27 avril 2023 Cour d’appel de Limoges RG n° 22/00655

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ARRET N° .

N° RG 22/00655 – N° Portalis DBV6-V-B7G-BILYS

AFFAIRE :

M. [M] [R]

C/

M. [T] [C], Organisme MSA SERVICE LIMOUSIN

GV/MS

Demande en paiement des fermages ou loyers et/ou tendant à faire prononcer ou constater la résiliation du bail pour défaut de paiement et prononcer l’expulsion

T P B R

Grosse délivrée à Me Xavier TOURAILLE, Me Julia BENAIM, avocats,

Notification faite aux parties le 27 avril 2023.

COUR D’APPEL DE LIMOGES

Chambre sociale

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ARRET DU 27 AVRIL 2023

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Le VINGT SEPT AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS la chambre économique et sociale a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe:

ENTRE :

Monsieur [M] [R]

né le 30 Mai 1950 à [Localité 14], demeurant [Adresse 19]

représenté par Me Julia BENAIM, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANT d’une décision rendue le 30 JUIN 2022 par le TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE GUERET

ET :

Monsieur [T] [C]

né le 08 Juillet 1963 à [Localité 16], demeurant Chez Madame [O] – [Adresse 15]

représenté par Me Xavier TOURAILLE, avocat au barreau de CREUSE

Organisme MSA SERVICE LIMOUSIN, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Xavier TOURAILLE, avocat au barreau de CREUSE

INTIMES

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L’affaire a été fixée à l’audience du 06 Mars 2023.

La Cour étant composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Monsieur Jean-Pierre COLOMER et de Madame Géraldine VOISIN, Conseillers, assistés de Mme Sophie MAILLANT, Greffier. A cette audience, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 27 Avril 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

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LA COUR

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EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé du 7 décembre 2014, M. [T] [C], assisté de son curateur, la MSA SERVICES LIMOUSIN, a donné à bail à ferme à M. [M] [R] les parcelles cadastrées section B de la commune de [Localité 18] (23) n° [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 2], [Cadastre 3] à [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10] et [Cadastre 11] pour une surface de 14 hectares, 6 ares et 4 centiares, moyennant un fermage de 984,23 € par an payable à terme échu à compter du 7 décembre 2015.

Les fermages des années 2015, 2016 et 2017 ont été payés avec retard.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 1er octobre 2020, M. [T] [C] et la MSA SERVICES LIMOUSIN, ès qualités, ont mis en demeure M. [R] de régler les fermages des années 2018 et 2019.

==0==

Parallèlement, par ordonnance de référé du 4 décembre 2017 rendue par le président du tribunal paritaire des baux ruraux de Guéret, confirmée par arrêt la cour d’appel de Limoges du 28 mai 2018, M. [M] [R] a été débouté de sa demande tendant à faire cesser le trouble causé par l’occupation illicite par le GAEC [G] de la parcelle cadastrée n° [Cadastre 11] donnée à bail.

Par jugement rendu le 3 mai 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux de Guéret a :

– condamné M. [T] [C] à payer à M. [M] [R] assisté de son curateur, la somme de 1 852,46 € correspondant aux fermages des années 2018 et 2019 ;

– débouté M. [M] [R] de sa demande de dommages et intérêts dirigée contre M. [T] [C] du fait de l’occupation par le GAEC [G] de la parcelle donnée à bail n° [Cadastre 11].

==0==

Par requête reçue au greffe le 16 novembre 2021, M. [T] [C] et la MSA SERVICES LIMOUSIN, son curateur, ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Guéret pour voir :

– prononcer la résiliation du bail rural du 7 décembre 2014 ;

– condamner M. [M] [R] à payer à M. [T] [C] la somme de 2 788,41 € au titre des fermages impayés selon décompte arrêté au 31 décembre 2020, sous réserve des sommes pouvant être dues au titre du fermage 2021.

Par jugement rendu le 30 juin 2022, le tribunal paritaire des baux ruraux de Guéret, a :

– prononcé la résiliation du bail consenti le 7 décembre 2014 par M. [T] [C] assisté de son curateur, la MSA Services Limousin à M. [M] [R] portant sur des terres sises [Adresse 17] à [Localité 18] (23) référencées au cadastre de ladite commune section B n° [Cadastre 2], [Cadastre 3] à [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 5], [Cadastre 11], [Cadastre 7], [Cadastre 8] à [Cadastre 10], [Cadastre 12] et [Cadastre 13] pour une contenance totale de 14 hectares 6 ares 4 centiares ;

– dit que M. [M] [R] doit quitter les lieux dans le mois de la signification de la présente décision ;

– autorisé, à défaut pour M. [M] [R] d’avoir volontairement libéré les lieux, qu’il soit procédé à son expulsion deux mois après un commandement de quitter les lieux resté infructueux ;

– condamné M. [M] [R] à payer à M. [T] [C] la somme de 1 894,37 € au titre des fermages échus pour les années 2020 et 2021 ;

– rejeté toutes demandes plus amples ou contraires ;

– condamné M. [M] [R] à payer à M. [T] [C] la somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;

– dit que la présente décision est exécutoire de droit.

M. [R] a interjeté appel de ce jugement le 23 août 2022.

==0==

Aux termes de ses écritures du 30 novembre 2022, réitérées à l’audience, M. [M] [R] demande à la cour :

– infirmer l’ensemble du jugement dont appel ;

Statuant à nouveau,

– débouter M. [C] et la MSA de l’intégralité de leurs demandes ;

– condamner les mêmes à une indemnité de 2 000 € en réparation du préjudice causé du fait de cette procédure abusive ;

– condamner les mêmes à verser à M. [T] [C] la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d’appel, en accordant pour ces derniers à Maître Benaim, avocat, le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile ;

– statuer ce que de droit quant aux dépens.

M. [M] [R] se plaint que durant les premières années du bail, la parcelle n° [Cadastre 11] était occupée par le GAEC [G], lui ayant ainsi causé un préjudice de jouissance qu’il estime à 2 000 €.

En outre, il avait régularisé le paiement des fermages des années 2018 et 2019 avant la saisine du tribunal paritaire des baux ruraux, si bien que la résiliation du bail ne peut pas être prononcée, les motifs de la résiliation judiciaire devant être appréciés au jour de la demande en justice. Il reproche à M. [T] [C] le délai tardif de la saisine du tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail.

Il était légitime, en application de l’article L 431-1 du code rural, à ne pas payer le fermage en raison du décès de son petit-fils intervenu dans des circonstances dramatiques.

Aux termes de leurs écritures du 20 janvier 2023, réitérées à l’audience, M. [T] [C] et la MSA SERVICES LIMOUSIN, ès qualités, demandent à la cour, à titre principal, de :

– confirmer le jugement attaqué sauf en ce qu’il a condamné M. [M] [R] au paiement d’un arriéré de fermages correspondant aux années 2020 et 2021 pour 1 894,37 € ;

– constater que cet arriéré de fermages se trouve désormais porté à 2 880,50 € et condamner M. [R] à payer à M. [C] ladite somme ;

– débouter l’appelant de toutes demandes autres ou contraires ;

– condamner en outre M. [R] à payer à M. [C] une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

M. [T] [C] et la MSA SERVICES LIMOUSIN font valoir que la demande de résiliation de bail est parfaitement fondée en raison du défaut de paiement des fermages de 2018 et 2019 qui ont persisté plus de trois mois après mise en demeure du 1er octobre 2020, peu important que le tribunal paritaire des baux ruraux n’ait été saisi en résiliation du bail que le 10 novembre 2021.

M. [T] [C] a délivré congé au GAEC [G] dès que la difficulté est apparue. En outre, M. [M] [R] a été débouté par plusieurs décisions judiciaires de sa demande de dommages et intérêts présentée à ce titre.

M. [M] [R] ne justifie pas du projet d’élevage ovin qu’il aurait eu avec son petit-fils [Y] [R]. En outre, son décès, même s’il constitue un événement tragique, ne peut justifier un impayé de fermages pendant cinq ans.

Enfin, les fermages de 2020, 2021 et 2022 restent impayés.

SUR CE,

– Sur la résiliation du bail

L’article L 411-31 du code rural dispose que :

‘I.-Sauf dispositions législatives particulières, nonobstant toute clause contraire et sous réserve des dispositions des articles L. 411-32 et L. 411-34, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s’il justifie de l’un des motifs suivants :

1° Deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l’échéance. Cette mise en demeure devra, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposition’.

Malgré mise en demeure du 1er octobre 2020 reproduisant les termes de l’article L 431’31 du code rural, M. [M] [R] n’a payé le fermage de l’année 2018 de 921,62 € et le fermage de l’année 2019 de 930,84 € que suite au jugement rendu le 3 mai 2021 par le tribunal des baux ruraux de Guéret l’ayant condamné avec exécution provisoire à payer le montant de ces sommes, soit 1 852,46 €.

Dés lors, M. [M] [R] n’ayant payé que sous la contrainte, il ne peut pas soutenir que son paiement étant intervenu avant la saisine du tribunal paritaire des baux ruraux par M. [T] [C] le 16 novembre 2021, la résiliation du bail ne serait pas encourue.

L’article L 411-31 du code rural dispose également dans son premier paragraphe que ‘Les motifs mentionnés ci-dessus ne peuvent être invoqués en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes’.

Comme indiqué par le premier juge, M. [M] [R] ne justifie pas en quoi le décès de son petit-fils [Y] [R], même intervenu dans des circonstances dramatiques en août 2018, l’a empêché de régler le fermage pendant cinq ans. De plus, il ne démontre pas la réalité de son projet de travailler les terres louées avec son petit-fils.

Ce moyen ne constitue donc pas un cas de force majeure ou une raison sérieuse et légitime de nature à écarter le prononcé de la résiliation du bail.

En ce qui concerne l’occupation de la parcelle n° [Cadastre 11] par le GAEC [G], le tribunal paritaire des baux ruraux de Guéret a débouté M. [M] [R] de sa demande de dommages et intérêts présentée à ce titre, par jugement rendu le 3 mai 2021. En effet, la réclamation de M. [M] [R] à ce titre a été tardive. Il n’a justifié d’aucun préjudice ou trouble de jouissance. En outre, M. [T] [C] a mis en demeure le GAEC [G] de quitter les lieux dès le 21 juin 2017 pour le 1er juillet 2017. Enfin, cette difficulté est ancienne.

Ce moyen ne constitue donc pas davantage un cas de force majeure ou une raison sérieuse et légitime de nature à écarter le prononcé de la résiliation du bail.

Enfin, M. [M] [R] ne peut pas reprocher à M. [T] [C] la tardiveté de sa saisine du tribunal en résiliation du bail, le 16 novembre 2021, par rapport à la mise en demeure du 1er octobre 2020. En effet, il ne peut pas se prévaloir de sa propre turpitude, le défaut de paiement des fermages, pour reprocher au bailleur le délai ainsi accordé.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la résiliation du bail rural consenti le 7 décembre 2014 et a ordonné l’expulsion de M. [M] [R] à défaut de départ volontaire de ce dernier dans le mois de la signification dudit jugement.

– Sur le paiement des fermages des années 2020, 2021 et 2022

M. [M] [R] ne justifie pas avoir payé les fermages des années 2020 et 2021 pour des montants respectifs de 942,05 € et 952,32 €, soit un total de 1 894,37 €.

Il doit donc être condamné à payer à M. [T] [C], assisté par son curateur, le montant de cette somme.

En ce qui concerne le fermage réclamé au titre de l’année 2022, le tribunal paritaire des baux ruraux ayant ordonné la résiliation du bail à la date du jugement, soit le 30 juin 2022, le fermage n’est dû que sur la période du 1er janvier au 30 juin 2022, soit le montant annuel de 983,13 € / 2 = 491,56 €.

Le montant réclamé sur la période du 1er juillet 2022 au 31 décembre 2022 correspond à une indemnité d’occupation dans l’hypothèse où M. [M] [R] n’aurait pas quitté les lieux loués. Mais, M. [T] [C] n’en rapporte pas la preuve. Il doit donc être débouté de sa demande en paiement à hauteur de 491,56 € à titre d’indemnité d’occupation sur la période du 1er juillet 2022 au 31 décembre 2022.

M. [M] [R] doit donc être condamné à payer à M. [T] [C], assisté de son curateur, la seule somme de 491,56 € correspondant au fermage dû sur la période du 1er janvier 2022 au 30 juin 2022.

-Sur la demande de dommages et intérêts présentée par M. [M] [R] pour procédure abusive

Au vu de la solution du litige, M. [M] [R] doit être débouté de cette demande de dommages-intérêts.

– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. [M] [R] succombant à l’instance, il doit être condamné aux dépens et il est équitable de le condamner à payer à M. [T] [C], assisté de son curateur, la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

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