COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION B
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ARRÊT DU : 27 AVRIL 2023
PRUD’HOMMES
N° RG 22/03571 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MZZN
S.A.R.L. RELAIS DU CHATEAU
c/
Madame [Z] [Y]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée aux avocats le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 décembre 2020 (R.G. n°F19/00189) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANGOULEME, Section Commerce, suivant déclaration d’appel du 23 décembre 2020.
APPELANTE :
S.A.R.L. RELAIS DU CHATEAU prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]
Représentée et assistée par Me Julie MENJOULOU, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
[Z] [Y]
née le 10 Juillet 1978 à [Localité 3] (33)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Arianna MONTICELLI de la SELARL MONTICELLI – SOULET, avocat au barreau de CHARENTE
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 08 février 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Eric Veyssière, président,
Madame Sophie Lésineau, conseillère,
Madame Cybèle Ordoqui, conseillère,
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.
EXPOSE DU LITIGE
Selon un contrat de travail à durée déterminée du 12 mars 2018, la société Le Pressoir a engagé Mme [Y] en qualité de femme de ménage en remplacement d’une salariée absente.
Selon un contrat de travail à durée indéterminée du 1er juillet 2018, la société Relais Du Château a engagé Mme [Y] en qualité de serveuse.
Le 18 octobre 2018, la société Relais Du Château a proposé à Mme [Y] une rupture conventionnelle, proposition refusée par la salariée.
Par courrier posté le 24 octobre 2018, la société Relais Du Château a convoqué Mme [Y] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 3 novembre 2018 avec mise à pied à titre conservatoire.
Le 7 novembre 2018, Mme [Y] a été licenciée pour faute grave fondée sur les motifs suivants :
– non-respect des horaires de travail,
– présence de son fils au restaurant pendant les heures de travail,
– refus de partir en congés malgré les instructions de l’employeur.
Le 16 juillet 2019, Mme [Y] a saisi le conseil de prud’hommes d’Angoulême aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de voir condamner la société Relais Du Château au paiement de diverses sommes.
Par jugement du 14 décembre 2020, le conseil de prud’hommes d’Angoulême a :
– dit et jugé que Mme [Y] n’ayant commis aucune faute grave, son licenciement est abusif car dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamné la société Relais Du Château à payer à Mme [Y] les sommes suivantes:
– 6 064,41 euros bruts au titre du paiement des heures supplémentaires, outre 606,44 euros bruts de congés payés y afférents,
– 1 357,63 euros au titre du salaire d’octobre 2018 et du solde de tout compte,
– 19 960 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
– 3 326,61 euros à titre d’indemnité suite à la rupture abusive du contrat de travail,
– 1 663 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,
– 887,09 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 88,71 euros bruts de congés payés y afférents,
– 801,57 euros bruts à titre de paiement du salaire retenu suite mise à pied conservatoire injustifiée, outre 80,15 euros bruts de congés payés y afférents,
– 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
– débouté Mme [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
– débouté la société Relais Du Château de sa demande reconventionnelle,
– ordonné l’exécution provisoire pour l’ensemble du présent jugement, sur le fondement de l’article R. 1454-14 du code du travail et de l’article 515 du code de procédure civile,
– fixé la moyenne des trois derniers mois de salaires de Mme [Y] à la somme de 3326,61 euros,
– dit qu’à défaut d’exécution spontanée les frais retenus par l’huissier instrumentaire dans le cadre de l’exécution forcée seront à la charge exclusive de la société Relais Du Château.
Par déclaration du 23 décembre 2020, la société Relais Du Château a relevé appel du jugement.
Par ordonnance de référé du 11 février 2021, la première présidente de la Cour d’appel de Bordeaux a :
– débouté la société Relais Du Château de sa demande tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire résultant du jugement rendu le 14 décembre 2020 par le conseil de prud’hommes d’Angoulême,
– condamné la société Relais Du Château à payer à Mme [Y] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la présente instance.
Par ordonnance de référé portant rectification d’erreur matérielle du 4 mars 2021, la première présidente de la cour d’appel de Bordeaux a dit qu’il convient de rajouter au dispositif de l’ordonnance en date du 11 février, en suivant les deux premiers paragraphes, la disposition suivante : ‘Ordonne la radiation de la procédure enregistrée sous le n° RG 20 / 05192 du rang des affaires en cours ;’.
Par conclusions de remise au rôle du 16 mai 2022, la société Relais Du Château a saisi la cour d’appel de Bordeaux.
Par ses dernières conclusions en date du 14 octobre 2022, la société Relais Du Château sollicite de la Cour qu’elle :
– infirme partiellement le jugement déféré,
Statuant à nouveau :
– juge que le licenciement de Mme [Y] repose sur une faute grave et que la procédure ne revêt aucun caractère vexatoire,
– déboute Mme [Y] de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail,
– juge que la société Relais Du Château justifie des horaires de travail de Mme [Y] et que celle-ci n’apporte pas la preuve d’heures supplémentaires non rémunérées,
– débouté Mme [Y] de ses demandes au titre des heures supplémentaires et du travail,
– juge que la société Relais Du Château s’est acquittée des sommes dues au titre du salaire du mois d’octobre 2018 et du solde de tout compte,
– déboute Mme [Y] de cette demande,
– déboute Mme [Y] de ses prétentions au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamne au paiement d’une indemnité de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens en ce compris les frais d’exécution éventuels.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 28 juillet 2022, Mme [Y] sollicite de la Cour qu’elle :
– confirme le jugement déféré,
– déboute la société Relais Du Château de ses demandes,
– la condamne à la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 janvier 2023.
L’affaire a été fixée à l’audience du 8 février 2023 pour être plaidée.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la Cour se réfère aux conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’exécution du contrat
Sur les heures supplémentaires
En vertu de l’article L 3171-4 du code du travail, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires.
Au soutien de sa demande, Mme [Y] produit :
– un décompte d’heures jour par jour,
– les attestations du cuisinier, M. [R] et de la secrétaire, Mme [D] ainsi que des SMS de M. [W] afin de démontrer les nombreuses tâches extracontractuelles qu’elle réalisait en dehors des heures du service,
Les éléments fournis par Mme [Y] sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre utilement en fournissant ses propres éléments.
La société fait valoir qu’en dehors de l’attestation de Mme [D], aucun autre élément ne permet d’établir la réalisation d’heures supplémentaires par Mme [Y]. Elle fournit les décomptes d’heures de la salariée signés par cette dernière de juillet au mois de septembre 2018 inclus sans qu’il n’y figure la présence d’heures supplémentaires. Elle communique en outre l’attestation de salariés dont Mme [B] qui expose que les heures supplémentaires s’il y en avait devaient être récupérées très rapidement ce qui se pratiquait sans difficulté. Enfin, la société relève de nombreuses incohérences dans les heures déclarées par Mme [Y] au regard du registre des réservations, du cahier de caisse et du récapitulatif journalier du nombre de couverts, de tables et de personnes affectées au service.
Les décomptes du temps de travail mensuels de Mme [Y] communiqués par l’employeur ont été remplis et signés manuscritement par la salariée sans que n’y figure la présence d’heures supplémentaires, décomptes dont le contenu et la justesse n’ont pas à être remis en question en ce que Mme [Y] ne démontre pas autrement que par ses propres affirmations avoir été contrainte de signer ces décomptes d’heures et en ce que le témoignage de Mme [D], alléguant que le relevé d’heures ne correspondait pas à la réalité des horaires, doit être relativisé au regard de son contentieux actuel avec l’employeur et de sa non présence sur le site du chateau comme en atteste Mme [B].
La seconde serveuse, Mme [B], explique clairement que ‘chaque dépassement occasionnel devait être récupéré au minimum dès le lendemain et au maximum avant la fin de la semaine suivante. Nous avons toujours fait nos coupures entre les services que nous avançions ou prolongions même parfois afin de récupérer les dépassements occasionnels de la veille ou semaine précédente. Etant donné que c’est une petite entreprise où il n’y a pas de service de blanchisserie, nous nous occupions nous-même du lavage et repassage des nappes et serviettes et du linge de cuisine mais nous avions largement le temps de le faire les jours où nous avions peu ou pas de couverts.’Un système de récupération des heures supplémentaires existait donc au sein de la société et les tâches de blanchisserie était intégrées dans les heures de travail, contrairement aux affirmations de Mme [Y].
Mme [Y] indique réaliser de nombreuses tâches extracontractuelles après le service du midi, démontrant par là même qu’elle faisait des coupures entre les services, contrairement à son décompte d’heures journalier.
Enfin, les horaires de travail très larges indiqués par Mme [Y] sont contredits par le registre des réservations et le récapitulatif journalier du nombre de couverts sur les différents mois travaillés. Ainsi, au mois de juillet par exemple, la salariée indique avoir travaillé sans interruption le 1er juillet de 10h à 23h30 alors que le registre de réservation fait état de 6 repas le midi pour deux serveuses et aucun repas le soir. Le samedi 7 juillet, Mme [Y] évoque une amplitude de travail de 10h à 23h30 alors qu’il n’est indiqué que 2 repas le midi et 2 le soir. Le 27 juillet, il est observé aucun repas le midi et 9 repas le soir toujours pour deux serveuses et Mme [Y] indique n’avoir fait aucune coupure de 10h jusqu’à 24h30. De tels décalages se retrouvent dans les plannings des mois d’août, septembre et octobre.
Néanmoins, les décomptes fournis par l’employeur relèvent des horaires de travail du mardi au dimanche de 10h à 14h et de 18h à 22h, soit un total de 40 heures contre les 35 prévus au contrat de travail et réglés à la salariée.
En outre, il ressort de la lecture des SMS entre M. [W] et Mme [Y] et des attestations de M. [R] et de Mme [D] que la salariée a réalisé de nombreuses tâches en dehors de ses horaires de service notamment pour distribuer des flyers, envoyer des SMS de publicité aux clients, gérer certaines factures et remettre en banque les recettes réalisées. En l’absence de réfutation de la part de la société de la réalisation effective de ces tâches par la salariée en sus de ses heures de travail, il sera reconnu à cette dernière la réalisation d’heures supplémentaires à hauteur de 20 heures au regard du caractère très spécifique de ces demandes, liées au lancement de l’activité du restaurant.
En l’état des éléments produits, et compte tenu du taux horaire correspondant aux fonctions exercées par Mme [Y], la somme de 11 705,432 euros reste dûe par la société au titre des heures supplémentaires (95 heures majorées à 25 %).
Le jugement déféré sera infirmé de ce chef et la société sera tenue de verser à Mme [Y] la somme de 11 705,432 euros au titre des heures supplémentaires, outre 10% au titre des congés payés sur heures supplémentaires soit 117,05 euros.
Sur le travail dissimulé
Il sera rappelé que :
– l’article L 8221-2 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d’activité, telle que définie par l’article L 8221-3 dudit code, ou par dissimulation d’emploi salarié dans les conditions de l’article L 8221-5
– aux termes de l’article L 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire
– la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est toutefois caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle
La société rappelle, contrairement aux dires de la salariée, n’avoir jamais dissimulé des heures supplémentaires éventuelles.
En l’espèce, il n’est pas contestable que des heures supplémentaires ont été réalisées par Mme [Y], non déclarées par la société. L’intention frauduleuse de la société ne résulte toutefois d’aucun des éléments du dossier, l’attestation de Mme [D] devant être examinée à l’aune des conflits existant entre cette dernière et la société.
De ce fait, Mme [Y] sera déboutée de sa demande de paiement de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé. Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur le bien fondé du licenciement
Il résulte des dispositions des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail que tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, qu’en cas de litige sur les motifs du licenciement d’un salarié, il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur et de former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d’instruction qu’il estime utiles.
La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.
Si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.
Par ailleurs la faute grave, privative du droit au délai-congé et à l’indemnité de licenciement, résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et nécessite la rupture immédiate des relations contractuelles.
La charge de la preuve de la faute grave repose exclusivement sur l’employeur. Il appartient à ce dernier d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés au salarié dans sa lettre de licenciement, d’autre part que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise.
En tout état de cause, selon l’article L 1235-1 du code du travail, ‘si un doute subsiste, il profite au salarié.’
En l’espèce, aux termes de la lettre de licenciement du 7 novembre 2018 qui fixe les limites du litige, la société reproche trois manquements à Mme [Y] justifiant son licenciement pour faute grave :
– le non respect des horaires de travail,
– la présence de son fils au restaurant pendant les heures de travail,
– son refus de partir en congés malgré les instructions de l’employeur.
1) S’agissant du premier grief, la société fait valoir que Mme [Y] n’a pas respecté ses horaires de travail, horaires corroborés par ses décomptes individuels du temps de travail remplis et signés, singulièrement à partir d’octobre 2018 où elle était régulièrement absente pour assurer le service du soir et présente au restaurant à des moments inopportuns pour le service, en fonction de son organisation familiale.
La société, au soutien de ses allégations, fournit à la cour un horaire collectif du personnel de salle sur les semaines du 15 au 28 octobre 2018, les décomptes individuels du temps de travail de la salariée remplis et signés par cette dernière jusqu’en septembre 2018 inclus, des attestations de collègues, Mme [K] et M. [O], indiquant que Mme [Y] ‘ne respectait pas les heures de travail réglementaires, elle venait plus tôt et partait également trop tôt, n’étant parfois pas présente le soir.’
Mme [Y], de son côté, expose qu’il n’existait aucun affichage d’horaires collectif ni de plannings individualisés à l’exception de ceux qu’elle a découvert la semaine du 22 octobre 2018 et fournit deux attestations de salariés en ce sens. En outre, elle relève des contradictions dans les documents communiqués par l’employeur, qui n’a jamais procédé à son encontre à des retenues sur salaire pour retard ou absence.
A la lecture de ces différentes pièces, il est constaté d’une part que l’employeur ne démontre nullement que Mme [Y] avait des horaires précis, établis et connus d’elle même et de tous. Ainsi, l’employeur n’établit pas l’existence de l’affichage d’un horaire collectif depuis le 1er juillet 2018, d’autant que la fiche d’horaire du 15 au 28 octobre 2018 correspond à des plannings individualisés, pendant des décomptes individuels fournis en parallèle. Cette absence d’affichage d’horaire collectif est corroboré par les attestations de M. [R] et Mme [D] qui tous deux confirment que ce n’est qu’à partir du 23 octobre que des fiches d’horaire ont été affichées, après que Mme [D], selon ses propres déclarations, ‘soit allée chercher un kit social au cabinet comptable pour établir des plannings’. Enfin, les horaires habituels de travail de Mme [Y] indiqués par l’employeur varient selon les documents et sont contredits par d’autres documents communiqués questionnant la réelle détermination de ces horaires par l’employeur et la connaissance par la salariée de ces derniers avec certitude : aucun horaire n’est prévu dans le contrat de travail, dans la lettre de licenciement, sont évoqués les horaires suivants ‘ du mercredi au samedi 10h-14h/ 18h-22h et 10h-14h le dimanche’ alors que lors de l’entretien préalable au licenciement, l’employeur évoquait les horaires ’10h-14h/ 18h-22h du mercredi au dimanche’, horaires conformes au ‘récapitulatif des services’ communiqués par l’employeur où Mme [Y] est prévue pour les services du dimanche soir sur les mois de juillet à octobre 2018.
La cour constate d’autre part que l’employeur n’apporte aucun élément permettant de déterminer une date précise à partir de laquelle Mme [Y] aurait arrêté de respecter ses horaires ou le non respect par cette dernière de ses horaires, la lettre de licenciement indiquant : ‘depuis quelques temps, vous ne faites qu’à votre tête et arrivez tous les matins à 8h30 et quittez le restaurant entre 15h30 et 16h’. Or, les attestations fournies par l’employeur, celles de Mme [K] et de M. [O],qui font état d’un non respect des horaires par la salariée, correspondent à la période d’été 2018, période sur laquelle l’employeur fournit des décomptes du temps de travail de Mme [Y] respectant pleinement les horaires de travail 10h-14h/ 18h-22h du mercredi au dimanche. Le témoignage de Mme [B] qui évoque un non respect des horaires de travail par Mme [Y] sur le mois de septembre 2018 doit être mis en parallèle avec la feuille de décompte du même mois ne faisant pas état d’un non respect des horaires. En outre, aucune retenue de salaire ou avertissement quant au non respect des horaires par la salariée n’a jamais été formulé par la société entre juillet et octobre 2018. Enfin, la société ne démontre pas que Mme [Y], entre le 1er octobre au 21 octobre 2018, n’a pas respecté les horaires de travail, la seule attestation de Mme [B] étant contredite par le récapitulatif des services le soir sur lequel Mme [Y] figure sans qu’il soit démontré par d’autres modalités qu’elle n’était pas présente à ces moments-là.
Au regard de tous ces éléments, le premier grief n’est pas établi.
2- S’agissant du second grief tiré de la présence du fils de Mme [Y] pendant les heures de travail, la société fournit diverses attestations de salariés pour établir la présence de l’enfant au restaurant ; elle indique avoir plusieurs fois par SMS demandé à Mme [Y] de trouver une solution de garde pour le soir ou le mercredi puisqu’il ne s’agissait nullement d’une tolérance de l’employeur sur ce point.
Mme [Y] reconnaît avoir amené son fils sur son lieu de travail pendant ses horaires tant lors de l’entretien préalable que dans son courrier de contestation mais relève que son employeur ne lui a jamais formulé la moindre objection ni sanction ou mise en demeure.
Il n’est pas contesté que l’enfant de Mme [Y] était présent très régulièrement sur le lieu de travail de cette dernière et ce pendant ses horaires de travail. Néanmoins, la société ne démontre pas avoir sommé la salariée de modifier ce fonctionnement, les seuls SMS communiqués n’y suppléant pas en ce qu’il s’agit d’une communication informelle entre le directeur et la salariée quant à l’organisation quotidienne de l’enfant sans aucune référence à sa présence sur le lieu de travail.
En l’absence de matérialisation plus objective d’un refus par la direction de la présence de l’enfant sur le site et d’exigence pour la salariée de trouver une autre organisation familiale, le grief bien qu’existant ne peut être considéré d’une gravité telle qu’il rend impossible la poursuite à lui seul du contrat de travail de la salariée au sein de l’entreprise.
3) Concernant le troisième grief, la société reproche à la salariée de s’être présentée sur son lieu de travail le 24 octobre alors que la personne habituellement en charge du travail et des congés, à savoir le cuisinier, lui avait demandé, au nom de la société, le 21 octobre à 14h de partir en congés pour une semaine après le service.
Il convient de rappeler qu’en cas de modification de l’ordre et les dates de départ en congés, l’employeur est tenu de respecter un délai de prévenance d’un mois, sauf en cas de circonstances exceptionnelles.
Or la société ne démontre pas avoir avisé Mme [Y] dans un délai de prévenance d’un mois de cette prise de congé dès le 21 octobre, en ce qu’il ressort de l’attestation du cuisinier que cette dernière n’a été avertie que le 21 octobre qu’elle devait être immédiatement en congé pour une semaine, ce que, selon le cuisinier, la salariée a refusé. Au surplus, l’employeur ne démontre pas l’existence de circonstances exceptionnelles justifiant le non respect dudit délai.
De ce fait, le grief n’est pas établi.
Compte-tenu de l’ensemble des développements qui précèdent, ne sont établis ni la faute grave visée dans la lettre de licenciement, ni le moindre manquement à caractère fautif de Mme [Y], de telle sorte que le jugement entrepris qui a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse sera confirmé.
Sur les conséquences financières du licenciement
Le licenciement de Mme [Y] étant dépourvue de cause réelle et sérieuse, au regard de son ancienneté dans l’entreprise, il convient de lui allouer, en vertu des dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail, une indemnité suite à la rupture abusive de son contrat de travail équivalent à un mois de salaire brut.
Il convient de tenir compte dans l’évaluation du salaire brut de référence de Mme [Y] des heures supplémentaires réalisées de façon habituelle par cette dernière, soit [(1 501,53 euros x3) + 1 175,432 euros] / 3, portant le salaire de référence à la somme de 1 893,34 euros brut.
Le jugement sera confirmé du chef de l’octroi de l’indemnité suite à la rupture abusive du contrat de travail de la salariée, sauf à en modifier le montant à la somme de 1 893,34 euros
Sur les dommages intérêt au titre du caractère brutal et vexatoire du licenciement
C’est par des motifs pertinents qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte que les premiers juges après avoir relevé que l’employeur a adressé la convocation à l’entretien préalable avant le retour de la salariée sur son lieu de travail et en indiquant que M. [W] voulait à tout prix faire partir la salariée a exactement alloué à Mme [Y] la somme de 1 663 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire.
Sur la mise à pied conservatoire
C’est à bon droit que les premiers juges, après avoir relevé que Mme [Y] n’avait commis aucune faute grave, ont octroyé à la salarié le paiement de son salaire entre la date de convocation à l’entretien préalable et la date de licenciement. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur l’indemnité compensatrice de préavis
Au terme de l’article L 1234-5 du code du travail, ‘lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.’
C’est à bon droit que le jugement déféré a octroyé à Mme [Y] une indemnité compensatrice de préavis conformément à la convention collective.
Le jugement sera confirmé du chef de l’octroi de l’indemnité compensatrice de préavis, sauf à en modifier le montant à la somme de 504,89 euros (1 893,34/30 x 8) outre 50,489 euros au titre des congés payés y afférant.
Sur le paiement du solde de tout compte et du salaire du mois d’octobre
La créance salariale d’un montant de 1 357,63 euros relative au salaire du mois d’octobre 2018 et du solde de tout compte a été réglé par l’employeur. De ce chef, le jugement sera confirmé.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
La société, qui succombe, est tenue aux dépens d’appel, au paiement desquels elle sera condamnée.
Il est contraire à l’équité de laisser à Mme [Y] la charge des frais non répétibles qu’elle a engagés, restés à sa charge. La société devra lui payer la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.