27 avril 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/01326

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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B

————————–

ARRÊT DU : 27 AVRIL 2023

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 21/01326 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-L7GP

Société SASU [3]

c/

CPAM DE LA GIRONDE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d’huissier).

Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 février 2021 (R.G. n°18/02063) par le Pôle social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d’appel du 03 mars 2021.

APPELANTE :

Société SASU [3]

[Adresse 2]

représentée par Me Cédric PUTANIER substituant Me Grégory KUZMA de la SELARL R & K AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

CPAM DE LA GIRONDE prise en la personne de directeur domicilié en cette qualité audit siège social. [Adresse 4]

représentée par Me Françoise PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 février 2023, en audience publique, devant Madame Marie-Paule MENU, Présidente chargée d’instruire l’affaire, qui a retenu l’affaire

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Paule Menu, présidente

Madame Sophie Lésineau, conseillère

Madame Cybèle Ordoqui, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Evelyne GOMBAUD,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

FAITS ET PROCEDURE

Le 6 septembre 2013, la société [3] ( la société en suivant) a renseigné une déclaration pour un accident survenu à M. [R] le 5 septembre 2013 à 17h05, dans les termes suivants : ‘le salarié a glissé d’un escabeau’.

Le certificat médical initial, établi le 5 septembre 2013, mentionne une ‘lombosciatique gauche sur hernie discale ( déclenchée suite mouvements de torsion – port de charge au travail)’.

Le 2 décembre 2013, la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde (la caisse en suivant) a informé la société de la prise en charge de l’accident survenu le 5 septembre 2013 au titre des risques professionnels.

L’état de santé du salarié a été déclaré consolidé au 30 janvier 2016.

Le 11 juin 2018, la société a saisi la commission de recours amiable de la caisse de sa contestation tenant à l’imputation à son compte employeur des conséquences de la prise en charge.

Par décision du 17 juillet 2018, la commission de recours amiable de la caisse a rejeté le recours intenté.

Le 11 septembre 2018, la société a saisi le tribunal des affaires de la sécurité sociale de la Gironde aux fins de contester la décision de rejet de la commission de recours amiable de la caisse.

Par jugement du 12 février 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

– débouté la société de son recours

– déclaré opposable à la société la totalité des soins prescrits et arrêts de travail délivrés suivant l’accident du travail dont M. [R] a été victime le 5 septembre 2013

– condamné la société au paiement des entiers dépens.

La société en a relevé appel par une déclaration du 4 mars 2021.

L’affaire a été fixée à l’audience du 9 février 2023, pour être plaidée.

PRETENTIONS ET MOYENS

Par ses dernières conclusions, enregistrées le 18 mai 2021, la société demande à la cour de:

– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux du 12 février 2021 en toutes ses dispositions

Avant dire droit :

– ordonner une mesure d’expertise judiciaire sur pièces et nommer un expert qui aura pour mission de :

* se faire remettre l’entier dossier médicale de M. [R] par la caisse et/ou son service médical,

* retracer l’évolution des lésions de M. [R],

* retracer les éventuelles hospitalisations de M. [R],

* déterminer si l’ensemble des lésions à l’origine de l’ensemble des arrêts de travail pris en charge peuvent résulter directement et uniquement de l’accident du travail survenu le 5 septembre 2013,

*déterminer quels sont les arrêts et lésions directement et uniquement imputables à cet accident du travail,

* déterminer si une pathologie évoluant pour son propre compte et indépendante de l’accident du travail est à l’origine d’une partie des arrêts de travail,

* dans l’affirmative, dire si le mécanisme accidentel décrit a pu aggraver ou révéler cette pathologie ou si, au contraire, cette dernière a évolué pour son propre compte,

* fixer la date à laquelle l’état de santé de M. [R] directement et uniquement imputable à l’accident du travail survenu le 5 septembre 2013 doit être considéré comme consolidé,

* convoquer uniquement la société et la caisse, seules parties à l’instance, à une réunion contradictoire,

* adresser aux parties un pré-rapport afin de leur permettre de présenter d’éventuelles observations et ce avant le dépôt du rapport définitif,

– juger que les opérations d’expertises devront se réaliser uniquement sur pièces, en l’absence de toute convocation ou consultation médicale de l’assuré et ce, en vertu des principes de l’indépendance des rapports et des droits acquis de l’assuré,

– ordonner dans le cadre du respect des principes du contradictoire, du procès équitable et de l’égalité des armes entre les parties du procès, la communication de l’entier dossier médical de M. [R] par la caisse au Dr [W], médecin consultant de la société, demeurant [Adresse 1] et ce, conformément aux dispositions des articles L. 142-10 et R. 142-16-3 de code de la sécurité sociale,

-juger que les frais d’expertises seront entièrement mis à la charge de la caisse,

– dans l’hypothèse où des arrêts de travail ne seraient pas en lien de causalité direct et certain avec la lésion initiale, la juridiction devra déclarer ces arrêts inopposables à la société.

La société fait valoir en substance :

– il existe un doute sérieux sur le lien de causalité direct et certain entre le sinistre et l’ensemble des arrêts de travail

– il existe incontestablement des éléments démontrant l’existence d’une pathologie différente et antérieure qui peut avoir influencé sur la durée des arrêts de travail

– outre que son médecin traitant lui a délivré un arrêt de travail de 15 jours seulement, il a relevé l’existence d’une hernie déjà installée

– son médecin conseil conclut que l’accident a vraisemblablement dolorisé un état lombosciatique connu en lien avec une hernie discale préexistante, avec retour à l’état antérieur à compter du 8 novembre 2013 et relève que cette pathologie n’a pas empêché le salarié de reprendre le travail à compter du 3 février 2014

– la présence d’un état antérieur est suffisant pour mettre en oeuvre une expertise qui précisera si cet état a été décompensé par le sinistre et son incidence sur les arrêts de travail.

Par ses dernières conclusions, enregistrées le 26 juillet 2021, la caisse sollicite de la cour qu’elle :

– confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 février 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux

– déboute la société de l’ensemble de ses demandes

– condamne la société au paiement d’une somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

La caisse fait valoir en substance :

– la réalité de l’accident du travail n’étant pas remise en cause, elle est fondée à se prévaloir de la présomption de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale, qui s’attache à l’ensemble des arrêts de travail délivrées et des soins prescrits jusqu’à la date de guérison

– pas plus qu’en première instance, la société ne rapporte la preuve qu’ils ont une cause étrangère au travail

– la société ne rapporte aucun commencement de preuve caractérisant un motif légitime fondant sa demande d’expertise.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

I – Sur l’imputation des arrêts de travail délivrés et de soins prescrits au compte employeur de la société

La présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’étend pendant toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime, et il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire en établissant que les arrêts de travail et les soins prescrits en conséquence de l’accident résultent d’une cause totalement étrangère au travail, cause étrangère caractérisée par la démonstration que la longueur des soins et arrêts est la conséquence d’un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte.

La durée, même apparemment longue des arrêts de travail, ne permet pas de présumer que ceux-ci ne sont pas la conséquence de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle.

En l’espèce le salarié a bénéficié de prolongations successives de l’arrêt de travail initial et a été indemnisé pour les soins et arrêts de travail au titre de la législation professionnelle jusqu’à sa consolidation arrêtée à la date du 31 janvier 2016. Il s’en déduit que la décision de prise en charge des arrêts de travail délivrés jusqu’au 3 mars 2014 et des soins prescrits jusqu’au 31 janvier 2016 est opposable à la société.

Pour justifier de l’existence d’un état pathologique antérieur, singulièrement une hernie discale, la société se prévaut des conclusions tirées par le docteur [W] du libellé des certificats médicaux établis.

Pour confirmer la décision déférée dans ses dispositions qui jugent opposable à la société la totalité des soins prescrits et des arrêts de travail délivrés à la suite de l’accident du travail dont le salarié a été victime le 5 septembre 2013, il convient de relever que nonobstant la mention d’une hernie discale et/ou de lombalgies chroniques les certificats médicaux de prolongation, à l’exception uniquement de celui délivré le 1er février 2014, font état à l’identique du certificat médical initial d’une lombosciatique gauche; que la société ne rapportant pas en l’état des éléments qu’elle produit la preuve qui lui incombe d’un état pathologique antérieur de nature à exclure le rôle causal du travail, la conviction du docteur [W] tenant à un retour à l’état antérieur à compter du 8 novembre 2013 et la reprise du travail par le salarié, à temps partiel le 3 février 2014, à temps complet à compter du 3 mars 2014, n’y suppléant pas, échoue à renverser la présomption d’imputabilité sus énoncée ; qu’il n’y a donc pas lieu d’ordonner une expertise laquelle ne saurait avoir pour objet de pallier la carence de la société dans l’administration de la preuve.

II- Sur les dépens et les frais irrépétibles

La décision déférée mérite confirmation dans ses dispositions qui condamnent la société aux dépens.

La société, qui succombe devant la Cour, doit supporter les dépens d’appel, au paiement desquels elle sera condamnée.

L’équité commande de ne pas laisser à la caisse la charge de ses frais non compris dans les dépens. En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la société sera condamnée à lui verser 500 euros.

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