COUR D’APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 27 AVRIL 2023
N° RG 19/05286 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LIHE
EURL CHANTIER NAVAL [U]
SCI A’DHOC
c/
Monsieur [C] [B]
Monsieur [H] [P]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 29 août 2019 (R.G. 19/4243) par la 1ère chambre civile du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 07 octobre 2019
APPELANTES :
EURL CHANTIER NAVAL [U]
Représentée en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au siège social sis [Adresse 4]
société radiée
SCI A’DHOC
prise en la personne de son gérant en exercice
[Adresse 3]
placée en liquidation judiciaire
Représentées par Me Sylvain LEROY de la SELARL LEROY-GRAS, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
Monsieur [C] [B]
né le 21 Août 1951 à [Localité 8]
de nationalité Française
Profession : Auto entrepreneur exerçant son activité sous la dénomination Chantier naval Espace Marine [Adresse 4] à [Localité 10] inscrit au RCS de Bordeaux sous le n° 422 199 695
demeurant [Adresse 5]
Représenté par Me STEVENIN substituant Me Jean-François FERRAND, avocat au barreau de BORDEAUX
INTERVENANT :
[H] [P]
né le 11 Juillet 1976 à [Localité 9]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 3]
Venant aux droits de L’EURL CHANTIER NAVAL [U],société radiée le 28 octobre 2021 par suite de la transmission universelle du patrimoine réalisée le 18 octobre 2021 et es qualité de liquidateur amiable de la SCI A’DHOC
Représenté par Me Sylvain LEROY de la SELARL LEROY-GRAS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 27 février 2023 en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Paule POIREL, Président,
Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,
Madame Christine DEFOY, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE
Par acte notarié du 19 juin 2013, la société civile immobilière (SCI) Pallus du Vallier a vendu à la SCI A’Dhoc, représentée par M. [N] [U], un ensemble aménagé pour l’exploitation de gardiennage et réparation de bateaux de plaisance, situé à [Localité 10], ‘Pallus du Vallier’, consistant en un terrain et un bâtiment, cadastrés section AK n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2].
Cette cession ayant entraîné une division des parcelles initialement cadastrées section AK n°[Cadastre 6] et [Cadastre 7] et une modification de la configuration des lieux, il a été convenu entre les parties à l’acte des servitudes réciproques, soit :
– une servitude d’alimentation en eau et en électricité au profit de la SCI Pallus du Vallier, fonds dominant, stipulée en page 9 de l’acte dans les termes suivants : ‘La partie restant la propriété du vendeur reste alimentée en eau et électricité au moyen de deux sous-compteurs, eux-mêmes alimentés par des compteurs principaux se trouvant dans l’immeuble présentement vendu’ ;
– une servitude de passage au profit de la SCI Pallus du Vallier, fonds dominant, visée en page 7 de l’acte comme suit : ‘Afin de permettre la desserte des parcelles restant la propriété du vendeur, il sera constitué au profit des parcelles restant sa propriété et sur les parcelles, objet de la présente vente, une servitude réelle et perpétuelle de passage en tout temps à toutes heures (…)’ ;
– une servitude de passage au profit de la SCI A’Dhoc, fonds dominant, prévue en page 8 de l’acte, aux termes duquel : ‘ll est conféré à l’acquéreur aux présentes et aux propriétaires successifs des parcelles objets des présentes et à la condition exclusive qu’il exploite dans le bien objet des présentes une activité de gardiennage et de réparation de bateaux de plaisance, un droit de passage sur le lot 3, tel que figuré en jaune sur le plan, le tout jusqu’à la cale de mise à l’eau. Ce droit est conféré à l’acquéreur et à ses préposés et aux propriétaires successifs et à leurs préposés (…)’.
Le 1er juillet 2013, M. [N] [U] a créé l’Eurl Chantier Naval [U],déclarant comme principales activités de l’entreprise : ‘Réparation et entretien de bateaux de plaisance, location d’emplacements pour le stockage des bateaux de plaisance, vente d’accastillages et de bateaux de plaisance’.
La SCI A’Dhoc a loué son terrain à l’Eurl Chantier Naval [U] où elle exerce ses activités.
Le 28 décembre 2016, la SCI Pallus du Vallier a quant à elle concédé à M. [C] [B] une autorisation d’exercice d’activité professionnelle (‘Manutention, entretien, hivernage à sec de bateaux de plaisance, camping-car et caravanes’) sur son fonds, pour, l’année 2017 et renouvelable ‘par consentement des deux parties’.
Les relations entre M. [C] [B] et l’Eurl Chantier Naval [U] se sont rapidement détériorées, chacun reprochant à l’autre des entraves à l’exercice de son activité professionnelle et le non-respect des servitudes stipulées au profit du fonds qu’il occupe dans l’acte du 19 juin 2013.
Suite à plusieurs mises en demeure adressées par l’intermédiaire de leurs conseils respectifs et demeurées sans effet, et à l’échec d’une tentative de règlement amiable de leurs différents, M. [C] [B] a, par actes d’huissier délivrés les 29 et 30 août 2018, fait assigner l’Eurl Chantier Naval [U] et la SCI A’Dhoc devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux, aux fins notamment de leur voir enjoindre solidairement de supprimer le disjoncteur installé par l’Eurl Chantier Naval [U], et de voir ordonner sous astreinte le rétablissement d’une alimentation directe à son profit.
Par ordonnance du 25 février 2019, le juge des référés, rejetant la demande principale de M. [B] quant au rétablissement de la servitude d’alimentation en électricité, et faisant droit à la demande reconventionnelle de l’Eurl Chantier Naval [U] et de la SCI A’Dhoc relative à la servitude de passage, a :
– ordonné à M. [C] [B] de supprimer la barrière installée sur le chemin de servitude, et à rétablir l’accès à la servitude de passage sur une largeur de 7 mètres, dans le délai de cinq jours à compter de la signification de la présente décision, passé lequel courra à son encontre tme astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard durant deux mois,
– rejeté toutes autres demandes,
– condamné M. [C] [B] aux entiers dépens de l’instance.
Invoquant une coupure complète de l’alimentation électrique du fonds sur lequel il exerce son activité postérieurement à cette ordonnance, en violation de la servitude d’alimentation en eau et électricité dont il s’estime bénéficiaire en tant qu’ occupant du fonds dominant dont la SCI Pallus du Vallier est propriétaire, M. [B], après y avoir été autorisé par ordonnance sur requête du 18 avril 2019, a, par acte signifié les 2 et 3 mai 2019, assigné à jour fixe l’Eurl Chantier Naval [U] et la SCI A’Dhoc devant le tribunal de grande instance de Bordeaux.
Par jugement rendu le 29 août 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a:
– rejeté l’exception de nullité de l’assignation soulevée par la SCI A’Dhoc et l’Eurl Chantier Naval [U],
– déclaré M. [C] [B] recevable en ses demandes,
– dit que la servitude d’alimentation en électricité stipulée dans l’acte notarié du 19 juin 2013 à la charge du fonds de la SCI A’Dhoc, et au profit du fonds dont est propriétaire la SCI Pallus du Vallier, consiste en un accès direct par le sous-compteur n° 4 situé dans l’armoire électrique implantée sur le fonds servant jusqu’au compteur de l’armoire électrique du fonds dominant sur lequel sont présentes six prises électriques, et située sur la parcelle à la gauche du hangar,
– ordonné à la SCI A’Dhoc et à son locataire l’Eurl Chantier Naval [U] de procéder au rétablissement de l’alimentation directe en électricité ainsi décrite et résultant de la servitude dans le mois de la signification du présent jugement,
– dit qu’il appartiendra dans le même délai à la SCI A’Dhoc et à son locataire l’Eurl Chantier Naval [U] de modifier l’installation électrique existante de façon à ce que
le disjoncteur général implanté dans l’armoire électrique du fonds servant ne fasse pas obstacle à l’alimentation directe en électricité du fonds dominant,
– passé ce délai, condamné in solidum la SCI A’Dhoc et l’Eurl Chantier Naval [U] à payer à M. [C] [B] une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard, et ce, pendant un délai de 4 mois,
– débouté la SCI A’Dhoc et l’Eurl Chantier Naval [U] de l’ensemble de leurs demandes reconventionnelles,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum la SCI A’Dhoc et l’Eurl Chantier Naval [U] aux dépens de l’instance,
– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement,
– rejeté toutes autres demandes comme non fondées.
Par déclaration électronique en date du 7 octobre 2019, enregistrée sous le n° RG 19/05286, l’Eurl Chantier Naval [U] et la SCI A’Dhoc ont relevé appel de cette décision, limité aux dispositions ayant :
– dit que la servitude d’alimentation électrique stipulée dans l’acte notarié du 19 juin 2013 à la charge du fonds de la SCI A’Dhoc, et au profit du fonds dont est propriétaire la SCI Pallus du Vallier, consiste en un accès direct par le sous-compteur n° 4 situé dans l’armoir électrique implantée sur le fonds servant jusqu’au compteur de l’armoire électrique du fonds dominant sur lequel sont présentes six prises électriques, et située sur la parcelle à gauche du hangar;
– ordonné à la SCI A’Dhoc et à son locataire l’Eurl Chantier Naval [U] de procéder au rétablissement de l’alimentation directe en électricité ainsi décrite et résultant de la servitude dans le mois de la signification du présent jugement;
– dit qu’il appartiendra dans le même délai à la SCI A’Dhoc et à son locataire l’Eurl Chantier Naval [U] de modifier l’installation électrique existante de façon à ce que le disjoncteur général implanté dans l’armoire électrique du fonds servant ne fasse pas obstacle à l’alimentation directe en électricité du fonds dominant;
– condamné, passé ce délai, in solidum la SCI A’Dhoc et l’Eurl Chantier Naval [U] à payer à M. [B] une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard, et ce pendant un délai de 4 mois;
– débouté la SCI A’Dhoc et l’Eurl Chantier Naval [U] de l’ensemble de leurs demandes reconventionnelles, et en ce qu’il a Ordonné l’exécution provisoire.
M. [H] [P] venant aux droits de l’Eurl Chantier Naval [U] et M. [H] [P] intervenant volontairement à l’instance, es qualité de liquidateur amiable de la SCI A’Dhoc, dans ses dernières conclusions d’appelant en date du 16 février 2022, demande à la cour au visa de l’article 1199 du code civil et la norme NF-100, de: Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau,
– déclarer M. [C] [B] irrecevable en l’ensemble de ses prétentions formées à l’encontre de l’Eurl Chantier Naval [U].
– débouter M. [C] [B] de ses entières demandes, fins et prétentions,
– condamner M. [C] [B] à verser à M. [H] [P], venant aux droits de l’Eurl [U], la somme de 1.443,37 euros au titre de sa consommation électrique arrêtée au 30 juin 2019;
– condamner M. [C] [B] à verser à M. [H] [P], venant aux droits de l’Eurl [U], la somme de 455,72 euros au titre de sa consommation d’eau arrêtée au 30 juin 2019;
– condamner M. [C] [B] à verser à M. [H] [P], venant aux droits de l’Eurl [U], la somme de 10 000,00 euros pour concurrence déloyale ;
– condamner M. [C] [B] à verser à M. [H] [P], venant aux droits de l’Eurl Chantier Naval [U] et es qualité de liquidateur amiable de la SCI A’Dhoc, la somme de 10.000 euros, au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
M. [C] [B], dans ses dernières conclusions d’intimé en date du 13 mai 2022, demande à la cour, de :
– déclarer l’intimé recevable et bien fondé en ses demandes,
– débouter les appelants de toutes leurs demandes,
– confirmer la décision du tribunal de grande instance de Bordeaux du 29 août 2019 dans toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
– condamner M. [H] [P], en tant que liquidateur de la SCI A’Dhoc et venant aux droits de l’Eurl Chantier Naval [U] à verser à M.[C] [B] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamner les mêmes aux entiers dépens
L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 février 2023.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
L’affaire a été évoquée à l’audience du 27 février 2023 et mise en délibéré au 27 avril 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
– Sur l’établissement de l’alimentation directe en électricité résultant de la servitude,
Dans le cadre de son appel, M. [H] [P], venant aux droits de l’EURL Chantier Naval [U] et intervenant volontairement à l’instance en tant que liquidateur amiable de la SCI A’Dhoc, critique le jugement déféré qui a ordonné solidairement à la SCI A’Dhoc et à l’Eurl Chantier Naval [U] de procéder au rétablissement de l’alimentation directe en électricité au profit du fonds dominant sur lequel M. [C] [B] exerce son activité et à modifier l’installation électrique existante de façon à ce que le disjoncteur général implanté dans l’armoire électrique du fonds servant ne fasse pas obstacle à l’alimentation directe en électricité du fond dominant.
Au soutien de ses prétentions, l’appelant fait valoir tout d’abord en application de l’article 1119 du code civil et du principe de l’effet relatif des contrats, que l’Eurl Chantier Naval [U] n’était pas partie à l’acte notarié constituant la servitude du 19 juin 2013, en sorte qu’elle doit être mise hors de cause.
Un tel moyen parfaitement inopérant ne pourra qu’être écarté par la cour, dès lors que la servitude n’est pas un droit personnel mais un droit réel liant le fonds dominant et le fonds servant dont les bénéficiaires successifs du fonds dominant peuvent bénéficier et dont les occupants du fonds servant à contrario sont débiteurs, même s’ils n’ont pas été parties à l’acte initial créateur de la servitude.
Dès lors, c’est à juste titre que le jugement entrepris a condamné l’Eurl Chantier Naval [U] à procéder au rétablissement de l’alimentation directe en électricité au profit du fonds dominant sur lequel M. [C] [B] exerce son activité, dès lors que l’EURL Chantier Naval [U] occupait au moment où a été rendue la décision attaquée le fonds servant dont la SCI A’Dhoc était propriétaire.
L’appelant sera donc débouté de sa demande tendant à voir mettre hors de cause L’EURL Chantier Naval [U] en application du principe de l’effet relatif des contrats.
M. [H] [P] critique ensuite le jugement déféré au motif qu’en imposant à la SCI A’Dhoc et à l’Eurl Chantier Naval [U] de fournir de l’électricité à M. [B] et de supprimer tout disjoncteur intermédiaire entre le disjoncteur général et le fonds dominant, il a contrevenu aux normes légales et contractuelles et plus généralement aux règles de sécurité qui s’imposent.
En effet, se fondant sur l’article 1102 du code civil qui pose le principe de la liberté contractuelle sous réserve toutefois de ne pas déroger aux règles qui intéressent l’ordre public, M. [P] se prévaut de la norme NF ‘ C 15-100 qui impose que ‘tout circuit doit être doté d’une protection contre les surintensités, assurée obligatoirement par un disjoncteur’, pour considérer que le jugement déféré est illégal en ce qu’il a imposé à ces deux sociétés la violation des normes de sécurité en vigueur et du contrat de fourniture d’électricité d’autre part.
M. [B] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a imposé à la SCI A’Dhoc et à l’Eurl Chantier Naval [U] de respecter la servitude d’électricitéé, rappelant que :
– à compter du mois de juin 2018, la ligne électrique alimentant la servitude (panneau de 6 prises électriques utilisées par l’occupant du fonds dominant) a été modifiée par l’installation d’un disjoncteur, sur le compteur principal, ainsi que cela ressort du courrier que lui a adressé la SCI A’Dhoc le 5 avril 2018.
– à compter du mois de février 2019, l’alimentation de cette prise a été supprimée, ainsi que le démontre le témoignage de Mme [X],
– cette situation lui est préjudiciable, nuisant à sa réputation et l’exposant à un risque d’impayés de la part de ses clients installés sur son terrain.
A ce titre, il convient de rappeler que le jugement déféré a ‘ordonné à la SCI A’Dhoc et à son locataire L’EURL Chantier Naval [U] de modifier l’installation électrique existante de façon à ce que le disjonteur général implanté dans l’armoire électirique du fonds servant ne fasse pas obstacle à l’alimentation directe en électricité du fonds dominat’.
A aucun moment la décision attaquée n’a ordonné à la SCI A’Dhoc et à l’EURL Chantier Naval [U] d’enlever le disjoncteur, le jugement déféré précisant même à ce titre que ‘si la suppression du disjoncteur ne sera pas ordonnée pour des raisons de sécurité, il appartiendra nénamoins à la SCI A’Dhoc de modifier l’installation existante de façon à ce que la présence du disjoncteur, obligatoire en terme de sécurité, ne fasse pas obstacle à l’accès direct en électricité’ tel que prévu par l’acte notarié du 19 juin 2013 et libellé comme suit ‘La partie restant la propriété du vendeur reste alimentée en eau et en électricité au moyen de deux sous-compteurs, eux-mêmes alimentés par des compteurs principaux se trouvant dans l’immeuble présentement vendu’.
Par conséquent, dès lors que le jugement entrepris n’a nullement ordonné de procéder à l’enlèvement du disjoncteur, M. [H] [P] ne peut valablement faire grief au jugement déféré d’avoir contrevenu aux nomes de sécurité et en particulier d’avoir violé les prescritions de la norme NF ‘ C 15-100, imposant la mise en place d’un disjoncteur pour éviter des surintensités.
Il en résulte que la réformation du jugement ne pourra être obtenue sur ce fondement.
En tout état de cause, il résulte des divers constats d’huissier versés aux débats par M. [B], ainsi que des diverses attestations produites par l’intimé, que l’alimentation directe en éléctricité sur son fonds, telle que prévue par l’acte notarié du 19 juin 2013, a été gravement affectée du fait des occupants du fonds servant.
Ainsi, à compter du mois de juin 2018, l’installation électrique, telle qu’initialement prévue pour alimenter directement le fonds sur lequel se trouvait M. [B], constituée d’un panneau avec six prises électriques, n’a plus été fonctionnel et qu’y a été substitué une simple prise électrique posée sur un poteau, qui, au regard de son faible voltage, ne permettait pas d’obtenir une alimentation suffisante en électiricité.
Il résulte également des attestations concordantes de ce chef de M. [Z] [L] et de M. [E] [J] de ce qu’en février 2019, l’alimentation de cette prise a été coupée, ce qui constitue une violation manifeste de l’obligation incombant aux propriétaire et aux occupant du fonds servant de fournir directement de l’électricité à M. [B].
Dans ces conditions, le jugement déféré ne pourra qu’être confirmé en ce qu’il a ordonné à la SCI A’Dhoc et à son locataire l’EURL Chantier Naval [U] de procéder
au rétablissement de l’alimentation directe en électricité ainsi décrite et résultant de la servitude dans le mois de la signification du présent jugement et en ce qu’elle a enjoint aux mêmes de modifier l’installation électrique existante de façon à ce que le disjoncteur général implanté dans l’armoire électrique du fonds servant ne fasse pas obstacle à l’alimentation directe en électricité du fonds dominant.
Il convient toutefois de préciser, même si aucune demande n’a été formulée de ce chef par les parties que cette obligation incombera désormais à M. [H] [P] venant aux droits de l’EURL Chantier Naval [U], radiée le 28 octobre 2021 du registre du commerce et des sociétés par suite de la transmission universelle de son patrimoine et également en sa qualité de liquidateur de la SCI A’Dhoc.
Sur les demandes en paiement fondées sur les consommations en électricité et en eau
M. [P], venant aux droits de l’Eurl Chantier Naval [U], sollicite également la réformation de la décision attaquée qui l’a débouté de sa demande en paiement de factures d’eau et d’électricité dirigée contre M. [B], au motif que les factures produites par l’Eurl Chantier Naval [U] n’étaient pas suffisamment compréhensibles et probantes et que l’acte notarié du 19 juin 2023 ne prévoyait nullement un tel paiement.
Au soutien de ses prétentions, M. [P], venant aux droits de l’Eurl Chantier Naval [U], fait valoir que le silence de l’acte notarié ne peut aboutir à une situation de non droit et que M. [B], qui fait usage de l’eau et de l’électricité, doit régler le montant des factures afférentes à sa consommation. Une telle prétention est justifiée, selon lui, sur le fondement de la responsabilité civile contractuelle, telle que résultant de l’article 1194 du code civil aux termes duquel ‘les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi’.
A titre subsidiaire, M. [H] [P] maintient sa demande au titre de l’enrichissement sans cause, considérant que la fourniture en eau et en électricité à M. [B], a appauvri l’Eurl Chantier Naval [U], tandis qu’elle a corrélativement enrichi M. [B].
Dès lors, M. [P] sollicite la condamnation de M. [B] à verser à l’Eurl [U] la somme de 1 443,37 euros au titre de sa consommation électrique arrêtée au 30 juin 2019 et la somme de 455,72 euros au titre de sa consommation en eau à la même échéance.
M. [B] pour sa part demande la confirmation du jugement déféré sur ce point, considérant que les factures produites par son adversaire ne sont pas probantes, dès lors que :
– les périodes facturées sont inexactes, la période du 1 er février 2018 au 29 mai 2018 étant facturée deux fois ; que les index relevés sont inexacts ;
– l’abonnement électrique correspondant à la servitude est facturé 135,98 euros HT alors qu’Enedis facture l’abonnement au Chantier Naval [U] 9,45 euros HT par mois, soit 113,40 euros HT par an, étant précisé que trois personnes sont alimentées par cet accès,
– le chantier [U] lui facture le kWh 0,15 euros HT, alors qu’il le paye 0,0907 euros HT à son fournisseur, soit une marge d’un peu plus de 60 %.
S’il est incontestable que l’EURL Chantier Naval [U] doit, en vertu de la servitude stipulée à l’acte notarié du 19 juin 2013, fournir une alimentation directe en électricité et en eau au fonds actuellement occupé par M. [B], il s’ensuit que corrélativement l’équité commande, en application de l’article 1194 du code civil, que l’occupant du fonds dominant règle le montant de ses consommations d’électricité et d’eau, même si cela n’a pas été expréssement prévu par l’acte notarié du 19 juin 2023. C’est donc à juste titre que M. [P] entend voir condamner M. [B] au paiement de ces factures sur un fondement contractuel.
Au soutien d’une telle demande, M. [H] [P] produit en sa pièce 24 trois factures d’électricité pour la période allant du 1er février 2017 au 13 juin 2018, la période du 1er février 2017 au 29 mars 2017 étant cependant comptée en double.
Toutefois, ces factures établies manifestement par l’EURL Chantier Naval [U] n’ont aucune valeur probante, dès lors qu’il s’agit d’éléments de preuve qu’elle s’est elle-même constituée et dont les bases de calcul ne sont pas clairement établies.
En outre, les relevés de compteur figurant en pièces 25 résultent de photographies d’un compteur dont on ne sait avec certitude s’il s’agit de celui de M. [B] et dont il n’est pas acquis qu’ils aient été établis contradictoirement.
Les pièces 28 et 29 qui consistent en des factures d’eau dressées par l’EURL Chantier Naval [U] présentent les mêmes insuffisances que celles mises en exergue précédemment au titre des factures d’électricité, en sorte que leur caractère probant est discutable.
En outre, il n’est pas acquis que M. [B] doive supporter le coût de la facture d’un montant de 250 euros établi le 15 novembre 2017 par la société CEV, soit-disant pour l’installation d’un nouveau compteur d’eau, alors que ladite facture porte en réalité sur le déplacement, l’identification d’un câble d’alimentation triphasé et la pose d’un compteur d’énergie fourni par le client.
Conscient du caractère non probant des factures produites, M. [H] [P] persiste en ses demandes sur le fondement de l’enrichissement sans cause. Ce dernier est caractérisé, en application de l’article 1303 du code civil, lorsqu’une personne s’est enrichie au détriment d’une autre et que l’appauvrissement corrélatif qui en est résulté ne trouve sa justification, ni dans une convention ou une libéralité, ni dans une disposition légale ou règlementaire.
Or, en l’espèce, force est de constater que les conditions susvisées ne sont pas réunies: qu’aucun enrichissement de M. [B] n’est démontré et à fortiori un appauvrissement corrélatif de l’EURL Chantier Naval [U].
Dans ces conditions, M. [H] [P] défaillant dans la charge de la preuve de l’existence d’une quelconque créance certaine liquide et exigible à l’égard de M. [B] ne pourra qu’être débouté de ses demandes en paiement de factures en sorte que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur les demandes fondées sur la concurrence déloyale
L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer’.
Se fondant sur la disposition précitée, l »appelant soutient que M. [B] a délibérément obstrué l’accès à la Garonne du chantier [U] et qu’il a fait supporter indûment sa consommation d’eau et d’électricité à l’Eurl Chantier Naval [U], comportement qui a nuit gravement à la santé financière de la SCI A’Dhoc et de l’Eurl Chantier Naval [U].
Il ajoute que M. [B] et le gérant de la SCI Pallus du Vallier n’ont eu de cesse de dénigrer et de faire usage de pratique abusive à l’égard l’Eurl Chantier Naval [U], de tels agissements ayant mené à la cessation de son activité.
Considérant que l’ensemble de ces faits sont constitutifs d’actes de concurrence déloyale, il en conclut que le préjudice qu’il subi s’élève à ce titre à la somme de 10 000 euros.
M. [B] pour sa part demande la confirmation du jugement, lequel a rejeté les demandes fondées sur la concurrence déloyale.
Si l’action en concurrence déloyale, notion purement prétorienne, se fonde effectivement sur l’article 1240 du code civil, elle suppose des agissements fautifs de la part de son auteur, comme le parasitisme, le dénigrement, une recherche de confusion, qui ont pour effet de désorganiser un concurrent et donc de lui causer un préjudice.
Or, en l’espèce les griefs qui sont articulés par M. [H] [P] ne sont étayés par aucun élément objectif, pas plus que le préjudice économique allégué par celui-ci. En outre, il n’est nullement établi que les difficultés économiques rencontrées par l’EURL Chantier Naval [U] puissent être en lien de quelque nature que ce soit avec les agissements imputés à l’intimé.
Dans ces circonstances, la cour ne pourra que confirmer le jugement entrepris qui a débouté la SCI A’Dhoc et l’EURL Chantier Naval [U] de leurs demandes formées de ce chef.
Sur les autre demandes,
Les dispositions prises en application de l’article 700 du code de procédure et des dépens en première instance seront confirmées.
M. [P] sera débouté de ses demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.
Il sera par ailleurs condamné, en tant que liquidateur de la SCI A’Dhoc et en ce qu’il vient aux droits de L’EURL Chantier Naval [U] à payer à M. [C] [B] la somme de 5000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de la procédure