COUR D’APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 26 Avril 2023
N° RG 21/02480 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FW5M
VTD
Arrêt rendu le vingt six Avril deux mille vingt trois
Sur APPEL d’une décision rendue le 09 novembre 2021 par le Tribunal de commerce d’AURILLAC (RG n° 2020J31)
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
Madame Virginie DUFAYET, Conseiller
En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé
ENTRE :
M. [S] [W]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentant : la SCP VILLATTE-DESSERT, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANT
ET :
La société BFB AUTOMOBILES
SAS immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le n° 453 332 462 00010
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentants : Me Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SELAS FIDAL, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (plaidant)
INTIMÉE
DÉBATS :
Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, à l’audience publique du 23 Février 2023, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame THEUIL-DIF, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.
ARRET :
Prononcé publiquement le 26 Avril 2023 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La SARL BFB Automobiles exploite une concession de véhicules automobiles légers de marque Peugeot à [Localité 4] (63).
Elle a entretenu des relations étroites avec la SAS [Localité 1] Automobiles, expert Peugeot de son secteur, et a souhaité faciliter leurs transactions financières dans le cadre d’une opération économique globale.
Ainsi, suivant acte sous seing privé du 21 février 2014, les deux sociétés ont conclu une convention de compte-courant assortie d’un acte de cautionnement du solde débiteur du compte au profit de la SARL BFB Automobiles par M. [S] [W], alors président de la SAS [Localité 1] Automobiles, cautionnement souscrit dans la limite de 300 000 euros.
La SAS [Localité 1] Automobiles a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d’Aurillac du 22 janvier 2016, et la SELARL Sudre désignée en qualité de liquidateur.
Le 24 mars 2016, la SARL BFB Automobiles a déclaré sa créance dans le cadre de la procédure collective de la SAS [Localité 1] Automobiles, à hauteur de 307 678,98 euros, après compensation des créances réciproques.
Des règlements étant intervenus mais un solde restant dû, la SARL BFB Automobiles a, le 5 avril 2019, mis en demeure M. [W] ès qualités de caution, d’avoir à lui payer une somme de 70.208,98 euros.
Puis, par acte d’huissier du 11 août 2020, la SARL BFB Automobiles a fait assigner M. [S] [W] devant le tribunal de commerce d’Aurillac aux fins de le voir condamner au paiement des sommes suivantes :
– 70 208,98 euros à titre principal ;
– 2 500 euros au titre de l’inexécution du contrat de cautionnement ;
– 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
– 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 9 novembre 2021, le tribunal a :
– condamné M. [W] à payer à la SARL BFB Automobiles la somme de 50 000 euros correspondant au solde de son engagement ;
– débouté la SARL BFB Automobiles de ses demandes tant au titre de l’inexécution contractuelle qu’à titre des dommages et intérêts ;
– condamné M. [W] à payer à la SARL BFB Automobiles la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [W] aux dépens.
Le tribunal a énoncé :
– que les mentions manuscrites apposées dans l’acte étaient conformes aux prescriptions des articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation ; que la double qualité de M. [W], qui avait agi en tant que représentant de la société débitrice d’une part, et en son nom propre, comme caution personnelle de celle-ci d’autre part, n’imposait pas la nécessité d’une double signature comme condition de validité de l’acte ; que l’acte de cautionnement du 21 février 2014 serait déclaré valable ;
– qu’en outre, M. [W] avait exécuté volontairement l’engagement de caution en 2017 et 2018, en établissant deux chèques, l’un de 225 000 euros et l’autre de 25 000 euros ; qu’en présence d’un commencement d’exécution, M. [W] devait être débouté de son exception de nullité ;
– que M. [W] avait honoré son engagement à hauteur de 83 % avant l’assignation et que la SARL BFB Automobiles devait ainsi être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 24 novembre 2021, M. [S] [W] a interjeté appel du jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 18 juillet 2022, l’appelant demande à la cour, au visa des articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation dans leur rédaction applicable lors de la signature du contrat de cautionnement, de l’article 1182 (ancien 1338) du code civil, de :
– dire et juger son appel recevable et bien fondé ;
– infirmer le jugement en ce qu’il l’ a condamné à payer à la SARL BFB Automobiles la somme de 50 000 euros correspondant au solde de son engagement de caution, et la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;
– statuant à nouveau :
– juger nul et de nul effet son acte de cautionnement du 21 février 2014 au profit de la SARL BFB Automobiles ;
– dire et juger qu’en conséquence, la SARL BFB Automobiles ne peut se prévaloir du contrat de cautionnement à son égard ;
– débouter la SARL BFB Automobiles de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
– condamner la SARL BFB Automobiles à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Il fait valoir que la mention manuscrite figurant en page 5 de la convention de compte courant du 21 février 2014, n’est pas suivie de sa signature de sorte qu’il n’a pas consenti à l’acte et que le cautionnement est nul. Il ajoute que la seule signature existante sur le document est celle apposée en fin de document par ‘la société [Localité 1] AUTOMOBILES, représentée par Monsieur [S] [W] son Président’ ; que la signature de la personne morale ne saurait suppléer l’absence de signature sous la mention manuscrite consacrant l’engagement de caution.
De surcroît, il considère qu’il n’a nullement été justifié qu’il aurait exécuté le cautionnement litigieux. Au surplus, il expose que seule la caution peut renoncer à la nullité de l’acte en confirmant son engagement irrégulier, à savoir en exécutant son obligation en connaissance de la nullité. Or, il n’est pas justifié qu’il aurait eu connaissance du vice et l’intention de le réparer.
Dans ses dernières conclusions reçues au greffe en date du 1er février 2023, la SARL BFB Automobiles demande à la cour, au visa des articles 2288 et suivants du code civil, 1217 et suivants du code civil, de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [W] à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de son engagement de caution ;
– le réformer pour le surplus et :
– condamner M. [W] à lui payer :
la somme de 2 500 euros au titre de l’inexécution du contrat de cautionnement ;
la somme de 2 000 euros au titre des dommages et intérêts ;
la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens dont distraction au profit de Me Sébastien Rahon.
Elle fait valoir que la signature de M. [W] apparaît après la reproduction des mentions manuscrites de l’étendue de son cautionnement ; que M. [W] n’a signé qu’une fois l’acte, étant à la fois président de la SAS [Localité 1] Automobiles et caution.
Par ailleurs, elle ajoute que l’exception de nullité dont se prévaut M. [W] est sanctionnée par une nullité relative qui est anéantie par l’exécution volontaire par la caution de son engagement irrégulier. Or, une somme totale de 250 000 euros a été payée par M. [W] au moyen de deux chèques.
Elle soutient que M. [W] qui n’a pas intégralement exécuté ses obligations contractuelles découlant de l’acte de cautionnement, lui a causé nécessairement un préjudice puisqu’elle a passé de longs mois à gérer les échelonnements et promesses non tenues de l’intéressé. De surcroît, elle fait valoir qu’elle a dû faire face à un manque de trésorerie tout en devant assurer son maintien dans des conditions satisfaisantes.
Il sera renvoyé pour l’exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 février 2023.
MOTIFS
– Sur la nullité du cautionnement
– L’article 1316-4 du code civil dans sa version applicable à la date de l’acte énonce que la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte.
Il résulte de ces dispositions que la double qualité en laquelle intervient le signataire d’un acte juridique, d’une part à titre personnel, et d’autre part en qualité de représentant d’un tiers, n’impose pas la nécessité d’une double signature comme condition de validité de l’acte (Cass. Com. 9 mai 2018, n°16-18.157 P).
En l’espèce, la ‘convention de compte courant et acte de cautionnement’ désigne les trois parties à l’acte :
– la SARL BFB Automobiles représentée par M. [X] [O] ;
– la SAS [Localité 1] Automobiles, représentée par M. [S] [W], président ;
– M. [S] [W], président de la SAS [Localité 1] Automobiles.
L’acte mentionne les engagements suivants :
‘Les relations entre les soussignés s’inscrivant dans le cadre d’une opération économique globale et portant sur des produits et services, il est convenu d’effectuer à effet au 1er août 2013 une compensation des créances et dettes liquides et exigibles résultant desdites transactions conformément aux dispositions des articles 1289 et suivants du code civil et ce jusqu’à concurrence de la plus faible.
Par ailleurs, il sera procédé à un arrêté des créances et dettes réciproques des sociétés BFB Automobiles et [Localité 1] Automobiles existantes au 31 juillet 2013, le solde ainsi arrêté sera alors comptabilisé au sein du compte-courant.
Ainsi, les soussignés s’engagent à laisser perdre leur individualité à leurs créances et à leurs dettes en les inscrivant en postes de’débit’ et de ‘crédit’, de façon à ce que le solde final résultant de la compensation de ces valeurs soit seul exigible. […]
Par ailleurs, les parties conviennent que dans le cas où le compte-courant ferait apparaître un solde débiteur au profit de la société BFB Automobiles, le paiement de ce solde sera garanti par un cautionnement de Monsieur [S] [W], président de la société [Localité 1] Automobiles’.
L’acte prévoit ainsi expressément que M. [W] s’engage au nom de la SAS [Localité 1] Automobiles en qualité de président, et en son nom personnel en qualité de caution.
Ainsi, la double qualité en laquelle intervient M. [W], signataire de l’acte litigieux, d’une part à titre personnel, et d’autre part en qualité de représentant de la société, n’impose pas la nécessité d’une double signature comme condition de validité de l’acte.
– Par ailleurs, l’article L.341-2 du code de la consommation dans sa version applicable, énonce que toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci :
‘En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même’.
De surcroît, l’article L.341-3 du code de la consommation dans sa version applicable, énonce que lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante :
‘En renonçant au bénéfice de discussion défini à l’article 2021 du code civil et en m’obligeant solidairement avec X… je m’engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement X…’.
La Cour de cassation impose le strict respect de l’ordre de présentation (mention manuscrite puis signature), reflétant la chronologie des événements. La vérification du positionnement de la signature sur l’acte permet de s’assurer qu’elle a bien été apposée par la caution après qu’elle a reproduit la mention manuscrite.
En l’espèce, M. [W] a repris de sa main les mentions des articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation, en page 5 de l’acte. Il ne conteste pas en être l’auteur.
Il soutient toutefois que la mention manuscrite n’est pas suivie de sa signature.
Si sa signature ne figure pas en bas de la page 5, elle est néanmoins présente en haut de la page 6, et aucune autre clause ne sépare cette mention de la signature. Il est seulement indiqué : ‘Fait à [Localité 1] le 21.02.2014″.
Dans ces circonstances, il doit être constaté que M. [W] a reproduit de sa main les mentions manuscrites obligatoires de son engagement de caution et sa signature apparaît après la reproduction des mentions manuscrites. L’exception de nullité doit donc être rejetée, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur la confirmation de l’acte nul, à défaut de retenir la nullité de l’acte.
– Sur les sommes dues par la caution
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné M. [W] à payer à la SARL BFB Automobiles la somme de 50 000 euros correspondant au solde de l’engagement de caution.
Par ailleurs, les préjudices invoqués par l’intimée au titre de l’inexécution des obligations par M. [W] ne sont pas établis et les demandes en ce sens seront rejetées.
Le jugement sera ainsi entièrement confirmé.
– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Succombant principalement à l’instance, M. [W] supportera les dépens d’appel et sera condamné à payer à l’intimée une somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La distraction des dépens sera ordonnée au profit de Me Rahon, avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.