat à durée indéterminée, de sorte qu’il ne peut pas être considéré que la société avait une activité restreinte à la période d’avril à octobre.
La demande de requalification de la relation de travail sur ce fondement sera donc rejetée.
En revanche, selon l’article L.1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
Il comporte notamment :
1° Le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée lorsqu’il est conclu au titre des 1°, 4° et 5° de l’article L.1242-2 ;
2° La date du terme et, le cas échéant, une clause de renouvellement lorsqu’il comporte un terme précis ;
3° La durée minimale pour laquelle il est conclu lorsqu’il ne comporte pas de terme précis ;
4° La désignation du poste de travail en précisant, le cas échéant, si celui-ci figure sur la liste des postes de travail présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité des salariés prévue à l’article L.4154-2, la désignation de l’emploi occupé ou, lorsque le contrat est conclu pour assurer un complément de formation professionnelle au salarié au titre du 2° de l’article L.1242-3, la désignation de la nature des activités auxquelles participe le salarié dans l’entreprise ;
5° L’intitulé de la convention collective applicable ;
6° La durée de la période d’essai éventuellement prévue ;
7° Le montant de la rémunération et de ses différentes composantes, y compris les primes et accessoires de salaire s’il en existe ;
8° Le nom et l’adresse de la caisse de retraite complémentaire ainsi que, le cas échéant, ceux de l’organisme de prévoyance.
En l’espèce, le contrat discuté est celui du 3 avril 2018, intitulé contrat à durée déterminée.
Ce dernier mentionnait comme motif un surcroît d’activité.
Il importe de rappeler qu’il est de jurisprudence constante qu’il n’est pas nécessaire que l’accroissement de l’activité soit exceptionnel.
Toutefois, lorsque l’augmentation de l’activité pendant la saison est régulière, prévisible et cyclique, elle est de nature à caractériser un emploi saisonnier.
En l’espèce, par la conclusion des contrats saisonniers précédents, il est établi que, chaque année, de manière cyclique, la société Donjon des Aigles était soumise à un accroissement d’activité entre avril et octobre, de sorte que le motif visé dans le contrat du 3 avril 2018 n’était pas réel.
Il convient donc de requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter de cette date.
La société Donjon des Aigles sera en conséquence condamnée à payer à Mme [R] une indemnité en application de l’article L.1245-2 du code du travail, dont le montant sera fixé à 1800 euros, correspondant à un mois de salaire ainsi que l’a évalué Mme [R], en l’absence de démonstration d’un préjudice particulier justifiant de porter cette somme à un montant supérieur.
Par ailleurs, du fait de cette requalification, la cessation de la relation de travail se retrouve être un licenciement, de sorte que Mme [R] est bien fondée à obtenir le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis qu’elle sollicite.
Il appert de préciser qu’elle n’a sollicité une indemnité de licenciement que dans le cadre de sa demande principale relative à la non reconduction de son contrat de travail dont elle a été déboutée.
Il convient, pour le calcul de l’indemnité compensatrice de préavis, en application du dernier aliéna de l’article L.1244-2 du code du travail, de tenir compte, des durées des contrats de travail à caractère saisonnier successifs de Mme [R] au sein de la société Donjon des Aigles, pour laquelle elle a travaillé régulièrement, chaque année, depuis 2009, même en l’absence de clause de reconduction. En effet, ce cumul n’est pas subordonné à l’existence d’une telle clause.
L’ancienneté de Mme [R] s’élève donc à 5 ans et 8 mois.
En vertu des articles L.1234-1 et L.1234-5 du code du travail, il doit donc lui être alloué une indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire, soit 3600 euros bruts, outre 360 euros au titre des congés payés y afférents, sommes que la société Donjon des Aigles sera condamnée à lui payer.
Par ailleurs, le terme du dernier contrat a été suivi, quelques mois après, d’un simple SMS, le 3 avril 2019, informant Mme [R], après plusieurs relances de sa part, qu’elle ne serait pas engagée cette année-là, dans les termes suivants :
« [O], après longue réflexion, je suis au regret de te dire que tu ne seras pas parmi nous pour cette nouvelle saison. [C] »
Plus que l’irrespect de la procédure de licenciement applicable à la rupture d’un contrat à durée indéterminée, il apparaît que cette cessation de la relation contractuelle se retrouve non motivée, c’est-à-dire, sans cause réelle et sérieuse, ce qui donne droit, à Mme [R], au versement d’une indemnité sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail, dans ses dernières dispositions applications aux entreprises employant habituellement moins de 11 salariés.
Au regard du minimum fixé par ce texte, à savoir 1,5 mois de salaire, et de la situation personnelle et sociale de Mme [R], ainsi que des circonstances de la rupture de la relation de travail, il convient de lui allouer la somme de 4000 euros sollicitée à ce titre, que la société Donjon des Aigles sera condamnée à lui payer.
En revanche, Mme [R], qui sollicite un rappel de salaire pour la période courant d’octobre 2018 à mars 2019 ne justifie aucunement être restée à la disposition de la société Donjon des Aigles pendant cette période, de sorte qu’elle sera déboutée de cette demande.
Sur les demandes accessoires
La société Donjon des Aigles, qui succombe à l’instance, devra en supporter les entiers dépens, y compris ceux de première instance.
Elle doit en outre être condamnée à payer à Mme [R] la somme 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance, et la somme de 1500 euros, sur ce même fondement, pour les frais exposés en appel.